Il y a du monde qui s’affaire dans la cour du château du Karreveld à Molenbeek. Une scène de vingt-cinq mètres y a été dressée. Le décor est en place. Les chanteurs et danseurs répètent encore à quelques jours de la première. Ensemble, ils vont redonner vie à Eva Perón, surnommée Evita, l’épouse du dictateur argentin Juan Perón, qui a marqué les années 40. Pour la première fois, la comédie musicale écrite par Andrew Lloyd Webber et Tim Rice en 1978 va être jouée en français. " Evita est une très belle histoire qui met en avant une personnalité que tout le monde connaît mais critique aussi ", explique Jack Cooper. Avec Daniel Hanssens, il est metteur en scène et à la tête du festival de théâtre Bruxellons! L’an dernier, les deux amis avaient monté "La mélodie du bonheur". Le succès les a encouragés : " Nous sommes partis vers une seconde comédie musicale. Là, on est déjà occupés à rêver à la 3 e , la 4 e , la 5 e … ", renchérit Daniel Hanssens.
Une sainte ou une putain
Adulée par certains, haïe par d’autres, Eva Perón est un modèle d’ambivalence. Son histoire a tout du rêve américain. Partie de rien, celle qui se prostituait dans son village est montée au sommet. Elle a obtenu le droit de vote pour les femmes et a donné beaucoup aux pauvres "mais en s’en mettant plein les poches aussi, facette que les gens ont tendance à oublier", précise Jack Cooper. "Parfois, elle donnait pour les photos et reprenait après", s’amuse Daniel Hanssens. Pas vraiment une sainte donc… Une histoire d’amour ? Pas sûr. Pour Daniel Hanssens " Juan Perón est tombé amoureux de la femme. Elle, elle est tombée amoureuse du pouvoir " . Mais une histoire politique, certainement. Les deux metteurs en scène ne le cachent pas. " On ne veut pas faire quelque chose d’édulcoré." Il y a un message dans ce musical : la politique des Perón n’était pas acceptable. Et pourtant, Evita est un personnage qu’on ne peut ni aimer ni détester complètement, c’est ce qui rend le personnage, et le spectacle, fascinants. Deborah De Ridder, belge néerlandophone a été choisie pour le rôle. Sa force et son professionnalisme ont fait pencher la balance. " Une évidence, on a tout de suite su que c’était elle."
Une organisation titanesque… et bénévole
Une comédie musicale avec un message fort, mais aussi des grands tableaux dansés et de belles chansons, promettent les metteurs en scènes. Un tango racontant la rencontre entre Juan et Eva, en pleine répétition annonce la couleur. Pendant que les couples s’entraînent sous le regard de Joëlle Morane, la chorégraphe, Jack Cooper rappelle : " Evita, c’est 27 personnes sur scène, 11 musiciens, plus de 130 costumes, une scène et un décor de taille." En tout, une cinquantaine de personnes gravitent autour du spectacle. Et hormis l’artistique et la technique, l’ensemble de l’équipe du Festival Bruxellons! est bénévole. Tout ce petit monde s’active depuis des mois pour offrir les 2 x 50 minutes des 25 représentations d’"Evita" ainsi qu’une quinzaine d’autres pièces de théâtre jusqu’à la fin septembre, certaines dans la grange du château, les autres en plein air. Et ce n’est pas les quelques gouttes de pluie qui commencent à tomber qui inquiètent les danseurs, imperturbables en plein tango. " On bénéficie d’un microclimat, il ne pleut pas beaucoup l’été à Molenbeek, plaisante Daniel Hanssens, en quatre ans de représentations, on a annulé seulement quatre fois." Et le temps qu’il prononce ces paroles, le soleil était revenu.
Château du Karreveld, festival Bruxellons!, du 11 juillet au 6 septembre. Infos et rés. 02.762.95.02;www.bruxellons.be
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