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administrateur théâtres

« Villa dolorosa » Genre : chronique intemporelle

Sur les planches du Théâtre des Martyrs, dans une agréable scénographie et des costumes signés Renata Gorka voici un partage  généreux et désespéré!

Oh le beau Samovar !   C’est le  cadeau  d’anniversaire détesté dans «  Villa dolorosa » (2009), une  comédie dramatique de l’auteur allemande Rebekka Kricheldorf qui met en scène une génération Y résignée, en panne d’inspiration devant la déliquescence du monde et l’absurdité du quotidien. Érosion des valeurs: les cadres aux murs sont intégralement vides. Pourtant les parents défunts ont abreuvé leur descendance de culture et l’on projetée dans ce que l’on appelle l’élite intellectuelle.  Las, les  jeunes  Freudenbach  sont totalement désœuvrés et pétris de mal-être. Ils n’ont aucune prise sur le présent. Soit ils batifolent dans le passé, soit, ils errent comme des âmes en peine dans un  improbable futur.   Les dessertes croulent sous la valse des bouteilles, l’alcool coule à flots. Le spleen est devenu du cuivre en fusion dont les reflets nimbent tous les costumes. Malgré la musique, l’enfer est proche.

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Et pourtant la villa est si belle, avec son vieux Chesterfield si accueillant, sa splendide verrière donnant sur un jardin plein d’exotisme, et le saule imaginaire est …tellement pleureur. Mais sous le tapis, la pourriture gagne, ni poudre de Perse ni naphtaline n’en viendront à bout. Et les filles dont le patronyme signifie « Rivière de joie »,  s’ébattent dans le grand espace vide, dans un rythme endiablé,  se mettant à nu comment si elles étaient à la plage. Se coupant la parole, gloussant, pleurant, se saoulant,  dysfontionctionnant à qui mieux mieux, liées par le sang, les désillusions, et les désirs excentriques, dans un jeu vertigineux et sans merci semé de rires et de pardons mutuels. Mais la fête d’anniversaire  est chaque fois  un  bien triste simulacre.  Où il apparaît que peut-être l’homme n’est pas doué pour le bonheur. Surtout si le bonheur, c’est l’utopie travail et celle des enfants heureux.   

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Dans ce huis-clos déboussolé et délirant, le monde est  vide et désenchanté, à la manière de celui des « Trois sœurs » de Tchékhov. C’est le nôtre. En plus grave encore?  Olga dans son tailleur de prof ( ah! l’admirable France Bastoen!) est toujours cette femme fidèle à elle-même, qui, bien que névrosée, tente de tenir l’équilibre familial à bout de bras, Irina ( Anne-Pascale Clairembourg) à elle toute seule un symbole d’une jeunesse en mal d’avenir, Macha ( Isabelle Defossé, plus tragique que jamais), cette amoureuse tourmentée, mal mariée avec Fiodor alias Martin qui habite l’appart d’en face. Compliqué ! Quand, toute jeune, elle est partie avec lui,  «C’étaient les hormones ! » avoue-t-elle.  Maintenant elle meurt de désir pour le ténébreux et placide Georg ( Nicolas Luçon), marié par ailleurs, avec une neurasthénique sans cesse au bord du suicide.

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Quand à la Natalia, la fiancée pétulante, celle-ci est ramassée dans un parc, puis devient la compagne d’Andreï ( incarné par le très charnel Thierry Hellin), leur frère à toutes, en constant  mal d’écriture, et à court d’argent. Elle s’appelle très prosaïquement Janine. Une « pauvre » lance-t-il en s’excusant. Certainement la plus craquante et la plus galvanisante de la bande. Elle affiche une tendresse inconditionnelle pour son loser de  mari, pour ses adorables enfants à la santé fragile, pour cette maison qui se lézarde.  Mais qui sait ? Peut-être est-elle la plus riche de toutes? Celle qui fuit le privilège de glandouiller, réfléchir,  être en dépression. Celle qui n’a renié ni le travail, ni les enfants.

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La cruauté et le désespoir ont  même envahi la langue. Un parler piquant, syncopé, brut, ivre,  désillusionné, fait de bombes et de propos cinglants. Ultra modernes, comme la solitude du même nom. Tout le monde parle en même temps, comme si la « vita dolorosa »,  devait être expulsée au plus vite  de leur être martyrisé.  Mais quand s’écoutent-ils vraiment? Le public, lui, est toute oreille, devant ce déferlement d’affects si magnifiquement interprétés. La luxuriance des mouvements  du corps et des postures fascine par leur modernité et leur présence. Cette pièce flirte avec   l’intensité d’un thriller fracassant : le dehors fait peur, la villa les protège, mais elle s’avère de plus en plus fragile. Seul leur lien familial les console, ou les airs d’opéra, une chance !  Le jeu partagé est extraordinaire et longtemps on pensera à la voix, à la silhouette, aux postures de  l’intrépide Janine ( l’exquise Deborah Rouach, on l’adore!), alerte et brillante,  qui refuse de frire dans le chaudron du temps immobile.

La pièce 4 étoiles de la semaine: «Villa Dolorosa», une découverte jouissive

Georges Lini dirige avec brio les désirs inassouvis de sa brochette de comédiens si bien choisis. Solistes émouvants,  les orphelins de la vie  vibrent à l’unisson dans cette épopée moderne du désenchantement. C’est magnifique et foisonnant.  

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Et si le paradis perdu était tout simplement de recommencer à travailler et à aimer? Champagne… ou vodka?

Mise en scène Georges Lini

Dominique-Hélène Lemaire, pour Arts et Lettres

De Rebekka Kricheldorf « VILLA DOLOROSA » Théâtre des Martyrs Bruxelles – 20.09 > 06.10.  Trois anniversaires ratés Librement inspiré des “Trois sœurs” de Tchekhov

Personnages:

« La famille » : Irina Freudenbach, 28 ans Olga Freudenbach, 37 ans Mascha Klepstedt-Freudenbach, 25 ans Andrej Freudenbach, 38 ans

Les « outsiders » rebaptisés Georg, 45 ans et  Janine, 20 ans

Compagnie Belle de Nuit

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Commentaires

  • administrateur théâtres

    Drôles et palpitants enfants de Tchekhov au théâtre des Martyrs Par Françoise Nice

    « Un samovar !?! Qui est-ce qui m’offre une merde pareille » ? D’emblée, on y est, dans cette fête d’anniversaire ratée, où Irina (Anne-Pascale Clairembourg) se traîne en déshabillé, et se désole de sa vie ennuyeuse. Elle glande, quoi. Elle prétend faire des études mais ne va pas à la fac. Ses sœurs Olga (France Bastoen) et Macha (Isabelle Defossé) sont issues du même moule : Macha la sensitive n’est plus heureuse en ménage mais n’osera pas prendre son envol avec l’ami de la famille, Georg (Nicolas Luçon), intellectuel raté qui traîne son boulet une épouse suicidaire chronique. Irina comme Macha parlent régulièrement de se suicider, et Macha ira jusqu’à la tentative. Olga est la seule à tenir debout grâce à son travail à l’école. Des trois soeurs, c’est celle qui semble la mieux ancrée, peut-être n’est-elle que celle qui refoule le mieux ses frustrations. Et puis il y a le frère, Andreï, (Thierry Hellin), qui mûrit un éternel projet de roman et qui refusera une bourse d’écriture affirmant… qu’il n’est pas prêt. Fuir le bonheur avant qu’il ne vous dévaste, surtout ne pas s’engager. Sur le plateau s’agite un sacré petit monde familial, une maisonnée remplie de vague à l’âme et de fêlures. Les orphelins de la famille Freudenbach sont restés des enfants, ils sont de magnifiques personnages de vaudeville, presque des archétypes, et pourtant dotés chacun d’une personnalité singulière. L’arrivée de Janine (Deborah Rouach) qu’Andrei a rencontrée au bar « Moscou » - écho malicieux de la célèbre réplique « A Moscou, à Moscou ! » - ne fera qu’ajouter une note discordante à ce cocon chaotique, où ça criaille, ça discutaille, se chamaille et s'étreint comme dans toute famille. Où l’on cache son propre vide en le frottant à celui des autres. Trois anniversaires, trois années qui passent : tout bouge, mais rien ne change. Здоровье!
    La scénographie (Renata Gorka) d’un salon s’ouvrant sur une véranda et une végétation touffue crée un effet d’aquarium, de microcosme où l’on observe ce petit monde bavarder et se voler dans les plumes sans pouvoir empêcher une fatale déréliction. Se savent-ils courir à l’abîme ? Oui. Ils souffrent avec le sourire, parlent de projets mais pas d’avenir, contrairement à l’univers de Tchekhov, où le futur faisait figure de Graal. Ils flottent dans le grand salon, entourés de cadres vides. Janine, personnage qui n’appartient pas à ce milieu petit-bourgeois, tentera de régenter cette folle et molle maisonnée, au nom du bébé Lucas qu’elle aura avec Andreï. Elle n’y arrivera pas, la parentalité apparait elle aussi n’être qu’un trompe-l’ennui : Les photos du bébé viennent peu à peu remplir les cadres vides, mais l’enfant reste absent.
    La langue traduite de l’allemand est celle d’aujourd’hui, avec force « fait ch… ». Mais tous les thèmes tchékhoviens y sont. Le metteur en scène Georges Lini dit être tombé amoureux de ces « Trois sœurs » revisitées par l’Allemande Rebekka Kricheldorf. Elle s’est manifestement amusée à brasser l’univers des pièces de Tchekhov, avec des clins d’œil aux personnages et à des situations d’autres pièces du répertoire tchékhovien. Qu’on les repère ou pas n’a pas d’importance, car, chez Tchekhov, l’essentiel est dans le jeu avec les vides et le sous-texte, avec une énorme confiance dans les acteurs et leur créativité. La cohésion entre les cinq comédiens est jubilatoire, le jeu est très incarné, chacun semble avoir été idéalement choisi et avoir excellemment trouvé son personnage. Du très beau travail, à tous les niveaux. On sort de ce spectacle heureux d’avoir passé un très bon moment. Pour une fois, il ne s’agit pas d’une « Tchekhoverie » caricaturée pour sonner contemporain, mais bien de cette façon que le Russe avait de nous faire rire, frémir de nos faiblesses sans jamais enfoncer le clou (du cercueil). On rit de toute cette banalité risible et souvent répétitive qu’est la vie. On se marre, on est touché puis on y repense : est-ce vraiment dans ce vide qu’on vit ? En regardant cette villa-vita dolorosa, cette bande de personnages sincères et drôlement pathétiques, on imagine Tchekhov dans la salle, son lorgnon sur le bout du nez. On se dit qu’il aurait aimé. Félicité l’équipe – les comédiennes un peu plus - et puis bu des coups avec Georges Lini et sa troupe. Et devisé avec Natacha Belova et Tita Iacobelli. Du 3 au 20 octobre, elles prendront la scène du Théâtre des Martyrs avec une «Tchaïka » librement inspirée de La Mouette, un spectacle créé et déjà primé au Chili. Sûr que Georges Lini fait sienne cette appréciation de Natacha Belova : « On ne joue pas du Tchekhov, on joue avec Tchekhov, avec ses personnages ».
    Villa Dolorosa, jusqu’au 6 octobre, Tchaïka du 3 au 20 octobre au Théâtre des Martyrs à Bruxelles ( photo Sébastien Fernandez)

    L’image contient peut-être : 3 personnes, personnes assises, chaussures, enfant, table et plein air
  • administrateur théâtres

    THEÂTRE. « Villa dolorosa » – Rebekka KRICHELDORF / Georges LINI – Théâtre des Martyrs Bruxelles – 20.09 > 06.10.

    Le premier spectacle de la saison 2019-20 aux Martyrs sera une création : Villa dolorosa, une pièce de l’auteure allemande Rebekka Kricheldorf inspirée des Trois soeurs de Tchekhov.

    Plus qu’une adaptation, cette réécriture de l’oeuvre est une comédie dramatique contemporaine cinglante et touchante à la fois, un véritable « carnage verbal », comme le dit l’auteure elle-même.

    « Chacune des trois soeurs suit, entre conversations absurdes, philosophiques et vapeurs d’alcool, un véritable chemin de croix. Et leur calvaire est jubilatoire », explique le metteur en scène Georges Lini.

    Avec cette savoureuse et décapante Villa dolorosa, Georges Lini et la Compagnie Belle nuit poursuivent à merveille le travail de résonances des oeuvres classiques pour les spectateurs d’aujourd’hui.

    LE SPECTACLE EN QUELQUES MOTS

    Irina, Macha, Olga et Andrei doivent leurs prénoms à des parents russophiles admirateurs de Tchekhov. Dans leur monde, où leur culture ne leur semble d’aucune aide, puisqu’à l’ère du matérialisme effréné il n’y a plus de place pour l’utopie, ils semblent tous vaincus par l’apathie, incapables de donner un sens à leurs vies, de trouver le bonheur ou quelque apaisement.
    D’anniversaire en anniversaire, Irina, éternelle étudiante ayant du mal à quitter son lit, se plaindra de la musique, des invités, des cadeaux reçus… Olga, enseignante, deviendra directrice d’école, Macha s’étiole dans un mariage sans amour et voit son amant l’abandonner. Andrei oubliera d’écrire, accaparé par la nécessité de gagner de l’argent pour faire vivre sa famille.

    Des Trois sœurs de Tchekhov, Rebekka Kricheldorf conserve l’atmosphère de désillusion face à un monde en transition. Et si une grande mélancolie sourd au gré du texte, une ironie féroce emporte les propos d’une génération en manque d’idéal dans un monde qui offre peu de perspectives.

    « Peut-être qu’on est seulement du matériau de remplissage entre les grands esprits comme… Shakespeare et Derrida, Copernic et Sartre. »

    https://lebruitdebruxelles.com/2019/09/10/villa-dolorosa-rebekka-kr...

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