"Désapprenez à souffler la tristesse.
Soyez pareils au vent qui se précipite hors de ses cavernes.
Béni soit cet esprit de tempête , bon, libre et sauvage
qui souffle du sable aux yeux de tous ceux qui voient tout en noir.
Celui qui approche de son but, celui-là danse ! Dansons ! Dansez ! Danse !
Haut les coeurs, mes bons danseurs, haut plus haut encore,
et n'oubliez pas les jambes!
Le danseur n' a-t-il pas les oreilles dans les orteils ? (rires d'Anne-marie Cappeliez)!
Et mieux encore : sachez vous tenir sur la tête.
Ha ! Et n'oubliez pas non plus le Rire"
Friedrich NIETZSCHE
L' XL-THEATRE DU GRAND MIDI s’annonce comme un théâtre de création orienté vers les grands textes véhiculant de grandes idées… en vue de titiller les bonnes consciences, de bousculer les idées préconçues, de situer le citoyen au centre de sa vraie place dans une société décadente en le critiquant, en le heurtant, en le déstabilisant, en l’instruisant (quelle prétention !), en l’amusant (quel plaisir !). Bernard Damien
Bref : un Théâtre libre d’esprit pour des esprits libres ? Considérons le Théâtre comme une arme de construction massive !
- 37 ans de Compagnie -
7a Rue Goffart 1050 Bruxelles 02 513 21 78
Ainsi parla Zarathoustra
librement adapté du poème épique de Nietzsche
réalisation / adaptation pour la scène Bernard Damien
production LE THEATRE DU GRAND MIDI
création aux FESTIVALS DU THEATRE SOUS LES ETOILES DE PROVENCE
reprise à L' XL THEATRE (Bruxelles) du 15 au 25 octobre
Zarathoustra Raffaele GIULIANI intemporel Petit Prince, Paul Francis BESSON Professeur d'université , Allemagne XIXème S, redingote sévère, Louise Anne-Marie CAPPELIEZ Professeur d'université, Allemagne XIXème S, redingote et jupe longue
Pour parodier Anatole France on a envie de dire que le bon metteur en scène est « celui qui raconte les aventures de son âme au milieu des chefs-d’œuvre. » Bernard Damien chérit cette œuvre depuis ses débuts de comédien au Rideau de Bruxelles dans les années 1970. C’était alors une version travaillée par Jean-Louis Barrault. Cycliquement, Bernard Damien revient vers cette œuvre de Nietzche avec sensibilité et humour pour la quatrième fois. Une œuvre qui fut malheureusement récupérée par les nazis et a donc été controversée à juste titre.
« Lève-toi, grand Midi », (c’est dans le texte et c’est aussi le nom du théâtre de Bernard Damien, cela ne vous aura pas échappé !)… et marche. Bernard Damien allonge donc le pas et se dirige maintenant vers d’autres climats, et le Midi, bien sûr ! Trêve de bons mots, cette dernière version de Zarathoustra insiste sur l’aspect solaire et aussi dionysiaque de l’œuvre avec une très émouvante apologie de la Création comme raison d’être et moteur de bonheur. Un moteur qui a dirigé la vie de Bernard Damien et qu’il compte bien transmettre aux gens qui l’écoutent. Pourtant, les contradictions abondent : « Je ne m’adresse à personne et je parle à tout le monde… » et les aphorismes sont autant de pépites de réflexion : « Deviens qui tu es ». Mais les contradictions sont justement la fibre de la nature humaine !
Retiré dans la montagne depuis 10 ans, Zarathoustra se sent prêt à redescendre parmi les hommes pour partager avec eux les richesses de sa pensée. Notre homme, Raffaele Giuliani, marche à grands pas tout autour du plateau, tel un Gulliver chez les Lilliputiens. La technique ou l’imagination aidant, on pourrait le voir tourner lui aussi ce disque qui rappelle les révolutions de l’astre du jour mais qui est représentatif de notre globe terrestre. Zarathoustra rencontre un vieil ermite occupé à chercher des racines en forêt (Francis Besson). Au cours de leur bref échange, Zarathoustra se rend compte que le vieillard a consacré sa vie à Dieu. Or Dieu, selon lui, est mort. Donc il s’éloigne, de crainte de le priver du sens de son existence. Zarathoustra développe une sagesse fondée sur cette capacité qu'a l'homme de vivre sans Dieu, de se dépasser sans cesse, donc de se sentir vivant et accéder à une nouvelle nature, créée par lui, celle du surhomme. C’est une philosophie de l’action et de la création qui encourage les esprits libres à penser par eux-mêmes.
Une belle trinité de comédiens s’est investie dans cette œuvre de splendide solitude : Raffaele Giuliani, une exquise Anne-Marie Cappeliez et Francis Besson, Professeur émérite au Conservatoire de Bruxelles, 90 spectacles à son actif !
Raffaele Giuliani est un jeune comédien qui s’investit à fond dans le texte. Il a élaboré un jeu enflammé et tourbillonnant et fournit une interprétation dramatique sans cesse renouvelée. Une application directe de l’éternel retour ? Il incarne autant une âme calme et sereine irriguée par la sagesse qu’un lever de soleil au-dessus des montagnes, que le désespoir devant la stupidité des humains, que les débordements de vitalité et d’exaltation philosophiques, ou le sourire du sage égrenant avec finesse ses maximes. Cyclique encore. Le travail de plateau et de mise en espace est particulièrement créatif. La gestuelle du comédien et ses déplacements prennent les airs d’une minutieuse chorégraphie. De cloué au sol dans la première scène, les bras en croix comme l’homme universel de Leonard de Vinci , il se retrouve à la fin, partie de trinité dynamique, debout et transfiguré par le bonheur du Rire salvateur !
Le jeu des ombres et des lumières, des clairs obscurs et la scénographie contribuent à évoquer les notions de disque solaire, de terre ronde, de temps cyclique, d’éternel retour. Les costumes sont éloquents : des hardes de jute et sac assorti, des sandales et bâton de pèlerin pour Zarathoustra, des redingotes noires pour les masques qui bordent son itinérance. Le reste est presque physiquement présent dans l’imaginaire : depuis la forêt, les tours de la ville et le fil du saltimbanque, la foule, l’aigle, le serpent, l’astre du jour, la nuit étoilée, avec la merveilleuse voix d’Anne-Marie Cappeliez et … les vaches ! Un très beau flux sonore entoure cette lecture de Nietzsche si élégamment dramatisée. La diction des trois comédiens est d’un merveilleux classicisme et de grande beauté. Tout contribue à l’élaboration d’une véritable œuvre de dramaturgie qui fait de la philosophie une action théâtrale cohérente et fort bien construite.
"Ô soleil, grand Astre! Que serait ton bonheur si tu n'avais pas ceux que tu éclaires ?"
Commentaires
« Ma manière et mon langage te séduisent,
Tu me suis, tu marches sur mes pas ?
Ne suis fidèlement que toi-même : -
Et alors tu me suivras – doucement ! doucement ! »
Nietzsche – le gai savoir
passez votre souris sur texte ci-dessous...
« Il faudrait que les hommes n’aient plus la moindre citadelle ni
la moindre Jérusalem, ni le moindre temple où tenir Dieu emprisonné. Qu’Il aille
nu sur les chemins ! Ainsi, sans feu ni lieu, gelé, mourant de faim, peut-être
viendrait-Il frapper aux portes basses, peut-être chercherait-Il refuge dans le
cœur des vivants, et nous pourrions enfin parler de nos mystères, Lui et moi,
Lui et tous les autres. Mais non, on s’escrime à Lui plumer les ailes, à Le
réduire à la dimension de nos cages, et l’on se dispute Sa garde à grands coups
de sabre et de bombarde, sans savoir qu’Il est de ces êtres qui se laissent
mourir de désespoir quand on les prive de liberté ! »
(Henri Gougaud, Le
voyage d’Anna)
Je vais reprendre, avec grand profit, j'en suis sûre, la lecture de ce livre oublié sur une étagère.