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Le roi de l'inattendu

Le roi de l’inattendu

Antonia Iliescu

J’écris sur une musique de flûte. J’ai reçu cette cassette de Paul D., un professeur belge, qui aimait beaucoup la musique roumaine. A peine maintenant, quand il n’est plus de ce monde, je me rends compte que je ne l’ai pas connu par hasard. En réécoutant sa musique préférée, je l’entends pleurer dans une « doïna », cette musique de larmes, de chez nous, jouée à la flûte (enchantée) par Nicolae Pîrvu et Simion Stanciu, « mes amis roumains » comme il avait l’habitude de les nommer.

J’ai connu Paul à l’Athénée de Marchin, un grand lycée de Huy, où j’ai donné des cours. Un jour je déjeunais à la cantine de l’école. Un vieil homme dodu, volubile et d’une extraordinaire érudition, m’a adressé la parole avec la plus grande sérénité :

- Madame, vous avez un accent... D’où venez-vous ?

- Je suis d’origine roumaine.

- Ah, mais j’ai des amis roumains ! Simion Stanciu et Nicolae Pîrvu ! Excellents artistes ! Je vous donnerai une cassette… Donnez-moi vos coordonnées.

C’est ainsi que je me suis liée d’amitié avec cet homme extraordinaire, modeste et seul ; il ressemblait à un petit nain de jardin sorti d’un conte de fées. Les amitiés naissent rapidement, presque à la vitesse de la foudre, sans te prévenir ; pourtant elles persistent éternellement, comme de vrais œuvres d’un art sublime.

Nous avons convenu de se revoir en été. J’ai promis à Paul d’écrire « sa vie », en ne sachant ni comment ni quand j’aurai l’occasion de publier son témoignage. Voici le texte écrit trois ans auparavant :

 

Paul D. habite près de la Chapelle de Marchin, dans le pays du Condroz. Une zone de douces collines qui dépassent à peine les 200 mètres d’altitude, de nombreuses fermes et villages compacts, propres et silencieux, construits en « pierre du pays », qui alternent avec des vastes zones arboricoles appartenant à quelques grandes fermes isolées, voici ce qu’est le pays du Condroz. Cet espace « mioritique » wallon est situé entre, au nord, une Wallonie industrielle et au sud le plateau ardennais. C’est une zone touristique d’une rare beauté, où la pierre et la forêt se font de la place l’une à l’autre, pour mettre au monde l’harmonie du relief qui encadre les rivages de la Meuse.

Hier, vers 10h30, j’ai pris le volant. J’ai acheté un poulet rôti, une tarte aux fraises et une bouteille de vin et j’ai rejoint la petite maison blanche au fond du parc, où se trouvent les pavillons de l’internat de l’école. « Lui aussi a une maisonnette blanche, tout comme moi ».
            La petite maison, sise tout près de l’Athénée Prince Baudouin, dans un parc aux arbres séculaires, avait une façade vieille et écorcée comme une peau usée par le temps.

- Je suis le roi de l’inattendu - me dit monsieur D. Mon petit neveu m’a surnommé ainsi. Et c’est vrai, j’ai vécu une vie extraordinaire ! 

Le roi de l’inattendu m’attendait en face de la maison. Il était inquiet, car j’étais en retard – je m’étais égarée du chemin. Il était pâle, avec une couleur tournée au blanc grisâtre, la couleur d’une mort proche et inévitable, la couleur des cancéreux. Paul (c’est lui qui m’a dit de l’appeler ainsi) est un homme corpulent, il porte des lunettes et il est très seul. Madame la préfète l’avait mis en face de la grande scène de la sale de gym, le dernier jour d’école lors de la remise des prix. Il était gêné, embarrassé de rester planté là, sans rien dire, sans rien faire, comme un vieil animal oublié dans une cage. Il y avait plusieurs personnalités de l’école et du village : le bourgmestre, l’économe de l’école, M. Durrier et le Chat, madame la Préfète et la prof de français, Kangourou et Marc. Ils prenaient la parole un par un. Seul Paul restait immobile et pâle comme un jour sans soleil. « Il doit être malade » - me dis-je quand je le vis à l’école, à la festivité de clôture. « Il est sûrement malade » - ai-je pensé hier quand il m’a pris la main et on s’est donné la bise.

Il m’invite dans le petit salon qui sent fort la moisissure et où l’air est irrespirable. De vieux meubles dépoussiérés témoignent de sa solitude. Il m’avait déjà dit qu’il vivait seul « - Votre mari n’est pas jaloux ? » me disait-il en clignotant de l’œil. Il avait perdu toute sa famille : sa femme, morte d’un cancer, son fils, mort dans un accident de voiture, lors d’une crise d’épilepsie, sa fille s’était suicidée à 47 ans. Tous étaient morts y compris frères et sœurs. Il lui restait seulement un neveu, celui qui l’avait baptisé Le roi de l’inattendu. Il était en Angleterre pour le moment et il avait épousé une angolaise qui venait de Portugal.

- Ma femme, - la voici sur cette photo - était un être exceptionnel. Pour nous ce fut le grand amour dès qu’on s’est rencontré à l’Université de Liège. Un vrai coup de foudre. Nous étions tous les deux étudiants en lettres. Je suis professeur de langues germaniques ; j’ai enseigné l’anglais, l’allemand et le néerlandais. Elle avait un sacré tempérament.

- Elle était indienne ou tzigane ?

- Non, elle était née ici mais elle aimait s’habiller comme les indiennes ou comme les tziganes. Tu sais que les tziganes sont une branche des indiens ?

- Oui, je sais. J’aime la culture bohémienne, mais je n’aime pas quand ils volent. A la police ils disent alors qu’ils sont des roumains. Et les occidentaux disent que les roumains sont des voleurs. Ce qui n’est pas toujours vrai. Tous les belges ne sont pas des pédophiles, tous les roumains ne sont pas des tziganes et tous les tziganes ne sont pas des voleurs.

- Bien entendu. Ma femme a l’air d’une tzigane. Pourtant, elle ne l’est pas.

Les yeux perdus dans des souvenirs lointains « oh, quelle femme j’ai eu !…. », Paul saute du coq à l’âne, sans se rendre compte :

            - Je ne m’endors jamais sans jouer au piano le premier prélude de Jean Sébastien Bach. J’ai deux doigts abîmés ; pourtant je peux encore jouer ; je suis un autodidacte en la matière ; mon père jouait de l’orgue, mon oncle, qui était prêtre, jouait aussi de l’orgue à l’église ; ce sont des gènes de famille. Je suis professeur de lettres germaniques. J’ai enseigné l’anglais, l’allemand et le néerlandais. Mon ami… Comment il s’appelait ?… Vous savez ? Je suis tombé d’une échelle d’une hauteur de 6 mètres - (Paul se moque de lui) - je suis tombé sur la tête. (Il rit).C’est un vrai miracle comment  j’ai pu échapper à la mort ou à une paralysie de la colonne vertébrale. Je coupais le lierre juste ici (il me montre le lierre en dessous de la fenêtre du salon). Je travaillais depuis des heures en plein soleil, en maillot de bain et sans chapeau. J’ai fait une insolation. On m’a emmené à l’hôpital de Bavière, car ici à Huy… C’est ici que l’ambulance m’a emmené en premier mais il n’y avait pas de places. Alors on s’est arrêté à l’hôpital de Bavière. Le professeur Bonnal qui venait de Marseille…

Ici Paul change de sujet. Il essaye de me raconter l’histoire triste de sa solitude : « ma femme est morte d’un cancer et mon fils… »

- Oui, je sais, vous …

- Toi, s’il te plait…

- Oui, toi… tu m’avais déjà dit tout ça. Qu’est-ce que tu disais de ce professeur ?

- Ah, le professeur Bonnal, ce cher professeur de l’inattendu !  Moi j’entrais par la porte de l’hôpital en ambulance, avec une vertèbre cervicale réduite en morceaux, pendant que le professeur entrait par une autre porte de l’hôpital pour tenir une conférence. Il avait trouvé une nouvelle méthode d’opérer sur les vertèbres cervicales. Je lui ai servi de cobaye. “Veux-tu que je t’opère? Oui, je le veux bien!” Il a découpé un petit morceau rond ici – il me montre sa hanche droite – et il l’a collé entre les deux vertèbres saines. Et ça a marché, figure-toi. C’était ma seule chance et je l’ai eue ! Sacré destin ! Tout ma vie a été comme ça : des coïncidences bénéfiques au moment approprié.

Paul aime les étoiles. Il change de sujet:

- J’ai ici un atlas stellaire. Quand il fait clair j’essaie de lire dans le ciel ce que je vois dans cet atlas.

- Tu sais Paul, moi aussi j’aime les étoiles. (Paul semblait ne pas m’avoir entendue. Il se concentre afin de se souvenir des choses importantes de sa vie « extraordinaire »).

- Keyon, était météorologue ;  (Keyon signifie « oncle » en wallon – explique Paul). Les gens l’appelaient Monsieur Jadot et il avait un mètre nonante et était importateur de vins. Il avait aussi une mémoire extraordinaire. Il savait réciter entièrement la tragédie Bérénice de Racine.

- Bonjour, Boubien…

- Mais, Keyon, qu’est-ce que ça veut dire Boubien ?

- Boubien, tu ne sais pas ?! C’est quelqu’un qui ne trouve jamais rien. – Et c’est vrai, je suis très distrait ; je l’ai été depuis toujours, pas uniquement maintenant à 80 ans ou après être tombé de l’échelle; tu vois ? Je note tout, ici, dans ce cahier. Hier j’ai vu tel film à telle heure ; j’ai fait ceci, j’ai fait cela. Ici c’est ma vie de tous les jours. « Alzheimer ? » - je demande. « Non, mais quelque chose dans ce genre »…

Il reprend :

- Keyon, veux-tu me réciter un acte de Bérénice ?

« Veux-tu que je te le récite du bout à l’envers ? – dit-il» – Et il l’a récité sans la moindre difficulté. Il était d’une exactitude extraordinaire. Les gens disaient : « lorsque M. Jadot passe, nous mettons les pendules à l’heure ». Mon premier appareil photo - un « Laika » - je l’ai reçu à 10 ans contre des bonus pour les chocolats…

Paul divague et parle du bon chocolat qu’il adore « notre chocolat Côte d’or » célèbre dans le monde entier qui a été fabriqué pour la première fois en ‘58, lors d’une exposition internationale à Bruxelles.

- L’Atomium a été présenté lors de cette même occasion, n’est-ce pas ?

- Ah, tu connais donc quelque chose à ce sujet…

- Et comment! Je l’ai vu de l’extérieur mais aussi de l’intérieur. Impressionnant !

- Il fut créé par Mr. A. Waterkeyn. Il commença la construction dans les années ’55 et fut terminé trois ans plus tard, en ’58. Mais sais-tu ce qu’il représente ?

- Evidemment ! C’est une cellule du réseau cristallin du fer. Elle a dans les huit coins du cube, huit ions de Fe2+ et encore un ion Fe2+ au centre. On m’a dit que chaque ion de fer a un diamètre de 30 mètres et pèse 2400 tonnes.  

- Sais-tu que tout est représenté à l’échelle ? Il s’agit d’un agrandissement de 165 billions de fois la taille réelle de la cellule. Chaque ion  Fe2+ devient alors une salle sphérique, comme tu as dit. Quand tu manges dans un restaurant de l’Atomium, tu peux imaginer que tu déjeunes à l’intérieur de l’un de ces ions Fe2+. Fascinant!

- Oui, absolument fascinant. Tu peux aller d’un ion à l’autre en prenant l’ascenseur ou l’escalier roulant qui passent par « les liaisons chimiques » entre les ions et les électrons (non figurés, car trop petits par rapport aux ions positifs de fer). Les liaisons chimiques ne sont autres que les bras métalliques qui lient les sphères. Les escaliers roulants circulent à l’intérieur de ces « liaisons », tout comme les électrons, liant les ions positifs.

- Allez ! Nous nous sommes perdus tous les deux dans le réseau de fer… Qu’est-ce que je disais avant ?

- Tu racontais l’histoire du chocolat « Côte d’or ».

- Oui… Notre chocolat belge « Côte d’or » a été présenté à l’exposition internationale de Bruxelles, en ’58. Ce chocolat était fabriqué au pavillon « Côte d’or » et c’est ainsi qu’on l’a nommé après, quand on a décidé de le fabriquer à grande échelle. » J’ai fait des photos avec cet appareil Laika pendant 40 ans... Sais-tu quand je suis né ? Le 11.11.22. Je ne peux pas cacher un « ah » d’étonnement…

- C’est le jour de l’Armistice. Pour mon anniversaire, l’année passée, mon petit fils m’a fait une surprise ; il avait réservé 16 place dans un résto ; ils étaient tous là : mon petit fils et sa fiancée et ma nièce de San Francisco, qui a fait une fugue à 14 ans et elle a fait aussi du parachutisme et des études ; elle a reçu une bourse à Toronto et n’est plus jamais revenue jusqu’à ce jour-là, pour mon anniversaire. … Paul perd le fil…

- J’ai eu aussi une fracture du crâne lors de cette chute terrible et ça m’a coûté quelque chose ici, dans l’hémisphère gauche... Le centre du raisonnement.

- Mais votre raisonnement est très bon, Paul. Continuez, sans faire attention. Tout ce vous dites est intéressant.

Je savais combien les vieux aiment leurs souvenirs ; ils vivent au même rythme que les images sorties de leur cerveau pour en faire part à leurs interlocuteurs, le plus souvent ennuyés. Ils sont heureux, ils sont jeunes, ils oublient leur malheur – « J’ai un cancer de prostate ; j’ai été opéré mais il est toujours là… J’ai perdu ma femme et mes deux enfants et même le premier petit enfant est mort aussi dans son berceau ; ma vie a été tellement bouleversée la dernière période ; par contre elle a très bien débuté ; ma femme – magnifique femme ; quel tempérament !… Je n’ai plus fait l’amour depuis une vingtaine d’années ; la dernière fois c’était une année avant la mort de ma femme… Votre mari n’est pas jaloux ?»

- Mais non, certainement pas. Mes meilleurs amis sont parmi les enfants et les vieux. Avec eux, aucun danger, mon mari le sait bien… Alors ? Continuez Paul ! Etalez tout ce vous voulez, je suis ici pour écouter et pour prendre quelques notes de temps en temps… Dites moi comment l’école d’ici a vu le jour ; cette école où j’ai enseigné moi-même cette année ; ça m’intéresse son histoire...

Il reprend le fil de ses souvenirs :

- Le 14 septembre ’44 c’était la libération de Huy. L’armée américaine est entrée à Huy pour chasser les allemands. C’est alors que j’ai fait la connaissance de ma femme ; nous étions étudiants. Je venais d’une exposition Marc Chagall organisée à Liège. J’étais dans un train qui m’emmenait à Bruxelles quand j’ai rencontré Jean. Je le connaissais depuis longtemps ; nous avons fait l’école ensemble et ensuite nous avons travaillé ensemble comme brancardiers à Lourdes. Il était en soutane.

- Tu es prêtre ? 

- Oui, nous venons de créer en ’42 une école pour les orphelins de guerre.

- Où ça ? 

- A Marchin.

- Où ça à Marchin ? Il y des usines là-bas.

- Mais oui. C’est près de l’usine. A Fourneau. On doit fermer l’école Prince Baudouin. « A l’époque l’Athénée Prince Baudouin était une école privée des anciens combattants de guerre. Et il n’y avait plus des fonds… » - me renseigne Paul.

- Je sais que l’Athénée Prince Baudouin ferme les portes – je dis à mon copain.

- Mais non, on ne ferme rien ! J’y vais donner des cours là-bas ! – me dit Jean. Et c’est comme ça que je suis arrivé ici à Marchin. J’y ai mis le pied, j’y ai mis mon âme. J’ai été aussi traducteur…. L’Université Marabout m’a proposé une traduction d’une biographie, en anglais, de Gandhi; 500 pages… J’ai utilisé seulement 10 fois le dictionnaire. L’auteur de cette œuvre étai B.R. Nanda. On l’a publiée en ’69 pour fêter le 61-ème anniversaire de Gandhi. Après l’apparition du livre j’ai reçu un télégramme : « Le Gouvernement indien a le plaisir de vous inviter de faire un voyage de 3 semaines en Inde ». Tout était gratuit, le transport, le logement et les services. Magnifique ! Quelle vie extraordinaire j’ai eu ! Le Gouvernement avait nommé un émissaire pour venir tous les jours me demander si j’étais content. Je suis devenu tout d’un coup une grande personnalité. J’ai visité Bombay, Delhi,  Calcutta… Je descends à Bombay  pour prendre l’avion vers Delhi. Là je suis invité à un congrès ayant comme thème : « Que sont devenues les idées de Gandhi ? » Entre autres l’Abbé Pierre y participait aussi. J’entre dans la sale de congrès où il n’y avait qu’une seule personne. Il se présente : je m’appelle Nanda. Quelle coïncidence ! Il m’invite chez lui ; en fait nous habitions le même hôtel, mais on l’ignorait tous les deux. Il me demande si je voulais aller avec lui au Taj Mahal. « Oui, je veux bien. »

Le lendemain on est allés à la gare. Quelle foule sur les perrons ! Les gens se couchaient sur le bord du trottoir dans l’attente des trains. Une voix se fait entendre à travers un hautparleur : « Sarep Düchezni ! Sarep Düchezni ! »

- C’était quoi ce Sarep Düchezni ?

C’était un messager qui criait mon nom à l’interphone, en langue indienne. Il me cherchait parce que le Gouvernement indien s’était décidé à ajouter au train un grand wagon – salle à manger, living, salle de bain, dortoir… Et je n’avais que pour 2 heures à voyager dans ce train. Le wagon avait été créé pour le vice-roi des Indes, Lord Mountbatten. Ce qui me gênait dans toute cette affaire c’est que nous voyagions seuls avec un domestique au turban ; les indiens ne pouvaient pas entrer et, curieux, ils s’accrochaient à la porte extérieure et y pendaient comme des raisins noirs. Mon compagnon entame une conversation sur les hindous :

- Vous savez que les hindous n’ont pas des toilettes comme les nôtres ; ils ont certains rituels, par exemple il leur est interdit de manger avec la main gauche ?

- Pourquoi ?

- Parce qu’ils s’essuient le derrière avec la main gauche ; et ils mangent et préparent leur repas toujours avec la main droite. Il y avait des petites maisons à 500 mètres environ près de la gare où les gens venaient faire caca tout au long du chemin de fer, devant ces maisons, en faisant leur prière.

- Je connais une école nommée Kalakshetra à 25 km de Madras. J’étais invité à suivre un cours de danse et de musique. Il faut 3 ans pour apprendre rien que la position des doigts, car chaque position dit quelque chose ; on peut devenir une danseuse à partir de 18 ans (il faut du temps). Ravi Shankar n’était pas là. A la sortie le gouverneur me prend en auto et me dit :

- Vous avez entendu à la radio que le lauréat du prix Nobel de littérature B. Russel est décédé. (C’était dans les années ’70). Il y a 200 étudiants en philologie qui vous attendent.

- Pourquoi ?

- Pour leur parler de Russel. Ils attendent un discours.

Figure-toi, 200 étudiants assis en fleur de lotus autour d’une estrade pleine de bougies et encense. Je leur parle de Bertrand Russel. Heureusement j’avais lu 3 mois avant un livre de Russel, en faisant l’inventaire des livres sur l’éducation, pendant une période de stage à l’Université de Liège. Ca c’est formidable, car je n’ai pas cherché ce livre ; il est tombé sur moi, comme ça, du ciel.

- Moi aussi j’ai souvent ce genre d’expérience étrange ; il semble que certains livres nous comprennent et nous cherchent ; ils sautent à nos yeux, juste à temps. Dès que je me pose une question plus profonde, qui nécessite beaucoup de connaissances et d’explications, je tombe sur un livre. Et ce livre-là me dévoile tout le secret. J’ai toujours dit que les livres sont mes amis les plus sincères ; ils n’hésitent pas à te donner des solutions insoupçonnées à tout genre de problèmes.

- Oui, t’as raison. Alors pour moi c’était facile à leur parler de Russel. (Il ajoute en riant) : Plus difficile c’était de rester là sur le petit podium, en position de fleur de lotus…  J’aurai 81 ans bientôt. J’ai commencé la conférence avec une citation de Russel : “L’ennui dans ce monde c’est que les idiots sont sûrs d’eux et les gens sensés pleins de doutes ». Ils m’ont applaudi. Je leur ai dit certaines choses sur l’homme qui fut Bertrand Russel, sur son éducation. Il était d’origine noble ; son père était comte et lord. Ils étaient tous très religieux, surtout ses grands-parents qui l’ont éduqué après la morts de ses parents. Depuis sa petite enfance il était dépressif. Il a guéri avec la géométrie d’Euclide. Plus tard il a formulé le célèbre « paradoxe de Russel », quelque chose liée à la théorie des ensembles, je ne pourrais pas t’expliquer davantage, car je ne connais rien en maths. Par contre, je me souviens du « paradoxe du barbier », toujours de Russel. Tu le connais ?

- Non…

- Le paradoxe du barbier dit que « le barbier dois raser seulement les gens qui ne se rasent eux-mêmes ». Mais alors, le barbier, qui le rase ? Ne se rase-t-il pas aussi ? Si on prend pour de bonne l’affirmation de tout à l’heure, le barbier devrait rester à jamais non rasé ! Il était aussi mathématicien et philosophe. Il a eu des idées pacifistes et s’est aligné à Einstein ; ils luttaient contre la prolifération des armes atomiques. Il a fait plusieurs années de prison pour ses idées pacifistes. Il a sympathisé un certain temps avec les bolchevistes et s’est même rendu en URSS, dans les années ’20 ; mais il fut vite de retour, vite et dégoûté.  Il a renoncé dernièrement au bolchevisme et il s’est mit à étudier sérieusement la philosophie. Il a ouvert une école. Il a été un éminent éducateur humaniste. Il a eu beaucoup d’enfants mais aussi beaucoup de mariages, 4 je crois… dans les années ’50 il a eu un prix Nobel de littérature et pour tout ce qu’il avait fait pour notre monde toujours agité. Il a donné des cours en Chine, URSS et Amérique. Mais aux américains il ne plaisait pas beaucoup, surtout après la prise de position contre la guerre au Viêt-Nam. On l’a mis dehors sous motif qu’il n’était pas « moralement adapté ». Il a révolutionné aussi la philosophie avec « la philosophie analytique » et « l’atomisme logique ».

- Qu’est-ce qu’il a écrit comme livres ?

- Je me rappelle deux livres philosophiques : « Signification et vérité » et « La connaissance humaine».

- Je n’ai rien lu de Russel… J’aurais voulu assister à cette conférence.

- Le hasard fait que des élèves de 5e et de réto veulent que je leur tienne une conférence dans le Pavillon Bayard, ici à l’Athénée de Marchin.

- Toujours sur Russel?

- Toujours sur Russel.

- S’agit-il de mes élèves que j’ai eus cette année?... (Paul semble ne pas m’avoir entendue et continue à avancer avec la hache à la main parmi ses souvenirs) :

- En Inde, M. Nanda me propose d’aller chez lui. On va ensemble dans une famille musulmane. Ils croient en Allah.

- Oui, mais c’est le même Dieu, comme chez nous, les chrétiens ou comme chez les juifs.

- C’est ça. Tu connais les Témoins de Jéhovah ?

- Oui, ils sont parfois insistants...

- Je ne les laisse jamais entrer chez moi. Ils s’énervent alors et me demandent « pourquoi ? » Je leur réponds : Parce qu’Allah… ». « Quel Allah ? Yahvé ! »  - disent-ils. Et je leur réponds : « Messieurs, vous m’avez donné la clé de toutes les guerres des religions ».

Paul plonge dans ses pensées. Il se souvient. Après une courte pause il reprend :

 

- Le Père Pire est mort en ’69 à Louvain, suite à une opération non réussie. Il n’avait que 59 ans. Mais qu’est-ce qu’il n’a pas fait pour le bien des hommes, surtout pour les pauvres… C’est lui qui a inventé les camps de réfugiés. Le premier du genre fut construit dans les années ’50, par lui. Il a eu le prix Nobel de la paix en ‘48 ou ‘58… Je ne me souviens plus. Je crois que c’était en ‘58. Apparemment il était un dur. Il a été aussi aumônier à l’armée. Il a eu une enfance malheureuse. La première guerre mondiale éclata quand il n’était qu’un petit gosse. Les siens se sont alors réfugiés en France. Son grand-père, qui a refusé l’exil, a été fusillé devant sa maison à Dinant. Son père était un homme très rigide. Je crois que c’est à lui que Père Pire ressemblait, mais il avait aussi l’une de ces bontés ; il prenait pitié de tous les malheureux, de tous les réfugiés, de tous les pauvres. Il a créé les Iles de Paix, trois ou quatre en Inde et une en Guinée.

- C’est quoi ces « îles de paix » ?

- Ce sont des lieux spécialement créés pour les pauvres, pour qu’ils puissent apprendre à lire et à écrire. Ces « îles » se sont étendues dans le monde entier. Il avait une faiblesse pour tous ceux qui étaient en détresse et il ne faisait pas la distinction entre les religions ; «parmi les gens d’autres confessions je me sens comme le poisson dans l’eau” – disait-il souvent.

Il a fait partie de l’ordre des Frères Dominicains de Huy, au Couvent de Sarte, là où il est entré à 18 ans.

- Paul, comment ça se fait que tu sais autant de choses sur lui…?

- Mais comment?! Il habitait à seulement quelques kilomètres de chez moi. On se connaissait. Il a fait aussi des études de philosophie et de théologie et devint prêtre. Une grande personnalité ! Il a aussi étudié les sciences politiques à l’Université de Louvain. Il a été aumônier au temps de la résistance, pendant la deuxième guerre mondiale. Ensuite il est revenu à Huy où il s’est occupé des enfants pauvres, lui avec les sœurs du Couvent. Il avait une vraie vocation pour tout ce qui est lié à l’homme. Il a beaucoup aidé les réfugiés des camps. Il a fait construire surtout en Allemagne et en Autriche, des villages pour les familles qui avaient fui le régime soviétique et de l’Europe de Est, pendant la période stalinienne. Au total 7 villages, qui étaient construits pour l’intégration des réfugiés. Il a fait beaucoup pour les vieux aussi. De tous s’est occupé Père Pire, avec son cœur large comme la terre. Il recevait des centaines de lettres de tous les pays « Nous voulons venir construire des maisons. »

- C’étaient des villages pour l’accueil des réfugiés ?

- Oui, c’est ça. Un jour père Pire vient chez moi :

- J’ai envie de créer le Centre Mahatma Gandhi à Huy. (Ce centre se trouve maintenant à Namur). Il s’est déplacé spécialement pour me dire ça. Entre lui et Gandhi c’était une grande ressemblance : tous les deux avaient la vocation de la charité envers l’espèce humaine. Il voulait donc créer un centre Mahatma Gandhi à Huy. Et il l’a fait dans les années ’60, ce centre à Huy - Tihange. Après trois ans il est devenu « Université de paix”.  Il a eu en ’77 le Prix Schweitzer de la philosophie et de la culture. Mais Père Pire était déjà mort, depuis ‘ 69, je crois. Toutes les associations fondées par Père Pire, les cellules de l’Université de paix, sont implantées ici, à Huy, rue du Marché, tu connais. L’Université de Paix a été reconnue comme école associée du système UNESCO et dans les années ’87 elle a reçu le Prix " Messager de la Paix " des Nations Unies. Colossale !

 

Paul plonge dans ses pensées, absent. L’un de ces trous de mémoire ?... Je l’aide :

- Quelles étaient les relations entre vous et vos élèves ?

- Je ne faisais rien sans demander l’avis de mes élèves. Ils étaient respectueux, gentils. Je leur enseignais au cours de français les textes de la musique des Beatles. Ma femme m’a dit un jour : « Invite-les chez nous ! ». Et je le fais depuis lors tous les samedis soir. Je leur faisais écouter de la musique classique, du jazz et de la musique ethnique. Ils ont aussi écouté la musique roumaine, tu sais le naï de Pirvu et Simion Stanciu ; je t’en avais parlé il y a quelque temps. J’ai ici une cassette que j’ai préparée pour toi. Ce sont eux-mêmes, les interprètes, qui me l’ont donnée, lors d’un concert à Bruxelles.

Paul se dirige lentement vers la pièce d’à côte, en se tenant aux meubles. D’un vieux petit placard en bois il fait sortir une cassette :

- Sur la face A c’est Nicolae Pîrvu. Sur la face B c’est l’orchestre symphonique de Zürich qui accompagne Simion Stanciu, l’ami de Gheorghe Zamfir. L’orchestre lui a proposé de remplacer la flûte traversière avec le naï dans la suite en si mineur de Jean Sébastien Bach. J’ai enregistré aussi un peu de musique jouée par Gheorghe Zamfir et quelques morceaux du Banat.

(En tremblant d’émotion, je fais sortir de mon sac un CD avec quelques-uns de mes enregistrements, que j’avais préparés spécialement pour Paul. Notre geste était fait dans un miroir). Après ce court intermezzo, Paul reprend la discussion interrompue :

- Mes élèves m’ont dit : « Nous demanderons auprès du M. le préfet de nous tenir un cours sur l’histoire de la musique. »  Ils n’ont pas eu de succès et pourtant je leur ai tenu ce cours tous les samedis soir, chez moi, en les faisant écouter de la musique. J’ai toujours aimé la musique ; Je ne m’endors jamais sans avoir joué le premier prélude de Bach. Mon père était organiste, mon oncle aussi et il jouait 4 instruments…

 

Paul est fatigué. Moi aussi et j’ai faim. Je lui dis que j’aimerais aller manger.

- Le poulet s’est déjà refroidi, je crois… Allons-y, Paul ! Une petite pause nous fera du bien à tous les deux.

Il est content. Il m’invite dans le petit salon qui sent fort la moisissure. Paul avait rangé la table en mettant deux couverts sur des paillassons dressés sur une partie de la table. A côté traînaient des ciseaux, des bics, un cahier où Paul notait tout ce qu’il faisait. Je coupe le poulet, Paul débouche la bouteille de « Château Sarati » que j’avais apportée. Il verse le vin rouge dans des coupes de cristal. La discussion reprend très facilement, car avec Paul c’est très facile. Il aime parler, ça se voit qu’il n’a pas très souvent l’occasion d’étaler tous ses souvenirs. Il prend une gorgée de vin, le fait promener dans sa bouche avec des gémissements de plaisir « Il est bon, oh oui, il est très bon ce Sarati ! ».

- Dans ce jardin – il fait un geste montrant la cour extérieure qui pénètre par la fenêtre à moitié sale, signe de l’oubli de la femme d’ouvrage ou du désintérêt de Paul – dans ce jardin plusieurs personnalités de ce monde se sont assises à côté de moi. L’une d’entre elles était Oppenheimer.

- Vous parlez du fabricant de la bombe atomique ?

- Oui, lui-même. Père Pire, qui était le chef de l’Université de paix, en fait cette université n’était autre que l’ancien Centre Mahatma Gandhi… 45 ou 50 pays en faisait partie. Il y avait des gens de partout. On parlait toutes les langues. Quelle atmosphère !… Magnifique !… Où j’en étais ?…

- Vous disiez que le père Pire…

- Oui… Père Pire est né à Dinant.

- La ville de Dinant n’est donc pas célèbre uniquement grâce à Adolf Sax, l’inventeur du saxo.

- Tu sais donc… Il l’a inventé quand il a fêté ses 20 ans ; c’était un 20 mars l’année 1846. Il a fabriqué plusieurs saxos, à plusieurs tonalités : basse, baryton, teneur, soprano, sopranino… Au total 14 saxos qu’il a fabriqués. La plupart ont survécu et on continue d’en jouer. Mais je parlais d’autre chose…

- Vous parliez de Père Pire et d’Oppenheimer.

- Oui… Comment Oppenheimer a-t-il atterri chez moi ? Le professeur Oppenheimer était en train d’écrire la préface d’un livre : “Building peace”. Père Pire avait invité Oppenheimer à l’Athénée de Marchin. Et comme j’étais professeur ici et en plus j’habitais dans le parc, il l’a fait venir chez moi. C’est là qu’il était assis (il montre une vieille table en tôle, rouillée par endroits).

- Je lui ai demandé s’il avait un problème de conscience. Il m’a répondu que les allemands allaient avoir quand même la bombe qui se fabriquait à ce moment-là en Suède. Il m’a dit qu’il avait été nommé directeur de MIT (Massachusetts Institute of Technology), à la place d’Einstein. Il fallait créer une 2-e bombe atomique, encore plus puissante. Il a refusé. Il a dit au président : « Nous ne sommes plus en guerre. Pourquoi faut-il faire encore une bombe, plus puissante ? » Il a été expulsé de cet institut. Il est allé en Suisse. C’était le temps de McCarthy. Charlie Chaplin a lui aussi été expulsé à la même période, étant accusé d’avoir noué des contactes avec les communistes russes. Il a été réhabilité peu avant sa mort.

Un autre des grands de notre temps qui s’est assis à cette table fut John Howard Griffin. Il avait fait des études en France. Au lieu de retourner à Dallas il s’est dit : « Je vais à Munich ; je vais connaître le régime nazi. Et il resta en Europe. Il était un antiraciste convaincu. Il était écrivain, musicien et médecin. Il a fait des études à Tours et à Poitiers, en France. Littérature et médecine. Il a inventé la thérapie par la musique. Il a suivi les cours du Conservatoire de Fontainebleau, où il a eu comme professeur, entre autres, Nadia Boulanger. Il était spécialiste en chant grégorien. La passion pour la musique, c’est à sa mère qu’il la doit. Elle était pianiste. Griffin a servi comme médecin à l’armée de la résistance française et a aidé beaucoup de juifs à échapper aux persécutions des nazis. Pendant 12 ans il a été complètement aveugle. Il a écrit pourtant des nouvelles et un journal, pendant cette période sombre de sa vie. Son journal a 20 volumes. Il a été un antiraciste convaincu, comme je le disais….

- Moi aussi je suis antiraciste, vous pouvez vous imaginer. En fait ceux qui pratiquent le racisme te collent une étiquette, celle qui leur convient, celle qu’ils s’imaginent être ton vrai ego ; et cet ego les dérange.

- Ma femme disait à propos du racisme : « Le racisme est un commerce d’étiquettes ».

- En effet, une autre étiquette qu’on peut  te coller est celle de ta religion. Il faut avoir certaines connaissances en la matière pour se rendre compte que toutes les religions sont bonnes, que toutes affirment et propagent la même chose, mais que ce sont les gens qui  déforment leur contenu, qui font usage d’une façon erronée de certains préceptes et qui interprètent mal certains enseignements. Les religions sont bonnes, ce sont les gens qui sont mauvais. Mais continue, Paul. John Griffin a donc vécu parmi les nazis.

- Oui. Et il a compris beaucoup de choses sur le racisme pratiqué entre les blancs. Ensuite, il a cherché, à comprendre le racisme entre les noirs et les blancs. Il est retourné aux Etats Unis, il a réfléchi des années et des années et il s’est dit : « la seule façon de lutter contre le racisme noir est de devenir noir moi-même ». Il s’est rendu auprès de son médecin pour devenir noir. On lui a dit qu’il mourra après, mais il n’a pas rebroussé chemin. Il est devenu noir et il s’est rendu dans le sud à Cotton State où il a vécu jusqu’à sa mort, dans les années 80. Il a décrit son expérience dans son livre « Black like me » et dès le lendemain de l’apparition de son livre il a commencé à recevoir des menaces de mort. Tous les jours ! Ces menaces venaient des blancs du Sud. Alors, il a fait émigrer sa femme et ses enfants au Mexique. Il n’a pas voulu émigrer. Le président Kennedy l’a nommé conseiller principal pour les affaires des noirs. Il l’envoyait chaque fois qu’il y avait un conflit quelque part. Un beau jour on l’a trouvé mort. Son médecin a constaté qu’il avait fait un « arrêt du cœur ». Un an après on a traduit son œuvre en français : « Dans la peau d’un noir ». Il est venu se reposer dans mon jardin. Il disait souvent : « le plus beau pays du monde c’est le Condroz ». Il est redevenu blanc et il est mort…

18 août 2003

*

C’est ici que ma discussion d’un jour avec Paul D. s’arrête. Après quelques mois je l’ai appelé. Je lui avais promis une invitation chez nous pour un dîner en famille. Mais c’était le robot qui m’a répondu. A Noël il m’a téléphoné pour me dire qu’il avait été hospitalisé pour une nouvelle intervention chirurgicale. Je l’ai cherché encore après quelques mois. C’était toujours le robot ; cette fois-ci il disait clairement : “le numéro n’est pas attribué”. Passe-t-il ses derniers jours dans un home ? Est-il déjà mort quelque part, seul et oublié de tous ? Qui sait ? …

J’aimerais lui dire que je tiens ma parole, en publiant ce « livre d’un jour », que j’ai écrit suite à la visite en ce jour de Sainte Marie. Car Paul m’a dit ce jour-là des choses extraordinaires, qui auraient pu constituer un livre, si lui aurait eu encore quelques jours de sa vie, à me donner.

Il est introuvable mais, chose étrange, il m’est apparu de nouveau par une série de coïncidences. En commençant le nettoyage pour Pâques, j’ai trouvé dans un tiroir un tas de cassettes. Parmi elles se trouvait une cassette à l’écriture petite, écolière : “Musique roumaine pour madame Antonia”.

J’ai réécouté la musique et j’ai dansé seule devant le miroir, en suivant les rythmes de Nicolae Pîrvu et Simion Stanciu. Je dansais et les larmes avaient commencé à couler sur le visage, je ne sais pas pourquoi… Je dansais toute seule, non comme les « grecques » de la nouvelle de Mariana Braescu, qui dansaient tous ensemble, embrassés dans une ronde paysanne. Je dansais seule devant le miroir et ma chair frémissait en écoutant le naï de Simion Stanciu, celui qui avait remplacé la flûte traversière dans la célèbre suite en si mineur de Bach, jouée avec l’orchestre philharmonique de Zürich. Et soudain, comme par miracle, je ne me suis plus sentie seule. Paul se mélangeait aux sons de naï pour me dire: “Quelle vie extraordinaire j’ai eue! Moi, le roi de l’inattendu… »

Le roi de l’inattendu m’avait laissé cet été, deux clés, dont l’utilité, j’allais plus tard la comprendre : la musique et l’écriture.

10 avril 2006

 



 

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     GILLES JEHLEN : DU TREFONDS  DE L’AME A LA BRILLANCE DE L’ACHEVE

 

Du 16-01 au 03-02-13, l’ESPACE ART GALLERY (Rue lesbroussart, 35, 105O Bruxelles) expose les œuvres de Monsieur GILLES JEHLEN, un sculpteur Français qui offre pour la première fois son travail au regard du public dans une exposition intitulée DE LA TERRE BRUTE A LA TERRE POLIE

Avec GILLES JEHLEN, c’est l’imaginaire du visiteur qui tourne à fond !

L’imaginaire est interpellé par le nombre de réminiscences qui se télescopent dans tout ce que son regard rencontre.

La triade constituée par les pièces intitulées : COUP DE SCIROCèS A CADACO, DAME DE CADACES DEBOUT et DAME DE CADACES ASSISE,

 

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peut susciter le souvenir des Vénus préhistoriques du Paléolithique Supérieur (telles que la VENUS DE WILLENDORF), splendides incarnations de la Femme transfigurée en image de la fécondité. Ces Vénus « stéatopyges » comme on les nomme en Histoire de l’Art, ont la particularité d’avoir un amas de graisse important autour des fesses. Cette particularité se retrouve, évoquée de façon humoristique, dans ces créations de GILLES JEHLEN, réalisées en terre cuite émaillée.         

Si la triade a des accents « préhistoriques », LA FAMILLE MENDES

 

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développe, elle, une esthétique qui n’est pas sans évoquer certaines pièces du répertoire contemporain de l’Afrique noire. Une esthétique élaborée dans un discours qui fut trop rapidement qualifié de « naïf » par la critique occidentale du passé.

Et que dire de FROM A SON

 

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montrant une femme crucifiée ? Parmi les images engrangées dans notre culture, le célèbre tableau de FELICIEN ROPS intitulé LA TENTATION DE SAINT ANTOINE (1878) qui présente également une femme, les seins nus et clouée sur une croix, nous revient en mémoire. Et ce compas surmontant la croix, ne fait-il pas penser à un symbole maçonnique ?

Une œuvre extrêmement intéressante est la MARCHE DE NUIT

 

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On y voit le même personnage représenté à différents stades du mouvement. Cette œuvre offre le contraste évocateur entre la silhouette blanche, se détachant du fond noir de la nuit ainsi que l’idée de l’évolution de l’espèce humaine (par simple évocation), mais elle évoque aussi la silhouette qui se décante au loin pour aboutir à sa forme précise.

GILLES JEHLEN est un merveilleux artiste. Un sculpteur qui porte en lui le secret des émaux. Ses pièces sont d’une brillance à couper le souffle, leur conférant une grande noblesse. En effet, la terre passe du brut à la culture par le biais de l’émail qui la lustre en lui donnant souvent l’incorruptibilité de l’or. Et la  gestuelle savamment étudiée des personnages est digne des chorégraphies les plus avant-gardistes.

Lorsque on se prend à interroger cet artiste autodidacte qui sculpte depuis quinze ans, sur la genèse de ses œuvres, il ne fournit que des réponses assez évasives, du style « j’ai été influencé par une forme ». Ou bien alors, « j’ai créé sous l’effet d’une émotion », « je me suis laissé guider par le geste ». Comme s’il était lui-même surpris par le résultat obtenu. Bien sûr, l’œuvre surprend en premier l’artiste avant qu’elle ne touche le visiteur. Néanmoins, des réponses doivent se trouver enfouies sous un amas d’images et d’émotions plongées au tréfonds de son inconscient. Autrement, comment expliquer le rendu de la simplicité du geste quotidien exprimé notamment dans BLUE BOTTES

 

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qui se perd avec tant de fluidité et de grâce dans cet entrelacs de formes, à la fois élégantes, savantes et magiques ?

François L. Speranza.

 

Une publication

Arts 
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     GILLES JEHLEN : DU TREFONDS  DE L’AME A LA BRILLANCE DE L’ACHEVE

 

Du 16-01 au 03-02-13, l’ESPACE ART GALLERY (Rue lesbroussart, 35, 105O Bruxelles) expose les œuvres de Monsieur GILLES JEHLEN, un sculpteur Français qui offre pour la première fois son travail au regard du public dans une exposition intitulée DE LA TERRE BRUTE A LA TERRE POLIE

Avec GILLES JEHLEN, c’est l’imaginaire du visiteur qui tourne à fond !

L’imaginaire est interpellé par le nombre de réminiscences qui se télescopent dans tout ce que son regard rencontre.

La triade constituée par les pièces intitulées : COUP DE SCIROCèS A CADACO, DAME DE CADACES DEBOUT et DAME DE CADACES ASSISE,

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peut susciter le souvenir des Vénus préhistoriques du Paléolithique Supérieur (telles que la VENUS DE WILLENDORF), splendides incarnations de la Femme transfigurée en image de la fécondité. Ces Vénus « stéatopyges » comme on les nomme en Histoire de l’Art, ont la particularité d’avoir un amas de graisse important autour des fesses. Cette particularité se retrouve, évoquée de façon humoristique, dans ces créations de GILLES JEHLEN, réalisées en terre cuite émaillée.         

Si la triade a des accents « préhistoriques », LA FAMILLE MENDES

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développe, elle, une esthétique qui n’est pas sans évoquer certaines pièces du répertoire contemporain de l’Afrique noire. Une esthétique élaborée dans un discours qui fut trop rapidement qualifié de « naïf » par la critique occidentale du passé.

Et que dire de FROM A SON

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montrant une femme crucifiée ? Parmi les images engrangées dans notre culture, le célèbre tableau de FELICIEN ROPS intitulé LA TENTATION DE SAINT ANTOINE (1878) qui présente également une femme, les seins nus et clouée sur une croix, nous revient en mémoire. Et ce compas surmontant la croix, ne fait-il pas penser à un symbole maçonnique ?

Une œuvre extrêmement intéressante est la MARCHE DE NUIT

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On y voit le même personnage représenté à différents stades du mouvement. Cette œuvre offre le contraste évocateur entre la silhouette blanche, se détachant du fond noir de la nuit ainsi que l’idée de l’évolution de l’espèce humaine (par simple évocation), mais elle évoque aussi la silhouette qui se décante au loin pour aboutir à sa forme précise.

GILLES JEHLEN est un merveilleux artiste. Un sculpteur qui porte en lui le secret des émaux. Ses pièces sont d’une brillance à couper le souffle, leur conférant une grande noblesse. En effet, la terre passe du brut à la culture par le biais de l’émail qui la lustre en lui donnant souvent l’incorruptibilité de l’or. Et la  gestuelle savamment étudiée des personnages est digne des chorégraphies les plus avant-gardistes.

Lorsque on se prend à interroger cet artiste autodidacte qui sculpte depuis quinze ans, sur la genèse de ses œuvres, il ne fournit que des réponses assez évasives, du style « j’ai été influencé par une forme ». Ou bien alors, « j’ai créé sous l’effet d’une émotion », « je me suis laissé guider par le geste ». Comme s’il était lui-même surpris par le résultat obtenu. Bien sûr, l’œuvre surprend en premier l’artiste avant qu’elle ne touche le visiteur. Néanmoins, des réponses doivent se trouver enfouies sous un amas d’images et d’émotions plongées au tréfonds de son inconscient. Autrement, comment expliquer le rendu de la simplicité du geste quotidien exprimé notamment dans BLUE BOTTES

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qui se perd avec tant de fluidité et de grâce dans cet entrelacs de formes, à la fois élégantes, savantes et magiques ?

François L. Speranza.

                                                                                                  

Arts 
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Je n'entends plus ta voix

 

Soliloque

Je m'étonne ce jour.Tu me disais fidèle,

L'amie qui sait capter et que tu chérissais.

Un invisible lien, très fort, nous unissait;

Il semble devenu, soudainement, si frêle.

Je ne t'invite plus à conter tes émois,

Tes aveux, les désirs émaillant ton histoire,

Et tendrement aussi, te restant en mémoire,

Nos instants exaltants; il était une fois...

Tes centaines de lettres, attentivement lues,

Soigneusement pliées, gardant ton écriture,

Conservent tes pensées, d'aimables aventures.

Elle firent mon bonheur. Seront-elles relues?

Vas-tu glisser à l'horizon de ma mémoire,

Ton esprit et ton âme abandonnées par moi?

Je ne te parle plus, n'écoute plus ta voix.

Chaque jour, je refais des gestes dérisoires.

Je devrais essayer de rechercher le goût,

Me faisant trouver belle et magique la vie.

J'ai besoin de la grâce offrant de l'énergie,

Qui me rendait aimante et fidèle surtout.

22 janvier 2013

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Hans Erni

Dans ma bibliothèque, il y a l’Histoire naturelle imaginaire d’Henry de Montherlant, Edition de 1979 ornée de 37 lithographies de Hans Erni.

En feuilletant ce livre, et à l’approche des 104 ans de ce grand peintre. Cet article je le rédige en espérant que mes lecteurs découvriront ici l’œuvre immense de cet artiste.

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Lorsque j'ai rédigé le brouillon de cette note hier , je n'ai pas eu le temps de l'achever, j'ajoute donc les éléments de références suivants:

Hans Erni, est né le 21 février 1909 à Lucerne, est un peintre, graveur et illustrateur suisse. Il aura 104 ans dans quelques jours.

De 1930 à 1934, il travaille sous le pseudonyme de François Grèque Sa biographie sur Wikipedia

.La télévision suisse romande diffuse sur son site des reportages sur cet artiste dont certains en noir et blanc, et oui l'artiste en 1959 avait déjà 50 ans. Et vous verrez qu'à l'âge de 100 ans cet artiste est toujours très alerte et productif.

A un moment donné dans un des reportages plus récent il dit qu'il dessine toujours et qu'il ne pourrait plus vivre si il cessait de dessiner. 

Hans Erni, est vraiment un artiste très attachant et très simple malgré sa notoriété.

Bon visionnage et bonne lecture à tous les curieux de la vie.

HANS ERNI

http://www.rts.ch/archives/tv/culture/personnalites-suisses/4069683-hans-erni.html  durée 35 min

En 1959, Hans Erni fête son cinquantième anniversaire. A cette occasion, deux émissions lui sont consacrées, réalisées dans la maison de l'artiste à Meggen (LU) par Jean-Jacques Lagrange avec la collaboration de l'historien des arts Pierre-Francis Schneeberger.

Dans cette première émission, l'artiste évoque ses origines dans une famille nombreuse. Sa formation de base était l'architecture, ce qui lui a permis de dessiner sa maison et son atelier où il tente d'allier nature et lieu de vie.

Il évoque quelques-unes de ses grandes oeuvres, notamment la fresque réalisée pour l'expo nationale de 1939 qui l'a rendu célèbre.

HANS ERNI (2/2)

http://www.rts.ch/archives/tv/culture/personnalites-suisses/4069672-hans-erni-2-2.html  durée 32 min

En 1959, Hans Erni fête son cinquantième anniversaire. A cette occasion, deux émissions lui sont consacrées, réalisées dans la maison de l'artiste à Meggen (LU) par Jean-Jacques Lagrange avec la collaboration de l'historien des arts Pierre-Francis Schneeberger.

Dans cette seconde émission, le peintre évoque ses voyages en Afrique et en Inde avec le directeur du Musée d'ethnographie de Neuchâtel Jean Gabus. Le travail d'observation que l'artiste réalisa s'inscrit dans une recherche ethnographique du geste notamment.

Hans Erni parle de ses sources d'inspiration, historiques, sociologiques, symboliques. Son travail ne se limitant pas à la peinture, il nous fait découvrir d'autres techniques qu'il pratique, telle la céramique.

ERNI À L'ATHÉNÉE

http://www.rts.ch/archives/tv/culture/actualite-artistique/3446000-erni-a-l-athenee.html  durée 30 min

En été 1965, Hans Erni expose à l'Athénée, à Genève. L'Actualité artistique lui consacre une interview. Il livre ainsi quelques réflexions sur son travail et sur les conditions de l'art.

HANS ERNI CHEZ LUI

http://www.rts.ch/archives/tv/culture/3436028-hans-erni-chez-lui.html durée 33 min

Visite, au printemps 1967, à Hans Erni et à son épouse, dans leur maison lucernoise. Un lieu calme, propice à la réflexion et au travail. L'artiste parle de sa vocation pour la peinture et développe ce que représente à ses yeux l'expression artistique.

L'HOMME ENGAGÉ

http://www.rts.ch/archives/tv/divers/bonsoir/3446030-l-homme-engage.html  durée 1 heure

En avril 1988, l'émission Bonsoir reçoit Hans Erni. Une occasion pour le journaliste Eric Wagner d'évoquer plusiers aspects de la vie du peintre, notamment son engagement politique

 

HANS ERNI

Le sport a toujours inspiré Hans Erni. En novembre 1983, l'artiste reçoit l'équipe de Sous la loupe dans son atelier et présente plusieurs de ses compositions marquées par le sport.

http://www.rts.ch/archives/tv/sports/sous-la-loupe/3440898-hans-erni.html  durée 20 min

LA FRESQUE SUISSE

Un reportage consacré à Hans Erni alors qu'il complète et modernise sa fresque peinte pour l'Exposition nationale de 1939 à Zurich. Ce travail d'actualisation a été réalisé à l'occasion du 700e anniversaire de la création de la Confédération. La fresque La Suisse, pays de vacances des peuplesmesure 5 m sur 100m. Cette oeuvre magistrale rappelle l'engouement du peintre pour le travail des grandes surfaces.

 

http://www.rts.ch/archives/tv/information/tj-midi/3437243-la-fresque-suisse.html  durée 1min22

ERNI CHEZ GIANADDA

HANS ERNI, UN ARTISTE EMBLÉMATIQUE DE LA SUISSE

Ce 21 février 2009, Hans Erni fête son centième anniversaire. Reconnu pour son art pictural, ses fresques, ses illustrations de timbres (plus de 200), ses affiches d'expositions, ses sculptures et ses lithographies, Hans Erni a fait de son art un élément constitutif de l'image de la Suisse. Interviews et portrait en archives.

L'exposition Hans Erni à Gianadda

http://www.rts.ch/archives/tv/information/tj-midi/3446015-erni-chez-gianadda.html  durée 2 min

Pour les quatre-vingts ans de Hans Erni, la Fondation Gianadda de Martigny organise la deuxième exposition en son hommage. La Fondation, qui fête ses trente ans d'existence en 1998, avait convié une première fois l'artiste dix ans plus tôt, en 1989. Cette deuxième exposition rend ainsi hommage à un artiste emblématique de la Suisse, une sorte de monument national vivant et très actif.

UNE œuvre

http://www.rts.ch/archives/tv/divers/zig-zag-cafe/3445992-une-oeuvre.html 48 min

 

Hans Erni évoque, au cours de cet entretien à Zig Zag Café, les temps forts de sa carrière, ses intérêts, ses combats politiques, mais aussi sa foi dans l'homme et ses engagements pour l'écologie.

Hans Erni a 103 ans

 

http://demirsonmez.blog.tdg.ch/archive/2012/06/29/geneve-en-fete-hans-erni-103-ans-ettricentenaire-de-la-naiss.html

Hans Erni

Sur You tube

https://www.youtube.com/watch?v=nOT6bM9vqQM

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Orfèvre des mots.

 

L’âme  d’un  poète  se perd dans l’horizon,

D’une  mer  sereine  qu’il  a  dessinée,

Dans la  féerie du feu  d’un soleil de gloire,   

Et  d’arlequinades jouées  dans les squares,

Sur  d’âpres  querelles  qu’il a marmonnées,

Vécues dans la douleur comme une trahison.

 

Il  devient  l’orateur  d’un  manuscrit  obscur,

Dont  il  est  l’historien  que  rien  ne console,  

Epoque  de  drames,  ou  de  vaudevilles, 

Croupis dans les larmes d’infects bidonvilles,

Où  le nord  et  le  sud  perdent leur boussole,

Fondues dans les glaces de rayons clairs-obscurs.

 

Poète  d’eaux  vives  sacrées  dans le désert,

Couvrant  la  surface  de  notre  ère  chaos,

Il  est  philosophe,  occulte  en  textes purs,

Qui raniment le vent au galop des jodhpurs*,

Par-dessus  les  terres  secouées  de cahots,

Qu’il creuse d’énigmes aux pieds d’amours diserts.

 

Quand  son  rêve  vous  suit  il  s’évapore alors,

Sur  l’écran  des  vôtres  pour  une  éternité,

Qu’il enlace de soie pour plonger dans les fruits,

D’une corne d’excès qui contient des grap-fruits*, 

Glissés  par ses  strophes,  comme  superfluité,

Pour  fuir  la  disette  palpable  jusqu’alors.

 

Le  poète  est  un  fou  qui  voit  l’impossible,

Il  tâtonne  les  mots  tombés  des  nuages,

En  pluie  de papillons  aux ailes d’or et feu,

Embrasant les esprits quand vient le couvre-feu,

Et  que surgissent du noir  des êtres de tout âge,

Lutins,  anges  et  démons  devenant  tangibles.

 

Détaché  du  réel  quand  il  est  passionné,

Il  cisèle  l’amour  de  détails  et  motifs,

Monte sa tendresse, d’ors, en talent divin,

Polit l’argent d’ardeur, du gout se fait devin,    

S’étourdit  avec  joie  de termes créatifs,

Qui en font l’orfèvre  des billets crayonnés.    

 

Claudine QUERTINMONT D’ANDERLUES.  

 

*grap-fruit  (Désuet) (Mot du XIXe siècle) Synonyme de pamplemousse, que l’on trouve dans la dictée de Mérimée.                                                                                                    *jodhpurs Pantalon   d’équitation ajusté du  genou à la cheville et qui se porte sans bottes.

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QUAND LA MATIERE INCARNE LE DISCOURS

 

Du 16-01 au 03-02-13, L’ESPACE ART GALLERY (Rue lesbroussart, 35, 1050, Bruxelles), propose une exposition intitulée SENTIMENTS ET COULEURS, consacrée à Monsieur JIM AILE, un peintre Belge dont les œuvres ne manqueront pas d’en surprendre plus d’un par leur intensité plastique.

Dès le premier contact visuel avec l’œuvre de JIM AILE, l’on ressent l’impression d’un trouble physiquement exprimé par la manifestation d’un trop plein de quelque chose. Ce « quelque chose », c’est la matière. Son œuvre se caractérise par une prédominance de la matière. En fait, sa peinture est essentiellement « matière », étalée de la façon la plus brut, souvent par une touche travaillée au couteau, laissant sur la toile son empreinte existentielle.

L’on pourrait presque parler de « concerto » pour chaque œuvre de l’artiste, tellement un combat pour la vie s’engage entre la toile et la couleur. Et ce combat est, en quelque sorte «arbitré » par la matière qui souligne la couleur en la scellant sur le support.

Certaines toiles sont tellement pleines de cette matière qu’elles prennent l’aspect de pièces transitoires entre la peinture et la sculpture, à un point tel que le terme d’œuvres « mobiles » pourrait être appliqué, tant les éléments extérieurs s’ajoutent au chromatisme pour former un tout hautement plastique.

Parfois, le sentiment que la toile suffoque sous la matière nous saisit. Néanmoins, ce qui lui permet de respirer, c’est à la fois la lumière ainsi que l’éventail chromatique.

La démarche créatrice de JIM AILE qui n’a jamais fréquenté d’académies est fort proche de celle de POLLOCK, en ce sens que posée à même le sol, l’artiste évolue sur ses contours en utilisant la technique du « dropping », technique qui consiste à laisser couler, goutte par goutte, la peinture sur la toile, jusqu’à former un ensemble harmonique.

Si l’artiste donne souvent l’impression d’être éclectique concernant ses influences éventuelles, c’est parce qu’il cède à l’extériorisation d’une émotion qu’il s’efforce à traduire en couleurs.

Cette traduction sur tous les tons de la palette atteint, en quelque sorte son paroxysme, dans la volonté de l’artiste à inviter le visiteur à toucher ses toiles !

Oui, oui…vu avez bien lu ! JIM AILE vous permet de les toucher ! Plus que tout, il le souhaite ! Le toucher devient pour lui la phase finale du contact, son aboutissement. Il débute avec le regard qui appréhende l’œuvre de loin. Petit à petit, il s’en rapproche pour arriver à l’atteindre. Mais là où d’aucuns ne permettraient jamais au visiteur de « souiller » l’œuvre par le toucher, pour que celle-ci demeure « immaculée », voire inviolée par la main humaine, JIM AILE, lui, invite quiconque voudrait la toucher à le faire, dans le but à la fois de s’en imprégner mais aussi pour mettre un terme au voyage du regard, venu de loin, par la prise charnelle de la main sur le corps de l’œuvre.

Les œuvres sont accompagnées d’un texte séparé du tableau que l’artiste envoie au domicile du visiteur si celui-ci est intéressé de le recevoir.

Dans OSE (160 x 100 cm),

 

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nous entrons dans l’élan vital, aboutissant à la démarche créatrice. OSE, à l’impératif, marque un commandement, celui de se lancer à corps perdu dans l’acte créateur. Cette œuvre témoigne surtout d’un changement de cap drastique dans la vie de l’artiste. Lassé de sa position sociale ne lui apportant pas assez de réponses à ses questions existentielles (il était à la tête d’une banque au Japon), il décide de se consacrer pleinement à la peinture. OSE est l’injonction créatrice d’une détermination vitale et rageuse.

LUX FIAT (120 x 160 cm)

 

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est indubitablement l’œuvre la plus calme de la série présentée. Elle témoigne du besoin de la lumière estivale perdue au cours de l’automne. Le jaune est, bien entendu, le centre de la création, à l’intérieur de laquelle gravite une constellation d’éléments festifs aux couleurs tendres qui rappellent la douceur de l’été.

THE END OF THE WORLD ? CHANGE OF SPIRITUALITY I et II (100 x 160 cm)

 

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est l’expression d’une phase révolue basée sur l’irruption d’un changement brutal, à savoir la fin du monde. Certes, elle n’a pas eu lieu malgré les prédictions mayas !

Néanmoins, elle rend compte des changements d’états dictés par l’évolution sociale. L’œuvre « grouille » de business cards et de cartes de visite. Tels les vestiges d’un monde révolu, elle témoigne de la vision d’une déchéance sociale.

Ces cartes de visite sont, en quelque sorte, les vestiges archéologiques d’une société dans laquelle sans un distinctif servant d’identifiant social, vous n’êtes plus rien. Comme nous l’avons mentionné plus haut, des éléments extérieurs (cartes de visite, business cards…) se greffent à la toile dans le but d’être touchés par la main du visiteur.

WHERE IS THE FLAG ? (96 x 96 cm)

 

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Le drapeau belge atomisé ? Cette myriade d’électrons libres fuyant dans l’espace se veut une vision personnelle de la réalité politique belge. Le noir, le rouge et le jaune semblent évoluer sous la loupe d’un microscope. Cette œuvre est, selon l’artiste, la métaphore d’une situation politique traduisant l’absence d’harmonie communautaire au sein d’une même société. Une parabole sur une mécanique autodestructrice.

GREEN IS GOOD (96 x 95 cm)

 

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introduit la nature dans une expression sauvage où la matérialité du discours se retrouve dans le traitement de la matière étalée au couteau.

A JOY FUL FISH IN A GREEN POND (100 x 160 cm)

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se veut, aux dires mêmes de l’auteur, un autoportrait lequel reprendrait les épisodes d’une vie antérieure dans l’univers de la banque. Un temps presque intemporel qui nous concerne tous, en tant que poissons joyeux, évoluant dans l’étang des responsabilités, et ce quelle que soit la teneur de l’eau.

JIM AILE qui s’exprime en technique mixte, est un autodidacte d’origine belge et italienne du côté de sa mère, originaire du sud-Tyrol (partie germanophone d’Italie), européen de culture et polyglotte qui peint depuis cinq ans, dont le rêve est d’exposer dans des galeries permanentes. Un artiste-magicien qui jette ses couleurs sur la toile comme un dieu jetterait ses sortilèges. Son dialogue avec la matière nous surprend et nous interpelle sur la nécessité créatrice.

François L. Speranza.

 

Une publication

Arts
12272797098?profile=originalLettres

Note de Robert Paul:

La page de Jim Aile sur le réseau

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Premier cri

Le jour tant attendu

Ne s'est pas perdu,

Il est même arrivé

Plus tôt qu'espéré

 

Je me suis retrouvé dans l'antichambre

Assis, n'en pouvant plus d'attendre

Observant la dance des médecins

Qui faisaient sans cesse des vas et viens

 

Lorsque quelqu'un sortit en courant

Mon cœur s'arrêta de fonctionner

Regardant la porte droit devant

Mon cerveau s'emballa dans ses pensées

 

Y aurait-il des complications?

Je me remplis de frissons

Le temps sembla s' être arrêté

Pourra-t-il seulement redémarrer?

 

Un cri se fit entendre

Bouleversant le silence

Est-ce celui que j'attends

Depuis si longtemps?

 

Le son se fit soudain plus prononcé

Un drôle de véhicule s'approcha de moi

A l'intérieur mon fils, mon héritier

Je restais un moment sans voix

 

Ma joie ne pouvait pas se mesurer

Les larmes descendaient sur mon visage

Je ne cessais de le contempler

Ce petit me venant comme un mirage

 

A peine pouvais-je me faire à l'idée

Ca y est, Je suis devenu Père

Les Canons vont pouvoir sonner

Les trompètes peuvent se défouler

L'univers m’a enfin donné

Ce cadeau inespéré

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LOTUS D'OR

Petite fleur en souffrance

Tes pas délicats ondulent sous la lune

Tes gestes mesurés et gracieux pour ne pas tomber

Ne sont que torture et soumission

Beauté Parfaite tel le Lotus qui jaillit de la vase

Seule fleur qui en s'épanouissant garde bouton et graines

tes pieds minuscules sont les boutons de magnficences

Quand ton âme s'envolera tu porteras des chaussons blancs à la semelle brodée

Ton calvaire sera terminé

AA

Notes prises lors de la conférence à Toulon de Chantal Daupez  Historienne    qui a longtemps vécu en chine

(Document plus complet sur mon blog perso )12272863865?profile=original12272863882?profile=original

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DIMITRI SINYAVSKY :  LA NATURE ENTRE L’AME ET LE TEMPS

 

Du 16-01 au 03-02-13, l’ESPACE ART GALLERY (Rue lesbroussart, 37, 1050, Bruxelles) a le plaisir de présenter une exposition intitulée FLUX DU TEMPS, consacrée à Monsieur DIMITRI SINYAVSKY, un jeune artiste Russe qui depuis son enfance a noué avec le temps, un dialogue incertain.

DIMITRI SINYAVSKY est un jeune paysagiste Russe qui peint depuis 2008. Au fur et à mesure de la conversation qui s’installe avec lui, il nous révèle l’invraisemblable : il a commencé par l’abstrait ! De l’abstrait au paysage…voilà un parcours autant singulier qu’à contre-courant. Car, en règle générale, c’est le contraire qui se produit. Quoique...! Si par « abstraction » nous entendons des plages de couleurs éclaboussant le blanc de la toile, force est de constater que tout cela n’apparaît nullement dans les œuvres de l’artiste. Si, au contraire, nous entendons par « abstraction » l’introspection proustienne par rapport au temps, à l’intérieur de l’âme humaine, alors peut-être que l’œuvre de DIMITRI SINYAVSKY demeure parfaitement « abstraite » (du moins, dans l’esprit), malgré la présence de la nature, à la fois foisonnante et majestueuse, voilée, néanmoins sous un fond de solitude.

La prise de conscience du temps qui passe. L’existence du temps en tant qu’expression d’un sentiment qui nous définit. Voilà, sans doute, une définition supplémentaire à cette « marque déposée » au début du 20ème siècle par une critique avide de sensationnalisme, sans pour autant entrevoir la confusion que cela allait engendrer dans les esprits. Absence de figure humaine ou de tout élément identifiable par notre vocabulaire le plus courant, serait synonyme d’ « abstrait ». Or, à la vue de l’œuvre de DIMITRI SINYAVSKY, au demeurant, parfaitement « classique » dans sa forme, nous sommes intrigués par cette répétition de la présence de la nature, conçue comme un leitmotiv, pour souligner la nostalgie d’un « âge d’or », où elle n’était pas encore asservie par l’Homme.

Nature et solitude de la nature sont les fondements de son discours, à la fois philosophique et pictural. Balançant entre l’Ecole Russe et l’Impressionnisme français, il y a dans son trait autant de SAVRANOV ou de SHISHKINE que de PISSARRO.

Tout un héritage remontant à la fin du 19ème siècle dont nous retrouvons les traces en chacune de ses œuvres. Même lumière, même luminosité et amour pour les grands espaces empreints du mysticisme de la nature, concernant l’Ecole Russe. Même disposition du cadrage à l’intérieur duquel se déroule la scène, comme dans l’Impressionnisme français, concrétisé par des successions à peine perceptibles des plans ainsi que des points de fuite, permettant au regard de prolonger l’espace.

VERT PETIT DANS LES FRIMAS (59 x 44 cm)

 

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et PROVENCE SOUS LE BOURRASQUE (79 x 39 cm)

 

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se situent à l’intersection entre une décharge des sentiments à vif dans le silence d’une nature foisonnante et de l’étude analytique de cette même nature.

Si l’on s’attarde sur VERT PETIT DANS LES FRIMAS, on remarquera ce détail qu’est la présence du feuillage souligné de façon appliquée comme lorsqu’on trace une calligraphie, contrastant avec le fait que ce même feuillage est situé loin par rapport à la persistance rétinienne. Illusion d’optique ? Non. Simple mise en exergue d’une nature dévoilant sa présence dans tous ses atours. Au fur et à mesure que le regard s’avance, bien des détails apparaissent, notamment l’existence cachée de différents plans, alternant discrètement le rythme de la composition, ainsi que des points de fuite sur lesquels le visiteur risquerait de passer sans même les remarquer.  

Rarissime est la présence de la figure humaine dans l’œuvre de ce paysagiste. Cette absence résulte d’un bannissement de l’Homme par la nature. Toujours est-il que sa présence neutre, presque miraculeuse, confère un équilibre à la composition.

Néanmoins, dans LE RAMASSEUR (20 x 31 cm),

 

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la possibilité d’une réconciliation  entre l’Homme et la nature s’affirme dans une communion entre dégradés de couleurs, lumière enveloppante et jeu de perspective.

Car DIMITRI SYNIAVSKY est décidément un maître de la perspective. Même si le personnage du « ramasseur » fait partie intégrante de la composition, il demeure ostensiblement en retrait, en étant volontairement décentrée par rapport au cadrage. Le plan représente une clairière. Divers points de fuite (bien que très discrets) s’offrent au regard. Une lignée de bouleaux placés en ligne droite (sur la gauche) s’oppose à une autre lignée de bouleaux (sur la droite), placée en oblique, créant ainsi un déphasage dans la perspective.  Un jeu subtil s’installe entre la solitude de la nature luxuriante à souhait et l’invitation adressée au regard du visiteur à se perdre pour trouver sa liberté, dans un savant dosage appliqué aux nuances du chromatisme pour déterminer la profondeur du champ visuel. 

Un jeu discret dans la fonction de la lumière est apporté par les réverbérations des lampions accrochés aux branches des arbres, à mi-plan de SOIR A BRUGES (31 x 39,5 cm),

 

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se réfléchissant sur l’eau noire.

Un contraste intéressant s’établit entre la zone médiane du tableau, illuminée, comprise entre deux zones dominées par le noir de la nuit (le ciel nocturne et l’eau du canal).

Nous retrouvons toujours cette conception scénique de l’œuvre picturale, campée entre différents plans, laissant deviner des points de fuite.

Il est impressionnant de constater qu’à l’exception de trois tableaux, toutes les  œuvres de cet excellent artiste, exposées à l’ESPACE ART GALLERY, datent de l’année dernière. Ce paysagiste, coté « Drouot » préfère, pour des raisons de meilleure lisibilité, l’utilisation de l’huile.

L’origine de sa démarche est à chercher, notamment, dans l’œuvre cinématographique du metteur en scène Danois LARS VON TRIER (particulièrement dans la dialectique qu’offre son film DOGVILLE) où l’être humain, existant, se voit mis à l’écart, puis abandonné, voire sacrifié par la société. La nature, c’est l’âme dans la souffrance de l’abandon et les endroits sauvages deviennent une image de l’intemporalité (le biotope inviolé), prise comme démarche politique de la nature. Un autre artiste, extrêmement présent dans la quête intellectuelle du peintre, est le compositeur Russe SCRIABINE qui (à l’instar de MOUSSORGSKY) désirait hardiment incorporer les éléments dans sa musique. Le parfum de l’herbe fraîche devrait, selon l’artiste, se dégager à la vue d’une scène champêtre. Car le tableau avec la peinture qui le recouvre participent déjà de la nature. Et cette nature, dans son expression la plus organique, vient se loger au cœur de l’émotion.

 

DIMITRI SYNIAVSKY a touché un peu à tout dans le domaine de l’Art. Il a notamment tâté de la vidéo lorsqu’il était encore en Russie. Arrivé en France, il a été fortement encouragé par le peintre SERGUEI TOUTOUNOV à s’engager dans la voie de la peinture.

Passer devant son œuvre picturale est un acte d’une immense responsabilité, car l’on passe devant une myriade de scènes analogues. Or, chaque scène est le témoin d’une émotion particulière interprétée de façon différente.

Ce qui, une fois encore, tend à prouver qu’une œuvre d’art (quelle que soit sa nature) ne se regarde pas : elle se lit !

François L. Speranza.

 

 

Une publication

Arts 
12272797098?profile=originalLettres

 

Note de Robert Paul:

Promenades fleuries sur des oeuvres de Dimitri Sinyavsky

Accompagné par une sonate de Scriabine, musicien affectionné par le peintre.
Proposé et réalisé par Robert Paul

La page de Dimitri Sinyavsky sur Arts et Lettres

N.-B.: 

Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, administrateur général d'Arts et Lettres

 

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♦ Contre toute régression du traitement de misère

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Le vrai secours aux misérables, c’est l’abolition de la misère. Victor Hugo (1802-1885)

 

Mais que me dites-vous des misérables de la rue

A quoi sert d’en parler pour tant les décrire à distance

Avec un ton bien attristé pour calmer la conscience

Ne jugez rien à leur place s’ils vous sont inconnus

 

Que diriez-vous si on ne vous accordait plus de nom

Cette prime attention qui déclare votre existence

Que seriez-vous alors à subir telle inconséquence

L’être sans consistance, régression puis dérision

 

Qui va donc décider ce qu’est le peuple de la misère

Sans le connaître et ainsi masse informe parjurée

Ce tout en moins d’humanité par code de société

Mais qui porte l’indignité ? Ma question est colère

 

Chaque être de la rue a ce besoin d’être reconnu

Pour ce qu’il est et non comme de la triste clientèle

Pour les hypocrisies de la pitié consensuelle

Et de l’absolution de tout au printemps revenu

 

Assez du grand fatalisme pour plier tout soupçon

De charité en déficit ou d’absence cruelle

Pour repousser encore et de façon perpétuelle        

Tout espoir en cour des miracles et des illusions

 

Assez du misérabilisme, des litanies amères

De chaque hiver, feu l’esprit des actes réfléchis       

Je me dégage tout entier de toute démagogie

De ces réquisitions de compassion et de prière

 

Assez de ces chiffres pour tant de misère accrue

Pour crier l’urgence comme dans une autre époque

Comme on ressort les ostensoirs des drames baroques

L’état civil des anonymes et les guichets des exclus

 

Assez de l’abus des gens généreux quand les affronts

De ces religieux intégristes de la richesse qui stocke

Ses valeurs de vanité augmentée par l’art du médiocre

Par l’outrance, l’indécence, l’escroquerie sans nom             

 

Assez des pouvoirs verticaux qui en aucune manière

Ne veulent changer leurs procédés de gouverner

Tout ça pour déglinguer les premiers droits en humanité

Pour donner de l’insulte à ces esprits lanceurs de pierre 

 

Assez de réclame pour ce qui ne change et continue

D’envoyer des gens dans la rue sans rapport au mérite

Et même à la malchance que l’on accuse bien vite

Comme c’est ne rien comprendre vraiment de leur vécu

 

Mais que me dites-vous de ce problème sans solutions

Alors que ça crève les yeux ce qui fait la méprise

D’une société d’iniquité et de l’inlassable bêtise

Du monde du luxe sans complexe, quelle prétention !

 

Mais que me dites-vous qui ne serait pas ordinaire

Des plaideurs crient aux voleurs, mais jugez la diversion  

Qui a donc le butin de la nommée confiscation

Qui fuit et qui reste, quel côté faut-il qu’on préfère ? 

 

Les cadors des fortunes ne sont que la raison corrompue

Dans des rôles pathétiques, fardés, grise mine

De toute idée solidaire que jamais ils n’imaginent

Avec l’aisance de leur cynisme travesti au-dessus

 

Rien de rien ne viendra de ces gens là sans question

Pour les choses humaines, et vis-à-vis du sens même

Il faut se dégager de leur addiction aux faux problèmes

De leur obsession d’un blanc seing à leurs viles possessions   

 

Ne traitons que de vraies affaires et du temps sévère

Pour tous ces gens de notre sensible proximité

De plus en plus de misère traitée par charité

L’admettre c’est faire repartir notre monde en arrière

 

Je voudrais d’autre logique de misère combattue

Le choix radical de l’action pour son abolition

Assez des discours de traîne où meurt l’ambition

Assez de trêve hypocrite pour croire tout résolu

 

Mais que me dites-vous du grand déficit pour la nation

Raison du tout en moins et de tous ces blasphèmes

Aux droits légitimes de vie réelle, digne et saine

Assez de ce tort aux franchises gravées sur nos fronts

 

Contre toute mauvaise logique, que faut-il faire ?

L’évidence ne fait-elle pas le devoir de réfléchir

Avec la ferme résolution des efficacités pour agir

Traiter des causes de misères n’est-elle pas première ?

 

Ne parlez pas de morale sauvée ou soutenue

Au bout de misère secourue, pensez à l’origine

Le non-sens d’un tas de contrats quand on les examine

Lucide et franc, hors de céder à leur déconvenue

 

Mais que me dites-vous l’urgence, force d’exception

Les années passent en restrictions en ce rien qui ne change

Du mal en pis, la société se fait des fables qui l’arrangent

Du temps de rêve pour penser que chacun est bien bon

 

Pour l’année deux mille treize, et parmi vos vœux sincères

Y mettrez-vous celui d’aucun calendrier avec des dates

Pour des urgences par cause de misère scélérate

Y mettrez-vous le vœu de fin de telle société guerrière

 

Y mettrez-vous le vœu d’aucun misérable dans la rue

A commencer par rendre à tout être nom et parole

Du sens à vivre, partout, au-dessus de toute épaule  

J’espère ce secours pour demain : la misère vaincue

 

 © Gil DEF - 29.12.2012     

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Le néant absolu

Pullulement d'êtres humains sur la planète.

Chacun d'eux passager pour un temps inconnu,

S'en ira dépourvu comme il était venu,

N'ayant jamais flotté dans l'harmonie parfaite.

Chacun d'eux passager pour un temps inconnu,

Travaillant de son mieux au confort qu'il souhaite,

N'ayant jamais flotté dans l'harmonie parfaite,

Ne laissera de lui forme ni contenu.

Travaillant de son mieux au confort qu'il souhaite,

Voulant réaliser ses voeux entretenus,

Ne laissera de lui forme ni contenu

Quand il disparaîtra au sortir de la fête.

Voulant réaliser ses voeux entretenus,

Le juste agit souvent d'une façon discrète.

Quand il disparaîtra au sortir de la fête

Il ne maudira pas le néant absolu.

Le juste agit souvent d'une façon discrète.

Il n'a pas le désir d'être loué, connu

Et ne maudira pas le néant absolu.

Les existentialistes en font une défaite.

                                                                        20 janvier 2013

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Participez à ce magnifique concours

Cette fois-ci j'insiste, les gens sont tristes. 

Je demande participation pour cette action.

Ce serait mondial, les habitants de la terre entière.
Des millions de participants, une loterie extraordinaire.

Je vois trop souvent, chaque matin.
Des gens exporter en train leurs chagrins.

Il faudrait se dire plus souvent bonjour.
Pour participer à ce grand concours.

N'ayez pas peur de tenir enfin la porte.
A cette personne derrière vous à la poste.

Ce serait bien de se lever un peu plus tôt.
Pour céder sa place assise dans le métro.

Aidez votre prochain comme c'est inscrit.
Encouragez-le souvent, ne restez pas ainsi.

Au nom du Père et du fils et de cette demoiselle.
Je vous salue Marie, exquise, ainsi soit-elle.

Tout le monde gagnerait du respect, de la courtoisie.
De la reconnaissance, des gestes positifs et des sourires.

Nos coeurs chanteraient des mélodies nouvelles.
Retour des hommes et femmes dans les chapelles.

Enfants qui chantent et peuples qui s’entendent à l’unanimité.
Cela demande juste un petit effort, on pourrait tous y gagner.

Un magnifique concours ou le gain final serait Amour et Fraternité.

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Philippe Jaccottet, l'Entretien des Muses

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Philippe Jaccotet, par Erling Mandelmann

 

 

Né le 30 juin 1925 à Moudon, Philippe Jaccottet est un écrivain, poète, critique littéraire et traducteur vaudois.

 

 

"Ce livre est un recueil de chroniques de poésie publiées en revue ou en journal entre 1955 et 1966 (la plupart à La Nouvelle Revue Française ou à la Gazette de Lausanne) ; quelques études et notes inédites les complètent. Elles concernent des oeuvres de poètes français ou suisses-français parues entre 1910 et 1966 (de Claudel à Paul Oster).

 

L'absence de morts illustres (Valéry, Fargue, Artaud, entre beaucoup) et de grands vivants (Aragon, Queneau - mais la liste de ceux qui ont droit à l'attention serait longue) suffira, je l'espère, à faire comprendre que ce livre ne prétend en aucune façon dresser un panorama de ce demi-siècle de poésie. Le fait même de la chronique a voulu que le hasard de l'actualité joue un rôle dans le choix ; le plus souvent, des raisons toutes subjectives en ont décidé.

 

Jamais un livre de poèmes n'aura été pour moi l'objet de connaissance pure : plutôt une porte ouverte, ou entrouverte, quelquefois trop vite refermée, sur plus de réalité. Tout simplement, je n'ai commencé d'écrire ces chroniques que pour avoir été attiré, éclairé, nourri par certaines oeuvres, pour m'être attristé ou indigné de les voir méconnues, pour avoir espéré leur gagner quelques lecteurs. Aussi s'agissait-il moins, pour moi, de bâtir une œuvre critique à leur propos que d'essayer d'ouvrir un chemin dans leur direction, en souhaitant que ce chemin, une fois l’œuvre atteinte, fût oublié.

 

Il se trouve néanmoins qu'à partir de là j'ai aussi été amené tout naturellement à m'interroger sur ce qui, dans telle ou telle de ces œuvres (qui m'avaient toutes, à divers degrés et diverses raisons attiré), me tenait à distance. De sorte que, des lacunes du choix comme du rapport des éloges et des réserves, de l'adhésion et du refus, finit par s'ébaucher une figure (entre plusieurs) de la poésie, figure dont les remarques finales dégagent quelques traits." (Philippe Jaccottet)

 

Philippe Jaccottet nous parle de Paul Claudel, Jules Supervielle, Saint-John Perse, Pierre-Jean Jouve, Pierre Reverdy, Paul Eluard, André Breton, E.-H. Crinisel, Gustave Roud, Henri Michaux, Francis Ponge, Jean Follain, Jean Tardieu, Armen Lubin, Jean Tortel, René Char, Guillevic, Pierre Delisle, Jean Grosjean, Henri Thomas, J.-P. de Dadelsen, Alain Borne, Maurice Chappaz, Anne Perrier, Yves Bonnefoy, André du Bouchet, Jacques Dupin, Michel Deguy et Pierre Oster.

Le titre du livre est emprunté à une pièce de clavecin de Rameau.

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Je complète ma présentation en quelques mots...

A propos de mon site, j'expose mes propres découvertes en mots, sons et images que je souhaite partager. Une sorte de mécénat virtuel. Son titre "Expression d'Exception" couvre deux champs, celui du contenu (forme et fond) et/ou celui de sa diffusion, soit les talents que je rencontre hors des sentiers battus (expositions locales, ouvrages de petits éditeurs indépendants, voire même auto-édition, musiciens atypiques, et peut-être aussi via ce réseau ? Chacune de ces réalisations ont une dominante commune : une très forte connotation humaniste. Je communiquerai ses actualisations (normalement mensuelles).

A titre d'exemple, Guillaume Bourquin, Peintécriteur. Expression d'Exception 12272859679?profile=original

A propos de mon premier roman "L'Homme du Wiel - sous titre : "L'humain, ce roseau dit... pensant" dont j'ai présenté la première de couverture, il s'agit  d'un récit de vie qui se déroule sur un court temps, celui de la rencontre virtuelle entre les deux protagonistes : Ana, une quinquagénaire française, embourgeoisée, fraîchement divorcée et toujours rêveuse dans l’âme qui se morfond dans la société française contemporaine, et Gilles un français exilé en Tasmanie, il y a 30 ans... L’histoire est double. Loin d’être une simple « romance » qui n’en constitue pas moins son ossature, celle de l’écriture y est entrelacée, et autour de cette double intrigue/double passion de l’héroïne pour l’homme et celle de l’écriture qu'il fera éclore, l’ouvrage aborde avec sérieux, réalisme, tendresse, colère et raillerie les questions de l’amour, de l’argent, de la place de la femme et de la liberté. Autrement dit selon les idées de l’auteur(e), le « pouvoir » naturel (réel) opposé à celui construit : fictif... Il comporte des réflexions philosophiques sur notre société, un questionnement sur notre rapport au monde, sur les liens complexes de l'écriture et de la vie, et de la frontière entre le réel et le virtuel qui me conduisent à le qualifier de roman  de mœurs, voire d'apprentissage, de conte philosophique et même de manifeste...

J’ai commencé mon second roman. J'en suis toutefois encore en phase de réflexions-recherches alternées...

Au plaisir de partager mes prochaines découvertes.

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