« Je crève de pitié, d’aimer et de sourire:
mais, sourire, ne m’est pas toujours possible[1]…hélas !!!
"L'enfant qui sait un jour se pencher sur l'animal souffrant,
saura un jour tendre la main à son frère."
Albert Schweitzer
"L'homme a peu de chances de cesser d'être un tortionnaire pour l'homme, tant qu'il continuera à apprendre sur la bête son métier de bourreau" déclarait une humaniste à la lucidité implacable, dame Marguerite Yourcenar, tandis que pour son illustre prédécesseur, Friedrich Nietzsche : "L'homme est un être superficiel par profondeur".
Craignons fort, hélas, que ces truismes perdurent dans leur intemporalité et que nous n’ayons, en outre, nulle amélioration à attendre concernant notre devenir sur cette planète Terre ! Prenons-en pour preuve la déplorable attitude que nous manifestons, nous autres « deux pattes », en regardant ces compagnons à « quatre pattes » de nos existences, comme un simple objet de consommation, pire un accessoire inanimé ou un meuble soumis à nos desiderata, pulsions d’amour ou de désamour et autres humeurs fluctuantes, le plaçant de prime abord, dans un élan d’euphorie, sur un piédestal, pour presque aussitôt l’en destituer, en lieu et place d’épouser une devise flaubertienne nous incitant à la fraternité faisant fi de toute distinction de genre :
"Je suis le frère en dieu de tout ce qui vit, de la girafe et du crocodile, comme de l'homme, et le concitoyen de tout ce qui habite le grand hôtel garni de l'univers !"

Ô monstres d'humains insouciants, immatures, à l'égoïsme prononcé, combien vos méfaits éhontés me répugnent ! Antihéros à l’irresponsabilité consommée, qui abandonnez fréquemment sans fondement véritable, au premier grief-prétexte, fruit de votre déraison, que vous cherchez, de surcroit, à justifier, en répudiant ceux que vous avez auparavant élus, puis pendant un certain temps, choyés, le temps qui vous arrangeait, le temps de vous servir d'eux, de jouer avec leur affectif, de vous y ressourcer même, avez-vous la moindre notion, vils Narcisse, de la souffrance de ces petits êtres vulnérables éperdus de confiance pour vous et devenus totalement dépendants de vos soins ?
Avez-vous la moindre conscience, de ce que votre odieux geste suscite en eux, bourreaux, ce qu’il leur faut endurer de par la loyauté abolie à leur égard, dénuement matériel, dénuement psychologique et émotionnel, par votre seule faute et action innommable, vous, en qui ces innocents voyaient un Dieu ?
Pourquoi tant d’abjectes cruautés laissant à jamais leurs empreintes, influant sur le comportement futur du malheureux rejeté? Pourquoi faut-il que tant de volontaires au cœur généreux, « Hommes de bonne volonté » à la Jules Romains, rentrant inlassablement en résistance, quelque soient les saisons et leurs cohorte d’intempéries, œuvrant tant bien que mal au quotidien afin d’atténuer les maux de ces martyrs, passent heures et énergie à tenter de réparer les dégâts générés par vos esprits doués de perversité, rivalisant d’ingéniosités infâmes que vous infligez à vos victimes sans vergogne, ni l’ombre d’un remords !!!
« Je crève de pitié », pour paraphraser une formule du « Poète rustique »Francis Jammes, ce « Faune habillé de bure » à la Saint François d’Assise…, évoquant un vagabond félin aperçu sur son chemin… pauvre créature impuissante condamnée à l’errance et à mille et un périls, elle aussi trahie par l’un de nos semblables !
Faut-il que nos« Amies les bêtes » chères à l’écrivain Colette, perdurent à payer un lourd tribut par l’extinction de nombre de leurs espèces, faune sauvage en tête, subissant qui plus est, lorsque elles sont dévolues à nous tenir compagnie, d’ignobles et inqualifiables maltraitances, sous de quelconques et cyniques doléances, que, dans votre for-intérieur vous savez fallacieuses ! "Sans grandeur, ni noblesse ; le sens de la noblesse animale est trop souvent sacrifié à la bestialité humaine!" affirmait Paul Guth, en similitude de notre idéal qui nous fait dire que la férocité ne se situe pas du côté que l’on croit, surtout si on ne prend garde à se défier des faux-semblants, apparences, qui comme chacun sait, sont en tous points trompeuses !!!
Pensez-vous que cette fructueuse « Corne d’abondance » que nous offre Mère Nature, notre mère universelle à tous, encline à se transformer en « Mater dolorosa » au fur et à mesure des ans écoulés creusant l’abîme, soit inépuisable, et, qu’en l’occurrence, nous pouvons donc, en arrogants despotes que représente notre engeance imbue d’elle-même, puiser en elle jusqu’à plus soif ? En vérité, à quel titre les trésors prodigues fécondés par notre Alma mater, depuis ses origines, nous appartiendraient-ils ?
«La Terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la Terre»
avait coutume d’énoncer le penseur Amérindien Sitting Bull…
Oui, mon cœur crève de pitié et lourd d’un tel fardeau, menace parfois de débonder devant « l’insoutenable légèreté de l’être » dont fait montre une palette de nos « Frères humains », devant toutes les barbaries inconcevables dont notre genre bipède soit disant évolué se rend coupable en étant coutumier du fait, ayant, excusez-moi du peu, la suffisance de se prétendre de race « supérieure » !
Or, le respect de la vie proclamée par quelques sages appartenant à notre humanité si fréquemment déshumanisée, passe aussi, ce me semble, par l’attention et la considération, sinon l’amour portés aux autres destinées que les nôtres, ne bénéficiant pas du privilège d’un langage articulé sophistiqué pour exprimer leur désarroi, clamer leur révolte et douleur, en adéquation avec la pensée de Boris Cyrulnik qui professe ceci : « Le jour où l'on acceptera enfin qu'il existe une pensée sans parole chez les animaux, nous éprouverons un grand malaise à les avoir humiliés et considérés aussi longtemps comme des outils"…
« Règnes végétal, animal, minéral » pour lesquels il nous échoit de demeurer constamment à l’écoute, en vertu du motif fondamental suivant : nous faisons tous partie intégrante de la chaine, nous sommes tous un maillon essentiel à l’équilibre de la biodiversité, de ces trois règnes adjoint au nôtre, celui-ci étant l’unique à vouloir imposer sa suprématie dans une violence inouïe !
Viendra t-il ce jour reviviscent tant attendu, décrit par Pierre Rabhi ? La connaitrons-nous cette « Terre promise » gage d’espérance ? Renaitrons-nous enfin de nos cendres, tel le Phénix, après nous être consumés ?
Car « Il nous faudra bien répondre à notre véritable vocation qui n’est pas de produire et de consommer jusqu’à la fin de nos vies, mais d’aimer, d’admirer et de prendre soin de la vie sous toutes ses formes. »
Nous n’aurons pas d’autres alternatives, pas d’autres issues que d’instaurer une éthique si nous voulons assurer la survie de notre espèce ou bien, il n’est nullement besoin d’être devin, pour présager que l’inéluctable nous guette, soit, que les générations futures s’entredéchireront pour défendre leur propre descendance !!!
Ce n’est pas le philosophe d’origine indienne Jiddu Krishnamurti, aujourd’hui parti « tutoyer l’azur » qui nous contredirait, lui qui était convaincu de l’égotisme des Hominiens :
« Cet immense chaos, cet immense désordre qui règne dans le monde entier met en danger toute forme de vie.
Il gagne du terrain de toutes parts. Les scientifiques, les hommes politiques, les philosophes, les psychanalystes, les gourous n'ont pas résolus les problèmes qui nous assaillent en tant qu'être humain : ils ont émis toute sorte de théories mais n'ont pas résolu les problèmes.
Personne ne le fera à notre place : c'est à nous qu'il incombe de résoudre nous-mêmes ces problèmes, parce que c'est nous qui en sommes la cause.
Mais malheureusement nous n’avons pas envie de regarder de près nos propres problèmes, de les creuser et de découvrir pourquoi nous vivons en égoïste obnubilé par notre propre ego. »
Saurons-nous réagir en temps et en heures avant qu’il ne soit trop tard, fédérant les forces spirituelles partageant des valeurs communes ? Gageons que oui, si l’on tient compte des magnifiques initiatives fleurissant ici et là, volontaires altruistes et intègres jusqu’à frôler l’abnégation dans leur dévouement au service de la misère animale !!!
N’oublions jamais que :
« Seul, on ne peut rien : il faut s'unir à l'heure opportune. »
Johann Wolfgang Von Goethe
Nous nous séparerons par cette admonestation en forme de sonnet signée de la plume du père des « Chimères », « Vers dorés » nervaliens nous conviant à une mûre introspection de nos psychés :
Eh quoi ! tout est sensible !
Pythagore
Homme ! libre penseur - te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose :
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l'Univers est absent.
Respecte dans la bête un esprit agissant :
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose;
Un mystère d'amour dans le métal repose :
« Tout est sensible ! » - Et tout sur ton être est puissant !
Crains, dans le mur aveugle, un regard qui t'épie :
A la matière même un verbe est attaché...
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !
Souvent dans l'être obscur habite un Dieu caché;
Et comme un œil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres !
Gérard de Nerval (1808-1855)
(Recueil Les Chimères, 1853)
I
Je crève de pitié, d’aimer et de sourire :
mais, sourire, ne m’est pas toujours possible,
et ce petit chat m’a rempli d’une tristesse grise.
Il miaulait sous la grande porte de la mairie,
par ce soir pluvieux, boueux, et j’ai senti
toute l’infinité résignée et muette
de la douleur des bêtes, de la douleur des bêtes.
Mon Dieu : qu’allait-il faire? Qu’allait-il faire ?
Son malheur est si triste sous la pluie.
Qui va le nourrir? Qui va le nourrir ?
Oh! s’il allait, en tremblotant, là, mourir,
— ou devenir un triste chat des saligues
qui crève, dans la boue malsaine, de famine,
de grelottement, de croûtes et de fièvre
— ou être tué par un chien qui le prend pour un lièvre.
Francis Jammes (1868-1838)
(Recueil : "De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir")

"Arbre de Vie"
peinture onirique de source non identifiée
* : Emprunt à une formule de l'écrivain Colette
[1] : Citation extraite d’un poème du « Faune habillé de bure » alias le « Poète rustique » Francis Jammes ; se reporter en fin de document afin de prendre connaissance de l’œuvre dans son entièreté …
2 : références de la première illustration : Œuvre d'Adrienne Ségur