Sortez, sortez, il en restera toujours quelque chose!
Le tour du monde en 80 éclats de rire … au Fou Rire
Ambiance feutrée, accueil chal… heureux. Ce Giggle théâtre, le Fou Rire… à Ixelles, est un sacré projet ! Quelle découverte, ce petit lieu qui n’en n’est pas un. Car il est finalement très spacieux et jouit d’une très bonne acoustique, ce qui ne gâte rien. Il est doté d’une belle scène avec son grand rideau rouge, mais sans les trois coups de début de spectacle. Il faut dire qu’il y a longtemps que cet usage s’est perdu ! Le public se trouve dans une salle en contrebas où sont disposés d’agréables fauteuils cramoisis – aux excellent dossiers. Ils sont sertis, par groupes de deux ou trois, entre des petites tables basses portant la magie des bougies. Visiblement une manière à la page de respecter le protocole de distanciation. Libre à vous d’y déposer une boisson, évitez tout de même le bruit du paquet de chips ! Et puis, presqu’en balcon, il y a face à la scène, un autre morceau de salle – celle par où on arrive, avec le bar et où dialoguent d’heureux spectateurs autour de tables familiales. On y a même vu une poussette avec un gamin endormi ! Et ce soir-là, comble de plaisir, on entendait un prélude musical sous forme de Beatles pour commencer le voyage à Londres. A Magic Tour! La mise en scène de l’adaptation du « Tour du monde en 80 jours » est signée Janick Daniels. Presque un nom de whisky. (Pardon, je sors!)
Un grand classique de Jules Vernes. Il est retravaillé à la sauce parodique bien épicée et intelligente, gouailleuse sur l’envers du décor. Et qu’est-ce qu’on s’amuse ! Comme aux chansonniers… Ah ! les plaisirs oubliés du rire ensemble, des éclats de réparties spirituelles. Un vrai théâtre de Guignol trône devant le rideau principal… Une mise en abime, dit-on pour faire savant ! Et 35 personnages défilent et piquent notre curiosité. « Restons curieux », cette pub radiophonique de la RTBF mise aux oubliettes depuis des lustres, n’est-elle pas pleine de sagesse ?
Ce tour du monde en 80 éclats de rire a en définitive tout pour plaire : cinq comédiens talentueux, ardents, aux voix bien posées, au jeu sûr, sans surcharge, et à la diction agréable et qui croient en leur métier, malgré la sinistrose ambiante. Car tout se joue dans la voix, et le corps. Sans masque. Grand Guignol oblige : pas la moindre tasse de thé , horloge, ou derby à l’horizon. Pas la moindre meuble pour figurer l’époque… Juste les talents d’artiste. Et le mouvement : à pied, à cheval, en voiture, en paquebot, en train… L’imagination n’a aucune peine à voyager. Elle se gorge d’anachronismes délirants, de chapelets de bons mots et de calembours savoureux. Les costumes ? Elaborés dans la même veine humoristique. L les tableaux se succèdent à un rythme vertigineux, c’est que l’essence du spectacle est une course contre la montre ! Mais plus que le défi du pari insensé en 1852, ce sont les personnages qui passionnent: ils déroulent leur rôle comme une nouvelle Commedia dell’arte, version belge. La palme revient d’ailleurs à la jeune et délicieuse comédienne belge qui interprète le rôle volatile de Passepartout, quelques soient ses mille et un surnoms. Elle porte en elle la malice d’un feu follet, le sourire charmant et les yeux brillants de la liberté. Il faut le faire, pour un simple domestique non ? Celui de l’auguste Monsieur Phileas Fog. Les temps changent… que voulez-vous!
Dominique-Hélène Lemaire pour le Réseau Arts et Lettres
Une pièce de : Sébastien Azzopardi et Sacha Danino Mise en scène :Janick Daniels, Costumes: Mathieu Pinte Production Niveau 5 asbl Avec: Elsa Erroyaux, Stéphanie Coerten, Joël Riguelle, Philippe Peters et Florent Minotti
Le Fou Rire, théâtre de proximité
Adresse : Av. des Grenadiers 48, 1050 Ixelles Téléphone : 0483 59 92 29
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