SU N D E R L A N D ? Va-y! dirait Le Soir! ... mis en scène par le Petit Théâtre de Paris. Ils sont une toute petite semaine à Bruxelles... Au centre culturel d'Auderghem!
L’exposition de la pièce peut paraître un peu longuette, le décor peu joyeux. Il est vrai que l’on se perd un peu dans les liens improbables qui unissent les trois filles qui ont déboulé sur le plateau. Il est vrai qu’on a été sonné par l’amorce audacieuse de la pièce qui n’est rien moins qu’un bruyant one-woman-show de téléphone rose en style 90 shades of Grey. Puis tout se met en place. La petite ville du Nord de l’Angleterre où l’usine de poulets a dû fermer à cause de la grippe aviaire. Une famille décapitée. Pas d’argent. Ouf, personne ne picole. Que du café imbuvable. La mère disparue et fantomatique, version irlandaise de Billy Holiday, ce n’est pas peu dire ! Mais qu’est-ce qu’elle est belle cette Vénus au teint clair qui a oublié ses enfants, quand ses filles se font leur cinéma et la projette sur leur écran noir! Emotion et esthétique à la fois ! La copine SDF qui fabrique du téléphone rose, sert de tiers psychologique et ne mâche pas ses mots. A la bonne heure! On se serre les coudes, les filles!
Et puis, voilà l’arrivée d’un couple particulier. Gordon et Paul. Il fait sourire et nous projette dans l’actualité française récente. Mais l'enjeu est de taille pour Sally : accepter de devenir mère porteuse pour eux et sauver de l’institution, sa petite sœur Jill à la sensibilité et l’esprit mutilés, ou la voir arrachée à ce qui reste de son triste terreau familial et mourir à petit feu loin de tout.
Il n’est pas juste de présenter le problème en ces termes. C’est sous la pression d’une situation financière intenable que la jeune femme se voit forcer de louer son corps comme une coquille. Bonjour la dignité de la femme ! Bonjour les dégâts affectifs chez le futur bébé dont la mère n’aura été qu’un éclosoir ! Le désir (égoïste ?) du couple de messieurs bien sous tous rapport passera au second plan on l’espère, car bien plus terrible est la problématique des mères porteuses. « Et le gosse ? T’as pensé au gosse ?»
Les chaises de formica dépareillées, la machine à laver, le frigo couleur Coca-Cola, l’évier de cuisine et l’appareil de chauffage symboliquement en panne, où vient s’affairer quotidiennement le vieil ami footballeur de la grande sœur forment un décor haut en couleurs de misère. Qu’est-ce que Sally a contre lui ? « Je lui en veux juste d’être d’ici » C’est tout dit !
Il y a aussi cet étonnant vivarium symbolique que la jeune autiste transporte au milieu du plateau, à chaque fois qu’elle tremble d’émotion. C’est là que vit la reine des fourmis et sa colonie, qui se mange les ailes pour mieux se reproduire… Autre symbole très parlant.
Les filles sont fagotées de vulgarité involontaire et donc pardonnable. D'autant qu'elles jouent leur rôle avec une justesse incroyable. C’est l’émotion alors qui vous prend par le cœur, comme dans les plus beaux films de Ken Loach. Mais on est sur des planches et l’humour finit par l’emporter haut la main sur le misérabilisme tentateur. Les séances du protocole de procréation sont particulièrement hilarantes. Le message - ou l’interpellation, à deux doigts de la journée internationale de la femme - en sera encore plus strident. Une vraie bombe parmi les spectateurs du douillet centre culturel d’Auderghem, qui réveille à souhait la conscience humaine et les dangers de l’eugénisme.
Clément Koch, auteur français, a signé ici une comédie sociale très habile que de nombreux rappels ont clôturée. Les comédiens au mieux de leur forme sont éblouissants. Explosés, les grands principes.
http://www.ticketnet.be/fr/manifestation/idmanif/6690/idtier/289298
- Mise en scène : Stéphane Hillel, assisté de Chloé Simoneau
- Décors : Jacques Voizot
- Costumes : Cécile Magnan
- Lumières: Laurent Béal
- Musique : François Peyrony
- Distribution
- Sally : Elodie Navarre
- Ruby : Constance Dollé
- Jill : Léopoldine Serre/ Géraldine Martineau (à partir du 21 février 2012) Maryne Bertieaux
- Gaven : Vincent Deniard
- Paul : Vincent Nemeth
- Gordon : Thierry Desroses
- L'assistante sociale : Pascale Mariani
et la participation de Bénédicte Dessombz (la mère)
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