Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

administrateur théâtres

Signe des temps ? Encore lui ? Le Mensonge fait encore rage. Dans une nouvelle pièce à Bruxelles, en ce début de saison 2013. Il y avait déjà « Si tu mourais ... »  une comédie sérieuse de Florian Zeller, « Je mens, tu mens… » une comédie licencieuse de Susann Heenen-Wolff, « Même pas vrai … » une comédie sulfureuse de Nicolas Poiret  et  Sébastien Blanc et bien d’autres encore, si on y réfléchit. Le voici,  enchâssé dans la sauvagerie et la perte de repères,  détaillé au scalpel,  étalé de long en large,  débusqué morceau par morceau dans la pièce « Orphelins» (Dennis Kelly) donnée au théâtre de Poche comme spectacle d’ouverture.

12272958262?profile=original Orphelins? Le titre lui-même camoufle quelque chose : la perte de valeurs et la violence abjecte qui en découle. Celle commise par un jeune garçon, orphelin comme sa sœur, suite à un accident de voiture des parents  et qui, depuis l’enfance, est habité par des pulsions violentes avérées. Son dernier « coup » va presque jusqu’au meurtre. Un  crime un peu moins abouti que celui commis par le jeune héros du roman «  Het diner » de Herman Koch. Mais c’est la même problématique. Que fait une famille « bien sous tous rapports » devant la folie de  violence qui s’empare subitement d’un enfant, d’un frère, d’un époux?

Drame urbain. Liam (Pierre Lognay), le T shirt et les bras  couverts de sang, débarque dans l’appartement impeccable de sa sœur, Helen (Anne-Pascale Clairembourg) et son mari Danny (Itsik Elbaz) pendant qu'ils sont en train de dîner aux chandelles sur une table basse.  « I can explain ! » : la formule magique du menteur ! Liam  prétend qu'il a essayé de venir en aide à un mec bourré de coups de couteau couché au milieu de la rue. Mensonge pathétique bien sûr. D’un bout à l’autre, le parler de Pierre Lognay est un exercice du genre : staccatos bousculés, demi-phrases  heurtées et paniquées,  à peine articulées, infantiles, contradictoires.12272958662?profile=original Helen, redoutant la vérité  et l’anticipant à la fois, creuse  de scène en scène et obtient des aveux de plus en plus effroyables.  La grande question est de savoir comment Helen et son mari vont réagir. Ses affrontements successifs  avec celui-ci prennent  eux-aussi des voies violentes et  chaotiques.   Helen ressent  un attachement viscéral et monstrueux pour son petit frère. Jusqu’où est-elle capable d’aller pour le protéger, lui qui a déjà un « casier », lui qui, même innocent, sera tout de suite suspect ?  Comment se met-elle  à manipuler Danny et à le détruire pour qu’il aide à couvrir le presque-meurtre? Comment vit-elle le fossé culturel qui les sépare dans leur couple ?  Quelle est la part de la crainte inspirée par une autre culture, puisque - il fallait s’y attendre - la victime n’est pas de type caucasien ? Où se trouve la responsabilité civique par rapport à la responsabilité familiale dans notre société en état de  faillite morale? En dehors de l’exposition minutieuse de la violence pure et gratuite perpétrée par le jeune délinquant, l’intérêt principal de la pièce est le dilemme moral. On ne cesse de se demander « mais qu’aurait-on fait à leur place ? » Comme dans l’insoutenable roman «  Het diner » de Herman Koch.  

12272958880?profile=originalHelen défendra son frère comme une tigresse. Prête à se mentir et à faire mentir.  Il est fascinant de voir comment Helen disculpe initialement Liam aux motifs que sa victime  avait l’air « bizarre »  et qu'elle-même a fait l'objet de harcèlement sexuel par des malfrats du coin pourri où ils habitent. Helen est prête, non seulement à éviter que la police ne débarque pour protéger son seul lien familial vivant, mais aussi  à maquiller les faits et à impliquer son mari par un odieux chantage sentimental, lui qui  veut désespérément ne  pas se mettre hors-la-loi. Cyniquement, elle démontre que quelqu’un issu d’un bon milieu comme son mari peut en venir lui aussi à mentir et  commettre des actes immondes. Elle va jusqu’à utiliser la maternité comme obscène monnaie d'échange. Dans cette descente aux enfers, le public finit par ne plus pouvoir respirer, tousse, s’agite tant la tension sur le plateau devient intenable. Tout l’art (consommé) du metteur en scène Patrice Mincke est de diffuser l’horreur au goutte-à-goutte, à la façon d’un thriller qui vous agrippe et ne vous lâche plus.  Et c’est le spectateur qui finit par avoir le couteau sur la gorge !   

12272959465?profile=originalDanny, à la fin, ne se supporte plus, devient un fantôme de lui-même, il est  l’éclopé d’un cataclysme domestique inspiré par le mal. Magnifique interprétation du comédien et de sa comparse, un être écorché par la vie qui a transféré sur lui tout le poids de la culpabilité. Il reste cependant un petit espoir, incarné dans la présence muette de Shane en pyjamas, leur fils, un gosse bien élevé de 7/8 ans qui a traversé les événements en passant le week-end chez sa  grand-mère accueillante. Redonnera-t-il à sa mère son enfance volée et la notion du « Never again » ? Un arrimage à des valeurs  retrouvées de tendresse, de respect et d’éducation ?

Photos par YVES KERSTIUS © 

http://poche.be/saison1314/orphelins/index.html

De Dennis Kelly

Mise en scène de Patrice Mincke Assisté de Melissa Leon Martin

Traduction française de Philippe Le Moine

avec Anne-Pascale Clairembourg, Itsik Elbaz, Pierre Lognay

et, en alternance: Sam Bracco, Kasper Holte Nielsen, Lukas Collet, Charlie Goslain et Sacha  Bendjilali

Scénographie Olivier Wiame

Lumières Alain Collet

Décor sonore Laurent Beumier

Costumes Françoise Van Thienen

Dès 16 ans

Envoyez-moi un e-mail lorsque des commentaires sont laissés –

Vous devez être membre de Arts et Lettres pour ajouter des commentaires !

Join Arts et Lettres

Sujets de blog par étiquettes

  • de (143)

Archives mensuelles