Louis Langrée -Youssif Ivanov
Samedi 14.05.2011 20:00 Palais des Beaux-Arts / Salle Henry Le Bœuf
Le chasseur maudit, poème symphonique, M44 (1882) César Franck
Atmosphère : un dimanche matin, au son des cloches et des chants, un comte du Rhin fait sonner les cors et ose partir à la chasse au lieu d'assister au culte dominical. Répondant immédiatement au son du cor orgueilleux, une voix lui dit d’écouter les chants pieux. Le motif religieux des violoncelles se fait insistant mais en vain. Son cheval s’arrête et le cor se fige dans le silence. Sacrilège, le voilà maudit par une voix terrible et perçante qui le damne pour l'éternité. Dans sa chevauchée, il est poursuivi par des diables hurlants et conduit directement vers la bouche béante de l'enfer et ses flammes. L’orchestration est vibrante, fougueuse et sombre. Le dynamisme de Louis Langrée se fait sentir dès la première mesure, il semble lui-même être le Diable en personne. Il possède le sens passionné du drame, il égrène avec doigté les frissons prémonitoires d’une colère divine qui semble éclater avec fracas directement des entrailles de la terre. Haute sonorité et musique terrifiante. Le discours de ce poème symphonique dense est mené par un maître du jeu tout puissant. Une pièce d’ouverture tellement saisissante ne peut que gagner le public sur le champ.
Concerto pour violon et orchestre n°3 en si mineur opus 61 (1880) Camille Saint-Saëns
On quitte le drame. Le Troisième concerto pour violon de Saint-Saëns penche plutôt vers l’élégance. Le violon de Yossif Ivanov débute le premier mouvement avec vigueur, cependant que Louis Langrée change diamétralement d’approche, c’est tout juste si on n’imagine pas une répétition dans une église. Au début, à tout le moins. Des mélodies presque bucoliques s’enlacent dans une extrême finesse et dans la douceur. Elles sont suivies d’arpèges descendants dont le point de fuite est le son du hautbois. On passe ensuite à une musique solaire et à de savantes préparations, à un envol. Le dialogue des violons est d’une pureté cristalline, le violon chante langoureusement. Dans l’allegro non troppo le virtuose est supporté par les bassons et les cors. Finale de pure sonorité, lumineuse et majestueuse.
Élégant et souriant, Yossif Ivanov offrira au public émerveillé un bis scandé comme une tarentelle, un caprice de Paganini.
Symphonie en ré mineur de César Franck
Le vrai coup de cœur de la soirée. Cette composition cyclique grandiose débute par une phrase des violoncelles et des contrebasses. S’ajoutent deux nouvelles phrases mélodiques, l’une gracieuse, l’autre passionnée. Tout l‘orchestre vibre à l’unisson sous la conduite de Louis Langrée qui semble faire des pas de danse avec un immense violoncelle imaginaire. Ses gestes sont amples et puissants, on a du mal à ne pas le quitter des yeux. Le chant mélancolique d’un cor anglais s’élève au milieu des pizzicati de cordes et de harpe. Abandon des thèmes du début. Le maître de musique se fait de plus en plus chaleureux. Musique de l’effleurement, touches presque impressionnistes puis le basculement progressif vers seulement le souvenir des premiers thèmes… Suspense: ceux-ci se font vraiment attendre. Et le finale est toute fougue et brillance ourlées de la douceur de la harpe, alternant avec la majesté ou même le rayonnement mystique de l’apothéose finale.
Le bonheur est dans la salle, son cœur crépite.
http://www.bozar.be/activity.php?id=9766&selectiondate=2011-5-14
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