Puissance d’évocation …
« La plume pamphlétaire d'André Suarez nous offre un très beau portrait de Marseille. Remarquablement écrit, ce texte très personnel n'ignore rien des différents aspects de la cité Phocéenne: de ses espaces à ses moeurs, de son histoire à sa culture. Qu'il soit saisi par la puissance de la ville, émerveillé par l'oeuvre de Daumier ou horripilé par la vulgarité d'une certaine image des marseillais, le verbe de Suarez est un véritable régal et l'ouvrage mérite certainement qu'on s'y arrête. »
Voici que soudain la grande salle de L’Atelier Jean Vilar se transforme en maison de la poésie, accueillant un monstre sacré. L’artiste transporte la force poétique d’un Emile Verhaeren et ses villes tentaculaires qui serait tout à coup ressuscité et se serait établi à Marseille. Tout de blanc vêtu - la lumière éblouissante de la ville -, il évoque, pareil à un artiste peintre en pleine séance de création devant une toile imaginaire, la vie trépidante et maléfique des entrailles de la ville « dont l’incendie en plein jour flambe au soleil, une fleur d’améthyste, un lit de lavande et de lilas.» Et la toile, c’est nous : un public soufflé par le dynamisme de l’artiste en scène qui déploie en près de deux heures sans entracte 187 pages de verbe bouillonnant. L'auteur est né en 1868. Le texte est d’André Suarès, un des piliers intellectuels de la Nouvelle revue Française, avec Gide, Valéry et Claudel. Un texte sans concession. Un corps poétique incandescent, fait d’accords musicaux sublimes, d’une architecture organique intransigeante qui met à nu le désir, le voyage, la beauté et l’épouvante. L’artiste incarne le défilé et la personnalité profonde des différents quartiers de la ville jusqu’au moment de communion totale avec l’infini de l’horizon. C’est alors, l’évocation poignante de l’envie d’ailleurs du Marseillais. « Celui qui naît et grandit à Marseille n’a pas besoin de partir : il est déjà parti ». « J’envie de voir les visages les plus divers, pour reconnaître leur image dans le mien et dans le leur nos différences »
Un texte bourdonnant qui semble donner la main à Baudelaire et Turner tout à la fois! Et Daumier quand il campe ses personnages. Vibrant et foisonnant, ce spectacle est phénoménal – on n’a jamais autant convoqué un monde visuel, auditif, tactile et olfactif dans une telle stridence. Cela a le souffle du pur genre épique mais c’est tout autant du picaresque moderne. Vous serez chahutés. Tempête de mistral y compris ! Et bien que le sublime comédien nous plonge au cœur d’une orgueilleuse Belle Epoque, ce sont les angoisses propres à notre temps qui émergent avec la force des cris d’un homme qui se noie… Prodigieux. De belles musiques (Debussy), une bande sonore et des lumières intelligentes accompagnent et surprennent. A l’affiche du Théâtre Jean Vilar, jusqu’au 18 octobre, en alternance avec « La danse du Diable », son autre spectacle que l’on dit encore plus stupéfiant. Mais de qui, direz-vous ? Celui de Philippe Caubère , peuchère, l’immense comédien.
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La Danse du Diable
Philippe Caubère
Mise en scène et interprétation Philippe Caubère
Quinzaine Philippe Caubère
Présentée pour la première fois en 1981, La Danse du Diable est un spectacle autobiographique qui avait fait l’événement à sa création. Cette reprise est un véritable cadeau pour le public car, 33 ans plus tard, la magie reste intacte… Pendant trois heures, Philippe Caubère tient son auditoire en haleine grâce à son talent et sa présence ensorcelante. Il est irrésistible, à la fois bouleversant et terriblement comique, il fait mouche à chaque réplique. On vit avec lui son enfance et son adolescence au pays provençal. On y croise De Gaulle, Sartre, Mauriac, Malraux, Johnny, Roger Lanzac, Lucien Jeunesse, Gaston Defferre, François Billoux, les vedettes des années 50-70. Mais surtout on rencontre Claudine Gautier, mère de l’auteur et son double imaginaire qui emporte tout son petit monde à un train d’enfer grâce à son bagout intarissable.
« J’ai monté la première Danse du Diable en 1981, alors que j’avais 31 ans. Aujourd’hui, j’en ai 63. J’avais envie depuis très longtemps de remonter ce spectacle autobiographique. Aujourd’hui, cette recréation, c’est un peu mon Temps retrouvé... »
« Je dédie La Danse du Diable à Jean Babilée, immortel interprète du ballet Le Jeune homme et la mort qu’il créa à 20 ans et reprit à mon âge. »
Philippe Caubère
Suite du résumé
Photos © Michèle Laurent