Un concert tout simplement fabuleux, dans l’écrin de la salle Argentine du Château du Lac, sous les auspices du 16ème festival de Musica Mundi. Tout avait commencé cette année avec Boris Giltburg premier prix du Concours Reine Élisabeth 2013 (26/7), puis Maxim Vengerov et Itamar Golan (19/7), ensuite le Quatuor Szymanowski (22/7) et le Stotijn Trio (23/7) et encore le pianiste Alexander Gavrylyuk (27/7) lors du concert de clôture de cette prestigieuse Académie. Pour rien au monde on n’aurait voulu manquer une telle rencontre avec la fine fleur musicale rassemblée chaque année sous la houlette de Hagit Kerbel pendant le stage d’été de Musica Mundi. Pas moins de 69 jeunes talents de 9 à 18 ans, venant d’une trentaine de pays et d’origines sociales très diverses, se sont produits ce soir-là dans une merveilleuse communion d’esprit, partageant avec effusion leur idéal de beauté et de paix au terme de deux semaines de travail assidu avec les plus grands artistes en résidence.
Avant de les accueillir pour le stage, Hagit et Léonid Kerbel ont dû procéder à une sélection des stagiaires - tâche parfois très difficile - sur base de plus de 250 vidéos reçues. Ces jeunes ont reçu ensuite le programme à préparer avant leur arrivée en Belgique puis ont travaillé sans relâche pour aboutir à cette soirée fabuleuse, sans aucun autre équivalent. La plupart boursiers, ces jeunes très prometteurs ont été logés à l’hôtel Lido à titre gracieux. En effet John Martin est depuis le début très impliqué dans le projet, comme tant d’autres aimables mécènes. On parle aussi de faire aboutir un autre rêve : la création d’une école primaire et secondaire internationale centrée sur l’apprentissage de la musique… Quelle leçon d’humanité en ces temps troublés de l’année 2014!
Un cadran de douze fleurons de la musique classique, a choyé nos oreilles. Comme douze heures précieuses égrenées dès 19 heures et jusqu’aux aux alentours de minuit. Le programme éclectique balançait entre les concerts de rêve: Astor Piazzolla (1921 -1992), extraits des «Quatre Saisons de Buenos Aires» ; Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Concerto en si bémol majeur pour harpe et orchestre HWV 294 ; Antonio Vivaldi (1678-1741), Concerto RV531 en sol mineur pour deux violoncelles et orchestre ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756 -1791), Concertone en ut majeur, K.190/186E pour 2 violons et orchestre ; Astor Piazzolla (1921 -1992), Histoire du Tango (Night Club), arrangement pour ensemble de clarinettes ; Johannes Brahms (1833-1897), Scherzo de la FAE Sonata ; David Popper (1843-1913), Requiem, op.66 pour 3 violoncelles et orchestre ; Aram Ilitch Khatchatourian (1903-1978), Adagio du ballet Spartacus (Suite n ° 2) ; Max Bruch (1838 -1920), Concerto pour deux pianos et orchestre, op. 88a ; Claude Debussy (1862-1918), Rhapsodie pour saxophone alto et orchestre L. 98 ; George Gershwin (1898 -1937), Rhapsody in Blue ; and last but not least : Alexandre Borodine (1833-1887), Les Danses polovtsiennes de l’Opéra Prince Igor! Jamais sur une soirée il nous a été donné de faire une telle promenade musicale, dans le temps et dans l’espace sans se déplacer et restant assis sur une chaise dorée!
Plusieurs jours après cette soirée hors du commun on se souvient encore. On se souvient de Catherine Michel, une des meilleurs harpistes du monde qui avec Léonid Kerbel à la baguette effeuillait l’or d’Haendel. On se souvient de Richard (Allemagne), Yan et Mariamma, tout juste 12 ans baignant dans le bonheur de se produire devant un public conquis par Vivaldi.
Les 15 ans ne sont pas en reste.Le prodigieux Natan (Israël) et l’exquise Roberta (Allemagne) pour qui la précision et la pureté de sons mozartiens n’ont plus de secrets, échangent des sourires ravis puisés au cœur de l’émotion musicale. Avec la pianiste Maria Tarasewicz (Pologne/ Ukraine) qui joue les berceuses voici une trilogie de bonheur musical applaudie avec fracas. Les violons font éclore leurs rêves dans un monde mû par l’harmonie, malgré la grande complexité de motifs. C’est le mariage réussi de l’intellect et du cœur.
L’ensemble de clarinettes est saisissant de beauté. Jorge Levin emmène Nicolas, Pongwisit, Alina, Iseliana, Kevin et Carmen dans une chevauchée brillante et il y a le sourire joyeux de la jeune musicienne en robe de soie bleu ciel, signée Vélasquez ?
Il y a une résidente fidèle du stage, Kristina Georgieva (Bulgarie 13 ans), chaque fois ovationnée par le public, cette fois en duo avec Alexander Zakharov au violon (Russie, 14 ans). Qui ne serait transporté par leur supplément d’âme qui plonge au cœur de l’identité slave ? Elle joue les yeux fermés, tout à tour avec l’énergie d’un geyser musical et la flamboyance du plus pur romantisme. Le jeune homme qui l’accompagne assure avec la plus grande maîtrise.
Le Requiem de Popper est un bain de douceur. Micha, Liav et Thapelo sont au diapason et tous les trois portés par un souffle puissant. Thapelo étire des soupirs qui vous plongent dans un océan de compassion pour le monde… Liav et Micha ajoutent dans leur interprétation le lien joyeux qui les unit dans une amitié palpable. L’unisson vibrant de la fin lent à souhait débouche sur un véritable état de grâce.
La deuxième partie de la soirée est encore plus extraordinaire. On a demandé de ne pas applaudir les huit pianistes extraordinaires qui se relayent entre les quatre mouvements du concerto de Max Bruch pour deux pianos. Un nouveau duo pour chaque mouvement!
Le plateau déborde de musiciens. On y a ajouté cette année la participation de 21 étudiants du Royal College of Music de Londres : vents et cuivres. Le feu d’artifice musical couve et s’enfle avec les deux rhapsodies. Celle de Debussy avec le jeune saxophoniste Matvey Sherling (Russie, 14 ans), un musicien exceptionnel et celle de Gershwin avec - Alexandre Gravrylyuk au clavier – un artiste hautement renommé dont on vante la virtuosité confondante, la profonde musicalité, l’intuition, l’intelligence et la finesse aristocratique. Le bouquet explose littéralement avec Les danses Polovstiennes de Borodine sous une pluie de paillettes, d’applaudissements et de vivats qui inonde la salle Argentine. Hagit Kerbel - she is the glamourous master of ceremony - et Leonid son mari, l’infatigable Maestro, ami et professeur, sont sûrement, tout comme le public, transportés de bonheur.
Footnote : "Not many things in this world can unite people – no form of diplomacy could ever do that. I think that music comes the furthest in revealing that perhaps on a deeper level we are all quite similar: when the audience reacts in one wave of emotion that to me is the most incredible and inspiring thing." Alexander Gavrylyuk