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jansénisme (2)

"Les Provinciales" de Pascal

12273106675?profile=original"Les Provinciales sont des lettres polémiques de Blaise Pascal (1623-1662), publiées séparément à Paris de janvier 1656 à mai 1657, et en volume sous le titre Lettres écrites à un provincial par un de ses amis sur le sujet des disputes présentes de la Sorbonne chez Langlois (sous la marque fictive "A Cologne, chez Pierre de la Vallée") en 1657; réédition avec de nombreuses corrections qui ne sont pas de la main de l'auteur en 1659.

 

Rares sont les ouvrages de polémique à survivre aux circonstances qui les ont suscités. Le cas des Provinciales est d'autant plus remarquable que l'occasion de leur naissance peut nous paraître non seulement lointaine, mais étrangère - à savoir les débats provoqués par l'éclosion du mouvement janséniste. Cornelius Jansénius était un évêque hollandais, mort en 1638 dans la communion de l'Église, mais qui lui légua, avec le manuscrit de son Augustinus, un véritable brûlot théologique propre à alimenter un siècle et demi de controverses. De quoi s'agissait-il? De revenir, par-delà l'inspiration humaniste et optimiste de la Renaissance représentée dans le catholicisme par l'ordre des jésuites, à un augustinisme sévère, voire déformé, qui semblait faire bon marché de la liberté de l'homme devant la toute-puissance divine. Le jansénisme sera condamné à plusieurs reprises par Rome: en 1643 dans la bulle In eminenti d'Urbain VIII, en 1653 dans la bulle Cum occasione d'Innocent X, puis dans la bulle Ad sacram fulminée par Alexandre VII en 1656. La papauté réprouve en particulier cinq "propositions" qui lui ont été déférées par la Sorbonne et sont censées contenir l'essentiel de la doctrine de l'Augustinus sur la grâce.

 

Mais le jansénisme trouve en France des défenseurs, spirituellement groupés autour du monastère de Port-Royal qu'a réformé au début du XVIIe siècle la jeune abbesse Angélique Arnauld: parmi eux, Saint-Cyran, directeur de conscience des religieuses, qui meurt en 1643; les solitaires de Port-Royal (Antoine Le Maistre, Le Maistre de Sacy, Lancelot, Hamon, etc.) qui, sans voeu de religion, mènent dans la vallée de Chevreuse une existence consacrée à la prière et à l'étude; Antoine Arnauld, frère de la mère Angélique, sans doute le plus brillant docteur en Sorbonne du siècle. Précisément, c'est à partir de deux ouvrages d'Arnauld parus en 1655 (la Lettre d'un docteur de Sorbonne à une personne de condition et la Seconde Lettre de M. Arnauld à un duc et pair de France) qu'éclate la polémique où s'inscriront les Provinciales. La Sorbonne reproche en effet à Arnauld d'avoir insinué dans ses Lettres que les cinq propositions condamnées ne figuraient pas dans l'Augustinus (question de fait) et d'avoir lui-même soutenu que la grâce avait manqué à saint Pierre lors de son reniement (au lieu de dire que saint Pierre avait manqué à la grâce: c'est la question de droit). Malgré une défense vigoureuse, Arnauld est censuré sur la question de fait le 14 janvier 1656 et la condamnation sur le droit semble inévitable. Devant la perspective d'une défaite en Sorbonne, les jansénistes décident d'ouvrir un nouveau front: il faut passer des discussions techniques entre théologiens à une véritable campagne auprès du public, non spécialisé par définition, des "honnêtes gens". De cette métamorphose, Arnauld est incapable: alors Pascal s'offre.

 

En janvier 1656, Pascal a trente-deux ans. Il n'est connu encore que pour ses travaux scientifiques: principalement, l'invention de la machine arithmétique et les expériences sur le vide. Du point de vue religieux, il s'est converti en 1646 à une vie spirituelle plus fervente, sous l'influence d'un disciple de Saint-Cyran. Première empreinte port-royaliste donc, confirmée par la lecture des ouvrages publiés en faveur de l'Augustinus. Sa soeur Jacqueline devient religieuse à Port-Royal de Paris en 1653 et lui-même, après la "nuit de feu" du 23 novembre 1654, fait une retraite à Port-Royal-des-Champs, où il s'entretient avec Le Maistre de Sacy, le confesseur des moniales (voir l'Entretien avec M. de Sacy). Pascal est donc loin d'être un inconnu pour les jansénistes. Mais en quoi peut-il leur être utile dans la controverse? Par sa connaissance des milieux mondains visés dans la campagne d'explication et par la solidité de sa culture théologique: sur ce dernier plan, Pascal ne doit pas être considéré comme un simple amateur; il est depuis 1648 "un augustinien consommé" (Ph. Sellier), auteur en 1655-1656 d'Écrits sur la grâce restés inédits de son vivant. Au reste, Port-Royal lui fournit l'appoint de deux théologiens professionnels, Arnauld et Nicole, qui mirent à sa disposition une vaste documentation, esquissèrent le plan de certaines lettres et les relurent toutes: par où les Provinciales peuvent être dites une oeuvre collective. Elles sont aussi une oeuvre anonyme, parue d'abord sous forme de lettres séparées, adressées "à un provincial par un de ses amis". Ce n'est qu'avec le recueil de 1657 qu'apparaît le pseudonyme de Louis de Montalte, et il fallut encore deux ans aux jésuites pour percer la véritable identité de leur adversaire. Les Provinciales enfin sont une oeuvre clandestine: il s'agit de déjouer les manoeuvres d'un pouvoir qui a dès l'origine pris fait et cause contre le jansénisme. La police inquiète les libraires-imprimeurs amis de Port-Royal sans pouvoir empêcher, ni par scellés ni par incarcérations, la parution des "petites Lettres"; quant à l'auteur lui-même, il se cache dans différentes auberges - dont l'une serait située en face du collège de Clermont, tenu par les jésuites! - et chez des amis, d'où il lance à ses toutes-puissantes victimes: "Vous vous sentez frappés par une main invisible, qui rend vos égarements visibles à toute la terre" (lettre XVII).

 

L'ami du provincial prend la plume pour débrouiller à son correspondant les confuses disputes de Sorbonne autour du cas Arnauld. Il importe peu de savoir si ce dernier doute que les propositions incriminées par le pape soient dans l'Augustinus: ce n'est qu'une question de fait qui ne peut fournir matière à hérésie. La question de droit, en revanche, intéresse la foi. Peut-on dire que "la grâce, sans laquelle on ne peut rien, a manqué à saint Pierre dans sa chute"? Montalte - l'honnête homme en quête d'éclaircissements - se rend auprès de toutes les parties en conflit et conclut à l'inanité de l'accusation portée contre Arnauld: il n'a rien écrit qui ne soit appuyé sur l'autorité de saint Augustin et de saint Jean Chrysostome; sa conception d'une grâce qui n'est pas donnée à tous et agit efficacement sans dépendre de l'aval du libre arbitre est la seule orthodoxe, alors que les chimères du "pouvoir prochain", de la "grâce suffisante" et de la "grâce actuelle" sont des inventions toutes récentes qui servent à rassembler dans l'équivoque, contre les docteurs augustiniens, une majorité numérique formée de théologiens - les molinistes et les nouveaux thomistes - en fait désunis sur le fond (lettres I-IV).

 

A la Sorbonne, cette éphémère coalition l'emporte sur Arnauld en février 1656, mais le combat des port-royalistes continue dans l'opinion. Il passe du terrain dogmatique au terrain éthique, avec pour adversaire la Compagnie de Jésus. Montalte apprend d'un ami janséniste le dessein des jésuites: non point corrompre les moeurs, ni les réformer, mais gouverner toutes les consciences et pour cela s'accommoder à toutes. Soucieux de vérifier une si troublante information, l'épistolier se rend chez un des "bons pères" pour une série d'entretiens. Le jésuite révèle d'abord à Montalte, qu'il prend pour un "client" admiratif, le fondement de la morale de son ordre, le probabilisme: d'après cette doctrine, une opinion est probable, et donc sûre en conscience, lorsqu'elle est approuvée par un théologien de quelque poids; c'est-à-dire que tout casuiste un peu renommé, et de préférence jésuite, pourra à son gré faire et défaire les règles de la morale, nonobstant les préceptes contraires laissés par la tradition chrétienne. La porte est ouverte à un laxisme effréné (V). Les entretiens ultérieurs le confirment: par leurs maximes complaisantes, les jésuites rendent tout permis - la simonie aux bénéficiers, la désobéissance aux religieux, le vol aux valets (VI). Grâce à leur méthode de diriger l'intention, "qui consiste à se proposer pour fin de ses actions un objet permis", ils innocentent le duel entre gentilshommes (VII). Quant aux gens du tiers état, ils sont largement autorisés à se laisser corrompre, à ne pas rembourser leurs dettes, à garder des biens acquis par les voies les plus infâmes (VIII). Dans le domaine de la vie religieuse, les casuistes mettent de doux coussins sous les genoux des pécheurs: les fautes capitales sont transformées en fautes vénielles, notamment par l'usage de la restriction mentale, et les obligations du chrétien allégées au maximum (IX). C'est dans le sacrement de pénitence que les jésuites achèvent de banaliser ce qu'ils n'ont pu excuser avant, puisqu'ils n'exigent point de contrition - ce regret des fautes fondé sur l'amour de Dieu - de la part de leurs pénitents. Dispenser les chrétiens d'aimer Dieu, voilà le comble de l'impiété: Montalte scandalisé part en claquant la porte (X).

 

Les jésuites ne laissent pas sans réplique les terribles accusations portées contre eux. Ils reprochent d'abord à Montalte d'avoir traité de sujets religieux sur un mode ironique: à quoi l'auteur des lettres répond par une charte du polémiste chrétien incluant la possibilité d'un bon usage de la raillerie (XI). Les jésuites lui imputent aussi d'avoir rapporté infidèlement les opinions de leurs casuistes: il justifie alors ses citations sur l'aumône, la simonie, la banqueroute (lettre XII), sur le duel et l'homicide (XIII-XIV). Puis il passe à la contre-attaque en dévoilant que les jésuites, qui se plaignent à tort d'avoir été calomniés, ne se privent pas, eux de calomnier les autres - et cela pour la bonne raison qu'ils ne considèrent pas la calomnie comme un péché mortel (XV). De là vient le flot de mensonges qu'ils n'ont cessé de déverser sur le compte de Port-Royal (XVI). Enfin, Montalte répond à l'accusation d'hérésie lancée contre les jansénistes par le P. Annat: ne pas reconnaître la présence, dans le livre de Jansénius, des "cinq propositions" condamnées ne peut constituer une hérésie, puisque c'est une question de fait (XVII); sur le droit, les jansénistes sont parfaitement orthodoxes, puisqu'ils pensent - au contraire des protestants - que la volonté humaine a bel et bien le pouvoir de résister à la grâce (XVIII).

 

Les Provinciales sont le plus long des ouvrages "achevés" de Pascal. Ni la fragmentation en lettres ni les rebondissements de la polémique n'empêchent qu'elles forment un ensemble organisé - au demeurant expansible, puisqu'on possède l'ébauche d'une XIXe lettre. Classées d'après leur contenu, elles se répartissent ainsi: les quatre premières sont consacrées au problème de la grâce; les six suivantes exposent la morale des jésuites pour la dénoncer; six autres reviennent sur cette matière pour justifier Montalte; les deux dernières marquent un retour aux questions de la grâce. Cette répartition coïncide en outre avec celle qu'induit la forme épistolaire de l'oeuvre, ou s'y intègre: les dix premières lettres sont adressées au provincial; les lettres XI-XVI, aux "Révérends Pères" de la Compagnie de Jésus; les lettres XVII et XVIII au père Annat, confesseur du roi. Au changement de statut du destinataire qui, de fictif, devient réel, correspond une évolution du destinateur: non seulement Montalte se transforme, au cours des dix premières lettres, d'interlocuteur naïf en interlocuteur avisé et instruit, mais il se confond, à partir du moment où il doit répondre de ses écrits, avec Pascal lui-même. Depuis la lettre XI inclusivement, le "je" du narrateur ne fait plus qu'un avec celui de l'auteur. Montalte aura été un relais d'identification du lecteur à la cause janséniste.

 

Le principal moyen rhétorique mis au service de ce processus est à coup sûr l'ironie. Dans les lettres V à X, où il s'entretient avec le bon père, Montalte multiplie les formules par lesquelles il semble louer les maximes des casuistes jésuites qui, en réalité, le scandalisent (" que cela me plaît! lui répondis-je; que j'en vois de belles conséquences!", "Voilà un honnête homme, lui dis-je, qu'Escobar", "Cela est très respectueux, lui dis-je, etc.). Montalte est indigné, mais si son indignation éclate, le dialogue est rompu et le travail d'information tourne court; les compliments au contraire incitent le jésuite à révéler des articles toujours plus compromettants de la morale de son ordre. Ces fausses louanges permettent le rapprochement des points de vue du lecteur et de Montalte: ils ont en effet en commun la jouissance du sens authentique des paroles prononcées, et peuvent ensemble jeter un regard condescendant sur le pauvre père réduit au fallacieux bonheur du sens littéral. Mais l'usage de l'ironie n'est pas limité aux lettres dites "plaisantes"; il se poursuit dans les lettres dites sérieuses (à compter de la XIe), où il prend les deux formes spécifiques de la permissio - qui est un encouragement à l'adversaire - et du sarcasme: " grands vénérateurs de ce saint mystère, dont le zèle s'emploie à persécuter ceux qui l'honorent par tant de communions saintes, et à flatter ceux qui le déshonorent par tant de communions sacrilèges!" (XVI). Comme chez Platon, l'ironie cueille de la bouche même de l'antagoniste le fruit mûr de la contradiction: ce sont les propres livres de ses confrères, cités par le jésuite avec toute les références voulues, qui montrent un gouffre entre la théologie, la morale de la Compagnie et la tradition catholique, voire les préceptes les plus élémentaires de la morale naturelle; ce sont ensuite les lettres authentiques des révérends pères auxquels répond Montalte-Pascal qui exhibent les contradictions de ses contradicteurs: "Qu'il est avantageux, mes Pères, d'avoir affaire à ces gens qui disent le pour et le contre! Je n'ai besoin que de vous-mêmes pour vous confondre" (XV). Le véritable auteur des Provinciales, ce sont les jésuites.

 

Mais le conflit entre jésuites et jansénistes n'est pas seulement religieux: il oppose deux rhétoriques, et même deux esthétiques. D'un côté, ce que Marc Fumaroli a baptisé la "rhétorique des peintures", qui vise à séduire l'imagination et à charmer le sensibilité en couvrant de fleurs les épines du christianisme: elle est excellemment représentée par le père Le Moyne, dont Pascal déchire la Dévotion aisée (IX) et les Peintures morales (XI). De l'autre, la rhétorique gallicane, qui unit, en l'auteur des Provinciales, la gravité de Du Vair au style coupé hérité de Montaigne. Ici, les "mots" n'ont droit de plaire que s'ils sont transparents aux "choses"; là, ils s'enchantent de leurs chatoiements dans l'indifférence à la vérité. La confrontation, à l'intérieur des "petites lettres", entre l'écriture pascalienne et le style jésuite tourne à la victoire d'une esthétique du naturel sur une esthétique du bizarre, complaisante à l'allégorie, à la métamorphose, à la pointe, compagne inséparable des subtilités de la casuistique et d'une morale du déguisement. Si Voltaire a tant aimé les Provinciales, ce n'est pas seulement parce qu'elles attaquaient les jésuites, c'est parce qu'avec elles, aux dépens de ce qu'il faut bien appeler le baroque, s'ouvrait l'ère du classicisme triomphant: "Le premier livre de génie qu'on vit en prose fut le recueil des Lettres provinciales, en 1656. [...] Il faut rapporter à cet ouvrage l'époque de la fixation de la langue."

 

Le jugement de Voltaire, si excessif soit-il, n'en traduit pas moins l'admiration unanime - exception faite du jésuite Daniel dans ses Entretiens de Cléandre et d'Eudoxe, en 1694 - qu'a suscitée aux XVIIe et XVIIIe siècles la valeur littéraire des Provinciales: ce n'est que depuis le XIXe siècle et le mythe romantique du génie foudroyé que Pascal est "l'auteur des Pensées"; avant, c'est-à-dire aussi longtemps que régna l'esthétique classique, il était d'abord "l'auteur des Provinciales". Et l'intérêt marqué de la critique contemporaine pour l'analyse rhétorique et les stratégies argumentatives ne peut manquer d'inciter à une féconde relecture des "petites lettres". Du point de vue moral, nombreux sont ceux qui ont accusé Pascal de calomnie à l'égard des jésuites: en fait, si l'on peut mettre en question l'interprétation systématiquement machiavélique qu'il donne de la politique de l'ordre, "Montalte" a dénoncé une authentique dérive laxiste des casuistes de la Compagnie en même temps qu'une tentation prononcée d'utiliser le spirituel à des fins de domination. Par là, par le combat qu'elles ont mené contre des pouvoirs sortis de leur sphère de légitimité, les Provinciales ne cessent de témoigner pour le libre amour de la vérité.

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Port-Royal de Montherlant

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Port-Royal est une pièce en un acte de Henry de Montherlant (1896-1972), publiée et représentée en 1954. "Port-Royal" achève la "trilogie catholique" de Montherlant qui comprend par ailleurs "Le maître de Santiago" et "La ville dont le prince est un enfant".

 

La scène se passe au monastère de Port-Royal, faubourg Saint-Jacques, à Paris, en août 1664. L'autorité entend faire signer aux religieuses de Port-Royal un formulaire "qui condamne toutes les idées", c'est-à-dire les résolutions jansénistes, "sur lesquelles ce monastère a été réformé". La pièce débute à l'instant où un représentant de l'Assemblée des évêques incite les religieuses à renier les règles qui font de leur couvent "un lieu maudit (...) qui rend maudit tout ce qui y touche". Les religieuses refusent de se plier et de signer le formulaire. La pièce s'achève après que l'Archevêque de Paris, venant d'essuyer un refus définitif de la part des religieuses, leur annonce les mesures qui seront prises contre elles. Elles seront sacrifiées à la paix du royaume et de l' Eglise.

 

Cette oeuvre, dont l'action extérieure est extrêmement resserrée, montre essentiellement les mouvements d'âme de quelques religieuses, en particulier soeur Angélique et soeur Françoise. Son sujet, dit Montherlant, est le parcours que fait une âme conventuelle vers un certain événement dont elle prévoit qu'il créera en elle une crise de doute religieux, et par ailleurs le renversement d'une autre âme conventuelle qui, sous l'effet du même événement, passe d'un état à l'état opposé. La soeur françoise est mise, à l'improviste, devant "la lumière". La soeur Angélique s'achemine, d'un cours logique et prévu, vers "les portes des ténèbres".

 

"Port-Royal" est un drame de l' injustice dans lequel la vérité humaine et la vérité historique se confondent dans un style et un rythme particuliers que le dépouillement des dialogues, le resserrement extrême de l'action, la noblesse et la vigueur de la langue ne font qu'accentuer. De même, la construction simple vient renforcer et mettre en évidence le côté cruel et injuste des circonstances déterminées par des états d'âme d'une rare complexité. La psychologie des personnages est minutieusement approfondie et analysée. Ce sujet, peut-être le plus difficile qu'ait traité Montherlant, permet à l'auteur, par sa grandeur et sa noblesse, de donner libre cours à une fermeté et une rigueur poétique tout à fait exceptionnelles dont Jacques de Laprade a dit: "L'état d'âme des protagonistes et le spectacle fastueux et grotesque que nous donnent leurs accusateurs s'opposent de façon saisissante: cette pièce est comme une marche funèbre (...) qui accompagne la soeur Angélique jusqu'au seuil de la grande nuit."

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