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abbaye (4)

Les collections de Royaumont (Royaumont, 4/4)

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Vierge de douleur en chêne polychrome du XVIe siècle (détail).

 

Royaumont n’est pas un musée. Bien au contraire, c’est avant tout un lieu dédié aux arts vivants.

Se tiennent aussi ici des conférences, séminaires, concerts…

Plus de moines ni d’abbé, pourtant le silence prévaut.

Cependant quelques pièces réunies dans la sacristie ou dans la cuisine des moines sont dignes de Cluny et méritent notre attention.

Commençons par l’exposition permanente présentée dans l’ancienne sacristie, dont je ne présente bien sûr qu'une stricte sélection :

 

12273121275?profile=originalVierge de douleur (Picardie, XVIe siècle)

et Saint Jean du calvaire tenant un livre (XVIe s.).

 

12273121300?profile=original Christ en bois du début du XIVe siècle.

 

12273121680?profile=original Sainte couronnée (Picardie, XVIe s.).

 

 

Terminons enfin notre visite par la cuisine des moines :

12273121089?profile=originalTapisserie des Flandres : « La Vierge Reine du Ciel »

(détail des trois Vertus : Espérance, Foi et Charité, début du XVIe s.).

 

« La fleur de lis pinte par trois fuelliers comme se ils deissent à tout le monde : Foy, Sapience et Chevalerie sont, par la provision et par la grâce de Dieu, plus abondamment en nostre royaume qu’en nuls autres »,

Guillaume de Nangis,

 moine bénédictin de l’abbaye de Saint-Denis et chroniqueur (XIIIe siècle).

12273122080?profile=originalEspérance.

 

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Vierge allaitante dite Notre-Dame de Royaumont (fin du XIVe s.).

 

Avec :

Le rayonnement de Royaumont

vous découvrirez sa fondation et sa gloire.

La tentation de Royaumont

ses égarements en des temps troublés

La rédemption de Royaumont

 

sa modernisation et son nouveau prestige...

... mes trois précédents articles, revus et enrichis (de nouvelles photos notamment), que je vous invite à redécouvrir. Il vous suffit pour cela de cliquer sur les liens ci-dessus.

Et avec ces collections, nous aurons parcouru, cet été et en ce début d’automne propice aux sorties culturelles, le livre des riches heures de Royaumont.

Le chapitre est clos. Nous espérons que vous en fîtes plaisante lecture.

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Michel Lansardière (texte et photos).

                                   

Lire la suite...

La rédemption de Royaumont (Royaumont, 3/4).

12273113653?profile=originalRuines de l'église (abside) de l'abbatiale de l'ordre de Cîteaux.

Grande comme une cathédrale...

avec son choeur et ses sept chapelles rayonnantes.

Ne restent aujourd'hui que les colonnes à tambour.

Résonnez musettes...

Retour à "Royaumont Abbey", notre feuilleton de l'été.

     En 1927, classement aux Monuments Historiques. Voilà notre abbaye protégée.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale elle est heureusement épargnée.

Elle devient un Centre culturel international, puis, en 1964, la Fondation Royaumont, dédiée aux arts et à la culture.

L'esprit des lieux est préservé.

12273113864?profile=originalCroisée d'ogives du réfectoire des moines.

Simplicité, ordre et pureté.

     Aujourd'hui l'abbaye est rendue aux simples ouailles, au calme, à la volupté, au repos et à l'étude. Plus particulièrement à la musique et à la danse. L'abbaye est un centre international où musiciens et danseurs créent en toute quiété. Concerts, colloques, ateliers sont organisés et on ne compte plus les personnalités des Arts et des Lettres qui y élirent résidence.

L'ombre même du Pink Floyd y plane encore...

12273113469?profile=originalLes Pink Floyd donnèrent Atom Heart Mother

en concert le 15 juin 1971 à Royaumont.

     Ce ne sont peut-être plus les splendeurs d'antan, mais Royaumont reste un joyau dans une écrin de verdure. L'ensemble des bâtiments est finalement conservé, même si l'église a été démolie.

Bois et étangs alentours, un nouveau jardin médiéval dit "des neuf carrés", créé en 2014, offrent une ambiance propice à la méditation.

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"La fleur de lis possède sur les autres fleurs deux prérogatives particulières. Tout d'abord, c'est elle qui est portée dans les églises et posée devant Dieu ou devant la Vierge Marie avec une adoration profonde. Ensuite, c'est elle que le plus noble et le plus puissant des rois chrétiens, à savoir le roi de France, porte pour emblème. Elle lui fut donnée et envoyée par Dieu tout-puissant en signe d'amour et d'alliance éternelle entre Dieu et les rois de France ; amour et fidélité qui augmentent chaque jour et toujours croîtront sans s'arrêter s'il plaît à Dieu."

De propriatibus rerum, le Livre des propiétés des choses de Barthélémy l'Anglais. 

Cette encyclopédie du XIVe siècle fut adaptée en français par le moine Jean Corbechon.

     Neuf carrés de culture d'inspiration médiévale sur un caillebotis de châtaignier rehaussé, comme naguère pour empêcher les nuisibles de s'attaquer aux plantes, ceint d'osier vivant tressé. Chaque carré semé de plantes médicinales. Des simples à la charge symbolique forte. Plantes des vertus, passion du jardinier.

L'homme est ici "conduit au salut de son âme par les cinq sens qui lui permettent de satisfaire ses besoins.",

Hildegarde de Bingen.

"Je vois souvent quand quelqu'un afflige son corps par un excès d'abstinence, que le dégoût surgit en lui, et par le dégoût les vices se multiplient beaucoup plus que s'ils avaient été contenus avec justesse." Sagesse de l'abbesse.

     L'esprit de l'époque médiévale est bien revenu habiter ces lieux. On pensera à Isidore de Séville, à Vincent de Beauvais, qui fut lecteur à Royaumont et auteur d'une célèbre encyclopédie, à Hildegarde de Bingen, à Robert Grosseteste... qui ont été ici étudiés.

12273114271?profile=originalBibliothèque Henry et Isabel Goüin, dans l'ancienne salle capitulaire.

Elle n'a plus le lustre passé, les livres d'époque ayant été dispersés en 1791.

     Si enfin, de l'église seule la tourelle d'angle s'élève et demeure aujourd'hui, elle présente une vue d'un romantisme hugolien...

12273114662?profile=originalLa tour de l'escalier du transept.

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Victor Hugo : La souris (Velmich), 1840, certes sur les bords du Rhin.

Une toute récente modélisation 3D, réalisée par l'Ecole Centrale de Paris, permet de revoir l'abbaye telle quelle resplendissait lors de son édification en 1228.

Avec son choeur, ses sept chapelles...

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... sa nef et son transept.

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Une dernière information, avant de découvrir les collections de l'abbaye, le Festival de Royaumont aura lieu cette année de 3 au 11 octobre.

Le tout à une trentaine de kilomètres au nord de Paris, vous admettrez que cela valait bien la visite.

Michel Lansardière (texte et photos, sauf Pink Floyd).

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Le rayonnement de Royaumont (1/4).

12273103291?profile=originalDu gothique à l'hydraulique...

Le bâtiment des moines, qui devint filature au XIXe siècle, et le canal creusé au XIII siècle.

L'abbaye vous ouvre les bras...

Démantelée à la Révolution, son église démolie, transformée en filature, délaissée... et pourtant quelle majesté !

Lors de sa contruction, l'église était un vaisseau de clarté. Pensez... une nef de 106 mètres de long pour 28 mètres de haut, inondée de la lumière de ses innombrables vitraux. Avec son choeur à sept chapelles rayonnantes, voilà un dispositif vraiment royal. Un couronnement.

Démantelée... misère !

12273104095?profile=original(vitrail du réfectoire, détail)

Nonobstant, l'abbaye de Royaumont, fondée en 1228 par Louis IX (1214-1270), avec la bénédiction de sa mère Blanche de Castille, présente à certains égards un aspect austère...

Normal, au-delà des injures de l'histoire, elle devait répondre aux règles de l'ordre cistercien.

12273104300?profile=originalLe cloître, son jardin à la française restauré en 2010,

avec vue sur la sacristie et la salle capitulaire.

L'abbaye royale fut donc destinée aux moines cisterciens, adeptes d'un ordre traditionnel qui renouerait avec la règle de saint Benoît de Nursie, dont les bénédictins s'étaient un peu trop éloignés, et que soutenait avec âpreté saint Bernard de Fontaine, abbé de Clairvaux (1090-1153).

Benoît (ca 480-547) prônait le recueillement et le dénuement, la journée monacale devant harmonieusement se répartir entre la prière (sept offices tout de même), l'étude (la lecture divine) et le travail (aménager, bâtir, cultiver).

Sur ce dogme, Robert de Molesme (ca 1029-1111) fonda l'ordre cistercien. Cîteaux, mère de Royaumont.

12273105856?profile=originalLe cloître et le cellier (à gauche).

De l'église, il ne subsiste que le mur attenant au cloître.

Mais la règle se relâche, certainement ce que l'on appelle avoir du mou dans le cordelier.

Saint Bernard resserre les noeuds, développe l'ordre cistercien dans un strict retour à la règle, fonde Clairveaux, prêche pour une deuxième croisade... tendre férule.

Et Louis IX ira régulièrement faire retraite à Royaumont. Comme un moine prie et reçoit la Discipline.

La légende de Saint Louis était née et allait perdurer pour l'édification des masses.

12273106268?profile=originalLe cloître, sa galerie avec ses aériennes colonnettes en délit et chapiteaux à crochets.

Royaumont est donc ordre, rigueur, pureté face au faste de Cluny.

Une abbaye d'hommes, dans la même ligne que celle de Chaalis (voir "Le domaine royal de Chaalis" sur A&L ) toute proche, fondée par Louis VI le Gros (1081-1137), et le pendant de celle de Maubuisson, réservée aux femmes.

Elle fut aussi la dernière demeure des princes, les rois ayant leur nécropole à l'abbaye de Saint-Denis. Curieusement, les sépultures princières furent transférées à Saint-Denis pendant la Révolution.

Une architecture austère et majestueuse ? alors qu'un strict plan l'aurait voulu simple, pure et légère, toute baignée de lumière ? La contradiction est dans le coeur des hommes, mais le roi est Dieu sur terre.

12273107053?profile=originalLe réfectoire des moines.

Une abbaye richement dotée donc, sous l'apparente simplicité de l'appareil.

Au point que l'abbé fut chapitré en 1253 pour les exubérances décoratives de l'abbaye, avec rappel à l'ordre de saint Bernard qui condamnait les représentations figuratives.

Il fallait rogner sur les outrances. Prêcheur n'est pas pécheur.

Et la vie monacale reprit son train, le roi Louis le Prudhomme meurt en 1270 et sera canonisé en 1297. A bon roi, bon droit.

12273107254?profile=originalEt Louis IX, dit le Prud'homme, devint pour tous Saint-Louis, juste et preux roi.

Saint-Louis rend la justice à Vincennes

(cathédrale de Senlis, à quelques lieues de là, détail d'un vitrail dû à Claudius Lavergne, 1863).

12273107484?profile=originalLe réfectoire et son pavement restauré en 2002.

Le grand orgue date de 1864. Installé ici en 1936, il a été entièrement restauré en 2007 et doté d'un buffet.

La guerre de Cent Ans passe, l'abbaye décline. Aux malheurs de la guerre succèdent les ravages, Charles le Mauvais allant jusqu'à la rançonner, famines et incendies la menacent de ruine...

12273107900?profile=originalLes cuisines (à droite) et le réfectoire des convers, plus austère,

depuis le "jardin des neuf carrés".

Suite de la visite dans un prochain numéro...

Michel Lansardière (texte et photos).

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La tentation de Royaumont (Royaumont, 2/4).

12273103677?profile=originalLe bâtiment des moines.
A l'étage, le dortoir, au rez-de-chaussée, salles d'étude, salle du chapitre et sacristie.

Nous avons laissé Royaumont au bord de la ruine. Abondonner une abbaye royale érigée par Saint-Louis ! est-ce possible ?...

Allons-y voir de plus près.

Oui, approchez-vous...

Mais, après tout, Royaumont est proche de Versailles, d'Ecouen, de Chantilly, comme de la capitale, la situation est donc privilégiée.

Forêts, Thève et Ysieux, deux affluents de l'Oise, qui alimentaient les "beaux champs" de Royaumont, c'est du capital. Qui s'en va dormant...

Mais à d'autres revers ma fortune est tournée.

Dès le jour que Phoebus nous montre la journée,

Comme un hibou qui fuit la lumière & le jour,

Je me lève, & m'en vais dans le plus creux séjour

Que Royaumont recèle en ses forêts secrètes,

Des renards & des loups les ombreuses retraites.

Mathurin Régnier (1573-1613), Satire XV.

Régnier, qui jeune se vit imposer la tonsure et qui, l'âge venant, retrouva la piété, se recueillant en notre abbaye. Entre temps,

autres moeurs...

Il disait avoir

..." vécu sans nul pansement,

me laissant aller doucement

A la bonne loi naturelle."

Volontiers libertin et railleur. Partisan  par ailleurs du mariage des prêtres.

"Que les prêtres du temps puissent se marier,

Afin que nous puissions, nous autres,

Leurs femmes caresser ainsi qu'ils font des notres."

Alors tel un Molière inspiré, des directeurs de conscience Mathurin sermonna les tartuferies.

Dans ses "Conseils de Cloris à Philis" - si - Régnier n'hésitait pas à éprouver

"La foi n'est plus au coeur qu'une chimère vaine,

Tu dois, sans t'arréter à la fidélité,

Te servir des amants comme des fleurs d'été."

Et à la question de la fausse ingénue, le vert Régnier, qui serait mort du "mal de Naples", répondait :

"Comment ne pourrions-nous avoir divers amants ?

Je connais maintes femmes à qui tout est de mise,

Qui changent plus souvent d'amant que de chemise."

12273103494?profile=originalUne demoiselle sur le domaine privé du Prudhomme ?!

Caloptéryx éclatant pris sur le vif à Royaumont.

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;

les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;

Valse mélancolique et langoureux vertige !

Charles Baudelaire

(Les fleurs du mal, Harmonie du soir)

à qui il arrivait de fustiger

Le mauvais moine, mauvais cénobite.

Je badine et m'éloigne de mon sujet... quoique "L'amour est capable de tous les excès" comme disait l'abbé Prévost, qui, dit-on, faillit mourir d'apoplexie en notre abbaye.

De l'abbaye j'évoquais donc son petit capital...

Abondance ne nuit pas, n'en déplaise à l'Etroite Observance. L'abbé commendaire l'a bien compris lui.

Richelieu, Mazarin puis les Lorraine aussi. Adorer le veau d'or que nenni, mais y élever le veau gras ne peut qu'agréer au roi et à sa cour.

12273104862?profile=originalLe tombeau du prince Henri de Lorraine, comte d'Harcourt,

commandé en 1711 au sculpteur Antoine Coysevox.

Installé dans le transept sud de l'abbatiale.

Le général de Louis XIII expire dans les bras de la Victoire !

12273105280?profile=originalTrompe l'oeil figurant le bronze

au pied du mausolée glorifiant

les hauts faits d'arme du général.

Les convers, de moins en moins nombreux, continuent à vaquer et à entretenir, notamment la manse de l'abbé commendaire.

Le dernier d'entre eux, Henri Eléonore François Le Cornut de Ballivières, excusez du peu, se désole de la dureté du lieu... et se fait construire un petit palais à la façon du Petit Trianon... à l'aube de la Révolution.

Sa modestie n'est pas comprise... il doit s'exiler !

Exit les moines.

12273105087?profile=originalLe bâtiment des latines (à gauche) :

les eaux usées passent par le canal, creusé au XIIIe siècle, qui le traverse.

En 1791, l'abbaye est déclarée bien national et vendue.

L'acquéreur est... marquis. Jean-Joseph Bourguet de Guilhem de Travenet, oui ma chère... tranformera l'abbaye en filature, c'est plus bourgeois et, ma foi, de bon rapport. Le potentiel hydraulique est là, l'église honnie est détruite l'année suivante. Mais la bonne pierre avec laquelle elle fut construite bien réemployée, notamment pour élever les bâtiments de l'ouvrier.

Le sprirituel est évacué au profit de l'industrieux marquis.

En 1815, l'usine et son matériel sont rachetés par le belge Joseph van der Mersch. Elle devient même un haut-lieu des plaisirs du bourgeois louis-philippard et du goût romantique. Les logements deviennent "cottages". On s'amuse et les journaliers filent.

En 1850, en pleine Ruée vers l'or, on y imprime des châles "à la Californie". Un produit très en vogue. A Creil-Montereau, noin loin de là, les faïenceries Lebeuf Milliet & Cie proposeront des assiettes "Aux mines d'or". Les modes et le merchandising (le mot n'existait pas encore, mais la pratique si) vont et se défont.

Mais la ruée va et reflue, et ainsi va le coton à l'eau. Les Ets Van der Mersch ferment en 1860...

12273106498?profile=originalL'eau du canal qui fournissait l'énergie à l'industrie.

C'était au temps où le coton filait.

... pour retourner dans l'escarcelle des Oblats de Marie-Immaculée qui confient les bâtiments aux bons soins des Soeurs de la Sainte-Famille qui font restaurer l'abbaye.

Saint-Louis et ses mânes soient loués !

Mais la patrie, mauvaise mère, devient laïque, quelle impiété !

Ses représentants votent la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat. Ce dernier vend... à un riche industriel, Jules Edouard Goüin qui, fort heureusement, à le goût des vieilles pierres.

Pendant la Première Guerre Mondiale, voila notre abbaye qui devient le Scottish Women's Hospital. De bon secours.

12273107088?profile=originalLa salle capitulaire devint hôpital,

avec la chaufferie et le réfectoire, à droite, derrière la galerie du cloître.

A suivre...

Michel Lansardière (texte et photos).

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