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administrateur théâtres

A la croisée des sensibilités musicales et architecturales 

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Après le concert donné  à Bruxelles par Bernard Foccroulle en la cathédrale Saint-Michel  ce 11 février dernier, nous avons interrogé Agnès Schoubben-Stein, ancienne élève de Jean Absil, une éminente musicologue, professeur de piano et d’harmonie,  et recueilli ses commentaires éclairés.  Elle nous parle d’abord avec délectation de l’instrument contemporain qu’elle découvre avec stupeur :  un vrai bonheur pour les yeux.  Il a été inauguré en 2000.

A S - Le facteur de  cet instrument monumental, Gerhard Grenzing, est d’emblée, parmi les meilleurs  et de réputation mondiale. C’est  un allemand connaissant parfaitement aussi les instruments espagnols, ce qui nous vaut  le jeu des trompettes en chamade : tuyaux étincelants implantés horizontalement. Impressionnant ! Regardez : cet orgue magnifique est véritablement suspendu dans le volume de la nef centrale, donc dans la tradition ancienne dite « nid d’hirondelle ». Je pense à Chartres et à Strasbourg ! L’instrument de Bruxelles  occupe les trois travées côté Nord.  Il se développe en hauteur, ce qui permet à la console d’être posée sur une sorte de balcon au milieu des tuyaux de la montre et de surplomber le positif. Il est encadré de deux tours  impressionnantes dans lesquelles se trouvent notamment les grands tuyaux du pédalier. Il comprend quatre claviers, plus le pédalier, soit 63 jeux. C’est spectaculaire et splendide.

DHL - Je vois, Agnès,  que vous êtes intarissable quant à la description de cet instrument que vous considérez à juste titre comme le roi des instruments…

AS – Ah Oui ! Maintenant, le programme. « Les maîtres de Bach » font partie du répertoire baroque dont Bernard Foccroulle  est un spécialiste réputé.  Dietrich Buxtehude était très admiré par Bach. Celui-ci en a recopié certaines œuvres pour s’imprégner de cette musique qu’il jugeait exemplaire à tous points de vue.  Il y travaillait des heures durant, à la bougie, jusqu’à ce qu’il tombe de fatigue. La Toccata en la majeur, bâtie sur l’accord parfait de ré, fait chatoyer à la fois la beauté  des timbres et  celle de larges plans sonores engendrés par l’écriture si complexe et si belle de l’époque baroque. Nous avons eu la chance infinie d’avoir un interprète intelligent et sensible qui a su gérer cette beauté sonore pendant tout le concert, car pour lui, la musique est une véritable vision de vie…

 DHL - Comme pour vous ?

AS – Effectivement (sourire radieux). Les deux Fantaisies qui ont suivi faisaient vibrer à la fois la joie de la Nativité et la douleur de la Crucifixion, le tout dégageant une véritable tension  d’atmosphère dramatique.

DHL – Vous connaissiez J.A. Reincken ?

AS – Evidemment, par l’histoire de la musique. Il était organiste  à Hambourg, l’auteur de la plus longue œuvre pour orgue qui nous soit parvenue de la période baroque. Le choral et fugue du programme est une illustration de ce que le dialogue entre les claviers et le caractère douloureux de certaines mélodies peuvent éveiller comme écho de l’affliction. Ici, celle du peuple juif face à son triste destin.

DHL- C’était plein de virtuosité…

AS- Le style reflète la pratique de l’improvisation si répandue au XVII siècle ! Cela donne en effet une virtuosité plus formelle…

DHL- Nous avons aussi pu écouter un autre compositeur dont je n’avais jamais entendu parler, Georg Böhm…

AS- Sa musique, de par son ornementation, entre autres, en fait le lien entre Buxtehude et Bach. Ses œuvres pour le clavier sont les plus remarquables de l’époque avant Bach. On a conservé 18 préludes de chorals et quelques cantates qui démontrent son influence sur Bach. Comme d’ailleurs une petite suite française en ré mineur et trois petites suites en mi bémol majeur qui prouvent la nette influence du style français dans son œuvre. Le choral mis au programme est un des plus beaux de l’époque baroque!

DHL- Et on arrive à Nicolaus Burhns…

AS- Un élève de Buxtehude. Il n’a laissé qu’une œuvre restreinte du fait de sa disparition prématurée mais la valeur exceptionnelle de sa musique éclate dans l’œuvre entendue : le  prélude en mi mineur. Portant l’influence de l’œuvre de son maître, ce prélude est tour à tour d’une écriture contrastée et violonistique, Nicolaus Burhns  étant en même temps violoniste, organiste et compositeur. La figure en forme de gigue qui clôture l’œuvre est joyeuse et véritablement dansante. Elle se présente comme un point culminant du style baroque allemand.

DHL  – Un mot sur Bernard Foccroulle ?

AS – Je n’ai qu’une envie, c’est aller le remercier de vive voix pour tout le bonheur que cette soirée m’a donné, dans ce lieu empreint de piété, où la diffusion sonore de l’instrument est une pure merveille ! C’est un moment inoubliable, ce dialogue avec l’architecture de la cathédrale, cet orgue qui résonne comme une Jérusalem musicale, une cité faite de belles sonorités chaudes, émouvantes. DHL - On dirait presque  la maquette d’une ville  mythique, qui ferait rayonner la  musique autour d’elle, suspendue dans les ogives…

AS - L’homme qui est au buffet, Bernard Foccroulle, est un homme de très grand talent qui a mis toutes sa générosité, son intelligence, sa sensibilité, sa culture et ses convictions au service de la musique.  Je suis pleine d’admiration !

DHL - qu’est ce qui le différencie donc d’autres organistes ?

AS  -  Son intelligence profonde des textes interprétés. On peut en effet suivre la complexité de l’écriture contrepointique de façon fluide et lumineuse, il nous en  donne une registration parfaite. Rien de cela n’est écrit dans les partitions, c’est là où joue toute sa créativité d’orchestration car c’est lui qui fait tous les choix, tous plus heureux les uns que les autres. Cela, c’est du vrai talent, hors du commun. En plus, le choix des sonorités et des nuances, fruit d’une sensibilité sans faille, a permis à l’instrument de montrer la richesse qu’il recèle, tout en révélant la beauté de cette musique des maîtres de Bach si splendidement interprétée…

DHL -  Oui ! Nous avons étés comblés par une variété inouïe de sonorités, des timbres les plus solides et  les plus profonds, jusqu’aux sons délicats et cristallins d’un orgue de verre. Nous avons fait le plein de bonheur  de sensations esthétiques et spirituelles! Cela tient du mystère !  Merci, chère Agnès, de vous être exprimée vous aussi, avec toute votre culture musicale, votre amour de la musique, votre sensibilité et votre intelligence.

 

 

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Commentaires

  • administrateur théâtres
    Février 2022. RIP, chère Agnès puisque tu viens de rejoindre tous ceux que ton cœur aimait depuis… presque 103 ans. Jamais nous ne t’oublierons, que d’amour tu nous as donné, que de bienveillance et de fervents dialogues avec le Seigneur qui t’accueille dans sa grâce éternelle…
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