C’était une délicieuse perspective que d’aller écouter l’orchestre philharmonique de Rotterdam en ce jour royal du 29 avril 2011. Son chef d’orchestre, canadien, Yannick Nézet-Séguin , né en 1975 est un phénomène. Il s’intéressa à ce métier dès l’âge de 10 ans et il est frappant de constater que le personnage n’a rien perdu de sa passion juvénile : il fait de véritables bonds de carpe ou plutôt de saumon « fugueux » quand il dirige ses concerts et entraîne dans son sillage tout un orchestre de cheveux blonds et de cheveux blancs. On a rarement vu un tel feu dans les moments de « climax » qui émaillèrent cette prestation de Bach à Richard Strauss.
On découvre d’abord une musique soyeuse et de plus en plus pulpeuse avec l’orchestration de Webern de l’Offrande musicale de J.S.Bach : une fugue brillante à six voix, composée en 1935. Chromatisme poussé, enchevêtrement de lignes, timbres romantiques dont on ressort séduit et … sans voix. Il semble y avoir une continuité extraordinairement naturelle entre ces deux artistes, nés à deux siècles d’intervalle, qui se conclut avec panache sur un crescendo plein d’émotion et de résonnance profonde.
Vient ensuite le concerto pour deux violons et orchestre en ré mineur BWV 1043 de J.S.Bach composé en 1720. Une œuvre d’une beauté exquise, un ballet musical entre les deux charmants mousquetaires de la musique : Lorenzo Gatto et Yossif Ivanov, aux violons. Finesse, humour, assurance : leurs archets virevoltent comme des papillons par-dessus une prairie d’été, en épousailles sans failles. Leur complémentarité bienveillante donne le frisson : et l’entente et l’écoute. Ils croisent l’archet avec humour et jubilation. Rendons aussi hommage à leur fougue et leur générosité juvénile dans le troisième mouvement, les deux violons ne semblent plus qu’en faire un, les canons et cascades de notes se terminent en un aboutissement plein de sérénité et de simplicité. Vivats, ovations applaudissements sans fin termineront cette première partie, bouleversante, du concert.
Un cadeau pour le public : le troisième mouvement, en bis.
En deuxième partie, nous voilà avec le Don Quichotte de Richard Strauss, « fantastische Variationen über ein Thema ritterlichen Charakters », pour violoncelle et orchestre, op 35 (1897). Deux thèmes s’entrelacent, Don Quichotte est représenté par des solos bouleversants de violoncelle et Sancho Panza par la clarinette basse et le tuba puis par l’alto. L’orchestre ponctue ces solos dans un esprit de narration fantastique débridée. Les chapitres se déroulent en variations un peu sardoniques. Il y a de l’humour, certes, mais aussi beaucoup de lourdeur. Une chevauchée dans les airs avec une machine à vent renouvelle sans doute l’intérêt de l’écoute, mais on préfère décidément les morceaux de solo où Floris Mijnders, le violoncelliste, joue en fermant les yeux et en exprimant de son corps de titan aux yeux bleus toutes les nuances de la musique, comme s’il était seul à bord du navire.
Les soli et le Maestro Québécois recevront une pluie d’applaudissements enthousiastes.
Rotterdams Philharmonisch Orkest
Vendredi 29.04.2011 20:00
Palais des Beaux-Arts / Salle Henry Le Bœuf
Johann Sebastian Bach, Concerto pour 2 violons, cordes et continuo, BWV 1043
Richard Strauss, Don Quichotte, op. 35
http://www.bozar.be/webpage_broadcastitem.php?broadc_id=1255
http://www.bozar.be/activity.php?id=9781&selectiondate=2011-4-29
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