Le Vaudeville ? Déjà Boileau disait de lui :
D’un trait de ce poème en bons mots si fertile,
Le Français, né malin, forma le vaudeville :
Agréable indiscret, qui, conduit par le chant,
Passe de bouche en bouche et s’accroît en marchant.
Très jeune, Georges Feydeau usa de bons mots et écrivit des pièces à rires pour échapper aux devoirs d’école, … avec l’assentiment paternel. Il était heureux. En faire un moyen de subsistance changea toute l’affaire: le voilà coincé dans des structures contraignantes desquelles il voudrait sans cesse s’échapper. Paradoxe, même si ses pièces sont drôles, il ne rit plus. Il adore l’amour, paradoxe, il en mourra, veillé par Sacha Guitry. Mais ses pièces restent. Le genre peut paraître secondaire mais… il y infuse de l’esprit mordant et de la critique sociale, sans être aussi venimeux qu’Octave Mirbeau. Il dénonce cette bourgeoisie pétrie d’hypocrisie, de bassesses et de moralité fort complaisante.
Dans La Puce à L’Oreille, l’imbroglio inextricable de quiproquos les plus burlesques et de situations les plus risquées, tourne à la folie! La couleur de la puce? Puce me direz-vous ! Non, Verte ! Verte comme la jalousie, insidieuse, dévorante, dévastatrice. Elle règne en maîtresse absolue, du valet, au plus nanti des assureurs.
Les patronymes sont exquis: Victor-Emmanuel et Raymonde Chandebise, Carlos et Lucienne Homenidès de Histangua, Romain Tournel : …Ris, Tournel !…. On n’y échappe pas !
Le Docteur Finache qui « soigne » aux sels d’ammoniaque. Notre illustre comédien Michel Hindericks joue avec brio, Augustin Ferraillon, chef de l'Hôtel du Minet Galant. Sa femme Olympe, tout droit sortie des peintures de Toulouse Lautrec...est interprétée avec délices par Laure Godisiabois et ses rires de gorge sont inimitables. Les décors - de l’art nouveau à l’art galant - ne sont pas en reste.
Les costumes sont magnifiques et caricaturaux : un robe de soie fuchsia qui déambule dans un décor saumon, une autre robe couleur puce, taillée dans la même soie que la nappe qui recouvre la table sous laquelle d’aucuns devront se cacher pour échapper à d’embarrassantes situations. Les détails humoristiques fourmillent… Robes de chambres, chemises de nuit et bonnets, livrées de valets et de séducteurs, coiffes de bonnes, l’embonpoint de l’espagnol, sommité de la jalousie féroce, tout contribue aux rires!
Le comique du neveu Camille qui ne peut prononcer les consonnes fait mouche malgré le procédé un peu gros quand même. Image incontournable d’une dégénérescence de caste? La farce sera à son comble si on ajoute le comique technique d’une chambre galante qui s’escamote et présente subitement l’image d’un pauvre hère hébété malade et alité, ou d’autres situations coquasses. L’auguste personnage de Victor-Emmanuel semble atteint de delirium tremens. Le jeu des sosies… lui fait voir des fantômes et perdre toute notion d’identité. On ne se remet pas des accès de rire à répétitions, qui bien involontairement nous échappent, nous qui, d’ordinaire, allons au théâtre pour les idées et les grands sentiments.
Le spectateur est happé par cette pièce délirante et s’y trouve heureux. Un tour de force du texte et de son interprétation magistrale par cette troupe de comédiens magnifiquement rôdée.
Victor-Emmanuel Chandebise | Michel Poncelet |
Raymonde Chandebise | Perrine Delers |
Lucienne Homenides | Angélique Leleux |
Camille Chandebise | Luc Gilson |
Romain Tournel | Pierre Pigeolet |
Augustin Ferraillon | Michel Hinderyckx |
Olympe Ferraillon | Laure Godisiabois |
Docteur Finache | Marc De Roy |
Carlos Homenides de Histangua | Toni d’Antonio |
Etienne | Jean-Paul Clerbois |
Antoinette | Cécile Florin |
Rugby | Benoît Strulus |
Baptistin | Bernard Lefrancq |
Eugénie | Marjorie Berger |
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Mise en scène | Bernard Lefrancq |
Décors | Francesco Deleo |
Costumes | Ludwig Moreau
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Commentaires
et si vous voulez un avis supplémentaire, consultez
http://theatre.cinemaniacs.be/theatre2.php?id=2419, par Roger Simons