Voilà la 13e édition de Lille Piano(s) Festival achevée depuis une bonne semaine et il nous reste de très beaux souvenirs. Si nous n’avons pas pu courir aux quatre coins la ville où rivalisaient claviers et autres boîtes à musique - au Forum départemental des sciences à Villeneuve-d’Ascq, à la Villa départementale Marguerite Yourcenar à Saint-Jans-Cappel, et à la Maison natale Charles de Gaulle à Lille sans oublier le Furet du Nord et la Gare Saint-Sauveur - nous nous sommes partagés entre le Nouveau Siècle, résidence de l’Orchestre national de Lille, et le Conservatoire. Selon les organisateurs, le taux de fréquentation a été de 17 % supérieur à l’année dernière. Un très grand succès compte tenu de la liesse européenne pour les heurs et malheurs du ballon rond.
Notre premier coup de cœur fut le vendredi soir à l’auditorium du Nouveau Siècle, avec la richesse pianistique du récital Alexandre Tharaud interprétant Les variations Goldberg de J.-S. Bach. Le plateau de bois blond illuminé de silence et de respect accueille un musicien aux énonciations fermes, aux cascades et ascensions vertigineuses. Les galops effrénés et les survols aériens succèdent aux lents enchantements. Les poignets de l’artiste semblent suspendus à quelque fil mystérieux. On ne perd pas une note des suites frissonnantes, de belles notes détachées, des éparpillements ludiques et même des pas de danse! Et l’aveu, en filigrane, de notre condition humaine éphémère, effeuillée tendrement à la manière d’un bouquet de coquelicots. Des pétales de vie lentement dispersés d’où émerge la sérénité. Soliste très réputé de sa génération,
Alexandre Tharaud se produit dans les plus grands festivals à travers le monde. Il a enregistré ses variations chez ERATO.
Puis vint la rencontre avec l’égérie du festival, l’une des plus grandes personnalités du piano d’aujourd’hui, Anne Queffélec, soliste renommée, meilleure interprète de l’année 1990, invitée à travers le monde entier. Elle se dit attachée à la ville de Lille pour des raisons familiale et musicales. Elle est heureuse de créer du lien avec le public, elle aime l’esprit d’ouverture du festival, elle souligne la qualité des claviers offerts et la très belle organisation des répétitions et des concerts. On est dimanche à 11 heures au Conservatoire.
Le programme éclectique qu’elle propose est une œuvre de joaillerie. Elle alterne en effet Gnossiennes et Gymnopédies d’Eric Satie, des morceaux de Ravel, Poulenc et Debussy avec un florilège d’œuvres méconnues du début du 20e siècle de Déodat de Séverac, Pierre-Octave Ferroud, Reynaldo Hahn, Florent Schmitt, Charles Koechlin et même un certain Gabriel Dupont, mort de tuberculose: Après-midi de Dimanche (extrait des Heures dolentes). La salle est bondée, au parterre comme à l’étage, pour savourer les plaisirs de la musique intimiste ou bucolique. Plus qu’un récital, appelons cela une rêverie commune où se rencontrent l’œuvre, l’interprète et des auditeurs dont elle a habilement capté l’écoute profonde dès le début du concert. La pluie claque sur la coupole du Conservatoire ? Elle en est fort aise, elle est reliée aux éléments naturels qui renforcent son propos. De la nostalgique Première Gymnopédie, nous plongeons dans la langueur et les légatos lumineux et le toucher aérien de la Rêverie de Debussy. Mais voilà que perce le spleen sous une pluie battante dans la 3e Gnossienne. Nonchalante de Ferroud est vive et syncopée, libre Esméralda qui danse sous la pluie ! On se délecte des sonorités, des arpèges rêveurs, des silences de neige, et de rythmes de tableaux d’une exposition… bien qu’ils ne soient nulle part dans le lancinant Glas de Schmitt! Une vraie magie musicale au bout des doigts fait que résonnent des cloches, fenêtre ouverte sur le monde qui bruisse, chantent des voix de marins (Le chant des pêcheurs de Koechlin), de la main droite miroitent fugaces, au sein de fiévreuses attentes, des nuages des feuilles et des clairs de lune (Debussy). On est sidéré par la qualité des timbres et la composition orchestrale des couleurs, et même d’habiles jeux de dissonances caverneuses, avec chaque fois un soin extrême pour les dernières mesures comme dans Hivernale de Hahn.
C’est avec une sonate de Scarlatti qui termine ce récital de rêve une promenade en Italie offerte par l’interprète. Les mains se croisent à vive allure, les note se piquent de soleil, voici l’écoulement liquide de la joie dans des flots de dentelle musicale, et des roucoulements ininterrompus. Le public remercie debout cette grande dame qui l’a fait pénétrer au cœur du mystère de la musique. Rendez-vous est pris pour le soir même à 20h, au Nouveau siècle où elle jouera le concert pour piano BWV 1055 de Bach dans un rythme envoûtant. Là encore, on avait rendez-vous avec le ravissement.
Nous attendons avec grande impatience sa venue au concert d’ouverture du Festival Musiq3 à Bruxelles les trois premiers jours de juillet. C’est sans doute l'un des concerts les plus attendus de ce festival, en voici le programme :
Wolfgang Amadeus Mozart, Sonate en sol majeur pour violon et piano KV 301
Maurice Ravel, Kaddish
Fazil Say, Cleopatra pour violon seul, op. 34
Aram Khatchatourian, Gayaneh : Danse du sabre
Claude Debussy, Sonate en sol mineur pour violon et piano
Jules Massenet, La Méditation de Thaïs
Anne Queffélec et Tobias Feldman sont animés d’une même profondeur, à la fois sereine et lumineuse. Si Elle est une égérie du piano français, gracieuse et souriante, littéraire dans son approche du clavier, Lui est un jeune virtuose, qui a époustouflé tous les observateurs au dernier Concours Reine Elisabeth de violon. Et nous avons hâte de les entendre ensemble !
Commentaires
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