Invitation au Mont des Arts : Joan Miró, peintre poète
Le saviez-vous ? « La peinture, c’est étudier la trace d’un petit caillou qui tombe sur la surface de l’eau, l’oiseau en vol, le soleil qui s’échappe vers la mer ou parmi les pins et les lauriers de la montagne." » Joan Miró
L’Espace culturel ING et les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, en collaboration avec la Fondation Miró de Barcelone, présentent une exposition de quelque 120 peintures, gravures, sculptures et dessins qui illustrent la prédominance du caractère poétique de la palette du peintre. L’accent est mis sur la production du peintre catalan à partir des dernières œuvres qu’il réalisa juste avant la Seconde Guerre mondiale et la célèbre série des Constellations exécutée durant la guerre.
Prélude
Assassiner la peinture : “J’ai pensé qu’il fallait dépasser la “chose plastique” pour atteindre la poésie… Vivre avec la dignité d’un poète.”
Quelques œuvres des années 20 démontrent l’abandon progressif de la référence à la réalité. Ainsi, la « Danseuse espagnole » de 1924, provenant des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique et « Le cheval de cirque » de 1927 appartenant au Musée d’Ixelles et restauré par ING témoignent de la transformation des figures en suggestions d’émotions et de sensations. Les pulsations visuelles et sonores se confondent. Ondes sonores du phonographe ou froufrous lestes de la robe de la danseuse? La voix est chaude. Une chevelure noire en forme de soleil. Une sorte de « M » en bas du tableau à gauche en contre-pied des trépidations de flamenco ? Olée ! La toile devient un champ poétique accroché au mouvement: les pointillés et l’éventail virevoltent vers l’infini. Et si le monde n’était que spectacle? Il le veut poésie pure.
Miro, que l’on prenait peut-être pour un bouffon farceur de la peinture, est épris de profondeur : il guette l’essentiel dans un grain de poussière. « Et que partout on trouve le soleil, un brin d’herbe, les spirales de la libellule.
Le courage consiste à rester chez soi, près de la nature qui ne tient aucun compte de nos désastres. Chaque grain de poussière possède une âme merveilleuse.
Mais pour la comprendre, il faut retrouver le sens religieux et magique des choses, celui des peuples primitifs… »
Nourri de littérature, fort de l’expérience du mouvement surréaliste, sensible à l’appel conjoint du primitif et de l’enfant, Miró va développer une œuvre faite de figures et de couleurs symboliques par lesquelles le monde se résume au bonheur de la poésie.
C’est son antidote pour conjurer tour à tour la douleur des événements tragiques de la guerre civile espagnole, les affres de la guerre mondiale qui se prépare et la vie de misère qu’il mène en exilé. Il s’efface pour chercher l’essentiel et agir sur le cœur et l’esprit de ses contemporains. La seule dignité est dans la poésie. Il exploite tout un répertoire de motifs récurrents qui devient une véritable écriture picturale. Elle est faite de femme…. d’oiseaux, serpents, escargots, araignées, cornes de taureau, échelles, yeux, soleils, lunes, étoiles, pictogrammes puisés dans l’immuable de la nature. Aucune forme n’est quelque chose d’abstrait ou d’innocent, elle est le signe de quelque chose. Boules, étoiles, lignes brisées, spires font partie d’une essence poétique et d’une quête de sens.
« La même démarche me fait chercher le bruit caché dans le silence, le mouvement dans l’immobilité ; la vie dans l’inanimé, l’infini dans le fini, des formes dans le vide, et moi-même dans l’anonymat»
Les couleurs primaires illustrent fortement la violence, le sang, la spiritualité, l’énergie vitale, la matérialité, la structure. Miro recherche le rayonnement qui existe dans les choses les plus humbles, la force d’âme primitive et fondatrice qui participe au Mythe. Comme on est loin de la bouffonnerie!
Le cheval de cirque 1927. Rien que pour vos yeux: « Ce qui compte, ce n’est pas une œuvre, mais la trajectoire de l’esprit durant la totalité de la vie. »
Comme en poésie
L’utilisation de techniques propres à la poésie, comme par exemple le déclenchement d’une peinture sur base d’un accident, d’une forme ou d’une texture, la libre association de motifs graphiques, en passant par le collage, joue un rôle important dans la genèse d’une série de ses peintures. L’influence de l’écriture automatique de ses amis poètes surréalistes qu’il côtoie à Paris, où il séjourne après avoir fui Barcelone, est très nette dans une série d’œuvres datant de 1933.
Désir d’évasion
À l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale en 1939 Miró, installé à Varengeville-sur-Mer, commence à peindre la série de 23 petites gouaches : les « Constellations » qu’il éditera quelques années plus tard, accompagnée de textes d’André Breton.
...Personnages dans la nuit guides par les traces phosphorescentes des escargots …Le 13 l’échelle a frôlé le firmament …Femme à la blonde aisselle coiffant sa chevelure à la lueur des étoiles ...Femmes au bord d’un lac à la surface irisée par le passage d’un cygne …Le chant du rossignol à minuit et la pluie matinale
Cette série, qui prend sa source dans son amour de la musique est constituée comme une suite. Elle est une sorte de réseau de formes enchaînées les unes aux autres faisant le parallèle entre la représentation de la réalité extérieure du cosmos, et l’aspiration à une paix intérieure, sorte de mysticisme de l’infini. Les titres poèmes sont des pistes éloquentes. Ses motifs récurrents, spires, étoiles, soleils, yeux, échelles, araignées, dispersés sur un fond uni, symbole de la matière, traduisent un profond désir d’évasion et d’abandon du « moi » premier. Toucher à l’essentiel, avec un minimum de moyens. Découvrir le sens par l’architecture et la chorégraphie des couleurs et des formes.
Les séries « Archipel sauvage », 1970, et « L’espoir du navigateur », 1973, font également partie, avec d’autres toiles importantes rarement exposées, d’une série d’œuvres consacrée aux voyages, synonyme d’évasion du contingent vers les espaces infinis de l’esprit, ouvrant la voie vers l’espoir. Contraste avec la détresse du monde qui l’entoure. “Un tableau doit être comme des étincelles. Il faut qu’il éblouisse comme la beauté d’une femme ou d’un poème.”
À ce cycle thématique, on peut rattacher la passion de Miró pour la pureté et la force magique de l’art rupestre primitif, mais également l’essentiel et la force chromatique et symbolique des peintures romanes catalanes qu’il admire tant.
Peintre parlant
La passion de Miró pour la poésie le conduira à s’impliquer dans l’édition de livres pour bibliophiles. « Parler seul » de Tristan Tzara et « Á toute épreuve » de Paul Eluard, montrent combien le travail de l’artiste est personnel et complémentaire, à concevoir comme un accompagnement plus qu’une illustration. Miró marque son souci des rythmes, des tons et de la nature des vers. La couleur joue un rôle primordial.
En complément de ces éditions, une série de petites œuvres, également riches en couleurs des années ’70, illustre la couleur des rêves: la poésie par la couleur.
Poésies courtes, essentielles, aux tons simples qui tirent leur force dans les suggestions de la nature et de ses saisons, les haïkus illustrés par Miró développent, avec d’autres œuvres des années ’60-’70, la poésie par la ligne, quelle que soit la matière ou le support. « Cette simple ligne est la marque que j’ai conquis la liberté ! »
Le mythe de la femme
Enfin, cette exposition comporte des séries d’œuvres, entrecroisées chronologiquement, consacrées au mythe de la femme - évasion encore, et refuge, peut-être. C’est la Mère Nature et l’oiseau mythologique, symbole masculin. L’œil, on l’aura compris, représente le symbole féminin. Il s’agit de tableaux caractérisés par des couleurs vives, d’épais coups de pinceau, d’écrasantes traces de noir qui expriment la violence du cycle vital et de la nature. Femme et oiseau symbolisant l’ancrage à la terre et le désir d’évasion vers le ciel. Tout est à sa place ou tout s’écroule. Equilibre parfait : on ne peut ni ajouter ni soustraire une ligne ou un point, c’est le véritable génie de Miro.
Pour petits et grands
Afin d’explorer davantage le processus créatif de Miro, un atelier de découvertes artistiques est intégré dans l’exposition. Plusieurs stations de travail interactives, développées par l’asbl ART BASICS for CHILDREN sont mises en place et incitent les visiteurs, qu’ils soient enfants ou adultes, à se plonger dans la vie de Miró, ses lieux de résidence, ses sources d’inspiration, sa palette de couleurs, ses différents styles… Un livre de "Miróglyphes" reprend les pictogrammes utilisés par l’artiste à titre de métaphores. « L’atelier de rêves de Miró», équipé d’objets trouvés et de matériaux stimulants donnent la possibilité à chaque visiteur, seul ou accompagné d’un guide-animateur, de dessiner sa propre constellation, de peindre, de faire des collages, d’imprimer, de travailler la terre glaise et de réaliser une mosaïque murale… Le visiteur a également la possibilité de créer son propre "livre d’artiste" poétique, le tout visant à développer une sensibilisation qui se situe aux confins de l’art et de la vie.
Cette exposition est réalisée dans le cadre du projet « Un printemps surréaliste au Mont des Arts ». Plusieurs conférences seront organisées par Educateam, le service éducatif des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique,
à l´Espace culturel ING.
24.03.2011 > 19.06.2011 Joan Miró, peintre poète, Place Royale 6, 1000 Bruxelles
Soyez curieux: http://bongo.zoomin.tv/videoplayer/index.cfm?id=411946&mode=normal&quality=2&pid=lalibre
Commentaires
sur Musiq3
MUSIQUE ET AUTRES MUSES DU MERCREDI 15/06/2011 22:05
CHRISTINE GYSLINGS NOUS PROPOSE UNE ÉMISSION DÉDIÉE À JOAN MIRO
"Je suis de plus en plus un homme de révolte. Je m'élève contre le monde tel qu'il est." Joan Miro
Isaac ALBENIZ. - Arbola. Miguel Baselga, piano. BIS.
Leos JANACEK. - Extr. du Conte pour violoncelle et piano. Martin Sedlak, Slavka Pechocova. praga.
Igor STRAVINSKY. - Extr. de l'Oiseau de feu. Orchestre Symphonique de Montreal, Dir. Charles Dutoit. Decca.
Federico MOMPOU. - Scènes d'enfants. Carmen Barvo, piano. Emi.
Gabriel FAURE. - Barcarolle op.106 bis. Delphine Bardin. Alpha.
Heitor VILLA LOBOS. - La égende du métis. Fabienne Crutzen, piano. RCP.
Joaquin TURINA. - Danse fantastique, op.2é. Orchestre Symphonique de Bamberg, Dir. Antonio de Almeida. RCA.
Serge PROKOFIEV. - Marche, extr. de la suite l'Amour des trois oranges. Orchestre National d'Ecosse, Dir. Neeme Järvi. Chandos.
Manuel de FALLA. - Hommage. Jose Maria Gallardo del Rey. Mandala.
Vincent D'INDY. - Diptyque méditerranéen. Orchestre Philharmonique de Luxembourg, Dir. Emmanuel Krivine. Timpani.
Joaquin RODRIGO. - Air de ballet sur le nom d'une jeune fille. Maria Garzon, piano. ASV.
Conlon NANCARROW. - Blues. Herbert Henck, piano. ECM.
Serge RACHMANINOV. - Danse symphonique de l'opus 45. Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam, Dir. Mariss Jansons. RCO.
Manuel PONCE. - Ferial. Royal Philharmonic Orchestra, Dir. Enrique Batiz. ASV.
Ernesto HALFFTER. - Habanera. Trio Alborada. Calliope.
Joaquin RODRIGO. - Sonata giocosa. Narciso Yepes. DGG.
Iannis XENAKIS. - empreintes. Orchestre Philharmonique de Luxembourg, Dir. Arturo Tamayo. Timpani.
Philip GLASS. - Attack and fall (extr. de l'opéra Akhenaton). Conjunto Iberico, Dir. Elias Arizcuren. Codaex.
Arvo PART. - Fratres. Gidon Kremer, Keith Jarrett. ECM.
Production : Christine GYSELINGS
Réalisation : Manu WAUTIER
Bonjour,
En 1956, un vieil ami m'a donné une gouache d'un peintre qu'il connaissait à peine. J'ai montré cette gouache à beaucoup de spécialistes mais en l'absence de certificat d'authenticité, elle est déclarée fausse : on m'a dit que Miro peignait spontanément, il y a cependant eu des photos de Miro dessinant une constellation avant de la peindre, que les traits étaient incertains, j'ai eu la chance de voire une exposition des constellations de Miro et si il est exact que ses dernières ont des traits irréprochables, il n'en est pas de même des premières...Alors, je conserve ma gouache en étant certain que c'est une oeuvre authentique.
Bonsoir Deashelle,
Tout grand merci pour ces informations, plus que passionnantes ! Elles dépassent avec bonheur les clichés habituels sur Miro ! J' aime beaucoup cet artiste !
Belle fin de semaine et amitiés, Nicole
Très belle exposition... j'ai adoré!
Faut dire que je suis une "fan" de Miro depuis 40 ans.
J'adore ces catalans, toujours très créatifs...
On peut toujours rêver ! Un rappel nostalgique des beaux moments du passé.
Merci pour la très belle reproduction et aussi, pour le texte très fouillé qui l'accompagne.