Ensemble et séparément
Spectacle sublime
Porte Clair-obscur
Jeune avant-garde au garde-à-vous
Visages lisses.
Turkish delights dans une boîte de Pandore
Pas d'instruments, pas de couleur
Chaises suspendues sans peur du vide
Partition lumineuse à quatre mains
Pas à pas des éblouissements
Bombardement photographique haletant
Fragmentation du trio assis en cinq dimensions:
Quinze personnages.
Fascination de clignotements dont on ne peut comprendre la trame
Logettes, ruche, lucarnes, cellules brillantes claquent
Tout s’agite en solo sur ce mur d’urnes qui parlent.
Mystérieux glissements de place
Vociférations muettes fracassantes, gestes picturaux
Palabres et prières en éclats
Concert de voix parlée dans une langue inconnue sopranos, alto, baryton
Débit ultra rapide et totalement articulé à tous les étages
Ensemble parfait mélodieux et tendu
Oiseaux migrateurs qui se sont abattus quelque part dans la ville.
Un sac de dame dans lequel on fouille rageusement
Perte de mémoire
Poses corporelles calculées au millimètre
Robes de ville stylées et costumes bien coupés
Sombrent en un éclair
Maquillages parfaits
Chevelures soignées
Violents coups de talon au sol
Les personnages se trouvent traqués
Dans leurs conversations anodines
Par la lumière comme des animaux
Des forêts émus traversant la route, la nuit.
Commentaires
Les comédiens étaient placés dans des cages verticales, sortes d'échaffaudages avec des guérites, comme des boîtes géantes sur lesquelles la lumière se dirigeait à la vitesse de l'éclair, dans une frénésie qui soutenait ce rythme, lumière dirigée vers chacun à son tour selon sa gestuelle de mots,, de cris, ou celle du choeur. Un théâtre incantatoire, habité par la lumière et l'obscurité.
Jusqu'où irait l'homme dans ce monde sans communication vraie, pour assouvir son pouvoir? Qui écrase qui, qui répond à qui? Strictement déterminé par les règles du jeu.
Une expérience à vivre, non seulement par la tête, mais aussi par le coeur et par le corps.
Sahika Tekand a plus d'un tour dans son sac et nous réserve encore quelques surprises étonnantes de son cru. Une artiste à suivre, qui réalise un travail d'une immense exigence avec une troupe de grand talent. Ses comédiens vivent ce "jeu" avec l'intensité nécessaire à ce genre de création.
D'autre part, voici quelques notes de Sahika Tekand elle-même (en anglais) au sujet de sa création Oedipus Rex, prises en 2002, qui éclairent quelque peu sa recherche et son travail de scénariste.
"# The crossword puzzle is at the same time Oedipus' weapon of power.
# The crossword puzzle is one of the most important factor in the legend that changes Oedipus' destiny.
# The crossword puzzle is a design that obligates practically to ask questions and look for answers.
# Because of this reason, all the questions in the play text are emphasised, and the play is practically settled on these questions. The music of the language of the play is essentially defined by these questions.
le lien de "Lumière à la turque"
http://acturca.wordpress.com/2013/04/09/lumiere-a-la-turque-sur-bec...
Play it cool!
Tu avais bien raison, Louis! Et Joelle la première! J'ai essayé de calibrer ma "critique" sur le plaisir intense que nous avons eu à voir ce spectacle totalement codé à l'inverse de la coutume théâtrale ordinaire. Et donc j'ai pris un chemin de traverse dans l'émotion (mon texte) et l'humour (le jeu). PLAY!
Lumière à la turque sur Beckett
Posted by Acturca in Art-Culture, Turquie.
Le Soir (Belgique) mardi 9 avril 2013, p. 31
Catherine Makereel, Istanbul de notre envoyée spéciale
Sahika Tekand revient à Bozar avec « Play », interrogatoire déroutant.
On pourrait se dire que voir du Beckett en turc non surtitré relève d’un sérieux penchant sado-maso. Beckett, même en français dans le texte, tient déjà du voyage en Absurdie. Quand, en plus, découverte à Istanbul, l’irrationnelle logorrhée de l’auteur irlandais file sur une langue nerveuse dont on ne saisit pas un traître mot, tout cela pourrait paraître aussi attractif qu’un mode d’emploi électroménager en chinois. Pourtant, miracle d’une mise en scène physique et visuelle, d’une maniaque précision musicale, la petite heure de « Play » se gobe comme une spécialité culinaire étrangère, dont on préfère ne pas connaître la liste d’ingrédients pour n’en garder sur le palais que la mystérieuse saveur.
Rassurons les indécrottables sceptiques : Bozar promet de surtitrer cet étonnant kaléidoscope dessiné par la metteuse en scène turque Sahika Tekand. Néanmoins, on ne peut que vous conseiller de faire abstraction des sous-titres (à condition de lire au préalable le résumé de la pièce) pour ne pas perdre une miette d’un surprenant tableau mouvant, diabolique mécanique qui court sur quinze cases vivantes orchestrées par un jet de lumière déclenchant la parole des personnages dans un remuant ballet haché. Sous la lampe instable de cet interrogatoire cruel, les comédiens boxent avec des dialogues sectionnés, coupés en plein vol, repris en boucles lancinantes, pour faire toute la lumière (littéralement et vainement) sur une obscure affaire de tromperie. A l’origine, Beckett a imaginé un homme, sa femme et sa maîtresse, coincés dans leur cercueil respectif, comme au seuil d’un surréaliste purgatoire, monologuant chacun sur sa position, ses souvenirs, sans bien savoir ce qu’il ou elle fiche là.
C’est tout ce que vous avez besoin de savoir pour suivre, en turc, ce huis clos existentialiste sur l’incommunicabilité des êtres. Sahika Tekand travaille le texte comme un jeu, où les personnages apparaissent aléatoirement dans la lumière comme des pions sur une grille de Puissance4.
L’artiste travaille surtout le texte de Beckett comme une partition, avec des tempos réglés comme du papier à musique. Chapeau surtout au régisseur lumière, qui manie sa console comme les doigts d’un musicien sur son piano. Pas le droit à la moindre erreur dans cette danse des projecteurs réglés sur les infimes respirations, foudroyants mouvements, brusques hoquets et laconiques joutes de comédiens stroboscopiques.
C’est cette précision qui fait de la pièce un triangle amoureux paradoxalement très carré. Un choeur à la fois mathématique et fuyant. Que ce soit dans une langue étrangère achève de rendre cohérent cette métaphore de nos existences insensées.
Festival 0090, les 26 et 27 avril à Bozar, Bruxelles.
Les artistes à suivre:
Gökhan Girginol
Il a fait sensation en mars avec un Woyzeck décoiffant au Toc Tok Knock Festival du KVS. Il n’a que 25 ans et vient de finir ses études de mise en scène au R.I.T.S. Inspiré de l’art brut, il empoigne le classique de Büchner pour en faire un trip hallucinant en marge de la société doublé d’une charge féroce contre l’injustice sociale. Un Woyzeck entièrement en turc non surtitré mais accessible à tous dans un style très imagé. Et qui s’apprête donc à voyager à Anvers, Courtrai, Ostende, Louvain, Malines. Né à Genk, il est la troisième génération d’une famille immigrée dans les années 60 pour travailler dans les mines. Après avoir baigné dans le slam et le hip-hop, il a intégré le R.I.T.S. où il était le seul élève d’origine turque !
Sibel Dincer
Née à Istanbul, Sibel est venue en Belgique pour étudier le théâtre à l’IAD et a travaillé avec Frédéric Dussenne ou Philippe Sireuil. En parallèle, elle a fondé le groupe Sibel pour réarranger des chansons turques dans un style jazzy et anime une chorale de femmes chantant a cappella. « En théâtre, quand on est turque et qu’on a un petit accent, ce n’est pas facile de se faire une place sur la scène belge. Ce qui m’intéresse, c’est de créer des choses qui n’existent pas. » C’est ainsi qu’elle a monté une traduction française de Voilà la tête, voilà le tronc, voilà les ailes de Sevim Burak. «Le public turc immigré reste tourné vers la culture turque populaire, commerciale, vue à la télé. Peu vers ce quiest plus intellectuel. » www.sibelmusic.com.
Kadir Balci
Ce réalisateur belge s’est fait un nom avec son film Turquaze sur la crise identitaire de trois frères turcs de retour à Gand après avoir enterré leur père à Istanbul. Chronique familiale sur le tiraillement entre racines et pays d’accueil. « Né à la lisière des cultures flamande et turque, je n’ai jamais été sûr d’être à la bonne place ou d’être considéré en tant que personne à part entière, indépendamment de mes origines, raconte le cinéaste. Au cours de mes études, j’avais l’impression qu’on me percevait avant tout comme un Turc faisant des études de cinéma en Belgique, qu’on m’acceptait en tant qu’étranger, ce qui me mettait dans une position très étrange, vu que je me sentais aussi belge que les autres étudiants.»
Je crois qu'il s'agit de la pièce "PLAY" de Samuel Beckett ?
Il y a quand même bien quelqu'un qui va dire le nom de la pièce et celui de l'auteur?
mais oui! C'est le théâtre d'Istamboul!
Bravo à Joëlle qui a plus d'une corde à son arc : poète - duettiste - détective !
Avant de donner ma langue au chat par faute de temps, je pose une dernière question sur l'origine de la troupe : est-ce Istanbul ?