Collection Robert Paul - Reproduction interdite
Signor
« Signor », ou mieux encore : « Sinior », selon les règles de la stricte orthophonie : ainsi apostrophait-on à Bruxelles, à Malines, à Anvers surtout, ces citoyens opportunistes par trop enclins à singer les manières de l’occupant espagnol.
Apostrophe ironique mais aussi, d’une certaine manière, menaçante: allusion plus que claire au jeu du drap traditionnel, espagnol d’origine, jeu qui se pratique encore en certaines occasions folkloriques, où il s‘agit de faire sauter à des hauteurs de plus en plus vertigineuses une poupée anthropomorphe curieusement articulée, qui porte jusqu’à nous ce nom, à écrire comme on le prononce : « opsiniorke », soit le petit Monsieur qui fait : « Hop » ! »
L’on sait que Michel de Ghelderode usa de ce thème pour composer sa pièce fameuse. Le jeu, s'est transformé en supplice dit du drap, où l'on défenestrait le sieur occupant, puis le faisant sauter dans le drap, et retirant ce dernier, le laissant choir et se fracasser les os sur les pavés.
Les « Opsiniorke » anciens qui nous sont parvenus intacts ne sont qu’au nombre de deux, et se trouvent respectivement aux Musées d’Anvers et de Malines, chacune de ces villes revendiquant pour elle la possession du plus bel exemplaire, sinon du plus ancien ; ils y sont conservés, à jamais immobiles, dans de lourds et superbes coffres du temps.
Max Elskamp choisit ce thème comme en-tête de lettre gravé pour le Conservatoire de la Tradition Populaire ; il en fera effectuer un cliché qui lui permettra de se constituer un ex-libris personnel réservé à ses ouvrages de folklore.
L'exemplaire présent est entouré d'une version bleue et rose (il en existe une jaune et bleue) des fameux entrelacs de coeurs gravés par Elskamp (lacs d'amour), s'imprégnant de la belle tradition du petit peuple flamand qui, offrant aux mariés un coffre de bois pour contenir leur lingerie précieuse, le décoraient de coeurs entrelacés.
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Commentaires
Merci monsieur Paul pour la leçon d'histoire. Impressionnant! Les peuples créent l'Histoire et les historiens la transcrivent.
Merci monsieur Paul,
pour cette histoire un peu belle un peu …….terrible !
J’aime les fleurs e les entrelacs de cœurs et la tradition de décorer avec elles les coffres de bois pour le mariés.
J'apprécie lire les gens qui connaissent leurs sujets, à bientôt.
Merci de ce bel et intéressant article sur ces vielles traditions , Aleksa
Passionnante petite leçon d'histoire.
Le fier petit coq espagnol qui saute sur le drap vengeur est plein d'humour !
Ah si l'on pouvait faire sauter hors d'état de nuire si aisément
tous les occupants et dictateurs sournois
qui nous mettent à genoux et prennent la place de nos états ...
Bonjour Monsieur Paul,
Je vous remercie de ces informations partagées ! J'apprécie les fameux entrelacs de coeurs gravés par Max Elskamp , témoin de la tradition du petit peuple flamand . Quant au supplice du drap, il exprime une fois de plus, ce dont les humains sont capables , dans leur " noirceur " ...
Ils sont aussi , heureusement , porteurs en eux ... du meilleur ...
Belle journée à vous ! Cordialement, Nicole V.Duvivier
Commentaire de Barbara Y.Flamand
Très intéressante cette explication historique Je suppose que le supplice du drap n'était réservé qu'aux opportunistes allant jusqu'à la collaboration avec l'occupant. Ma foi, ce supplice n'était pas plus cruel que ce que la domination espagnole faisait subir au peuple.
Je n'ai pas vu ni lu la pièce de Ghelderode.Je suis maintenant curieuse de la connaître en me demandant comment il a traité cette douloureuse période de notre histoire.