« Hamelin » de Juan Mayorga 12/15 18/20 janvier 2011 à Wolubilis par le théâtre du RIDEAU
Derrière la ville brillante avec ses halls de sports lumineux, ses splendides bureaux, son architecture osée et dispendieuse, il y a la violence de la misère et ses non-dits criants. Il y a les odeurs d’urine d’enfants d’une famille nombreuse vivant chichement dans un 40 mètres carrés. Lisa, la mère de six enfants est digne; René, le père, est sans boulot. En robe verte, signe de mauvais présage sur scène, elle note scrupuleusement certains versements dans un cahier à carreaux. Elle est à nouveau enceinte. Un notable, Pablo Rivas, s’intéresse au sort des malheureux. Montero, un juge, en mal de carrière importante, va investiguer. Un réseau de pédophilie démantelé ? Les journalistes vont se ruer. Les travailleurs sociaux vont intervenir … ou sévir avec leur docte jargon qui tue! Le juge va interdire. Les familles vont souffrir. Les enfants vont ne rien dire. Le monde délire. Les points de vues ambigus se croisent. Le coupable présumé … sera menotté. Le public est pris d’emblée pour un parterre de journalistes et devra jouer le jeu ou s’en aller. « Mais ceci n’est pas une conférence de presse » clame le juge à plusieurs reprises ! La langue enferme. Situation surréaliste. Nouvelle forme d’expression dramatique, cette pièce, « pure auberge espagnole » de l’auteur JUAN MAYORGA, déroute, interroge, fouille nos consciences et ne conclut rien. Les spectateurs sont sommés d’apporter eux-mêmes les costumes, les décors, les lumières. …Au bénéfice du MOT qui semble être le véritable personnage de la pièce, les sept acteurs ne formant qu’un chœur qui se dissout, se sépare et se rassemble sous la baguette de l’annonceur. Le mot, le verbe n’arrivent pas à cerner la vérité. Le juge veut faire parler mais les paroles arrachées ne sont pas des preuves. Il se heurte à la surdité et au refus de dire. Comment d’ailleurs dire l’innommable ? Le juge d’ailleurs n’arrive pas plus à parler, ni à sa femme, ni à son fils Charles, 10 ans… qui fuit toute communication. « Parler à un enfant est la chose la plus difficile au monde ». Corps et graphies : le mot écrit devient le mot parlé. Les didascalies se dessinent sur les murs et sont chuchotées par l’annonceur. Serait-ce lui, ce sire d’ Hamelin qui entraîne les spectateurs dans son imaginaire, dans une aventure qui met en scène le doute et l’incertitude. Coryphée, conteur public, rat-conteur… Il est le maitre du jeu, des tableaux, des silences. Distributeur de lieux et de parole, il s’infiltre dans toutes les relations… Il est le metteur en scène d’une parabole poignante sur la force du langage et son échec. Mimétisme voulu ? Même les dictions des acteurs dérapent constamment et on a de la peine à les entendre… dans leurs pérégrinations entre la scène et le public. Un défaut quand même.Les âmes pures dessinent des chevaux fabuleux. Un chant en italien a fusé, Charles (ou Benjamin), sont seuls à comprendre ce qu’ils disent. …Une mère et des larmes ?
Une production du RIDEAU 02 761 60 30 www.wolubilis.be
Commentaires
du 2 au 4 mars 2011
Lieu :
Centre culturel d'Ottignies
Avenue des Combattants, 41
1340 Ottignies
010/41.44.35
Merci Deashelle pour tes informations culturelles nombreuses et qualitatives!
Cette pièce semble terrible, dans le sens qui abasourdit...avec cette misère et le procès, la mère triste, les enfants qui se taisent etc...il me semble que son côté positif, c'est de faire participer les spectateurs, qui en deviennent un peu acteurs, qui prennent part au déroulement de l'action, et qui mettent leur grain de sel, au lieu de juste "écouter " et regarder ce qui se passe. Au moins, ils peuvent réagir, chacun à sa guise.
Mais aller voir des spectacles où il y a trop de souffrance, c'est vrai que c'est un peu lassant, moi, ce n'est pas mon style de spectacle préféré, dans un monde où le quotidien nous apporte son lot de mauvaises nouvelles, sans relâche dans les médias! On a une dose en trop, comme le souligne bien Philippe.
Oser parler de beauté, bonnes nouvelles, poésie, dans un monde où beaucoup de choses se déglinguent, c'est audacieux même!
Les gens ont besoin de se déconnecter d'une réalité morose et de la sinistrose et de voir un coin de soleil, pour une vie davantage créative, libre, festive et inventive.
N'empêche que le théâtre est là pour cibler tous les registres, du plus mélodramatique au plus enivrant ou cocasse!
Alors, allons au théâtre dès que le coeur nous en dit!
Mes amitiés à tous les passionnés de théâtre,
Pascale
Je n'aurais sûrement pas manqué ce spectacle marseillais qui me met l'eau à la bouche! Ton invitation à planer joyeusement et fusiller la morosité est exquise! Faute de grives, on mangera des merles. Quoique... leur plastron moucheté me fait bien plus plaisir dans les airs que sur une assiette!
Merci de ce rappel au bonheur!
Hamelin avait une qualité: la retenue et l'omniprésence du doute! Une réflexion et une phrase très belle de Rivas:
"je l'aime comme personne ne l'aimera jamais!"
Tout ceci me donne l'eau à la bouche mais mes déplacements sont très limités et peu d'accès aux chaises roulantes de plus je ne roule plus à la nuit tombée, sauf dans ma petite ville.
Merci de me faire participer à ce monde désormais inaccessible pour moi.