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Grigory Sokolov

Vendredi 16.03.2012 20:00

12272797868?profile=originalPalais des Beaux-Arts / Salle Henry Le Bœuf

Grigory Sokolov piano

           

            Jean-Philippe Rameau, Suite en ré


            Wolfgang Amadeus Mozart, Sonate pour piano N° 8 en la mineur,     KV    310
          

Variations et Fugue en si bémol majeur  sur un thème de G.F. Haendel, op. 24, de Johannes Brahms

            3   Intermezzi de Johannes Brahms, op. 117

 

Géant russe matamore du piano ou Petit Poucet rêveur qui égrenait dans sa course, des notes ?  Il n’y en a  pourtant que 7… il en crée mille. Elles ont un feutré, un tissé (mains), un palpé, un flûté, un galbé, un ornementé, incomparables.   Sokolov, le succulent pianiste né au creux du 20 éme  siècle, nous offre des gouttes de rosée, des ombres fantastiques, des doux froufrous, du vin de vigueur. Il est la bohême du piano, l’anticonformiste, le créateur.

 

L’auberge est au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles dans la salle prestigieuse Henry Le Bœuf. Rameau ouvre le concert. Les tendres Plaintes, Les niais de Sologne, Les soupirs  et toute la suite en ré fusent du clavier, convoqués par un alchimiste intemporel.  Dans la pénombre, Grigory Sokolov installe l’intimité, penché sur son clavier comme sur un grimoire. Un champion des deux roues penché  sur son guidon, une dentelière à sa dentelle. On est dans le mystère de la  belle au bois dormant, le monde s’est éteint et en renaît un autre. Jeux de poignets, trilles invisibles, notes piquées, marche joyeuse, belles nuances et accents émouvants. Le piano, plus que le clavecin, doit sûrement rire avec cette salve de chatouilles. Une fête de nuances, le clavecin est pantois.  Détrompez-vous, il s’agit d’un chat agile,  (pas le Chat Botté, quoique… ), qui poursuit dans le clavier une souris invisible. Frissons spectaculaires. Le toucher badin cède à la poursuite effrénée; les mains bataillent pour occuper tout l’espace du clavier. C’est le jaillissement de sève vitale qui en est la cause.  Music is dynamics.  Incroyable maîtrise : cela se termine par un pas de deux, gracieux, d’un couple de danseurs étoiles sur les touches. Quelque part, il y a un maître de marionettes,  invisible, oublié tant les mains sont fascinantes.

 

La technique parfaite et brillante de Grigory Sokolov nous  offre une fête jubilatoire dans la sonate de Mozart. Il y a des accents raffinés, une liberté de ton et une multiplicité de saveurs généreuses. Le nectar musical oscille entre des notes aigrelettes et une ample  robe amarante. Andante cantabile con espresssione : rien n’est plus juste.  Le tempo est plus lent, les notes plus graves. Les aiguës sont assourdies grâce à des pianissimos inconcevables. On est dans un nid de duvet et pourtant chaque note bien détachée semble être appuyée à fond dans le clavier. Mystère de la fabrication. Un oiseau soigneux, de préférence une alouette, lisse son plumage, quand soudain forgées à grands feux, des notes graves explosent. Le nez sur son clavier, Grigory Sokolov écoute la respiration intime de l’instrument puis transforme ses mains dans le Presto en véritable corps de ballet.

 

L’éventail des nuances des Variations de Johannes Brahms nous  laisse stupéfaits. Un  déchaînement titanesque façon Vulcain fait suite aux  « Hands dancing on thin ice  » de l’introduction. Sokolov butine ensuite des notes sucrées avec gourmandise. Une cavalcade endiablée précède la salve d’accords plaqués avec détermination suivie de près par  l’ébullition de lave en fusion. …Et le déplissage accéléré de jeunes feuilles tendres se déploie sous une course de nuages. Comme le dit Wagner "Wandel und Wechsel liebt wer lebt: das Spiel drum kann ich nicht sparen."  "Qui vit aime le changement et la variété: ce jeu je ne peux m'en passer." Richard Wagner (Rheingold). L’élasticité extrême du toucher ne finira jamais d’étonner. On imagine un artiste peintre en pleine créativité, débordant d’inspiration balayant sa toile en rafales dynamiques et en touches pointées. Après de splendides variations chromatiques pleine de douceur, ce sont 20 mains qui chantent, grondent et menacent. Rappellent avec vigueur le thème d’Haendel.  Provoquent un ruissellement d’orage estival et enfantent une musique surhumaine.

 

 12272797675?profile=originalCoupant court aux applaudissements Grégory Sokolov se jettera  avec ivresse dans les Intermezzi où l’on retrouve une berceuse aux notes rondes comme des perles et des bulles éclatant avec douceur. Voici  une longe ondulation, la roue du temps ?  Elle tourne, dévale, hésite,  remonte une pente imaginaire avant de se coucher sur le flanc. Vaincue ? Ensuite la supplique appuyée mais humble, d’une sorte de Kyrie Eleison. L’ensemble  finit sur une langoureuse caresse qui ne veut pas s’évanouir. Au moins six rappels et autant de « bis » éblouissants, passionnés et tendres. Et bien sûr, la note bleue.  Grigory Sokolov, un bateau ivre.

 

 

 

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