Bel exemplaire d’éventail chinois
Outre Paris, la Normandie, le Beauvaisis, la Chine, autres maîtres incontestés qui excellent dans un travail de patience infinie (sur des éventails en fils d’ivoire par exemple), on trouve aussi une production de qualité chez les éventaillistes allemands, les ateliers d’ivoiriers d’Erbach (Hesse) s’en étant fait une spécialité, ou autrichiens, avec Vienne. Et leurs articles sont prisés dans le monde entier, particulièrement, comme on le sait, en Italie, en Espagne ou au Japon.
Japon, pays de longue tradition, les plus raffinées aimaient en arborer, comme la courtisane et poétesse Ono no Komachi, du moins ainsi la représenta-t-on (c’était ma contribution au geishavoir, « Car mon bonheur est moqueur ! », Nietzsche).
Courtisane sous la neige, 1831
Estampe sur éventail, Uchiwa-eban, Utagawa Kunisada
Geisha
La rieuse geisha, coquette Japonaise,
Agite son ombrelle et son éventail blancs,
Se pâme au clair de lune avec des frissons d’aise,
Et pare son peignoir aux larges plis flottants,
De chrysanthèmes blancs ; coquette Japonaise.
Fernand Prévost de Belvaux, 1903
Portrait réalisé au XVIIe d’Ono no Komachi (825-900)
Musée d’art oriental Edoardo Chiossone (Gênes)
Au XXe siècle, la vogue pour l’éventail a décliné, remplacé par le vulgaire ventilateur, « un bel aérateur, pour bouffer les odeurs » (Vian), relégué au rang de vil support publicitaire. Avant de reprendre sa place dans les défilés, avec ses strass et ses paillettes, comme dans la rue, des créateurs contemporains lui apportant un nouveau souffle. Eternel recommencement, il revient dans l’air du temps...
Plus léger qu’Eole ;
Il naît et s’envole,
Renaît et s’enfuit.
Julien Offroy de La Mettrie (1709-1751)
Street art à Montmartre
Strass et paillettes font se pâmer les grisettes
« Dans la jungle de la solitude,
un beau geste d’éventail peut faire croire à un paradis. »
André Breton (1896-1966)
Chérubins pourvoyeurs de doux alizés.
Un bruissement d’aile pour un dernier froufrou…
Avant que le vent mauvais de l’automne ne souffle, si vous voulez bien déposer quelques mots avant que ces feuilles ne s’envolent.
Avec ces cinq Fantaisies j’espère avoir montré que l’objet était porteur d’art et de poésie, maintenant autant en emporte l’évent…
Un atelier de tabletier (Méru, Oise)
Boutons, dominos, éventails, tabletterie
Bonbons, caramels, esquimaux, chocolat
Boutons et petits articles (coffrets, peignes, damiers…) de la mode parisienne assuraient l’ordinaire du tabletier, occupaient les moins talentueux.
Nacre, écaille, os, bois d'ébène, corne, ivoire…
Formica, inox, compressé, linoléum, bakélite…
Mécanisation, standardisation, délocalisation, consommation…
Besogneux, ouvriers, gagne-petit, traîne-misère… qui se sont révoltés en 1909 à Méru et dans ses environs. Une guerre des boutons qui durera trois mois, durement matée par la troupe.
Complainte du progrès, les arts ménagers auraient-ils chassé les arts décoratifs ?
Les espèces protégées pour un océan de plastiques…
Industrie du luxe contre production de masse ?
Lansardière Michel (texte et photos)
P. S. : si vous voulez retrouver rapidement mes quatre premiers articles consacrés à l’éventail, avec au total 40 photos originales, avec des modèles qui vont de l’Antiquité à nos jours :
La surprise de l'été :
https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/la-surprise-de-l-t-art...
Je sème à tout vent :
https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/je-s-me-tout-vent-fant...
L'art, la matière et le savoir-faire :
https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/l-art-la-mati-re-et-le...
Vingt fois sur le métier :
Faites-en ainsi déferler - ouvrir lentement degré par degré en parlant d’un éventail - les cinq volets. Au contraire, lassés par ce billet long comme un paravent, vous pourrez préférer décharger, les ouvrir brusquement en les faisant claquer comme pour un éventail.
Commentaires
Merci Sandra d'avoir ouvert cet éventail.
Merci Marc d'être repassé par là et d'avoir apprécié cet article.
Lisette, Corinne, Pascale, Michel, François, je n'ai ps oublié votre soutien, vos appréciations et vous en remercie.
Un grand merci pour ce chaleureux message Nicole, de ceux qui me poussent à écrire et à partager.
Merci Sonia. J'ai traité du langage de l'éventail dans le premier (au XVIIIe s.) et le second (XIXe siècle) billet.
Dans la dernière partie de mon billet j'ai voulu redonner vie et voix aux plus humbles des travailleurs qui ont oeuvré pour la prospérité de quelques uns, pour embellir quelques unes.
Merci Rose-Marie pour ton commentaire et tes encouragments.
Berthe Morisot et Edouard Manet réunis ici autour d'un éventail revivient et prolongnet le voyage. Un vrai bonheur. Merci Béatrice pour ce ravissant apport à ce billet final.
Un vrai délice que ce billet où le charme se révèle à nos yeux. Véritable œuvre d'art témoignant de tant de raffinement....j'imagine le langage de l'éventail à la cour....tout une histoire. Merci pour le partage.
Bien amicalement.
Sonia.G
Rien de nouveau sous le soleil sauf que l'exploitation a changé de continent et des miséreux travaillent toujours pour des nantis.
Malgré tout nous avons un certaine nostalgie de ce temps là car la mémoire enjolive doucement le passé.
Merci pour ce billet qui comme toujours fait réfléchir et approfondit un sujet à première vue très futile.
En ce qui concerne l'enseignement, je garde après autant d'années un souvenir ému de professeurs passionnés qui m'ont transmis un peu de leur passion.
Dites donc Mesdames, ne suis-je pas un peu trop cadet pour avoir pu être votre prof !
N'empêche, même si mes matières ne prêtaient guère au sourire et à l'ouverture, j'ai toujours monté mes cours de façon à présenter les choses de manière plus libre et ludique. j'espère seulement qu'ils en ont souvenir. Maintenant, je corrige des copies à la chaîne, ils ne me restent plus que les commentaires que j'essaye constructifs, mais la marge est réduite ! (quant aux copies électroniques, elles manquent encore plus de relationnel. Le monde est devenu virtuel).
Mais j'ai toujours grand plaisir à te lire Nicole et t'en remercie.