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administrateur théâtres

Un grand amour

Intérieur bourgeois  et sans éclat.  Un fauteuil presque Voltaire, une petite table de chevet ronde qui a perdu sa vitre, et dessus un verre à liqueur et une bouteille de spiritueux d’origine allemande.  Les motifs de la  tapisserie, faite de lourds feuillages de  jungle, se prolongent au sol. Au centre, l’oeil du monde: un immense miroir doré se penche vers les spectateurs et dans lequel ils se voient. C’est sans doute cela,  le plus important.  L’adresse du spectacle sera multiple : la comédienne à elle-même, la femme de l’histoire à sa conscience assassinée, cette même femme aux générations d’après, cette femme-comédienne et son double au public présent et à chacun en particulier. La salle est comble.

 C'était la première ce soir! La mise en scène de Jean-Claude Berutti est un chef d’œuvre. Splendide interprétation de Jeanine Godinas, qui creuse de façon poignante et imperturbable le fond des ténèbres, braque une lumière sans la moindre indulgence sur cette femme de... qui ne réussit pas à être femme à …part entière! Femme debout, qui aurait osé braver son mari et demander des comptes à la banalité du mal. Elle est au contraire, régulièrement abusée par les mensonges lénifiants du mari SS, commandant en chef des horreurs des camps d'extermination de Treblinka.

 Jeanine Godinas épouse donc  le destin de cette Madame Stangl pour en extirper l'horreur confondante. Elle balaye sans concessions et avec immense justesse les différentes étapes de la vie de cette femme de grand criminel de guerre qui prit délibérément - plutôt que viscéralement -  la passion amoureuse pour son époux, comme écran pour ne pas regarder la réalité en face! Fracassée par les doutes, elle se laisse néanmoins bercer d'illusions, malgré les preuves évidentes qu'elle récolte au fur et à mesure autour d'elle. On lui ment, elle se ment à elle-même et se trahit. Le grand amour qu’elle croit étreindre est voilé, fêlé par l’abominable vérité.  On est happé par la force des confidences, l'analyse minutieuse de la complexité des sentiments, la réalité des terribles vérités, et le charme charismatique de la belle personne et de la grande dame qui se trouve être comédienne! Une comédienne qui ne ment pas et que l’on regarde en vrai. Le je et son double. Une voix de chair et de femme, d’amour et de résignation lorsque le questionnement se meurt.   

« L’amour avait tenu la vérité, comme en suspens ! » Theresa Stangl réalise qu’il n’y a pas de cloison entre le travail aux « constructions dans le camp d’extermination  et les mises à mort. Et elle réalise que son grand amour lui a servi de cloison entre l’horreur du mal et son confort de mère de trois enfants. Tellement humain et tellement lâche à la fois ! Elle saisit fébrilement toute occasion de disculper celui qu’elle aime, même si au fond de son corps, la honte l’envahit, car le corps sait. Ses pensées s’enlisent dans le magma des mensonges.

Grâce à un passeport du Vatican, un des  monstres responsables du génocide retrouvera sa famille en Syrie, puis s’installera au Brésil. Une terre où l’on ne parle pas de Sobibor ou de Treblinka. La femme se souviendra avec fierté de sa belle maison, des terrasses du confort… Et ne posera plus de questions.

Nicole Malinconi, l’auteur du  récit, insiste : « Pourquoi n’a-t-elle pas menacé de quitter son mari s’il ne quittait pas Treblinka ? « … si vous l’aviez acculé ? » Theresa se souvient des juvéniles rafales de questions qu’elle ne pouvait s’empêcher de formuler et  que son mari, possédé par Treblinka,  rejetait,  tantôt avec violence, tantôt avec douceur menteuse. Mais elle ne lui a jamais tenu tête ! Le confronter, aurait tué son «amour», …son seul viatique, son unique lumière.  Un amour voilé, fêlé, frelaté, obscurantiste auquel manquait le courage, et qui, dissimulant l’innommable, n'est même plus de l'amour.  « La vérité est une chose trop terrible pour que l’on puisse vivre avec elle». Et le reste… est questions. On n'en n'a pas fini! 

Lire plus: 

https://www.babelio.com/livres/Sereny-Au-fond-des-tenebres/438136

https://www.babelio.com/livres/Malinconi-Un-grand-amour/707474

http://docsapp.cccommunication.biz/users/134175/docs/un_grand_amour_dossier_diff_040517.pdf

http://www.rideaudebruxelles.be/les-tournees/3-programmation/682-un-grand-amour

https://vimeo.com/239447762

https://www.facebook.com/demandezleprogramme.be/posts/1612827142098015

https://artsrtlettres.ning.com/events/un-grand-amour-1?rsvpConfirm=1

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du  26 octobre 2017 (à 20:15) au 19 novembre 2017 
Emplacement : Rideau de Bruxelles @ Théâtre des Martyrs
Rue : Place des Martyrs, 22
Ville : 1000 Bruxelles
Site Web ou carte : http://www.rideaudebruxelles.…
Numéro de téléphone : 02 737 16 01

Organisé par : Théâtre le Rideau de Bruxelles

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Commentaires

  • administrateur théâtres

    UN GRAND AMOUR
    25, 26 et 27 avril au théâtre Le Verso à
    Saint-Etienne

    "Un grand amour, je vous ai dit depuis le début. Depuis le début ça a été un grand amour. Qui aurait duré grâce à sa force du début, même quand les raisons de ne plus l’aimer, lui, de ne plus pouvoir, ont surgi contre l’amour comme des murs incontournables. Parce que les raisons de ne plus l’aimer, moi je les ai contournées ; je m’en suis détournée comme on détourne le regard sans avoir vraiment vu, sans avoir voulu voir ; je les ai même oubliées finalement…
    Au point qu’une seule évidence demeurait dans le chaos, c’était que je portais son nom ; je m’appelais Theresa Stangl, Frau Stangl parce que je l’avais choisi pour mari, lui, Franz Stangl, et que depuis le début je l’avais aimé, que j’étais sa femme. Alors j’ai continué à faire pour lui tout ce qu’une femme fait pour son mari ; je veux dire que je suis restée avec lui, même quand j’ai su, pour Sobibor et pour Treblinka, parce que je l’ai cru quand il m’a raconté ses histoires de travaux de construction qui étaient sa seule occupation là-bas, il disait, le seul motif pour lequel on l’y avait envoyé en mission spéciale, à l’exclusion de tout autre. Et je m’accrochais à l’idée exclusive des travaux de construction pour ne pas continuer à me refuser à lui quand il revenait, comme au début de Sobibor, la fois où j’avais appris que là où il était, on faisait mourir des Juifs par quantités inouïes avec du gaz, et plus tard aussi, lorsqu’il était parti pour son autre mission spéciale à Treblinka et que m’était venue la crainte puis la certitude que c’était la même chose qu’à Sobibor."
    Nicole Malincon

    L’image contient peut-être : 1 personne, assis, table et intérieur
  • administrateur théâtres

    Pour RTBF Culture, Dominique MUSSCHE a rencontré l'auteure Nicole Malinconi après le spectacle UN GRAND AMOUR.

    "Jusqu’où une femme peut-elle aller pour un homme ? Jusqu’à quel oubli d’elle-même, jusqu’à quelle dénégation de sa propre conscience peut-elle aller ?"

    "Teresa affirme que c’est par amour qu’elle est restée avec son mari, mais on peut se demander comment son amour pouvait encore trouver du sens au moment où elle se rend compte que son mari était entraîné dans cette horrible complicité."

    Retrouvez l'intégralité de l'entretien sur https://www.rtbf.be/…/detail_nicole-malinconi-je-n-ecris-pa…

    L’image contient peut-être : 1 personne, debout
  • administrateur théâtres

    Qu'on se le dise! DATE SUPPLÉMENTAIRE
    Toutes les représentations affichant "complet", nous vous proposons une date supplémentaire le samedi 18 novembre à 15h00.
    Infos et réservations :
    02 223 32 08 - http://theatre-martyrs.be/
    Pour les autres dates, n'hésitez pas à vous inscrire sur liste d'attente en contactant la billetterie du Théâtre des Martyrs au 02 223 32 08 ou billetterie@theatre-martyrs.be

  • administrateur théâtres

    De Nicole Malinconi, mise en scène de Jean-Claude Berutti, avec Janine Godinas. Du 26/10 au 19/11/2017 au Rideau de Bruxelles en résidence au Théâtre des MartyrsCrédit photo : Alice Piemme.

    Il est toujours ardu de traiter du sujet de la Shoah, d’autant plus dans un seul en scène au théâtre. C’est pourtant le défi que se sont lancés Nicole Malinconi (l’auteure), Jean-Claude Berutti (le metteur en scène) et Janine Godinas (l’interprète) qui tentent par le biais de l’histoire de cette femme, de découvrir les limites de la complicité passive et du déni de l’horreur.

    Nicole Malinconi a écrit ce monologue sur base des écrits de Gitta Sereny, une journaliste qui est la dernière personne a avoir interviewé Franck Strangl, policier autrichien, devenu commandant des camps de Sobibor et Treblinka et des entretiens qu’elle a eu avec sa femme Theresa, restée au Brésil où le couple s’était caché pendant plusieurs années. C’est d’ailleurs dans ce pays qu’on retrouve Theresa Strangl, qui tente d’exprimer, dans son salon, comment elle a traversé cette époque mouvementée. Elle se cherche alors des excuses comme l’amour, la vérité qu’on lui a cachée, etc. avant de se rendre compte, qu’en fait, elle a toujours su, qu’elle a refusé de voir l’horreur en face.

    Si la pièce dénonce évidemment cette complicité passive caractéristique de cette époque (se taire et fuir la réalité du génocide), elle dénonce ce comportement de manière plus large : pouvons-nous rester à nous taire par amour ? Par exemple : est-ce que Michèle Martin peut se retrancher derrière l’amour qu’elle porte à Marc Dutroux (ce qui est d’ailleurs le nouveau sujet traité par Malinconi) pour supporter l’idée que son époux torture et tue de jeunes enfants dans sa cave ? Est-ce que les femmes de ces hommes importants du troisième reich, n’étaient pas finalement heureuses de côtoyer le pouvoir que détenait leur mari, quitte à rester aveugle à l’horreur sous-jacente ?

    C’est grâce à la réunion des différents talents que Le Grand amour passe d’une pièce au message essentiel à une véritable réussite théâtrale : la mise en scène précise de Berutti, le texte magnifique de Malinconi, la scénographie de Rudy Sabounghi et l’interprétation intense et sans filet de Godinas laissent le public K.O. par l’intensité du moment qu’il vient de vivre.

    http://www.lesuricate.org/peux-on-tout-accepter-a-cause-dun-grand-a...

  • administrateur théâtres

  • administrateur théâtres

    JEU Janine Godinas
    SCÉNOGRAPHIE & COSTUME Rudy Sabounghi 
    LUMIÈRES David Debrinay 
    IMAGES Florian Berutti 
    RÉGIE GÉNÉRALE Sylvain Tardi
    ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE Suzanne Emond
    MISE EN SCÈNE Jean-Claude Berutti
    COPRODUCTION Compagnie Jean-Claude Berutti | Rideau de Bruxelles
    En partenariat avec le Théâtre des Martyrs | Théâtre de Roanne | Château de Goutelas - CCR

  • administrateur théâtres

    Janine Godinas est une comédienne essentielle et incontournable du théâtre belge. Mise en scène par Jean Claude Berutti cette immense interprète nous livre le texte de Malincoli, la confession étrange de la veuve du commandant de Treblinka. L’entreprise est vertueuse mais pas que.

    fh

    Face à une journaliste, dos à un grand miroir, au milieu de journaux et de magazines jetés à terre, une vieille femme revisite sa vie et avec cette nouvelle traversée se confronte à voir ce qu’elle ne voulait savoir, à dire et à se dire l’ineffable que son mari tant aimé fut une génocidaire, un soldat essentiel de la Solution Finale.

    Apres la mort de Franz Stangl, ex commandant du camp d’extermination de Treblinka arrêté  au Brésil incarcéré et condamné à la réclusion à  perpétuité, Thereza Stangl sa veuve est restée dans leur maison de Sao Paulo où ils avaient vécu incognito durant seize ans avec leurs enfants. C’est dans cette maison qu’elle reçoit en 1971 Gitta Sereny une journaliste.

    redim_proportionnel_photo.php?path_Photo=p228370_4&size=MR&width=325&height=1325Et elle va lentement alternant des instants de doute ou d’émotions, de colère ou de résignation raconter l’inracontable. Souvent nous croyons saisir la réponse à la question qui nous hante et qui veut s’épuiser : aurait elle pu arrêter cela ?

    Le texte est remarquable. La vieille Frau chemine le long de ce sentier qui se tortille entre le réel de la Shoah et l’imaginaire du révisionnisme, le second consubstantiel du premier. La veuve du bourreau nazi sait qu’elle ne peut éviter l’essentialisation  mais si elle veut se résumer c’est en une épouse aimante et aimée, une princesse. La mise en scène de Jean Claude Berutti se veut minimaliste cependant qu’elle est délicate et sacrement efface. Au mur le grand miroir est notre représentant sur scène et la vieille femme l’évite comme elle nous évite, comme elle évite le jugement; La frau ne veut rien savoir de ce que lui renverrait le miroir.  A l’aube de sa vie elle ne veut rien savoir de ce qu’elle est devenue. Il est le miroir imposant de l’enfant qui commence à marcher et celui cruel de Dorian Gray. De mauvaise foi elle se déclare princesse d’un conte de fée  mais  dans ce miroir elle ne sera pas la plus belle.

    Janine Godinas, elle est pour cela une immense comédienne, saisit la salle. A la gorge. Nous sommes son miroir. Elle est une brillante lectrice; elle défend la proposition d’une Thereza Stangl qui pendant qu’elle nous supplie de croire à sa petite affaire de « grand amour » qui se rabattrait sur l’horreur de sa propre complicité, n’est pas dupe de son implication. Godinas brille plus encore car plusieurs fois nous nous surprenons à vouloir pardonner à son personnage; par sa présence et son incarnation du texte elle déclenche en nous dans des fulgurances l’empathie, malgré notre dégoût. C’est terrible et sombrement resplendissant car la comédienne par son interprétation aiguisée nous le rappelle : ce sont des humains et rien d’autre qui ont fait cela à d’autres êtres humains.

    « Un grand amour », de Nicole Malinconi, Mise en scène Jean-Claude Berutti; Avec Janine Godinas, Scénographie Rudy Sabounghi, durée : 1h10, reprise du 26 Octobre au 19 Novembre 2017 au Théâtre des martyrs, rideau de Bruxelles
    © Virginie Lançon

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