Stanislav Khristenko (Russie, 28 ans) & Boris Giltburg (Israël, 28 ans)
Stanislav Khristenko (Russie, 28 ans)
Diplômé du Cleveland Institute en 2010, Stanislav Khristenko a commencé ses études au Conservatoire Tchaikovsky de Moscou. Deuxième prix au Concours de Pretoria en 2012, il vient de remporter le Concours International Maria Canals à Barcelone. Ses concerts le mènent à travers les cinq continents. Dès le début des épreuves éliminatoires il a étonné le public par sa stature hors du commun : un alliage étonnant de bienfaisant colosse et de poète fluet dont la patte est d’une efficacité extraordinaire. Un régal d’écoute ! Il n’est pas étonnant qu’il ait choisi la Sonate n. 2 en ré mineur op. 14 (Sergey Prokofiev) pour débuter son récital. C’est tout lui : une attaque en force qui fait chanter l’instrument et débouche sur de délicates pirouettes. Son jeu vivant et fascinant sonne viril et décidé, le phrasé est d'une clarté exemplaire, la palette dynamique. Une grande variété de styles anime son interprétation. Hiératique ou trempé de sueur par la transe musicale il agit en véritable force de la Nature tout en maniant le rubato avec délices. Dream (Frederic Rzewski), joué de mémoire bien sûr, lui permet des gestes brusques et des grands contrastes. Virtuosité dans les aiguës lâchées par poignées, il égrène des cailloux chargés de mystère dans l’oreille de l’auditeur. C’est surréaliste et hallucinatoire. Sa Rhapsodie espagnole (Franz Liszt) est un mythe vivant, un pot-pourri d’humeurs ibériques, parsemé de poudre musicale; le pianiste russe imaginatif ne boude nullement son plaisir de jouer et il n’abrite rien moins que la Musique !
Une Musique qu’il hume longtemps les yeux fermés, avant de commencer son Concerto n. 23 en la majeur KV 488 (Wolfgang Amadeus Mozart). Le visage est entre la torture et la félicité. Le colosse délivre ses notes comme si elles étaient un peuple de lilliputiens. Mais c’est aussi un géant de la compassion lorsqu’il distille la musique, fondu avec l’orchestre. Après la majesté musicale de l’Allegro, le sublime Adagio en fa dièse mineur dépose des larmes sur le clavier dans un recueillement intense et le sens inné du drame. Déconcertant dans son troisième mouvement très brillant, on croit entendre un jeu ludique et même légèrement swingué ! Il est en finale le commandant d’une armée de doigts qui répondent …au doigt et à l’œil !
Boris Giltburg (Israël, 28 ans)
Il est attendu avec passion par les auditeurs qui ont découvert chez lui une sensibilité extraordinaire. Né dans une famille de pianistes, Boris Giltburg commence sa formation avec sa mère, puis il devient l’élève d’Arie Vardi. Il est lauréat de nombreux Concours Internationaux : de Santander (2002), de Lisbonne (1er Prix en 2003), et de Tel Aviv (Rubinstein, 2e Prix en 2011). Il joue régulièrement en Europe, en Amérique du Nord et du Sud, en Asie, et en Israël. Dream (Frederic Rzewski) débute son récital après le passage de Stanislav Khristenko. La lumière se tamise progressivement et voici une musique nerveuse, sérieuse, funèbre presque. Ses trilles chantent à l’infini et une note seule vaut mille tocsins en dépit des explosions macabres de la composition. Boris verse dans les quatre dernières mesures quatre gouttes de perfusion vitale. C’est magnifique. Dans l’Etude-tableau in C minor op. 39/7 (Sergey Rachmaninov) le pianiste se ramasse sur lui-même, crée comme à son habitude des sonorités rares. Il possède une technique fascinante et use d’une dynamique impressionnante. Sa Sonate in B minor (Franz Liszt) sera spectaculaire de romantisme. Il libères ses doigts d’acier trempés dans la passion, opère des crescendos magistraux, fait pleuvoir des étoiles, donne de l’espace à l’infinie petitesse et à la solitude humaine. Nous avons là un hymne à l’intelligence et à la finesse. Ses développements sont intimistes, des pétales de fleurs tournent à la bourrasque. Non ! au bouillonnement intérieur … maîtrisé. Son introspection minutieuse fouille les tréfonds de l’âme : fragilité et grandeur.
Il jouera le Concerto n. 15 en si bémol majeur KV 450 (Wolfgang Amadeus Mozart). Il entre en scène après qu' Arie Van Liesbeth, président du jury, a rendu hommage à l'Orchestre royal de chambre de Wallonie qui a, sous la baguette calibrée et nuancée de Michael Hofstetter, soutenu avec passion les 24 finalistes. Le pianiste écoule ses sonorités splendides si particulières, cela coule en vagues, cela sonne en carillons, cela explose en pastilles sonores. Le tout coiffé de rideaux de perles musicales et de rythmes éblouissants. C’est lui qui semble donner le tempo à l’orchestre tant il est dans le jeu musical. Puis tout d’un coup, il s’égare, on en pleurerait !... et reprend avec une maîtrise de soi inouïe. Il joue maintenant suspendu aux mains de Michael Hofstetter, un quatre-mains émouvant ! Le pianiste de génie a retrouvé toute son énergie et ses timbres lumineux dans le troisième mouvement, gracieux, élégant, assumé, spirituel ! Le jury ne tiendra pas compte de ce passage hors du temps.
Commentaires
La troisième soirée , minute par minute avec Xavier Flament: (le Soir)
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Concours Reine Elisabeth: les prestations de ce mercredi soir
Martine D. Mergeay & Nicolas Blanmont (2013)
De nouvelles prestations qui rajoutent encore un peu plus de compétitivité dans cette finale du concours Reine Elizabeth.Mis en ligne le 29/05/2013
Tout à la fois rayonnant, séducteur et conquérant, le sourire de Boris Giltburg entre en scène et capte tous les regards. Son propriétaire a choisi la sonate n° 27 en mi mineur de Beethoven, et le sourire s’efface très vite pour laisser place à un masque de concentration, tour à tour grave dans l’allegro et émerveillé dans le rondo. Entre évidence et questionnements, son interprétation est un assez beau moyen terme entre classicisme et romantisme.
Il y a chez l’Israélien une élégance raffinée mais sans afféterie, tant dans le costume – chemise de soie noire à la cosaque avec un fin liseré rouge au revers, portée pans volants sur un pantalon sombre - que dans le jeu, comme vient le confirmer son interprétation de « In the Wake of Ea » : le geste est ample, le propos décidé, mais c’est pourtant la beauté et la netteté des sonorités qui frappe tout d’abord. L’abstraction de l’œuvre est pleinement assumée, il n’y a pas de recherche de sens à tout prix, mais on aime chez Giltburg cette façon d’interpréter l’imposé avec la même conviction que s’il s’était agi d’un « vrai » grand concerto : rien, ici, ne donne le sentiment d’une contrainte, d’un passage obligé. Le candidat raconte, invente, captive, illumine.
Dès les premières mesures de son Rachmaninov, on sait qu’on est parti pour un grand moment. Là où Rémi Geniet avait, la veille, laissé l’impression d’une partition en deux dimensions seulement, Giltburg fait très vite ressurgir la troisième, celle des rubati, ces infimes morceaux de temps qu’il retient à peine mais qui, déjà, font souffrir et consolent tout aussi vite. La maîtrise technique est fabuleuse, mais on l’oublie aussitôt tant le discours est plus fabuleux encore. Après une cadence qui donne déjà des cascades de frisson, on tombe en extase avec la reprise du thème initial, idéalement retenue et susurrée. Bouleversée, la salle en a les larmes aux yeux.
L’Orchestre aussi ! Oubliés, les désordres de première partie de soirée : les musiciens chantent à l’unisson, Marin Alsop habille sa rigueur de grâce, et le public ne quitte plus le nuage de félicité sur lequel le pianiste continue à l’enchanter. L’intermezzo et l’alla breve sont d’égaux moments de bonheur, le toucher est puissant mais toujours raffiné, et Giltburg, non seulement, ne trébuche pas mais garde en plus la tension à son comble. On serait plus que surpris de ne pas le retrouver sur le podium samedi.
Stanislav Khristenko, une prestation singulière
Allure imposante et expression débonnaire, Stanislav Khristenko, Russie (29 ans) a choisi comme pièce classique d’ouverture une courte sonate de Haydn (sonate en ré majeur XVI:42) en deux mouvements, dans laquelle il se lance avec énergie et ferveur. Haydn n’en demande pas tant, mais la musicalité est généreuse et la vision, personnelle, essentiellement chantante dans l’andante initial. Ces quelques pages très exposées attestent aussi les impressionnants moyens techniques, la richesse sonore et la puissance du jeu du pianiste.
Ces qualités trouveront leur plein emploi dans « In the Wake of Ea » de Michel Petrossian, ouvert avec véhémence. Il faudra pourtant un certain temps pour que l’orchestre et le soliste trouvent leur commune dramaturgie et la pièce se présentera plutôt comme une succession de propositions bien enlevées, mais sans fil conducteur jusqu’à ce que, soudain, s’installe une poignante intensité, faite de menace et de mystère. Et c’est déjà la fin… On aurait envie de tout réentendre.
Stanislav Khristenko enchaîne avec le deuxième Concerto n°1 de Brahms de la semaine (après celui de Roope Gröndahl entendu mardi soir), un concerto inscrit dans le droit fil de sa personnalité et de ses moyens. De fait, après le long prélude symphonique, l’entrée du pianiste est souveraine mais trop affirmative, à la limité de l’objectivité là où, précisément, on attend un geste musical significatif.
Comme dans l’imposé, il faut attendre – ici, la fin de la première exposition - pour que la magie s’installe, que la fièvre monte avec ses alternances de rêverie et de passion. Dans l’Adagio, on retrouve – en (un peu) plus réussi – la manière curieuse dont Stanislav avait joué le mouvement central de son Mozart : au ralenti (avec la complicité de l’orchestre), délibérément suspendu et privé d’agogique, comme pour jouir à l’infini de la beauté mélancolique de la musique. Le parti est risqué…
Contraste total avec l’irruption du rondo final, vif et tout en puissance, magnifiquement maîtrisé sur le plan technique, généreux – c’est une des qualités majeure du jeune Russe - mais singulièrement dépourvu de cette joie que Brahms parvient presque toujours à introduire, tel un acte de foi en la vie, dans ses partitions même les plus sombres. L’interprétation n’en reste pas moins magistrale.
Un Khristenko tourmenté préface un fantastique Giltburg !
Le 30 mai 2013 par Michel LambertCe mercredi soir, c’est une standing ovation du public du Palais des Beaux Arts qui a ponctué la prestation magnifique de Boris Giltburg.
C’est le pianiste russe Stanislav Khristenko qui monte le premier sur scène.
Il ne manque assurément pas de personnalité et il offre une prestation généreuse mais tourmentée.
Il débute avec la sonate en ré majeur Hob. XVI:42 de Haydn. Le choix de cette sonate est risqué pour ouvrir une soirée de finale . On peut facilement perdre le fil du premier mouvement avec son merveilleux thème et ses variations au détour desquelles on peut s’égarer. Khristenko caractérise bien les différentes parties, son jeu est coloré et il est très attentif au cheminement harmonique. Néanmoins il semble un peu stressé et les charmantes variations ornementales manquent un peu du caractère ludique si typique du maître d’Esterhaza.
Le second mouvement confirme cette impression avec parfois un manque de précision dans l’articulation. On déplore certains accents maladroits et un jeu un tantinet trop marcato qui crispe la tonalité de ré majeur au lieu de lui donner un rayonnement jubilatoire !
L’oeuvre imposée laisse un sentiment mitigé. On ne peut certainement pas lui reprocher de ne pas chercher le contact avec l’orchestre mais le résultat ne convainc pas. Il trouve en général un son bien timbré qui se mixe avec les cuivres par contre son jeu un peu trop direct l’empêche de se fondre dans la sonorité des cordes. Si par moment on sent un travail précis et une bonne mise en place, on déplore aussi des décalages assez flagrants. Khristenko développe une vision angoissée de l’oeuvre, à la fois tourmentée et pessimiste et il se cantonne dans ce seul personnage rendant son jeu trop uniforme et perdant les couleurs debussystes. Il veut développer des mélodies bien chantées aux accents russes. C’est visiblement une mauvaise direction qui décontenance l’O.N.B.
Il lui reste à jouer le Concerto n1 en ré mineur, op.15 de Brahms. Le début est difficile et les décalages sont nombreux. On a l’impression que le pianiste souhaite un tempo plus rapide que ne suit pas l’orchestre. Dans le second mouvement, il présente de belles couleurs mais son lyrisme reste très déclamé le tout s’alourdissant dans un pathos généralisé qui empêche la musique d’avancer. Il faut tout de même noter que l’O.N.B ne l’aide pas dans ses tentatives de poésie avec des entrées de l’harmonie fort peu subtiles et dont la justesse est perfectible. Chaque note est douloureuse et Khristenko se refuse les moments d’optimisme et de lumière. Bien sûr on aime entendre l’âme russe chanter mais fallait-il le faire dans Brahms ? Quel contraste avec la prestation de Grondahl plus diversifiée et tellement heureux de jouer !
Boris Giltburg est quant à lui un personnage. Il inspire la sympathie par un radieux sourire et affirme son originalité non seulement par sa chemise mais aussi et surtout par sa position courbée presque en angle droit et un rapport unique au clavier. Il commence sa prestation avec la Sonate n. 27 en mi min op.90 de Beethoven. Son toucher hors pair interpelle dès les premières notes. Il offre un jeu très diversifié, narratif et intéressant. La sonate est bien construite, colorée et contrastée. Le thème typiquement viennois « à la Schubert » se déploie avec fluidité et raffinement. Chaque note est bien dosée et l’ensemble et équilibré. La musique respire et avance simplement, il impose sa personnalité atypique et attachante.
L’imposé, In the wake of Ea est excellent. Sa lecture est passionnante et on ne peut que souligner l’excellente mise en place. Il impose sa vision et l’alliage avec la sonorité de l’orchestre frôle la perfection. D’ailleurs, l’O.N.B joue beaucoup mieux ! Chaque note trouve un sens et on ne s’ennuie pas un instant. Le jeu est différencié et surprenant. On déguste les différentes couleurs trouvant leur résonance dans la très belle orchestration de Petrossian. Non seulement Giltburg joue mais il dirige autant que Alsop avec qui il noue une grande complicité.
La soirée ne peut que finir en apothéose avec l’incontournable Troisième Concerto de Rachmaninov.
Encore le troisième de Rachmaninov ? Et bien oui ! Encore ! Les premières mesures sont magiques, le thème chante avec nostalgie et une sonorité bouleversante dans un tempo légèrement retenu qui fait mouche ! On se laisse complètement prendre au piège par cette musique même avec tout ce qu’elle a d’Hollywoodien. Tout y est : technique impeccable, sens du phrasé, poésie touchante, éclats bien dosés, pianos veloutés. Giltburg fait preuve également d’un sens aigu du théâtre dans le bon sens du terme. Par un silence surprenant et vertigineux il reprend l’auditoire au bout de ses doigts et les tient en haleine jusqu’à l’ovation à la fin de sa prestation. Quelle que soit l’issue de ce concours voilà certainement une soirée que ce jeune pianiste n’oubliera pas !
Michel Lambert
à revoir sue le site de Musiq 3 : pure émotion! un Rachmaninov ruisselant de beauté, une apothéose! Boris, tout comme Stanislav, des êtres d'exception! http://www.rtbf.be/video/detail_finale-concours-reine-elisabeth-201...
https://twitter.com/lalibrebe/concours-reine-elisabeth
libres propos , un feu d'artifice d'éloges!
http://www.rtbf.be/musiq3/article_finale-toutes-les-prestations-du-...
une ovation pour Boris!
Mercredi 29 à 21 h 45 Boris Giltburg (Israël, 28 ans)
Ludwig van Beethoven : Sonate n. 27 en mi mineur op. 90 (Sonates pour piano / Allegro, Rondo)
Interprète : Boris Giltburg (Soliste)
Œuvre : Sonate n. 27 en mi mineur op. 90 (Ludwig van Beethoven)
Lauréat - Composition 2012 :
Interprètes : Boris Giltburg (Soliste), Marin Alsop (Chef d'orchestre), Orchestre National de Belgique (Orchestre)
Œuvre : Oeuvre inédite (Lauréat - Composition 2012)
Sergey Rachmaninov : Concerto n. 3 en ré mineur op. 30 (Allegro non tanto, Intermezzo, Alla breve)
Mercredi 29 à 20 h Stanislav Khristenko (Russie, 28 ans)
Joseph Haydn : Sonate en ré majeur Hob. XVI:42 (Andante con espressione, Vivace assai)
Interprète : Stanislav Khristenko (Soliste)
Œuvre : Sonate en ré majeur Hob. XVI:42 (Joseph Haydn)
Lauréat - Composition 2012 :
Interprètes : Stanislav Khristenko (Soliste), Marin Alsop (Chef d'orchestre),Orchestre National de Belgique (Orchestre)
Œuvre : Oeuvre inédite (Lauréat - Composition 2012)
Johannes Brahms : Concerto n. 1 en ré mineur op. 15 (Maestoso - Poco piu moderato, Adagio, Rondo)
Bonsoir Deaschelle,
Un grand merci pour toutes ces précisions intéressantes ce qui donne l'envie d'en savoir plus en les écoutant!
Adyne