C’est Beau au carré, Boris Giltburg et Beethoven. C’est qu’il a présenté un cycle des sonates du compositeur dont on fêtera le bicentenaire en 2027. Lors de deux concerts d’une intensité rare, où l’audace rencontre …la grâce. Sa vision est toute personnelle, vivante et profondément sincère.
Jamais démonstrative, toujours pensée, nourrie d’une conversation intérieure intime avec le maître, son interprétation cisèle véritablement toutes les émotions.
Sa virtuosité est à la fois extraordinaire et immensément raffinée. Par l’âme et le corps le musicien sculpte chaque nuance, fait naître des éventails de timbres et de couleurs d’une beauté renversante. Et c’est à croire qu’ils se répandent presque librement sur son clavier. Là est la magie. Les registres se répondent, se fondent, s’illuminent avec immense naturel …tout comme les fameuses correspondances de Baudelaire.
Devant : l’odeur du jour neuf. Ainsi naissent les mondes souterrains et insoupçonnés de Beethoven : une rage où tout brûle, des chapelets de drames, des joies rustiques, des épures où tout est lumière, la poésie où tout est suspendu. L’humain et le divin se côtoient dans l’harmonie et le temps se fige. Quelle architecture si purement romantique …. Et à la fois, totalement cérébrale.
À travers ce cycle, Giltburg souligne l’audace révolutionnaire des sonates de Beethoven qui traverse le classicisme pour ouvrir la porte au romantisme, bouleverser les formes, et inventer un nouveau langage. …Sacré ?
La saveur du bonheur. Le spectateur vit un perpétuel renouvellement de communion entre le compositeur et l’interprète. Quelle impressionnante trilogie ! Et quel miracle de la rencontre !
Hier soir, à Flagey, on ne les connaissait peut-être pas toutes, ces sonates… mais qu’importe. Dans une salle tamisée comme tenue à la chandelle, le public écoute, souffle coupé, happé par une interprétation de ces qualités extrêmement rares. Le chant épique s’élève, la musique circule, respire, s’élève, telle une liturgie laïque, …à deux pas de Noël.
Lorsque retentissent les salves de joyeux applaudissements, Giltburg sourit, s’incline, offre un bis. Une simple offrande, humble et pudique. Rien de triomphal : juste l’âme nue de Beethoven, cette essence que Purcell célébrait déjà dans son Ode à Sainte Cécile, « la musique, fille du ciel ».
Avec ce projet titanesque, partagé sur deux soirées mémorables à Flagey, Boris Giltburg a offert une plongée au cœur d’un patrimoine que l’on croyait connaître et qu’il sut révéler sous un jour vraiment nouveau. Et, notre cher Wilhelm Kempf doit se réjouir, tout là-haut ! Qu’en pensez-vous ?
Dominique-Hélène Lemaire, Deashelle pour le réseau Arts et lettres
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