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zurga_lionel_lhote_et_leila_anne-catherine_gillet__.jpg?width=452La première des « Pêcheurs de Perles » a eu lieu en 1863, Bizet avait alors  tout juste 24 ans. L'opéra est ramené à Paris en 1889  pour l'Exposition Universelle, l’exotisme oriental  est à la mode. L'histoire se déroule  à Ceylan avant l’occupation anglaise. Une communauté de pêcheurs-plongeurs en apnée affronte durement  la nature, les tempêtes et les cyclones  pour vivre de la pêche de l’huître perlière. Chaque année une  nouvelle prêtresse vierge  est invitée au village pour prier Brahma et  repousser par ses chants les esprits maléfiques.  Elle prête le triple serment de rester voilée, vierge et sans tache, de prier jour et nuit et de n’avoir ni ami ni amant. La mort la menace si elle en vient à transgresser le serment.  Les deux indéfectibles amis, Nadir et Zurga évoquent leurs souvenirs de voyage où ils  sont tombés amoureux jadis de la même femme mais ils  se sont juré mutuellement une fidélité  éternelle qui ne saurait être entravée par des liens amoureux. nadir_marc_laho_et_zurga_lionel_lhote__.jpg?width=452 Bien sûr, l'amour entre Leila, la  jeune prêtresse vierge, et l’élégant  chasseur de fauves  Nadir renaît lorsqu’il entend sa voix et sera jalousé par son ami Zurga, devenu chef de la communauté. La palette de la couleur des sentiments du triangle amour , amitié et jalousie  vaut bien celle des perles : du noir le plus sombre, quand le cœur crie vengeance pour la trahison, aux  rutilantes  couleurs de verts  et violets pour la souffrance et les doutes qui s’insinuent, aux éclats nacrés de l’amour pur, du sacrifice librement consenti, et finalement du pardon, de la clémence  et de l’oubli de soi.  

Ces couleurs nacrées, délicates, voire étincelantes dans l’évocation du coup de foudre des amoureux  sous  la lumière des tropiques, ou celles de l’épouvante, sont rendues avec intensité par l’orchestre dirigé par Paolo Arrivabeni qui fait vibrer la texture orchestrale. Les  mélodies lancinantes et mystérieuses sont  pleines de raffinement et de recherche. L'atmosphère languissante du premier acte est particulièrement envoûtante. La présence des courbes mélodiques du chœur souvent en coulisses, entretient l’atmosphère poétique et finit par ensorceler. Sortilège malais ?  nadir_marc_laho__et_leila_anne-catherine_gillet_.jpg?width=452

 

Le metteur en scène japonais Yoshi Oïda  a relevé le défi de recréer l’exotisme imaginaire d’un Bizet qui n’a jamais quitté la France. C’est beau, dépouillé  et intemporel. Cela donne l’impression de  se passer sur une île lointaine du Japon, cela semble  frôler les côtes indiennes ou du Sud-Est asiatique, toucher peut-être l’Afrique et refluer jusqu’aux confins de la  Polynésie, sans que le rêve ne s’arrête.  Quelques barques  en forme de feuilles de palmier, creusées dans le bois sauvage, quelques nasses, des perches de bambous, l’esquisse d’un ponton qui se transforme en temple ou en couche sommaire,  dans un univers de bleus et de couleurs Chagalliennes, du sol au plafond et dans les miroirs. Les jeux de lumières sont fascinants.  L’esquisse d’un horizon flottant est-il le bord d’une falaise?  Ou la ligne entre ciel et mer ? Les travailleurs de la mer habillés de couleurs océanes disparaissent au fond du plateau dans un jeu de bras et de jambes  lent et  poétique. L’esprit flotte sur un  plateau vivant et vibrant de couleurs et de sonorités, comme la lumière qui traverse un vitrail. Est-on entre  ciel et terre, sous un croissant de  lune couché à l’horizontale ou dans la féerie d’un royaume sous-marin pardessus lequel flottent de frêles esquifs sur une eau transparente?  12273097493?profile=original

 

La superbe texture vocale et dramatique des quatre personnages dissipe le flou.  Anne-Catherine Gillet, Marc Laho, Lionel Lhote et Roger Joachim sont  tous des artistes belges francophones qui tous font preuve d’une diction impeccable. En effet, chaque tessiture articule la prosodie française avec une étonnante limpidité, sans le moindre  relent de français chanté affecté et vieillot.  Quel collier de perles, ces voix nuancées, ces timbres parfaits, cette prosodie célébrée avec ravissement ! « O nuit enchanteresse, divin ravissement ! » se joue de part et d’autre de la rampe. La maîtrise  vocale de  Leila (Anne-Catherine Gillet) est remarquable : de très belles notes de tête, rien de forcé, de la souplesse dans la virtuosité, une très belle variété dans le phrasé et la couleur. Son jeu physique est tout aussi empreint de grâce et d’humanité. « Accorde-moi sa vie, pour m’aider à mourir », plaide-t-elle pour sauver Nabir.  Tout est prêt pour le sacrifice. Roger Joachim interprète  le rôle de Nourabad le grand-prêtre de Brahma comme s’il endossait le rôle du Destin. Quelle puissance tranquille, quelle imposante autorité dans sa somptueuse voix de basse! Le ténor Marc Laho, originaire de Liège, livre un Nadir très vaillant, habité  par le désir, incapable de se tenir à ses promesses, incroyablement humain, offrant  sans compter le velours palpitant de ses émotions. Au cours de l’action, la voix chaude et cuivrée du baryton, Lionel Lhote  rassemble dans  le noble  personnage  de Zurga, toutes les tempêtes mais aussi  la sagesse de l’homme maître des émotions les plus  déchirantes.  Son ultime  « A Dieu ! »  est majestueux, il a renoncé aux deux seules choses qui comptaient dans sa vie, l’amitié et l’amour, après avoir découvert en Leila celle qui lui avait sauvé la vie des années auparavant.

 

nadir_marc_laho___leila_anne-catherine_gillet_et_zurga_lionel_lhote___.jpg?width=300A tous points de vue, cette dernière création toute en finesse de L’Opéra de Liège force l’admiration et se range au niveau des plus belles performances internationales.  La saison prochaine du MET a mis « Les pêcheurs de perles » dans sa programmation en janvier 2016, ils auront fort à faire pour égaler la beauté et la tenue  de ce spectacle  ciselé avec le plus grand art.   

Paolo Arrivabeni, direction musicale • Yoshi Oïda, mise en scène • Tom Schenk, décors • Richard Hudson, costumes • Daniela Kurz, chorégraphie • Fabrice Kebour, lumières • Marcel Seminara, chef des choeurs

 

Anne-Catherine Gillet, Leïla • Marc Laho, Nadir • Lionel Lhote, Zurga Roger Joachim, Nourabad

Liège, Théâtre royal, du 17 au 25 avril. Réservation : 04-221.47.22 ou www.operaliege.be

Charleroi, Palais des Beaux-Arts de Charleroi - PBA le 30 avril à 20h

http://www.pba.be/fr/saison/153/les-p%C3%AAcheurs-de-perles

      

    

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Commentaires

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  • administrateur théâtres

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  • administrateur théâtres

    Un nouveau billet  publié à l'occasion de la nouvelle production en novembre 2019 vous attend!

    "Nous attendions beaucoup des « Les Pêcheurs de perles » à l’Opéra  de Liège puisque, c’est la deuxième fois que nous assistons à cette production,  dans la mise en scène sobre et poétique du nippon Yoshi Oïda et les décors de Tom Schenk.   La mise en scène  de 2015  n’a pas pris une ride, car elle touche l’universel.   Il s’agit du premier opéra que Bizet composa à 24 ans. Il était  pour l’époque, d’un exotisme délirant dans la partition et le livret, la référence à la mer et  aux pêcheurs de la  côte étant omniprésente. L’opéra se déroulait dans l’île de Ceylan,  ce qui est maintenant devenu le Sri Lanka depuis 1972.  Mais le metteur en scène, Yoshi Oïda,  désireux de nous transporter dans un ailleurs mythique et imaginaire, semble s’être inspiré soit de la culture  matriarcale des plongeuses  japonaises « ama »,  une coutume  vieille de  quatre mille ans en ce qui concerne le culte de la mer,  ou de celle de « noros », ces femmes  chamanes de l’ancien royaume du royaume des Ryûkyû, Okinawa, un archipel  japonais en forme de Dragon, aux portes de Taiwan, un centre du monde habité par les dieux.  Vestales japonaises, ces femmes  sont toujours là à entretenir une communication sacrée avec les forces divines de la nature, et à un degré supérieur, celles de l’univers. La crainte qu’inspirent  les dangers des  flots marins, engageait naturellement  sur les chemins du sacré. Le sensuel et le spirituel se rejoignant. Lisez la suite  ICI L’image contient peut-être : une personne ou plus et personnes sur scène

  • administrateur théâtres

    Vous écoutez:

    Soirée opéra 02-05-2015 Bizet Les Pêcheurs de Perles   icon-rss.png

    Le soirée du samedi est entièrement consacrée à l'art lyrique. Au programme : des productions de La Monnaie et de l’Opéra Royal de Wallonie ainsi que les meilleures propositions des plus prestigieux théâtres lyriques du monde : l’Opéra de Vienne, la Scala de Milan, l’Opéra de Paris, Covent Garden et, bien sûr, le Metropolitan Opera de New York. En direct ou en différé. Production et présentation : Lothar Seghers (lseg@rtbf.be)

  • administrateur théâtres

    Anne-Catherine Gillet, Marc Laho, Lionel Lhote et Roger Joachim : quatre formidables solistes de chez nous, réunis dans Les Pêcheurs de perles de Bizet. Ils vous font presque oublier l’insipidité du livret et sa faiblesse dramatique, même si, comme le dit le metteur en scène Yoshi Ioda, les thèmes de l’amitié, de l’amour, de la jalousie restent éternels.

    Le comédien, compagnon de route de Peter Brook fait aujourd’hui son chemin dans le milieu lyrique (dont un Nabucco à Liège). Il a ici déjoué les pièges de l’exotisme de pacotille qui guette cette partition, exemple de la vague orientaliste du XIXe siècle, purement imaginatif.

    A Ceylan, une communauté de pêcheurs y attend la chaste prêtresse Leila dont le chant protège leur pêche rituelle. Nadir, un chasseur et Zurga, le maître des lieux, l’ont aimée jadis… Ils ont juré sur leur amitié et l’oubli de Leila. Mais Nadir et Leila se retrouvent. Menacés de mort, les amants sont libérés par la clémence de Zurga. L’homme a tout perdu. Oida en fait son protagoniste principal et respecte l’ambiguïté de sa disparition.

    Lionel Lhote offre à Zurga sa très belle ligne de chant, son legato et ce timbre de baryton cuivré, mordant et chaleureux à la fois, surtout dans des aigus lancés sans efforts. Il a le profil de Zurga, sa charge émotive blessée.

    Marc Laho fait presque aussi bien en Nadir, ténor idéal pour le répertoire français, par sa clarté et son naturel d’émission, sa conduite souple. Mais il peine parfois à stabiliser la justesse.

    Tous deux ont une articulation imparable, qualité de l’école de chant belge. Et ce n’est pas Anne-Catherine Gillet (Leila) qui le démentira. Un miracle de diction pour une telle voix de soprano lyrique, brillante, parfois un peu tendue dans l’aigu le soir de la première. La virtuosité s’envole, toujours stylée, à fleur de sensibilité. Roger Joakim donne lui aussi le meilleur de sa solide voix de basse au grand prêtre de Brahma.

    Les chœurs de l’ORW ont pataugé dans le premier acte (un méchant virus aurait décimé leurs rangs lors des répétitions). La suite fut meilleure.

    Vous chercheriez en vain une trace de Ceylan dans l’onirique et très belle scénographie de Tom Schenk et les costumes de Richard Hudson, qui selon Oida, font référence à une civilisation disparue d’Okinawa, autre forme d’exotisme… Dans l’abstraction dépouillée, élégante, sous les lumières lunaires de Fabrice Kébour, s’y devinent une plage, des vagues, s’y ajoutent quelques accessoires de bois, d’osier, des nasses, des tiges croisées… Au-dessus de l’horizon (ciel ou mer) des barques flottantes font penser à des croissants de lune.

    Oida porte un regard humble sur cette histoire. Ni actualisation, ni fantasmes personnels ou anecdotiques, mais cette sobriété a aussi quelques revers : le hiératisme des chœurs, traités en observateurs sages, une chorégraphie discutable et, plus étonnant, une direction d’acteurs assez ténue. La scène laisse écouter la musique et cette partition d’un jeune Bizet de 24 ans le mérite, en dépit de ses maladresses, de son manque de corps dramatique, il y tisse de ces mélodies tendres, parfois naïves et avec le chef Paolo Arrivabeni, l’orchestre révèle les (petites) audaces du compositeur, ses harmonies surprenantes, ses timbres traités ici tout en nuances, en tempi mesurés. Un beau travail tout en finesse.


     
    par MICHÈLE FRICHE http://mad.lesoir.be/musiques/classique/concert/113011-bizet-les-pe...

     
  • administrateur théâtres

    Pêcheurs de perles (Bizet) En juin 2012, à l’Opéra Comique, je me réjouissais déjà de revoir cette belle production à l’Opéra Royal de Wallonie. La chose est faite, et l’enchantement a eu lieu une seconde fois. Légèrement amendée, la mise en scène du Japonais Yoshi Oïda interpelle toujours autant. L’orientalisme inhérent à l’opéra de Bizet est transcendé : l’île de Ceylan, si « pittoresque » en 1863, est remplacée par la baie d’Okinawa, dont les pêcheurs vivent comme il y a 150 ans. Oïda emplit l’espace par ce qu’il appelle un « exotisme d’aujourd’hui », tout intérieur, basé sur les sentiments passionnés portés par les acteurs. Les décors seront sobres, presque austères, sculptés par les lumières raffinées de Fabrice Kebour, les accessoires, réduits à l’essentiel : quelques paniers, des coques de bateaux se transformant en nacelles ou en croissants de lune. L’action sera intérieure, portée par quatre solistes exceptionnels, tous de l’excellente école belge actuelle, à l’articulation exemplaire. Anne-Catherine Gillet apparaît voilée, sur un accompagnement d’un simple quatuor à cordes : moment de majesté hiératique. Très à l’aise dans un rôle que l’on croirait écrit pour elle, la jeune star donne le meilleur d’elle-même dans sa si pure cavatine « Comme autrefois » tout comme dans le duo sentimental qui enchaîne. Timbre prenant, maîtrise des difficultés de l’écriture (vocalises), charme scénique : une Leïla parfaite. Marc Laho, en Nadir, est tout aussi crédible et passionné. La ligne mélodique est un peu instable parfois, mais le duo avec Zurga et la romance « Je crois entendre encore » revêtaient l’extase requise. La mise en scène d’Oïda fait la part belle à Zurga (il ouvre et ferme l’opéra, dans un gigantesque flash-back). Tout au long de la représentation, Lionel Lhote, dont on connaît et apprécie la faconde depuis longtemps, incarne son personnage à la perfection. Sa dramatique scène du troisième acte « L’orage s’est calmé » fut un des grands moments du spectacle : elle témoignait d’un art consommé du chant lyrique français, qui déchaîna l’enthousiasme du public très nombreux.. Il faut aussi souligner la belle performance de Roger Joakim dans le rôle sacrifié de Nourabad : sa basse fit merveille dans le tableau final avec choeurs (« Sombres divinités« ) – ceux-ci pas toujours parfaits, en dépit de leur vigueur et de leur conviction. La direction de Paolo Arrivabeni, peu associé à l’opéra français, possédait ce caractère enlevé qui ôtait toute langueur à la partition, et soutenait bien les chanteurs. A l’arrivée, un très beau spectacle donc, un peu différent de celui de la salle Favart (la distribution était entièrement autre), mais tout aussi fascinant. Bruno Peeters Liège, Opéra Royal de Wallonie, le 19 avril 2015 Crescendo Magazine

  • administrateur théâtres

    Rendue curieuse à propos de la maison de l'auteur des Pêcheurs d'Islande.... un lieu célébrant l'amour de l'exotisme à l'époque! voici: http://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_de_Pierre_Loti 

  • Merci Deashelle,

    Gâce à vous nous pouvons nous illusionner un peu virtuellement sur cet opéra qu'il ne nous a pas été donné de voir !

    Mais nous avons pu admirer la maison de Pierre Loti à Rochefort (France) Un souvenir inoubliable.

    J'adore l'opéra .... C'est à mon père que je le dois. Il m'y a sensibilisée dès l'enfance. En me faisant écouter la voix de Caruso qu'il écoutait très souvent à la radio.

    C'était avant cette guerre qui a bouleversé bien des choses !!

    Amitiés. Rolande.

  • administrateur théâtres

    Un chef d'oeuvre absolu! Accueil des amoureux transgressifs...  http://www.rtbf.be/radio/podcast/player?id=2009333&channel=musiq3

  • Merci Deashelle pour ce magnifique billet... presque comme si on y était... un régal!

    Cela fait vraiment envie!

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