Une collection vivante et militante…
Le Musée du Livre Belge de Langue Française
Les collectionneurs se divisent en deux races particulières : ceux qui cachent leur collection et ceux qui la montrent. Le bibliophile nommé Robert Paul est de la deuxième, mais encore un peu plus rare : il est de ceux qui, non contents de montrer leur collection, désirent qu’elle soit utile au plus grand nombre.
Il a commencé par prêter de ses précieux livres. Par exemple ses Verhaeren à la Fondation Brel. Puis, presque tous au Comité Littéraire Jeune Belgique de Michel Siraut pour une grande exposition de collections privées organisée sous le titre « Cent ans de littérature belge 1880-1980 au travers de belles et rares éditions », organisée au Pré aux Sources de Bernard Gilson.
Cela n’a pas suffi à notre collectionneur.
Une définition en forme d’art de vivre
Robert PAUL, sans préparation préalable, s’st senti attiré par les éditions rares et si souvent belles des écrivains classiques de notre pays. Ce n’était pas le créneau le plus facile. Il dut se plonger dans les poussières des arrière-boutiques, mais eut la chance de rencontrer des libraires éclairés comme De Greef, Ferraton ou Schwilden par exemple, vite devenus des amis. Il réunit des éditions de luxe, mais seulement les grands noms, les grandes œuvres et seulement si c’était possible les beaux papiers, les grands papiers, les dédicaces, les illustrations…
Et Robert PAUL découvrit quelque chose à quoi il ne s’attendait pas du tout, ou très peu : étant non seulement un collectionneur et un lecteur passionné, il découvrit ce que les histoires des lettres belges cachaient souvent sous des listes de noms anonymes : que notre littérature de langue française était une grande littérature et non un petit appendice des lettres françaises.
Naissance d’un Musée
Il voulut aller plus loin encore, n’étant jamais satisfait de l’étape parcourue. C’est un homme qui pense constamment aux étapes suivantes. Il vit, comme je dis souvent « un peu penché en avant ». Il ne lui suffisait plus que sa collection passive soit devenue vivante. Il pensa à une permanence. Il se mit à chercher un local où il pourrait montrer les livres ouverts, fermés, commentés, illustrations mises en valeur, rareté à découvrir toujours plus. Par exemple il avait un prodigieux coup de cœur pour Max ELSKAMP, grand poète, mais aussi artisan et illustrateur extraordinaire, qui avait produit de petits livres précieux, tirés à petit nombre d’exemplaires avec une souveraine qualité. Robert PAUL était malade à l’idée de ne les prêter que de loin en loin, et même avec la crainte de les voir revenir malgré tout abîmés. Car il est un collectionneur comme les autres malgré son désir de montrer ses pièces : précieux, maniaque dans le bon sens du terme, et de surcroît clairvoyant, conscient que rares sont les personnes aussi soigneuses que lui.
De là à songer à rendre sa collection permanente, il n’y avait qu’un pas vite franchi : un musée, ce serait un musée. Il chercha en ce sens et découvrit, au niveau -1 du Centre Manhattant, place Rogier, une longue vitine prête à accueillir des présentoirs et une galerie suffisante à l’arrière pour le reste des collections. Il y avait meme, comme dit Robert PAUL, un autre espace, en face du premier, pour un éventuel musée… des lettres belges de langue néerlandaise !
On attendait, on attend encore les amateurs !
Pour le Musée francophone, aussitôt dit, aussitôt fait : création d’une asbl, travail en solitaire de mise en place et, comme l’habitude est prise, présence un peu partout et nouvelles recherches de livres qu’il n’aurait pas encore.
Très vite l’importance de ce petit et modeste musée n’échappa à personne. Les visites se firent de plus en plus nombreuses et parfois inattendues : un homme qui observe longuement les livres, visiblement attentif aux détails, une dame très chic passant, revenant puis se déclarant, le signataire de ce papier, animateur d’un Groupe de Réflexion et d’Information Littéraires, et une responsable de la très sélecte Société des Bibliophiles, cercle très fermé, très sévère, où Rober Paul se retrouva sans coup férir. Et l’action continue, Promotion des Lettres Belges, éditeurs de haute qualité tels que Jacques Antoine, le Daily Bul ou Roger Foulon, qui produisent du livre de beauté et aiment les lettres belges.
Une étape suivante
L’étape était à peine franchie que ces contacts dont je viens de parler orientent notre promoteur vers une idée nouvelle, qui n’est en fait qu’une extension de l’idée de départ.
Une grande littérature comme la littérature belge ne peut s’être arrêtée soudain à l’aube du XXe siècle. Il faut par conséquent voir plus avant, étendre la collection vers les livres et les auteurs qui seront plus tard, dans de nombreuses années, devenus eux-même des classiques. Ceux qui seront étudiés par les étudiants et les chercheurs du XXIe siècle.
A peine l’idée l’at-elle effleuré que Robert Paul est sur la brèche, il se répand parmi les éditeurs, la Foire du Livre lui done une occasion de plus de connaître, d’apprendre. Et de rendre son musée encore plus militant.
A la découverte de l’avenir
Un homme qui lit ne termine jamais d’apprendre. Il est un oeil et un esprit ouverts sur ce qui se passe et ce qui va se passer dans le monde… Et la littérature belge, dès à présent, doit déjà beaucoup à Robert PAUL. On se souvient du Musée du Livre, aujourd’hui disparu et qui avait été, sous la houlette de grands amateurs et écrivains de notre pays et avec le patronage du Roi Albert, une passionnante aventure dans ce que d’aucuns appellent une Béotie. La relève est aujourd’hui assurée et la preuve est faite que même sans moyens ni subventions au départ, un simple collectionneur privé peut faire beaucoup avec du dynamisme, de l’enthousiasme et une idée.
Reviendrons-nous au temps béni des hommes de bonne volonté ? Ou même de ces humanistes souvent pauvres, mais admirablement motivés, qui ont fait la grandeur de la culture européenne ?
Voir aussi: A propos de Robert Paul
Voir aussi article lié de La libre Belgique sur le Musée du livre belge
Commentaires
Je navigue, découvre peu à peu le réseau, riche, rempli des passions de chacun.
Cette passion des livres,exprimée dans l'article, je l'ai rencontrée quand j'étais enfant. J'allais chez un relieur dans Paris qui harmonisait chaque couverture avec le contenu des ouvrages. Son atelier, sa presse, les papiers marbrés, les chutes de cuirs, et sa façon de feuilleter avec amour les pièces uniques sur lesquelles il venait de travailler..Il transmettait son amour de la littérature et désirait faire partager tout cela avec fougue. Cela m'est revenu, c'est étonnant !
Je pars faire des recherches sur Max Elskamp, j'avoue mon ignorance ..
Je découvre ce réseau et Robert Paul que je remercie .
Merci pour cette richesse , pour ces partages .
Votre travail Robert Paul est une passion , un amour des livres et de la littérature Belge en particulier .
J'aime les livres et les respirer , les caresser est pour moi un réel bonheur depuis toujours .
Robert Paul, un humaniste doublé d'un "honnête homme".
Mesurons la chance que nous avons.
L'article paru dans "La libre Belgique" est en ligne ICI
Celui du "Soir" suivra dès que j'en aurai le temps
Magnifique travail de patience, persévérance, intelligence et enthousiasme, ce musée du Livre belge, bravo à Robert Paul. J'espère que ce musée pourra un jour exister à nouveau.
Rassembler, étudier, partager, pour faire connaître nos Lettres belges trop souvent méconnues.
Merci pour la richesse culturelle de ce réseau.
Amicalement.
Pascale Eyben