2050 Une brève histoire de l'avenir
Exposition
11.09.2015 > 24.01.2016
Exercice de futurologie, « Une brève histoire de l’avenir » (Fayard, 2006) est l’ouvrage prémonitoire de l'économiste, écrivain - auteur de 65 romans et essais - et haut fonctionnaire français Jacques Attali qui déroule au fil de ses 400 pages, une histoire télescopée du monde et imagine ce que seront nos années à venir et notre rapport au monde, d’ici 2050. Ce livre a servi de base à une ambitieuse double exposition d’un style inédit, qui s’ouvre quasi simultanément à Bruxelles et à Paris, à la date anniversaire tristement historique du 11 septembre.
Deux expositions, indépendantes mais simultanées et complémentaires, s'articulent autour du questionnement de notre avenir. Des artistes se sont engagés dans l’analyse des grandes dynamiques qui traversent et animent notre monde moderne.
L’objectif déclaré des commissaires et de toute l’équipe organisatrice est l’éveil. De la méditation à l’action ou à la réaction. Pour Jacques Attali, une exposition est une autre façon de frapper à la porte des consciences des citoyens. Il faut dépasser le constat et l’observation du monde généralement prônée par les artistes contemporains et chercher à réinstaurer l’utopie grâce à la dimension altruiste de l’art.
L’exposition « 2050 Une brève histoire de l'avenir » aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, débute par La Vénus de Galgenberg une figurine paléolithique féminine en serpentine datée de plus de 30.000 ans, mesurant 7,20 cm et pesant à peine 10 g …d’éternité? Elle est mise en miroir ave une œuvre de Louise Bourgeois, Fragile Goddess, 2002. Elle nous renvoie à la fragilité de notre patrimoine et à l’importance de sa sauvegarde, ainsi que de celle de la connaissance. Nous avons tous en mémoire la tragédie du récent drame de Palmyre, berceau mésopotamien de notre civilisation. Par ailleurs, un partenariat inédit a été développé entre le Musée Numérique (MRBAB), le Naturhistorisches Museum de Vienne et la firme Trideus et Alph Studios). Avec la numérisation 3D de la Vénus de Galgenberg, les MRBAB remettent en question les techniques modernes de reproduction et le rôle à venir des musées.
David Lachapelle Gas Shell 2012
Les œuvres choisies sont celles d’artistes qui pratiquent ce qu'André Breton disait de Giorgio De Chirico : « L'artiste, cette sentinelle sur le sentier, a à perte de vue des qui-vive. » Pour faire de cette exposition un lieu où l’on pense le futur, cette exposition se veut être une boîte à alertes qui nous rend conscients de ce que nous sommes et de ce que l’on peut devenir.
Le rythme de l’accrochage alterne peintures, sculptures, photographies, vidéos, installations et arts numériques : plus de 70 oeuvres d’art contemporain qui peuvent éclairer notre regard sur des thématiques urgentes telles que l'éclatement de l'empire américain, la surconsommation, les conflits mondiaux, l'épuisement des ressources naturelles, les inégalités sociales et économiques, la mutation de l’être humain, l'utopie d'un autre monde possible. À ces thèmes complexes viennent se greffer des visions positives et constructives, parfois même teintées d’humour. Des artistes belges et internationaux comme Sugimoto, Boetti, Kingelez, Warhol, LaChapelle, Gursky, Op de Beeck, Burtynsky, Yongliang, Turk, Alÿs, Hatoum,… nous invitent ainsi à réfléchir à l’avenir.
http://www.fine-arts-museum.be/fr/expositions/2050
L’exposition éponyme du Musée du Louvre qui ouvre bientôt à Paris ( 24.09.2015 > 04.01.2016) se projette elle aussi dans le futur en se fondant sur une lecture subjective du passé, imaginée et portée par la création artistique des millénaires précédents, mais aussi par quinze œuvres d’artistes contemporains du monde entier. http://www.louvre.fr/expositions/une-breve-histoire-de-l-avenir
La date d’ouverture de l’exposition à Bruxelles, capitale de l’EUROPE – 11 septembre 2015 – renvoie aux événements du World Trade Center qui ont ouvert le nouveau millénaire et bousculé l’ordre du monde. Cette symbolique est importante dans le storytelling de l’exposition, notamment avec les œuvres de Wolfgang Staehle et Hiroshi Sugimoto, qui évoquent le déclin de l’empire américain.
Chris Burden Metropolis II 2011
q Charles Csuri et James Sheffer, Random War 1967
John Isaacs The matrix of Amnesia (Fat man) 1997
Olga Kisseleva La conquête de l'Arctique 2011
Maarten Vanden Eynde Plastic Reef, 2005-2012
Arman (Armand Pierre Fernadez) Drogues 1960-62
Michael Wolf Tokyo Compression Multiple, Horizontal, 2009
HeHe (Helen Evans et Heiko Hansen) Fleur de Lys 2009
Très impressionnante est cette œuvre de Jake et Dinos Chapman (deux frères artistes plasticiens britanniques) intitulée The tower of Babble dont voici un détail. C'est en fait une immense maquette- parodie de celles des musées de sciences naturelles - illustrant une apocalypse surpeuplée en trois D, digne de Jérôme Bosch.
La série des reliquaires d’AL Farrow Mausoleum I (1943) est tout aussi poignante car d’une tragique actualité. Synagogue, chapelle et mosquée sont intégralement fabriquées à l’aide d’armes récupérée. Mais la religion n’est-elle pas elle aussi une arme redoutable ? Et que le contraste est grand entre le principe de recueillement que le lieu est supposé inspirer et l’histoire violente qui a toujours accompagné l’expansion des religions. All you need is love (2010), une œuvre signée Eugenio Merino.
Epinglons également – non « Le meilleur des mondes » - mais Le rêve d’un monde meilleur (2011) de Gonçalo Mabunda, né au Mozambique qui a vécu enfant les horreurs de la guerre civile.
L’interactivité est très souhaitée: chacune des huit sections est présentée sur des feuillets détachables que le visiteur peut arracher à sa guise et emporter. Le bruit de la page que l’on arrache avant de l’archiver dans une plaquette fait déjà frémir : Introduction, Los Angeles et la suprématie américaine, Déclin de la puissance américaine - vers une nouvelle géopolitique, Une planète menacée - du constat à l’engagement, Surconsommation – consommer … oublier, L’empire du marché : it’s a Rich Man’s World, Le temps : une denrée rare, l’art de l’immortalité, Hyperconflits : des guerres d’un genre nouveau, Utopies : let the future tell the truth.
De nouvelles technologies encouragent les visiteurs à commenter et partager leur propre perspective avant, pendant et après l’exposition. Un photomaton permettra aux visiteurs d’envoyer un « gif » (photo animée) accompagné d’un message tourné vers le futur.
Un social wall projettera, en temps réel, les interactions #expo2050 sur les réseaux sociaux. Les expositions de Bruxelles et Paris dialogueront donc avec le reste du monde. Le tout est aussi à suivre en direct sur le site web de l’exposition www.expo-2050.be – qui propose également des vidéos (teasers, interviews et timelapses).
Une application pour smartphone et tablettes est proposée gratuitement (en FR, NL et EN). Remplaçant l’audioguide, elle raconte l’exposition à travers des interviews, vidéos, photos, images d’archives, articles,... L’utilisateur peut donc tant préparer sa venue au musée qu’élargir sa réflexion sur les oeuvres et sujets abordés. Trace virtuelle et qualitative de l’exposition, l’application « Fine Arts Belgium » fournit un contenu supplémentaire (vidéo) au catalogue.
De nombreuses activités sont organisées en marge de l’exposition (conférences, colloques, ateliers créatifs, visites guidées, visites « sur mesure », etc.).Le public pourra également participer aux « meet the artist », des rencontres exclusives avec les grands noms de l’art contemporain (Olga Kisseleva, Thu Van Tran, Maarten Vanden Eynde, Hans Op de Beeck, David Altmejd,…).
De l’horreur au miracle, notre dernier regard se porte sur une fantastique maquette de ville imaginaire tentaculaire mais accueillante, imaginée par l’artiste congolais Bodys Izek Kingelz, décédé cette année.
Vous pouvez écouter Jacques Attali ici : http://www.rtbf.be/radio/player/lapremiere?id=2042259&e=
INFORMATIONS PRATIQUES
BRUXELLES
11.09.2015 > 24.01.2016
Horaires
mardi > vendredi | 10:00 > 17:00
samedi > dimanche | 11:00 > 18:00
Tarifs
€ 14,50 adulte € 12,50 senior (+65 ans),
€ 8 jeune (6>25 ans), enseignant, personne
souffrant d’un handicap et leur accompagnateur
€ 10,5 groupe adulte € 3,5 groupe scolaire
€ 0 Ami des MRBAB, membre ICOM, enfant (-6ans)
Ticketing online : https://onlineticketing.fine-arts-museum.be
Une application multimédia et un guide
du visiteur (papier) gratuits sont disponibles.
Catalogue : coéd. Snoeck/MRBAB, 224 p., € 32
(également disponible en e-book)
Commissariat de l’exposition
Jennifer BEAULOYE, docteur en histoire de l’art et
chercheur post-doctoral en muséologie et
nouvelles technologies | Pierre-Yves DESAIVE,
responsable médias numériques & art contemporain |
Jean DE LOISY, conseiller scientifique | Jacques ATTALI,
conseiller scientifique
PARIS
24.09.2015 > 04.01.2016
Horaires
Tous les jours de 09 :00 à 17:30, sauf le mardi.
Nocturnes les mercredis et vendredis jusqu’à 21 :30.
Tarifs
Tarif unique d’entrée au musée : € 15.
Gratuit pour les moins de 18 ans, les moins de
26 ans résidents de l’U.E., les enseignants
titulaires du pass éducation, les demandeurs
d’emploi, les adhérents des cartes Louvre
familles, Louvre jeunes, Louvre professionnels
et Amis du Louvre, ainsi que le premier
dimanche des mois de septembre à mars.
Catalogue : coéd. Hazan/Louvre, 384 p., € 45
Commissariat de l’exposition
Dominique DE FONT-REAULX, conservateur
général au musée du Louvre, directrice du musée
national Eugène-Delacroix | Jean DE LOISY,
président du Palais de Tokyo | Jacques ATTALI,
conseiller scientifique | avec la collaboration de
Sandra ADAM-COURALET
Commentaires
Une brève histoire de l'avenir: Nouvelle édition, revue et ...
Programme complet : http://bit.ly/1OSB0FM
Dans son livre Une brève histoire de l’avenir (Paris, 2006), maintes fois réédité et dont la dernière édition revue et complétée remonte à 2013, Jacques Attali imagine l’avenir à partir de ce que l’histoire et la science permettent d’anticiper. Qu’en sera-t-il des rapports entre nations, du développement de la science et des technologies, de la lutte pour le bien-être, du rôle des religions etc.? Un panorama interpellant et séduisant au point que la problématique sera au centre d’une grande exposition à partir de septembre 2015 à Paris (Musée du Louvre) et à Bruxelles (Musées royaux des Beaux-Arts).
Après plusieurs échanges, nous avons convenu de donner un prolongement à ces expositions. Voilà le contexte qui a incité l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique à organiser un colloque international qui aurait pour objet le devenir de l’Europe : Quelle Europe en 2050 ?
L’Europe est certes un concept à géométrie variable. Comme l’a écrit J.-B. Duroselle (L’idée d’Europe dans l’histoire, Paris, 1965), « L’Europe étant une construction de l’esprit humain à partir d’une réalité géographique mal délimitée, il y a eu, depuis que les hommes y réfléchissent, une immense variété d’Europes. Parcourir l’histoire de ces variations n’est pas seulement une entreprise intéressante pour notre curiosité intellectuelle. C’est aussi un excellent moyen de comprendre les liens qui existent entre la situation politico-sociale à un moment donné et les idées dominantes en matière de relations internationales. »
À Bruxelles, capitale de l’Europe politique, il s’agira donc de se livrer à un exercice de prospective pour le prochain quart de siècle. En n’oubliant pas que l’Union européenne, même si elle est au cœur de la réflexion, n’est pas toute l’Europe et que par ailleurs des Nations ont préexisté à cette construction.
L’Europe est le produit de l’accumulation d’une série de valeurs ; elles ont donné naissance à une civilisation originale qui lui a permis de dominer l’univers dans la première moitié du XXe siècle. L’Europe, c’est d’abord un héritage gréco-romain avec l’émergence de l’esprit scientifique et critique. Ce fut ensuite la place occupée par le christianisme et la distinction opérée entre le temporel et le spirituel, d’où résulteront un jour la tolérance religieuse et le principe de laïcité. Ce fut aussi l’invention du concept de la Recherche-Développement dans l’Angleterre du XVIIe siècle et la Révolution industrielle qui s’en suivit. Enfin, l’idéologie des Droits de l’Homme s’est ancrée à partir du XVIIIe siècle : les concepts de Liberté, d’Égalité, de Non-discrimination, bref toutes les grandes libertés fondamentales modernes, qu’elles soient politiques, économiques ou sociétales, y trouvent leur origine.
Pendant des siècles, cette Europe-là a été le centre de la culture et un lieu de pouvoir et de domination universelle. Elle a vu son rayonnement s’éroder en partie, dans le même temps où l’Union modifiait substantiellement la forme traditionnelle des relations entre nations européennes : elles lui délèguent, c’est-à-dire à des institutions communes, une partie de leur souveraineté nationale. Bastion des libertés, des droits fondamentaux, havre de paix depuis 70 ans, elle est confrontée plus que jamais à d'immenses empires, la Chine, la Russie, les États-Unis, l’Inde et à nombre d’autres grands pays dits émergents. Comment imaginer le devenir politique et économique de cette Europe ? Pourrait-elle préserver le bien-être de ses habitants et mener un combat victorieux contre la pauvreté ? Qu’en sera-t-il du débat « identité nationale – citoyenneté européenne », de l’avenir de l’Euro face aux autres monnaies ? Le destin de l’Europe se résume-t-il à ne devenir qu’un musée prestigieux ? Y décèle-t-on une créativité telle qu’elle puisse encore donner le ton ? Est-elle à même de préserver sa vigueur scientifique et technologique ? L’Union apparaît comme une sorte d’exception, comme un îlot sécularisé dans un monde imbibé de religieux : un monde moderne est-il nécessairement un monde sécularisé ? Que pensent du futur de l’Europe des personnalités éminentes des continents américain, africain et asiatique ? La Russie se sentira-t-elle plus européenne qu’asiatique ? L’intégration de la Turquie est-elle concevable ?
Bref, les questions se bousculent. Voilà l’enjeu de ce colloque international. Le comité scientifique est composé de Jacques Attali (président d’Attali & Associés, conseiller d’État, économiste, associé de l'Académie royale de Belgique), Hervé Hasquin (historien, secrétaire perpétuel de l'Académie royale de Belgique), Michel Draguet (historien de l’art, professeur à l’Université libre de Bruxelles, directeur général des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, membre de l'Académie royale de Belgique).
Des intervenants venant d'Europe, d'Afrique, d'Amérique du Nord et d'Asie aborderont ces diverses questions.
Voyage au-delà de la nuit au Louvre
L’exposition Une brève histoire de l’avenir s’ouvre au Louvre pour trois mois.
Copie d’après Pieter I Bruegel, La Parabole des aveugles, fin du XVIe siècle. L’œuvre, copie du tableau conservé au musée de Capodimonte, à Naples, fait référence à la parabole du Christ mettant en cause les Pharisiens : « Laissez-les. Ce sont des aveugles qui guident des aveugles. Or, si un aveugle guide un aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse ». Présentée dans la première section de l’exposition, elle rappelle la cécité de l’être humain face à son avenir.
/© RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Michel Urtado.
Grâce aux prêts des plus grands musées du monde et à l’engagement d’une quinzaine d’artistes, elle fait dialoguer art ancien et création contemporaine.
« Elle n’est pas seulement une réunion de chefs-d’œuvre, elle nous renvoie à la responsabilité que nous prenons en les regardant. » C’est ainsi que Jean de Loisy présente l’exposition dont il est le commissaire avec Dominique de Font-Réaulx au musée du Louvre.
Des chefs-d’œuvre, Une brève histoire de l’avenir en présente deux cents, choisis dans les collections du monde entier pour dialoguer avec une quinzaine de créations contemporaines. De ces résonances, le spectateur est invité à inventer sa propre lecture.
Et d’emblée, le parcours thématique, inspiré par le livre éponyme de Jacques Attali, s’efface devant la singularité de ce voyage. L’auteur le souligne lui-même : « La façon dont les deux commissaires ont échappé à mon livre est magnifique. L’exposition est un texte à multiples dimensions, qui sont celles de la rêverie ».
Libre voyage
Dès le hall, c’est cette explosion des perspectives qui saisit le visiteur. Cinq cents figures en papier découpé, de deux à trente centimètres, montées sur des baguettes de bois. Des dieux, des héros, des martyrs. Disposée sur une grande base circulaire, cette forêt d’images provient d’un recueil autrefois utilisé pour l’étude de la sculpture.
Avec Boneyard, Geoffrey Farmer fait voler en éclat l’analyse chronologique des styles et redonne leur liberté à ces personnages. Dominique de Font-Réault veut y voir « une métaphore du musée qui s’inscrit dans le passé mais aussi dans le présent et l’avenir ». C’est en tout cas la proposition réussie ici : délaisser, le temps d’une exposition, l’illusion de la maîtrise et la dictature du temps court.
Nous partons pour un voyage sans destination précise, l’affichage installé par Kris Martin dans le même hall, Mandi III, nous en avertit. Dans un bruit métallique, le rectangle noir s’agite régulièrement, mais aucune ville ne s’y inscrit jamais, aucun horaire.
Nous partons sans visibilité sur ce qui se trouve juste devant nous, tels les aveugles de Pieter Bruegel l’Ancien, qui s’éloignent inexorablement du chemin.
Nous évoluons en équilibre précaire, comme l’acrobate de Rhona Bitner, qui côtoie La Sibylle de Cumes, prophétesse de légende peinte par le Dominiquin. Sur le mur, les mots de Genet : « Tu danseras sur et dans la solitude désertique, les yeux bandés, si tu le peux, les paupières agrafées. »
Fragile transmission
Cette nuit solitaire nous ouvre pourtant à une autre perception de l’histoire humaine. La transmission de ces chefs-d’œuvre, à travers guerres et pillages, touche d’autant plus que « ces vestiges sont aujourd’hui incroyablement menacés », rappellent les deux commissaires.
Haute d’une vingtaine de centimètres, une Figure de fondation mésopotamienne fait face à un Poing colossal, un poing de Pharaon, qui illustre le sort réservé à la puissance des rois. Et l’incroyable traversée de ces objets jusqu’à nous, que résume Dominique de Font-Réaulx : « Prise par Bonaparte, la pièce devint possession britannique suite au traité d’Alexandrie.En 1802, George III en fit don au British Museum qui nous l’a prêté pour l’exposition ».
Un peu plus loin, les ikebanas de Camille Henrot poursuivent cette fragile transmission face aux élans belliqueux de l’histoire.
Possible renaissance
Dans le fracas des armes des anciens, surgit à nouveau l’événement récent. C’est un fragment de sculpture en bronze. Abîmé, tordu. Retrouvé dans les décombres du World Trade Center, il est l’œuvre de Rodin. Ce travail préparatoire pour le groupe Les Ombres qui domine La Porte de l’enfer fait soudain écho aux toiles de Thomas Cole, Le destin des empires.
Autour de 1835, l’artiste américain peint l’histoire de l’Empire romain en cinq tableaux, de L’état de nature à La désolation, d’après les paysages de la baie de Manhattan.
Là encore, l’abandon d’une perspective linéaire s’avère fertile. La série, pour la première fois présentée en France, peut se lire de manière circulaire : la destruction devient signe de renaissance.
L’agora moderne proposée par Ai Weiwei ouvre la même possibilité. Sur un sol en bois, des bases de colonnes de pierre datant de la Chine ancienne. La ruine d’un empire disparu et le scellement possible d’une nouvelle société. Si nous en décidons ainsi.
BÉATRICE BOUNIOL
http://www.la-croix.com/Culture/Expositions/Voyage-au-dela-de-la-nu...
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Et à Paris:
Copie d’après Pieter I Bruegel, La Parabole des aveugles, fin du XVIe siècle. L’œuvre, copie du tableau conservé au musée de Capodimonte, à Naples, fait référence à la parabole du Christ mettant en cause les Pharisiens : « Laissez-les. Ce sont des aveugles qui guident des aveugles. Or, si un aveugle guide un aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse ». Présentée dans la première section de l’exposition, elle rappelle la cécité de l’être humain face à son avenir.
/© RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Michel Urtado.
Grâce aux prêts des plus grands musées du monde et à l’engagement d’une quinzaine d’artistes, elle fait dialoguer art ancien et création contemporaine.
« Elle n’est pas seulement une réunion de chefs-d’œuvre, elle nous renvoie à la responsabilité que nous prenons en les regardant. » C’est ainsi que Jean de Loisy présente l’exposition dont il est le commissaire avec Dominique de Font-Réaulx au musée du Louvre.
Des chefs-d’œuvre, Une brève histoire de l’avenir en présente deux cents, choisis dans les collections du monde entier pour dialoguer avec une quinzaine de créations contemporaines. De ces résonances, le spectateur est invité à inventer sa propre lecture.
Et d’emblée, le parcours thématique, inspiré par le livre éponyme de Jacques Attali, s’efface devant la singularité de ce voyage. L’auteur le souligne lui-même : « La façon dont les deux commissaires ont échappé à mon livre est magnifique. L’exposition est un texte à multiples dimensions, qui sont celles de la rêverie ».
Libre voyage
Dès le hall, c’est cette explosion des perspectives qui saisit le visiteur. Cinq cents figures en papier découpé, de deux à trente centimètres, montées sur des baguettes de bois. Des dieux, des héros, des martyrs. Disposée sur une grande base circulaire, cette forêt d’images provient d’un recueil autrefois utilisé pour l’étude de la sculpture.
Avec Boneyard, Geoffrey Farmer fait voler en éclat l’analyse chronologique des styles et redonne leur liberté à ces personnages. Dominique de Font-Réault veut y voir « une métaphore du musée qui s’inscrit dans le passé mais aussi dans le présent et l’avenir ». C’est en tout cas la proposition réussie ici : délaisser, le temps d’une exposition, l’illusion de la maîtrise et la dictature du temps court.
Nous partons pour un voyage sans destination précise, l’affichage installé par Kris Martin dans le même hall, Mandi III, nous en avertit. Dans un bruit métallique, le rectangle noir s’agite régulièrement, mais aucune ville ne s’y inscrit jamais, aucun horaire.
Nous partons sans visibilité sur ce qui se trouve juste devant nous, tels les aveugles de Pieter Bruegel l’Ancien, qui s’éloignent inexorablement du chemin.
Nous évoluons en équilibre précaire, comme l’acrobate de Rhona Bitner, qui côtoie La Sibylle de Cumes, prophétesse de légende peinte par le Dominiquin. Sur le mur, les mots de Genet : « Tu danseras sur et dans la solitude désertique, les yeux bandés, si tu le peux, les paupières agrafées. »
Fragile transmission
Cette nuit solitaire nous ouvre pourtant à une autre perception de l’histoire humaine. La transmission de ces chefs-d’œuvre, à travers guerres et pillages, touche d’autant plus que « ces vestiges sont aujourd’hui incroyablement menacés », rappellent les deux commissaires.
Haute d’une vingtaine de centimètres, une Figure de fondation mésopotamienne fait face à un Poing colossal, un poing de Pharaon, qui illustre le sort réservé à la puissance des rois. Et l’incroyable traversée de ces objets jusqu’à nous, que résume Dominique de Font-Réaulx : « Prise par Bonaparte, la pièce devint possession britannique suite au traité d’Alexandrie.En 1802, George III en fit don au British Museum qui nous l’a prêté pour l’exposition ».
Un peu plus loin, les ikebanas de Camille Henrot poursuivent cette fragile transmission face aux élans belliqueux de l’histoire.
Possible renaissance
Dans le fracas des armes des anciens, surgit à nouveau l’événement récent. C’est un fragment de sculpture en bronze. Abîmé, tordu. Retrouvé dans les décombres du World Trade Center, il est l’œuvre de Rodin. Ce travail préparatoire pour le groupe Les Ombres qui domine La Porte de l’enfer fait soudain écho aux toiles de Thomas Cole, Le destin des empires.
Autour de 1835, l’artiste américain peint l’histoire de l’Empire romain en cinq tableaux, de L’état de nature à La désolation, d’après les paysages de la baie de Manhattan.
Là encore, l’abandon d’une perspective linéaire s’avère fertile. La série, pour la première fois présentée en France, peut se lire de manière circulaire : la destruction devient signe de renaissance.
L’agora moderne proposée par Ai Weiwei ouvre la même possibilité. Sur un sol en bois, des bases de colonnes de pierre datant de la Chine ancienne. La ruine d’un empire disparu et le scellement possible d’une nouvelle société. Si nous en décidons ainsi.
BÉATRICE BOUNIOL
http://www.la-croix.com/Culture/Expositions/Voyage-au-dela-de-la-nu...
Il faut passer à ce que j’appelle l’altruisme intéressé, c’est-à-dire comprendre que la forme la plus intelligente de l’égoïsme, c’est l’altruisme. Sur tous les sujets, il devrait être facile d’expliquer, si les hommes politiques avaient du courage. Ce qu’ils n’ont pas. Car c’est notre intérêt d’être altruiste."
Jacques Attali
Le tout décliné dans une exposition très interpellante ouverte ce vendredi 11 septembre aux Musées des Beaux-Arts de Bruxelles.
http://www.lesoir.be/987612/article/debats/2015-09-12/jacques-attali-il-y-des-moments-ou-guerre-est-necessaire
En 1965, Opalka décide de peindre en blanc avec un pinceau n°O sur des toiles noires de 196 x 135 cm la suite des nombres de un à l'infini. Il intitule ses toiles Détail. A partir de 1972, il ajoute à chaque fond d'une nouvelle toile 1% de blanc, si bien que les nombres se fondent progressivement dans le support sur lequel elles sont inscrites. Matérialisant également l'érosion du vivant par le temps, il enregistre quotidiennement le son de sa voix prononçant les nombres qu'il est en train de peindre. Une voix qui se transforme au fil des années...
Roman Opałka, Détails