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RENCONTRE : FEDERICO ARIU

RENCONTRE : FEDERICO ARIU
Depuis son adolescence, Federico Ariu manifeste une passion inébranlable pour l’art de raconter des histoires. Après des études traditionnelles, il se lance dans la réalisation de courts-métrages de fiction, tout en travaillant pour la publicité, le documentaire et la conception de clips pour divers artistes de la scène belge. Régulièrement, ses œuvres sont diffusées sur BX1. Après deux romans, il vient de sortir un recueil de nouvelles intitulé Sombres inspirations. Rencontre.

Pourquoi le titre Sombres inspirations ?
Sombres inspirations est directement né d’idées qui se bousculent dans mon esprit depuis l’enfance. Une période au cours de laquelle j’ai été captivé par les films d’horreur et les récits fantastiques. Les romans de Stephen King et la série La Quatrième Dimension m’ont particulièrement marqué, au point de m’entraî-
ner dans un monde où la réalité cède souvent la place à l’extraordinaire et à l’indicible. Ces inspirations de jeunesse ont éveillé en moi un désir tenace d’imaginer des récits où l’étrange et l’effroi se combinent au quotidien. Dès l’âge de douze ans, encouragé par l’acquisition d’une caméra VHS offerte par mon père, j’ai commencé à réaliser des petits films d’horreur, bricolés avec les moyens du bord. Cela a été le début d’une aventure qui continue de s’épanouir aujourd’hui, puisque je suis devenu cinéaste. Comme réalisateur, j’ai bouclé quelques courts-métrages axés sur ce genre, dont un en hommage à Wes Craven, qui a longtemps été mon metteur en scène de prédilection.

Combien de nouvelles contient ce recueil ?
Il regroupe dix textes plus ou moins longs. Chacun explore des thèmes cristallisés sur la peur intime, les monstres et les fantômes qui surgissent dans la quotidienneté pour enlacer le quidam et lui pourrir la vie. Il s’agit du premier volume d’une série. Pour la plupart de ces histoires, il s’agit d’idées que j’ai imaginées il y a parfois bien longtemps, qui se sont assoupies dans un coin de ma mémoire et dont certaines sont devenues des ébauches de scripts non aboutis pour l’écran.

A quel genre de récits se trouve-ton confronté ?
Ce recueil englobe des étiquettes variées qui touchent toutes à l’horreur, que ce soit la veine surnaturelle, le fantastique ou la science-fiction. Je ne m’astreins à aucun cadre. Il s’agit de sujets qui se rapprochent autant du mystérieux que du terrifiant. Un exemple en est la nouvelle Prison de graisse, dont l’épouvante émerge non pas de forces surnaturelles, mais des peurs intrinsèques, profondément vissées dans l’ADN du protagoniste. Ici, les kilos accumulés durant la période de confinement COVID-19 se métamorphosent en une sorte de créature qui réveille des traumas endormis et qui, lentement, prend possession de tout ce que vit le personnage, au point de phagocyter ses habitudes.

Pourquoi cette couverture qui fait songer à une affiche de film ?
Parce que je suis cinéaste à la base et que j’adopte spontanément une écriture qui renvoie au septième art, qui m’est cher. La couverture a pour objectif d’attirer l’attention des lecteurs férus de tout ce qui touche à ce domaine. Elle a été conçue pour annoncer explicitement le contenu du livre, sans chercher à pousser celui qui va l’acquérir dans une mauvaise direction. Puis, le noir et blanc renvoie aux classiques des années 1940 et 1950, le fantastique et l’horreur étant des genres exploités depuis plus de cent ans à l’écran avec, déjà à l’époque du muet, de nombreux incontournables tels que Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau et The phantom of the opera avec Lon Chaney. Bien entendu, dans les années 1920, on ne s’emparait pas de ces sujets avec la même violence que de nos jours. Pour attirer les gens dans les salles, il a fallu aller toujours plus loin dans l’audace et la violence, donnant à voir certains longs métrages qui flirtaient avec la nauséabond et le gore. Au XXIe siècle, le fantastique et l’horreur sont devenus des matériaux bankables. Les studios misent beaucoup sur eux et, régulièrement, une grosse production débarque, fédérant toujours plus de spectateurs férus de frissons et de sensations fortes.

Quelle est la part de vous-même dans ce recueil ?
Ces récits parlent des fantasmes, des phobies et des cauchemars que j’ai entretenus pour alimenter ma créativité. D’une certaine manière, ils représentent une version stylisée de moi-même, entouré par des idées sombres qui jaillissent et qui exorcisent mes propres cauchemars. En plus de plonger dans des abysses personnels et universels, chaque nouvelle s’accompagne d’une postface dans laquelle je révèle l’origine de l’inspiration derrière chaque narration. Cet échange direct me paraît essentiel pour montrer que je ne triche pas avec moi-même et explique la genèse de chaque récit.

Sans galvauder le plaisir des lecteurs, pouvez-vous raconter le début d’une des nouvelles contenues dans ce recueil ?
Sac de merde inaugure cet ensemble. Il s’agit d’un court récit de science-fiction axé sur un quidam doté d’une stomie ou poche externe pour réceptionner ses déjections. Bien entendu, il subit des railleries et est régulièrement rejeté à cause de cette particularité. Sa vie adopte un tournant inattendu lors de l’arrivée d’extraterrestres, venus chercher une matière qu’on ne trouve nulle part ailleurs que sur la planète bleue. Le reste, je vais vous laisser le découvrir en lisant la nouvelle ! Autre exemple, L'Accabadora, dont l’action se déroule en Sardaigne, la terre de mes ancêtres. Cette histoire mêle réalité et mythe autour d’une vieille femme qui, autrefois, aidait les mourants à passer de l’autre côté du miroir, en pratiquant l'euthanasie en secret. Lorsqu’un enfant rencontre la susdite Accabadora, celle-ci lui prédit un destin inquiétant et lui précise qu’elle viendra un jour spécialement pour lui. Une prédiction qui talonnera le protagoniste tout au long de son existence ! Ces histoires sont conçues pour captiver et perturber, même si j’espère que chacun prendra autant de plaisir à les découvrir que j’en ai eu à les rédiger.

Quelles sont vos influences en matière d’horreur en littérature?
Mes influences en matière d’horreur littéraire sont diversifiées et profondément ancrées. Des auteurs comme Stephen King, Clive Barker, Richard Matheson, Poppy Z. Brite, Dean Koontz et Dan Simmons sont des évidences pour quelqu’un comme moi. Chacun apporte une texture unique à ses univers et rend l’horreur ordinaire, loin du grand-guignol qui vomit des montres éructants et des geysers de sang. Dans le domaine de la science-fiction, Isaac Asimov reste un maître absolu, de ceux qui ont codifié la manière d’amener le découpage et le processus narratif. Il m’a grandement inspiré par la complexité de ses narrations et son exploration de l’âme humaine face aux affres de l'inconnu. La musique joue également un rôle crucial dans mon processus créatif. Pour Confessions d’un bourreau, j'ai fait tourner en boucle la musique de Hans Zimmer composée pour La Ligne Rouge de Terrence Malick, dont l'intensité émotionnelle a influencé l’ADN du roman. En ce qui concerne Sombres inspirations, je me suis immergé dans les ambiances sonores de La chose de John Carpenter, film mis en musique par Ennio Morricone, et Les Griffes de la nuit par Charles Bernstein, dont les mélodies ont guidé le rythme et la tension de mes récits.

Pourquoi doit-on se procurer cet ouvrage ?
Sombres inspirations est un livre écrit pour les amateurs de frissons, qui apprécient le suspense et qui veulent être surpris par des récits qui se concluent par une chute inattendue. Dois-je en dire davantage ? Parce que ces histoires vont au-delà du simple divertissement et explorent les peurs profondes, souvent inavouées et qui résident en chacun de nous. De la crainte de l’inconnu à la confrontation avec nos propres démons intérieurs. Une palette de sujets qui résonnent en tous ceux qui cherchent à comprendre les ombres qui se tapissent dans les angles les plus noires de la psyché.

En combien de temps l’avez-vous rédigé ?
La rédaction s’est étalée sur plusieurs années. Un véritable voyage temporel, autant que créatif ! Certaines nouvelles existaient déjà sous diverses formes, tandis que d’autres ont émergé et ont été développées spécifiquement pour ce projet. Ce que j’apprécie le plus dans le processus d’écriture est le moment où je m’assois devant l’ordinateur et que je commence avec un canevas préétabli du chemin que je souhaite explorer. Souvent, le récit se développe de lui-même, d’une manière presque autonome. Disons que, dans cet instant précis, je deviens un simple catalyseur entre les phrases qui se succèdent et la page que je vais imprimer, lorsque je mettrai le point final. Autrement formulé, chaque session de rédaction se veut à la fois mystérieuse et exaltante, au cours de laquelle le prévu et l’imprévu se percutent pour une expérience dont le résultat est à découvrir plus tard.

En tant que cinéaste, vous êtes- vous essayé à la franchise horrifique ?
Bien sûr ! Mon parcours dans la réalisation de films d’horreur a commencé très tôt. Parmi ceux-ci, le court-métrage Karma me tient particulièrement à cœur. Il a été réalisé dans les bâtiments de l’Ecole vétérinaire de Cureghem et a été salué par la critique, au point de remporter le Grand Prix lors du Festival du Film Indépendant de Bruxelles. Par la suite, j’ai également réalisé des projets à tonalité plus dramatique, tels que Hudûd et Babaï. Toutefois, en raison des difficultés liées au financement en Belgique, je me suis éloigné de l’horreur. Chez nous, les commissions du film n’ont jamais été très ouvertes à ce genre. Chose regrettable, parce que j’ai rencontré beaucoup de scénaristes et de réalisateurs qui auraient aimé explorer davantage ces thèmes.

Quelle est la grande différence entre réaliser un projet cinématographique et donner naissance à une histoire sur papier ?
La réalisation cinématographique et l'écriture littéraire sont deux modes de création qui, bien qu’ils partagent des fondements narratifs similaires, divergent radicalement en termes de ressources et de liberté créative. Lorsque j’écris un scénario, je suis souvent confronté à une série de défis logistiques et financiers. Un scénario peut demander des scènes d’action élaborées, des effets spéciaux coûteux ou des décors complexes, qui nécessitent un investissement important. Chaque élément, de la conception des personnages à la recherche des lieux, doit être envisagé en fonction des moyens disponibles. Cela peut parfois restreindre l’ambition ou nécessiter des compromis artistiques. En revanche, lorsqu'il s’agit d’écrire une nouvelle ou un roman, je bénéficie d’une liberté absolue et personne ne vient me souffler des rappels à l’ordre. L'écriture pure ne requiert pas de budget si ce n’est un ordinateur, un peu d’électricité, du papier et de l’encre. Si je souhaite insérer une scène dans un château majestueux ou sur une planète éloignée, je peux y aller sans me soucier du budget. L’écriture me permet d’explorer des idées vastes et complexes avec pour seules limites celles de mon imagination. Je peux construire des mondes, développer des arrière-plans détaillés et orchestrer des intrigues sans jamais avoir à réfléchir à l’aspect pratique de leur mise en scène. Cette distinction est cruciale ! Par contre, au cinéma, cette vision doit être filtrée à travers les capacités et les volontés d'une équipe entière, qui peut enrichir le projet mais aussi, parfois, le diluer.

Retrouvez Federico Ariu sur le site www.federicoariu.be
Propos recueillis par Daniel Bastié pour Bruxelles Culture de janvier 2025.

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