Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

Publications de Gilbert Czuly-Msczanowski (271)

Trier par

Petit à petit...



Voyez-le se donner du mal pour que tout aille,

Voler tout le jour, d’un aller à un retour,
Du nid où piaille la marmaille
A la terre, aux champs, pour une brindille d’un jour.

Parfois il se pose sur le grillage du jardin
Et repose ses ailes fatiguées de ses voyages,
L’oeil rieur, comme un vainqueur coquin
Qui nargue le père vieilli par l’âge !

Petit à petit il construit, tresse, salive ;
Dedans, les petits attendent le bec béant,
Guettant père-oiseau, mère sur le qui-vive,
Porteurs inlassables de ” diners ” incessants !

Ne les cherchez pas, un nid est vite abandonné ;
Une fois le chef-d’oeuvre fini il flotte à tout vents !
Quelques duvets soyeux, seuls, rappellent nos printemps,
Leurs éternels oiseaux joyeux et nos envols rêvés.

Lire la suite...

Les rois du monde



Autour du château les serfs se pressent,

Gueux, vilains, loqueteux sur la paille,
Ignorants de tout bords, lies des messes,
Chevaliers des ânes, des bons à la mitraille,
S’agglutinent comme les rats aux déchets
Et dansent la biguine aux vitrines éclairées ;
Au château, le seigneur de ce tableau lacéré
Danse aussi toutes portes jusqu’à ce jour fermées.
Voilà le troupeau, voilà la gueusaille,
Voilà l’affamé, le banni, l’idiot de l’année,
L’éclopé, l’oublié, le pauvre, la honte inavouée
Qui entre par la porte d’un jour de ripaille.
La porte est ouverte un jour pour qu’il voit,
Pour qu’il sente les parfums, goûte des plats,
Hume l’air pur qu’il ne connaît pas
Et crie partout qu’il était à la table du roi !

Rois ou reines du monde :
Tous les précités, de peu de foi désespérés,
Morts aux combats ou à toutes les frondes
N’ont rien d’immonde que du hasard d’être né.
Voyez les yeux d’enfants éplorés qu’ils ont gardé,
Quêtant un regard d’où l’amour s’est envolé.


31/12/2017

Lire la suite...

Un bon maître... un peu cocasse ( 9 )


                                                                  Ce genre de personnage à la moustache évocatrice dont la célébrité était répandue dans le village avait au moins un avantage c’est que je ne suis pas près d’oublier mes débuts sur la scène du théâtre scolaire. Ainsi que la grosse boule bleue près de la porte d’entrée avec toutes les mers du monde qui entouraient les continents et sur laquelle je ne vis pas ma maison. Encore une boule. Je me ” civilise ” de jour en jour à coups de punitions et de brimades, pardonnant volontiers à celui qui ne connaît rien à l’air pur que d’en être jaloux. Il y a des bons et des méchants. ” Il faut se méfier des oiseaux moustachus ” me dit ma mère, elle qui avait entendu à la radio les vociférations de ce type d’animal de foire qui effraie les enfants à cause des poils qui surplombent les baisers . "Ils ne sont pas normaux" me disait-t-elle. Les miens d’oiseaux n’ont pas de moustache. Ici, dans ma forêt je n’en vois pas et j’y ais moins mal au ventre que dans la classe du corbeau moustachu.

                                                                                     
                                                                                                    ***  

                                                                   Puis enfin le calvaire de l’instruction à coups de punitions a cessé pour laisser place à l’instruction du football. Ce n’était pas un frustré celui-là, un tourmenté de la citrouille qui rêve de jeter tout le monde par-dessus bord pour se glorifier devant le miroir de sa folie. Loin de là, mais un passionné de football, hanté par le ballon rond jusque dans l’exercice de son métier. Des posters partout de Just Fontaine, de Kopa… Et en prime pour nous, les provinciaux des années cinquante : la radio qui faisait à peine son apparition dans les chaumières. La retransmission des matches de football à la radio pendant les heures de classe. Que rêver de mieux quand les yeux des gamins s’échappent par les fenêtres pour suivre le papillon se posant sur la rose du jardin du directeur de l’école ou se sentir invité par le moineau qui picore à la gigantesque fenêtre, chauffé par le soleil du matin. C’était le “bon” parfait ce maître là. Un homme descendu de la lune, aimant les enfants comme les siens. Aimant aussi les mamans qui les fabriquent. Bref, il baignait dans l’amour. Il avait compris que l’amour ne donne pas mal au ventre, que le temps est accepté et non pas subi et surtout qu’à travers la joie et le jeu on donne envie d’apprendre.

                                                                   
                                                                                                      ***

                                                                    Il eut certainement envie d’apprendre les joies du ballon rond à ma mère car qui ne vîmes nous pas débouler un jour en vélo, ballotté par les ornières de notre forêt d’Emblise ? notre amoureux de la vie, pardi ! Curieux de nous connaître, surtout ma mère, il avait osé s’aventurer dans la forêt au mépris des bandits ou voleurs de grands chemins qui peuplaient l’imaginaire des ” gens de la ville, “qui voyaient disparaître peu à peu arbres, fleurs et papillons venus se réfugier près de chez nous. Pour ne pas se perdre, comme le petit Poucet guidé par les cailloux, son nez avait suivi l’odeur chaude et appétissante d’un chou qui mijotait parmi ses lardons. Il descend de son vélo en rattrapant son équilibre, balbutiant qu’il venait conter à ma mère, forcément à elle, mes résultats scolaires.Il fut accueilli par ce sourire que je lui connaissais bien et ce regard bleu-azur qui n’avait rien perdu de son éclat vivant, lui qui me contait quotidiennement l’odeur de la poudre, des fusillades et des brimades. Ma mère avait très vite saisi ce qui devenait important à cet instant : le chou ! Il embaumait à tel point qu’il me vint la crainte de voir arriver des escadrons de cyclistes pour réclamer leur part ! ” Vous prendrez bien un peu de chou ? ” lui proposa-t-elle. Et voilà mon amoureux de la vie qui pour toute réponse était déjà attablé guettant la précieuse casserole ! Je voyais mon maître engloutir sans nul souci de paraître dérangeant ou gourmand et se balancer en arrière une fois l’assiette vide comme pour en redemander. ” Je ne voudrais pas abuser et vous priver de votre repas “. Une réponse à une question qui n’avait pas été posée tant l’enfant que nous avions sous les yeux nous épargnait tout propos inutile. Ma mère remplit l’assiette et quand elle fut vidée le maître d’école dégoulinait de toutes parts de chou, sur le menton, les mains et sur l’imperméable qui emporterait les taches et l’odeur ! Il aurait vidé la casserole c’est sûr si nous avions un peu insisté. ” Ta maman est bonne cuisinière ” me dit-il en me tapotant le haut du crâne et il enfourche sa bicyclette précipitamment. Il était comique cet homme-là avec ses pinces à linge au bas des pantalons. ” Qu’est-ce qu’il voulait ton maître ? ” me demanda ma mère.” Parler de l’école, sûrement ” lui répondis-je !

Lire la suite...

Grain de sable au vent



” Je ne peux supporter le vent violent

Qui me secoue et freine mes pas,
Brise mon élan, lie mes bras
Quand je fuis la bise ou un autre vent,

Le froid, la nuit, me glace les os
Quand tant de chaleur qui s’évanouit
S’enfuit comme un déclin du héros
Qui grelotte gelé dans son lit,

L’horizon se défile à mes yeux
Et ne vois ni la mer, pas même un volcan,
La montagne enneigée, un chemin joyeux,
Une fleur au jardin aux amours d’antan,

Parmi les autres je crains tant d’être seul ;
Je ne comprends pas à quoi je sers,
Avec eux je roule comme dans le désert,
Crie le grain de sable au vent éternel ” .

Lire la suite...

La vraie école ( 8 )


                                                             Je vois la pluie tomber mais elle ne mouille pas mon visage et je ne cours pas m’abriter dans la grange où les hirondelles me font un ballet d’amour en bâtissant leurs nids. Les vitres sont tristes sous ces gouttelettes qui ne parviennent pas à passer et qui tombent de désespoir. Je m’y attendais, cela ne pouvait durer. Pourtant quand ma mère m’apprête pour ce premier rendez-vous, il y a de la curiosité. Le premier jour d’école de sa vie quand une mère, avec déjà quelques cheveux blancs , fait tout propre son enfant de la tête aux pieds, cela ressemble à une fête. N’est-ce pas pour une fête des souliers vernis qui brillent de lumière, une chemise aux couleurs éclatantes repassée dans les moindres détails, un pantalon à bretelles tyroliennes, les cheveux soigneusement peignés sans le moindre épi ? Prêt pour une danse de salon au chateau de Versailles ! Dieu que l’école demande de préparations ! Y aurait-il quelque princesse à laquelle il faut plaire ?
                                                              “L’école, c’est une fête me dit-elle, tu auras des camarades, tu joueras et tu apprendras à lire ” Je suspecte, sans en connaître la raison, que la madeleine enveloppée dans ce papier gris ne sera pas une récréation comme elle disait. Toute cette mise en scène me noue l’estomac. Je regrette déjà ma chaise à bébé, mes boules de toutes les couleurs, mon hibou qui ne viendrait plus, croyant que je l’ai abandonné et tomber dans la cave me parait moins pénible ! Mais c’est bien pire devant la grille. Il y a là plein d’enfants comme moi qui pleurent, les larmes passent par leurs nez et ils sont secoués de chagrin comme lorsque l’on a le hoquet.
                                                                Derrière les barreaux quatre gardiens en blouse grise, le sifflet à la bouche, réunis en cercle se déplacent d’avant en arrière, méticuleusement, les mains derrière le dos. Ils parlent de nous. Ils savent qu’on ne veut pas s’endormir le soir sans lumière ou qu’on ne veut pas manger quand on n’a pas faim ! Premières simagrées ridicules qui se transforment vite en bagarre quand un coup de sifflet retentit et que je me sens poussé à l’intérieur de la cour. Ma mère s’éclipse. Première grande sensation d’abandon. Et ce gros pantin qui me tire et à qui je flanque un coup de pied dans la jambe. Je reçois immédiatement une gifle et j’entends ” C’est le gamin du bois d’Emblise, c’est un fauve celui-là ! ” Quand la première ligne de tranchée, avec ses porte-manteaux alignés de bonnets et d’écharpes, derniers vestiges de l’amour maternel , est franchie, je connais de plus près celui qui m’avait traité de fauve.
                                                                 Cet homme est un maître d’école. Il va m’enseigner le savoir, l’amour de la connaissance, le plaisir de la liberté, l’égalité entre les êtres humains, la tolérance aussi. Il va le faire à coup de punitions continuelles à genoux devant le tableau, de fessées rituelles. Il m’appelle, je viens et c’est la fessée. Il est rancunier, je paie cher mon coup de pied, un an c’est long ! Comme une récompense pour lui d’avoir bien travaillé. Ca marche, j’apprends bien et vite. Il est comme tout les bourreaux, ceux qui marquent le plus. Je l’ai retrouvé trente ans plus tard derrière une table officielle de bureau de vote. Vieil homme pitoyable qui avait oublié que l’on vieillirait un jour et à qui j’ai glissé : ” Et oui, monsieur Dufauve, je vote , rappelez-vous !

Lire la suite...

Nos procurations

                                                           
                                                              Nos enfants sont nos procurations. Nous n'ignorons pas, arrivés à l'âge adulte que notre existence est courte. A voir défiler les décennies nos prises de conscience se font de plus en plus réelles quant à ce sujet. Arrivés à l'âge de vingt ans, souvenons-nous quelle fut notre surprise avouée d'y être déjà ! Alors la nature, une nouvelle fois, ne nous a pas abandonné. Détentrice de tous les miracles elle nous a permis de gagner du temps, de revenir en arrière même, de réaliser ce que nous n'avons pu nous-mêmes réaliser faute d'audace suffisante ou de manque d'adresse. Elle nous a communiqué la clé de l'énigme : les enfants. Les enfants d'abord, puis les petits enfants plus tard mais d'abord les enfants. Ces derniers sont les porteurs de nos rêves les plus fous. Ils deviendront médecins au service de l'humanité souffrante, juges pour punir les bandits, policiers pour stopper les voleurs, avocats pour défendre la veuve et l'orphelin, même pompiers pour gravir d'immenses échelles et vaincre nos vertiges clairement assumés. Nous veillerons à ce qu'ils soient beaux et bons afin qu'ils plaisent, comprenant que nous-mêmes plaisons de moins en moins, devinant que la nature faisant si bien les choses assure de ce côté ce roulement nécessaire. Nos enfants sont nos procurations. Ils deviendront la suite de nous, portant ce message sans cesse renouvelé : " travaille bien et tu réussiras ! ". Tu réussiras ce que je n'ai pas réussi, ce que je n'ai pas compris, ce que je n'ai pas eu le temps, ce qui m'a égaré, ce que j'espère tu vaincras pour devenir ce grand personnage que j'eusse aimé devenir. Tu es ma procuration et ma signature.


                                                                Et pour ceux qui n'ont pas désiré connaître la magie du fil conducteur ou ayant été empêchés ou que ce fil se soit dramatiquement rompu, il leur reste à poser le regard sur tant d'yeux abandonnés qui ne demandent eux aussi qu'à réussir leur chemin.

Lire la suite...

Une sincérité absolue



                                                                   Je suis et serai toujours surpris des chaînes librement consenties que portent en général "les gens " et vous rassure en faire partie pour ne choquer personne ! Dans bien des domaines. Vivre avec la même personne toute sa vie, lui infliger l'image du vieillissement, en faire son infirmier(e), l'amener dans sa tombe après toutes les souffrances réciproques et poser son image sur le buffet de la cuisine en lui parlant toute la journée. En n'oubliant pas de faire de ses enfants les spectateurs et les acteurs de ce système ! Il y a aussi la carrière que les "gens " ne négligent pas. Bien préparée par de judicieux conseils elle doit aller jusqu'au bout. Hors de question de changer de métier. L'employé de la poste mettra des cachets sur des lettres toute sa vie, attendra la fin de la semaine pour promener son chien puis les congés payés, pourra s'endetter et enfin finir vieilli et aigri au guichet de la même poste pour toucher sa retraite ! Pas la moindre lueur d'évasion, de rêve, dans cette imagination ternie par la peur de la découverte. Les exemples sont si nombreux ! Il faut dire que d'une manière générale la nouveauté fait peur. Beaucoup jugent préférable de supporter les douleurs qu'ils connaissent bien et ainsi pensent-ils bien les maîtriser plutôt que s'en défaire et voguer vers des cieux plus agréables. Que risqueraient-ils, s'appauvrir, y perdre la vie ? C'est déjà fait ! Ce serait en outre oublier de compter sur les capacités nombreuses qu'ils étouffent en eux.
                                                                     Je terminerai par cette lettre que je leur adresse. Ne vous convainquez pas qu'à l'endroit  où vous vivez c'est le plus beau, que ce que vous faites tous les jours est une punition méritée, qu'il n'y a plus d'air pur, qu'il vous faut des passages cloutés pour trouver votre chemin. Convainquez-vous d'avantage d'avoir des jambes et une tête, que la création vous a fait grâce de ces cadeaux aux fins d'y accomplir vos rêves et cessez de parler à des photos. Rompez enfin les chaînes qui ne sont qu'illusoires et retrouvez la cour de récréation et ... le sourire si vous l'avez perdu ! Voilà ce qui ne m'a jamais quitté depuis mon enfance : trouver de bonnes raisons à mes rhumatismes !

Lire la suite...

Deux pierres !

                                                                   
                                                                        Le génie qui a frotté deux pierres l'une contre l'autre, qui les avait choisies parmi tant d'autres, qui avait imaginé en voyant des étincelles qu'il fallait les projeter sur de la paille bien sèche pour obtenir le feu est un soldat inconnu. Ou, sont-ils plusieurs, allez savoir ?  Pour simplifier on dit que c'est l'homme mais c'est peut-être la femme.En ces temps reculés où les femmes restaient " à la maison ", c'est probable ! Bref, il n'y a pas d'archives qui remontent si loin. Toujours est-il qu'à partir de ce moment nos ancêtres ont pu faire bouillir l'eau et cuire la viande. La viande, on se demande comment ils pouvaient l'attraper. Avec des arcs et des flèches grossières sans doute. De petits lapins, des oiseaux...


                                                                      Mais quand la lumineuse idée, une nouvelle fois, a frappé le génie d'un soldat inconnu de couler du métal grâce au feu et de perfectionner les engins de mort, ce fut une avancée spectaculaire de la connaissance humaine. Couler du métal et ceci grâce à deux cailloux frappés l'un contre l'autre ! Couler l'acier et l'or ainsi devenus deux prétextes à préserver le bonheur de l'humanité : l'un à verser le feu par les canons et les bombes, attisant ainsi la peur et la colère, l'autre à les répandre dans les pupilles dilatées de la convoitise ! Mais où dort cet autre soldat inconnu pour qu'on puisse l'honorer ?

                                                                       Grâce à ces génies, nous projetons maintenant de nous installer sur d'autres planètes afin d'y fondre des métaux précieux. Le premier qui y parviendra sera de nouveau le plus riche et donc le plus fort. C'est la suite logique depuis les deux pierres. Au passage , ces deux pierres viennent aussi d'un feu gigantesque. Et comme rien n'arrête le feu- surtout quand il est nucléaire- prions afin qu'un soldat inconnu ne veuille , lui aussi, marquer de sa pierre cette " chaude " histoire  tant redoutée par les peuples d'avenir n'aspirant au fond qu'à la tranquillité de vivre.  

Lire la suite...

Le propre de l'homme


                                                              Si le rire est le propre de l'homme, le chagrin l'est aussi ! Il est très rare que ce qui effleure son esprit ne finisse par effleurer ses actes. Cela lui est propre aussi. Le temps du rire semble révolu. Et ce ne sont pas les grincements qui lui ressemblent qui le constituent comme une joie sans nuages. Le rire est donc fini et à sa place vient le chagrin. Ne disons-nous pas souvent qu'après le soleil vient la pluie et inversement ? Il est donc normal de nous préparer selon la loi de la nature à un nouvel épisode pluvieux.
                                                                Oh, nous les voyons bien arriver les nuages annonciateurs et comme nous n'aimons pas la pluie nous agissons comme le feraient les magiciens : sortir un lapin d'un chapeau ou couper une charmante fille en deux puis saluer le public éternellement émerveillé. Mais au final après l'émerveillement et les applaudissements qui nous enivrent nous savons bien que nous aimons les mirages de bonheur à contre-sens de notre raison !
                                                                 La jeunesse d'aujourd'hui qui n'a pas connu la guerre chez elle se pare de tatouages sur tout le corps, de boucles dans le nez, dans les oreilles, au-dessus des sourcils, sur les lèvres. Les filles se rasent les cheveux, se les colorent comme des perroquets multicolores; les hommes se laissent pousser la barbe pour afficher une virilité que la société moderne eut pu leur ravir... Et tout ce beau monde se jetant désespérément dans la décadence d'une société cherchant aussi désespérément ses repères en crée des nouveaux, affichant sans vergogne ses nouvelles valeurs, bigarrées, maorisées, le nez dans les portables, le nez dans les reculs et les chapeaux de magiciens ! Le nez, non dans les nuages ensoleillés mais ceux qui, lourds, apportent les orages qui grondent à nos portes innocentes !

Lire la suite...

Pierre j'aimerais être



J'aimerais être pierre,
D'une érosion lente et patiente ;
Je traverserais sans la moindre attente
Ces longues journées se voulant si fières.

J'aimerais être pierre,
Non pas du plâtre ou quelque poussière,
Mais un granit obstiné et dur
Qui jaillit sous un couteau impur.

Pierre, j'aimerais être
Le témoin des âges sans fin,
De ces chemins et des êtres
Agrippés à de courts lendemains.

On viendrait me voir et me toucher,
Et par ces mains peut-être,
Verrais-je l'éternité se révéler,
Si cette dure pierre je pouvais être.

Lire la suite...

Lydie, mon amour d'enfance



Quelques années déjà s’étaient écoulées,
Et d’enfant j’étais un jeune homme,
Aux alentours de seize années enfiévrées,
Quand les désirs jamais ne raisonnent.

Et par cette belle et chaude journée d’été,
Elle est venue joyeuse et amoureuse, accompagnée
D’un citoyen à la chemise à petits pois blancs
Sur fond bleu d’azur, de mer et d’amant content.

Triste image que j’aurais aimé déchirer,
N’augurant rien de vrai, rien de bon,
Tant les rires ont un rien nauséabond,
Armés de couteaux prêts à trancher.

Voilà donc deux qui s’aiment devant moi !
Et elle, sait-elle que je l’aime vraiment,
Que je ne ris pas, ne m’esclaffe pas,
N’ai pas que le rire en bagage comme les enfants ?

Je ne sais si tu le savais lors de ce jour ancien,
Que l’amour serait à ton chevet aujourd’hui,
Que les enfants qui courent près de ton lit,
Je les aime comme étant les miens

Lire la suite...

La nuit



Pour connaître la nuit il faut avoir vu le jour et sa vie,
Et enfin le soir qui en est la porte d'entrée.
Comme tout naturellement la brillante lueur qui naît
Se voit-elle aller, paraît-il, vers un peu moins d'énergie !
Mais la nuit n'est pas un grand trou noir
Où il faudrait craindre d'y voir.
Ou encore y passer le clair de son temps à dormir,
Tirer les rideaux, fermer les volets pour ne rien voir venir.
Non, la nuit existe pour les curieux, les inquiets, les penseurs,
Voyant en le sommeil une perte de temps,
Sans oublier d'"heureux" fêtards qui grillent les heures
Comme des pétards qui claquent à tout vents.
Mais ceux-là ont encore beaucoup à apprendre de la nuit,
Ils se trompent d'heure, le manteau nocturne n'est pas pour eux.
Qu'ils entendent la chouette qui ulule, voient la biche qui se hasarde sans bruit
Ou le hérisson qui ose enfin ouvrir les yeux !
Car le silence sous la voûte étoilée, l'orage, les nuages noirs
N'ont de pareils que lorsque le voile de la nuit est tiré.
Et nos sens apaisés des aléas et du temps creusé
Font de la nuit un refuge serein qui ressemble à l'espoir.

Lire la suite...

Le soir



Alors que la voûte commence à s’éclairer,
Et tout ces petits points à apparaître,
Un voile léger comme de loin vient naître
Et couvre les doutes comme seul le soir peut apaiser.
Car pour le goûter et admirer sa beauté,
Ce moment use d’une magie bienfaisante :
Est-ce l’approche de la nuit et son ombre naissante,
Ces bruits, ces paroles, ces éclats soudainement étouffés ?
Un peu tout cela, car si la lumière vive du jour,
De mille feux tout nos corps sans cesse parcourt,
Elle aime aussi ce refuge solitaire et apaisant
Qui éteint nos ferveurs pour ce simple petit moment.
Le soir est alors la communion avec de petits êtres,
Le souffle discret du vent qui emporte des chagrins,
Ou un coucher de soleil qui meurt à la fenêtre.
Aimons à contempler la tombée du jour et son soir,
Ce regard dans la pénombre n’est pas l’ombre du noir.
Si nos sens se trouvent étonnamment bouleversés,
C'est qu'une étoile là-haut, peut-être, veut les éclairer !

Lire la suite...

Le jour



Le jour se lève et l’horizon rougit,
La lumière dissipe des cauchemars.
Et même si la nuit fut noire,
Les yeux, les bras reprennent vie.
La ville se remet à bourdonner
Comme si de rien n’était ;
Le jour s’installe de plus en plus,
Et le tambour bat dans les rues :
Des pas, des mégots, des chiens, des papiers,
Des coups de pied pour des riens qui flottent
Sous des parapluies qui grelottent.
Mais ce n’est rien, tout va s’arranger,
Les mouvements vont tout dissiper,
Et la réalité claire se dessiner.
Quelques années, quelques jours nouveaux,
Par ci, par là, quelquefois beaux.
Même de devenir vieux vient s’oublier,
Et mourir en plein jour est presque rêver.
Alors le jour se lève et l’horizon rougit ;
Nos yeux, nos bras, pas à pas, reviennent à la vie !

Lire la suite...

La citadelle imprenable


Il est de ces citadelles qu’on ne puisse gravir,
Verrouillées telles des cadenas d’acier,
Qui enferment en leur sein, passé, présent, avenir

Et que jamais nul ne pourra briser.

Repliées au grenier, ayant tiré l’échelle,
Confinées aux munitions, rassurées parmi elles ;
Qu’un faquin ne s’avise de venir les troubler,
Il s’en verra partir le feu aux mollets !

Ces citadelles bâties pierre après pierre
Ont été érigées contre l’ennemi ;
Imposantes et fières,
Elles trônent d’oubli en oubli.

Qu'on ne se méprenne, aujourd'hui encore, le reclus isolé,
Derrière chaque silencieuse meurtrière,
Archer d'un temps passé, guette l'intrus zélé,
Tendre naïf méconnaissant la citadelle guerrière !

Lire la suite...

Cette décharge monumentale de déchets divers est presque à la porte. Il faudrait lever les bras pour avertir la machine d’arrêter de pousser devant elle ces tonnes ennemies de liberté. Il va falloir quitter ce petit château d’enfant, les rêves sont finis. Les machines ont gagné. Les oiseaux ne chantent plus. Les fourrés ont disparu. Des tracteurs remuent la terre autour, de plus en plus nombreux, et agacent l’air paisible qu’ils inondent de fumées.Je suis encerclé. La colline je la connais bien, je la gravis tous les jours. Elle est ma première bibliothèque aux livres partiellement brûlés. Je pense qu’ils doivent révéler d’importants secrets et être le seul à pouvoir les toucher éveille ma curiosité. Peut-être vais-je y trouver une explication pour vaincre l’ennemi ! Je vois des dessins de locomotives, de roues, de rails, des plans grandioses, des chiffres, des écritures sur de petits carnets aux feuilles détachables sur lesquelles il est écrit B O N . Je peux lire ce mot qui résonne dans ma tête. C’est le premier mot que je peux lire sans l’avoir appris mais pour l’avoir entendu. Voilà donc comment BON s’écrit ! BON, je sais ce que c’est : c’est comme gentil, synonyme de liberté et ma rancoeur contre l’usine à trains est un peu atténuée. Les BON sont signés avec de grandes et belles signatures, sûrement des gens importants qui délivrent des bontés autour d’eux, feuille par feuille, quotidiennement. Ma mère me dit qu’elle avait connu un temps où l’on donnait ce genre de bons pour avoir du pain. Je me dis que si la bonté est écrite ici c’est qu’il est normal que nous partions et que la machine qui avance est là pour nous le dire. Oui, la machine est forte, grande, on ne pourra pas l’empêcher d’avancer. La colline est mon premier livre. Je saurai plus tard que ces bons étaient des bons de livraisons, d’expéditions de marchandises. Des marchandises comme nous, qui nous baladons au gré des bons. Je les aimais au fond ces papiers, ces signatures grandiloquentes , impressionnantes d’autorité et de vérité.

Lire la suite...

L'ennemi ( 6 )

Je pourrai aller où je veux maintenant. C’est comme si je venais de gagner les clefs de la liberté. Ma mère a eu tellement peur qu’il me semble qu’elle n’aura plus jamais peur tant elle tremble encore. Même si je sais qu’elle a toujours peur et qu’elle ne veut pas le montrer. Je le lis dans ses yeux. Une nuit de grand vent alors qu’au dehors les arbres se déchaînaient, que la porte de l’écurie claquait je l’entendis crier : ” C’est lui ! ” Ce cri m’a réveillé. Très vite j’ai compris et à chaque fois que cela s’est produit il n’y a plus eu d’étonnement de ma part. C’était toujours quand il y avait du vent et celui qui aurait pu frapper à la porte était son fils. De dix huit ans plus âgé que moi, la France, la belle France nous l’avait enlevé pour nous plonger dans la peur et la rancune. Je ne pourrai jamais jouer avec mon frère. Mais je peux parcourir à en perdre haleine les chemins aux hautes herbes là, où personne ne passe, grimper avec fougue aux arbres que je connais bien. Chaque branche, je la connais. Elle est comme une amie qui me dit : ” Je te tiens, ne crains rien “. Et je vais très haut presque à la cime d’où je vois l’étendue de la forêt, des champs et là-bas tout au loin une usine ferroviaire qui avance, qui se met à déverser une colline de gravats, de ferrailles, de papiers. La colline avance sur mon territoire. Il faut que j’aille voir de plus près cet envahisseur ennemi qui se rapproche. De plus en plus vite chaque jour. Maintenant j’ai sept ans. Je ne sais ni lire ni écrire mais je connais le froid de la blanche neige, les fruits sauvages que j’aimais vendre à des yeux curieux et inquiets dont j’ai appris le langage , la musique que j’ai inventée avec ces instruments que les enfants inventent mais surtout je connais la solitude, cette compagne merveilleuse avec laquelle je parle sans cesse et qui me dit : ” Vis “

Lire la suite...

Le cellier ( 5 )

Et voilà les boules qui continuent, vertes, rouges, bleues, comme si elles facilitaient l’appétit ! Et cet enclos de bois perché en hauteur qui se refermait avec une trappe d’où je ne pouvais m’échapper, condamné à boire et à manger : une chaise à bébé. A cinq ans,comme je suis petit et peu gros ma mère m’y engouffre quand même et je lui fais comprendre en me tortillant que le temps est venu de me laisser courir seul et qu’elle n’avait pas de crainte à avoir. Ah les mamans, ce quelles sont peureuses et précautionneuses avec leurs bavoirs et leurs recommandations ! Je suis placé près du cellier, ainsi quand elle descend elle peut jeter un oeil vers le haut et s’assurer que je ne me sauve pas. Elle sait que je fais tout pour sortir de cette mangeoire-prison. Je ne suis pas un cheval attaché à l’écurie mais je rue gentiment et j’aimerais aller au cellier voir ce qu’elle y fait. Et puis je l’avoue je n’aimerais pas qu’on lui fît du mal. L’ombre sombre, les histoires de chevaliers avec des épées, pour peu qu’il y en ait un caché sous les marches de l’escalier, les pas gravés dessus, iraient-ils encore se cacher là ? Alors j’ai brutalement une peur qui me vient. Enfermé dans ma geôle, près des douves du château, je ne perçois aucun bruit, aucun froissement, que fait-elle ? Je me penche pour scruter le trou sombre où rien ne bouge. Soudain l ‘édifice où je perche tout en hauteur bascule et je suis projeté comme un boulet par une catapulte. J’atterris la tête en avant sur la terre. Je ne vois rien, ne devine rien, pas de soldats mais l’odeur moite et froide du sol. J’entends crier très fort. Des nuages lumineux me viennent à la tête et je ne sens rien qui me fasse mal, au contraire, c’est comme une histoire avant de s’endormir. Pendant la chute j’ai eu peur, mes yeux sont devenus gros. Maintenant je vois ma mère tout près, pourtant il fait noir ici. Elle me prend dans ses bras, son visage est mouillé, elle mouille le mien et crie du fond de ce trou que je n’irai plus jamais dans la chaise à manger. A cet instant je suis content en espérant que pour me débarrasser du bavoir ce serait moins douloureux.

Lire la suite...

Le Paradis ( 4 )

A la baronnie d’ Emblise il n’y avait pas d’eau courante mais un puits et une pompe à main. J’aimais l’actionner. Il fallait attendre le glou-glou avant que le jet magique d’une pureté absolue n’entre en contact avec le monde terrestre. Non loin, les écuries intactes gardaient de lourdes mangeoires en pierre qui avaient servi à ravitailler les chevaux. Il me semblait entendre des hennissements et des piétinements à chaque fois que je passais la lourde porte. Mais pas de peurs, ni du noir, ni des recoins aux toiles d’araignées géantes comme s’étant nourries pendant des siècles, ni de ces voix venues d’un autre âge. Tout semblait vivre comme à l’époque quand les seigneurs avaient déserté l’endroit ; ils avaient dû croiser le fer âprement avant de quitter leur domaine et ce paradis niché au sein d’une forêt protectrice. Il y avait des terres autour. Quand arrivait le printemps des agriculteurs qui en avaient l’usage se mettaient au travail et préparaient la terre. Ils y plantaient betteraves et pommes de terre. Une fois leur récolte faite, avec ma mère nous allions glaner les fruits restants que nous stockions avec précaution au cellier. Ce dernier se trouvait sous la cuisine et le sol était en terre battue. Les trois lourdes marches de l’escalier qui y menaient portaient la marque des chaussures du passé car la terre argileuse en avait façonné les traces. Je marchais sur les pas de Gautier et de Godefroid et il me semblait entendre parfois le bruit d’une armure ! Il fallait en effet penser aux provisions pour l’hiver. Quand la neige recouvrait le chemin, certains hivers nous isolaient complètement. Le blanc paysage était alors féerique. Je dormais sous la croisée. La cheminée crépitait de ses derniers feux, envoyant par intermittence ses lueurs dormantes quand un hibou familier venait prendre une place devenue quotidienne sur le rebord, comme envoûté par leurs incandescentes rougeurs.

Lire la suite...

La maison ( 3 )

“Mais où allons-nous ? ” entendais-je ma mère qui me paraissait s’inquiéter. La camionnette s’était en effet engagée sur un chemin de terre et avait brusquement quitté la grand-route. Les phares balayaient une nature qui n’avait pas l’air de recevoir souvent de visites. Les arbres sous les lumières saccadées paraissaient des géants de carnaval. Dans la nuit noire ils me prenaient dans leurs bras ou je leur prenais la main et nous partions en courant en faisant des bonds jusque dans les nuages. Ils étaient joyeux, c’étaient de bons camarades. Ils le resteraient toujours, j’en étais sûr. Le chemin semblait interminable. La camionnette plongeait dans les ornières ou partait à gauche ou à droite quand les trous étaient trop profonds ce qui nous secouait sacrement ! Voilà le bout du chemin : une maisonnette de garde forestier à belle allure de petit château transformé pour la fonction.Ce qui me frappait en premier c’étaient les fenêtres : rondes dont une croix divisait en quatre leurs vitres. Perdue au milieu de la forêt, de la nuit noire, cette résurgence de l’histoire au silence assommant baignait sous la lumière de la pleine lune. La lune serait désormais le réverbère naturel de ce petit château ! Ma mère s’est effondrée. Peut-être qu’elle regrettait d’avoir choisi ici sa nouvelle vie. Je comprenais à cinq ans qu’il ne fallait pas se tromper, que si l’on se trompait on aurait du chagrin. Moi je n’étais pas sur le coup d’une erreur puisque mes parents décidaient pour moi. J’étais heureux. Je les trouvais originaux. Nous étions seuls ici, personne autour et je me sentais riche de cette solitude. Les gens riches, je le saurai plus tard, sont des gens seuls. Cet endroit avait un nom : La baronnie d’ Emblise, près de la frontière franco-belge. Ce nom signifie ” bois du château ” ou ” bois de la forteresse entourés de marais ” ou ” hameau entouré d’eau “. Il n’y avait plus de marais. Nous étions sur les terres ancestrales des seigneurs d’ Emblise, de Gobert prince de ligne et du Saint Empire, foulées par Julienne de Looz, Gauthier II, Godefroid III d’ Aspremont. J’en inspirai leur mémoire mais je me faufilerai surtout dans les buissons et guetterai en silence la vie secrète des oiseaux et des lièvres qui avaient survécu à leurs flèches !

Lire la suite...