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Un bon maître... un peu cocasse ( 9 )


                                                                  Ce genre de personnage à la moustache évocatrice dont la célébrité était répandue dans le village avait au moins un avantage c’est que je ne suis pas près d’oublier mes débuts sur la scène du théâtre scolaire. Ainsi que la grosse boule bleue près de la porte d’entrée avec toutes les mers du monde qui entouraient les continents et sur laquelle je ne vis pas ma maison. Encore une boule. Je me ” civilise ” de jour en jour à coups de punitions et de brimades, pardonnant volontiers à celui qui ne connaît rien à l’air pur que d’en être jaloux. Il y a des bons et des méchants. ” Il faut se méfier des oiseaux moustachus ” me dit ma mère, elle qui avait entendu à la radio les vociférations de ce type d’animal de foire qui effraie les enfants à cause des poils qui surplombent les baisers . "Ils ne sont pas normaux" me disait-t-elle. Les miens d’oiseaux n’ont pas de moustache. Ici, dans ma forêt je n’en vois pas et j’y ais moins mal au ventre que dans la classe du corbeau moustachu.

                                                                                     
                                                                                                    ***  

                                                                   Puis enfin le calvaire de l’instruction à coups de punitions a cessé pour laisser place à l’instruction du football. Ce n’était pas un frustré celui-là, un tourmenté de la citrouille qui rêve de jeter tout le monde par-dessus bord pour se glorifier devant le miroir de sa folie. Loin de là, mais un passionné de football, hanté par le ballon rond jusque dans l’exercice de son métier. Des posters partout de Just Fontaine, de Kopa… Et en prime pour nous, les provinciaux des années cinquante : la radio qui faisait à peine son apparition dans les chaumières. La retransmission des matches de football à la radio pendant les heures de classe. Que rêver de mieux quand les yeux des gamins s’échappent par les fenêtres pour suivre le papillon se posant sur la rose du jardin du directeur de l’école ou se sentir invité par le moineau qui picore à la gigantesque fenêtre, chauffé par le soleil du matin. C’était le “bon” parfait ce maître là. Un homme descendu de la lune, aimant les enfants comme les siens. Aimant aussi les mamans qui les fabriquent. Bref, il baignait dans l’amour. Il avait compris que l’amour ne donne pas mal au ventre, que le temps est accepté et non pas subi et surtout qu’à travers la joie et le jeu on donne envie d’apprendre.

                                                                   
                                                                                                      ***

                                                                    Il eut certainement envie d’apprendre les joies du ballon rond à ma mère car qui ne vîmes nous pas débouler un jour en vélo, ballotté par les ornières de notre forêt d’Emblise ? notre amoureux de la vie, pardi ! Curieux de nous connaître, surtout ma mère, il avait osé s’aventurer dans la forêt au mépris des bandits ou voleurs de grands chemins qui peuplaient l’imaginaire des ” gens de la ville, “qui voyaient disparaître peu à peu arbres, fleurs et papillons venus se réfugier près de chez nous. Pour ne pas se perdre, comme le petit Poucet guidé par les cailloux, son nez avait suivi l’odeur chaude et appétissante d’un chou qui mijotait parmi ses lardons. Il descend de son vélo en rattrapant son équilibre, balbutiant qu’il venait conter à ma mère, forcément à elle, mes résultats scolaires.Il fut accueilli par ce sourire que je lui connaissais bien et ce regard bleu-azur qui n’avait rien perdu de son éclat vivant, lui qui me contait quotidiennement l’odeur de la poudre, des fusillades et des brimades. Ma mère avait très vite saisi ce qui devenait important à cet instant : le chou ! Il embaumait à tel point qu’il me vint la crainte de voir arriver des escadrons de cyclistes pour réclamer leur part ! ” Vous prendrez bien un peu de chou ? ” lui proposa-t-elle. Et voilà mon amoureux de la vie qui pour toute réponse était déjà attablé guettant la précieuse casserole ! Je voyais mon maître engloutir sans nul souci de paraître dérangeant ou gourmand et se balancer en arrière une fois l’assiette vide comme pour en redemander. ” Je ne voudrais pas abuser et vous priver de votre repas “. Une réponse à une question qui n’avait pas été posée tant l’enfant que nous avions sous les yeux nous épargnait tout propos inutile. Ma mère remplit l’assiette et quand elle fut vidée le maître d’école dégoulinait de toutes parts de chou, sur le menton, les mains et sur l’imperméable qui emporterait les taches et l’odeur ! Il aurait vidé la casserole c’est sûr si nous avions un peu insisté. ” Ta maman est bonne cuisinière ” me dit-il en me tapotant le haut du crâne et il enfourche sa bicyclette précipitamment. Il était comique cet homme-là avec ses pinces à linge au bas des pantalons. ” Qu’est-ce qu’il voulait ton maître ? ” me demanda ma mère.” Parler de l’école, sûrement ” lui répondis-je !

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