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Publications de Claude Miseur (166)

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La Poésie doit-elle être intelligente ?

Chroniques du chemin 

 

On sait bien que,  en tant que musicien rentré, j'aime marcher avec vous sur un chemin prioritairement musical.

Aussi,  après Mozart lors d'une première promenade sur nos chemins de dialogue, j'aimerais évoquer Boulez.

Il n'est pas injurieux d'affirmer que, remarquable chef d'orchestre,  musicien qu'on aime ou pas, Boulez fut aussi un chef d'entreprise, sinon de guerre. Sorti tout armé dans un tank de son bunker IRCAM, escorté de para-commandos tel Stockhausen ou de jeunes chevau-légers extasiés et déjà oubliés, appuyé par les expériences de John Cage,  Boulez, en bon autoritaire, a fait table rase de tous ceux qui osaient, plus ou moins activement, contester son leadership. Exit Sibélius (« le plus mauvais musicien du monde »), Poulenc, Taillefère, Ibert.  Ecrabouillé, Berlioz excepté, ce « hideux » XIX è siècle français. Stravinsky traité de décadent dans sa production d'après 1913, Jolivet rebaptisé « jolinavet », etc... Dans ce paysage dévasté furent seuls tolérés Messiaen et Dutilleux, trop forts sans doute pour être les proies de l'aigle de Montbrison.

La poésie des années soixante-septante a elle aussi connu ces razzias. Bien abrités dans des bunkers universitaires, protégés par des éditeurs « modernes », réchauffés dans l'utérus des colloques et séminaires, biberonnés par la presse spécialisée, les poètes de cette école, dignes successeurs de l'Ecolier limousin, ont trouvé sur leur chemin quelques grands rires rabelaisiens- celui de Norge, de Tardieu de Desnos ou, plus ricanant, de Péret ou Vian, qui les ont piteusement désarmés.

Et c'est là, à mon sens, la question essentielle posée à la poésie contemporaine : le poète doit-il être intelligent ? Et d'abord, qu'est-ce que l'intelligence en poésie ? Gardons-nous de la confondre avec le savoir. «La môme néant» de Tardieu, les fabuleux poèmes en prose de Norge, les réflexions de Thiry sur la peine de vieillir, les rêves transcrits du Desnos adolescent, tout cela, à côté de quelques autres, ne constitue-t-il pas l'essence profonde et « intelligente » de la manière poétique d'être au monde ? Quand Supervielle évoque l'oublieuse mémoire ou la mort, relais où l'âme change de chevaux, n'est-il pas bien plus « intelligent » que  cette foule de poètes « blancs », du non-dit et de l'aléatoire ?

Qu'on me comprenne bien : je préfère de loin une poésie mystérieuse, voire obscure, à cette « poésie du quotidien » qui fait parler les égouts et les bicyclettes. Mais j'aime que cette obscurité corresponde à une nécessité intérieure sans faille (comme chez Reverdy) et non à une pause intellectualiste.

Ce n'est pas dans la déconstruction du langage que se trouve le secret de la poésie contemporaine, sous peine de se ghettoïser, mais dans la tentative rimbaldienne de reconstruire, par une active méditation, un monde intérieur perçu comme éclaté.

Mais vous n'êtes pas obligés d'être de mon avis : peut être, plus intelligents que moi, préférez-vous les séminaires poétiques obscurs au chant nocturne du rossignol ?

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L’OREE DU BOIS

L’OREE DU BOIS

 

 

Tu me dis que tu aimes le mot ronce,

Et j’ai là l’occasion de te parler,

Sentant revivre en toi sans que tu le saches

Encore, cette ardeur qui fut toute ma vie.

 

Mais je ne peux rien te répondre : car les mots

Ont ceci de cruel qu’ils se refusent

A ceux qui les respectent et les aiment

Pour ce qu’ils pourraient être, non ce qu’ils sont.

 

Et ne me restent donc que des images

Soit, presque, des énigmes, qui feraient

Que se détournerait, triste soudain,

Ton regard qui ne sait que l’évidence.

C’est comme quand il pleut le matin, vois-tu,

Et qu’on va soulever l’étoffe de l’eau

Pour se risquer plus loin que la couleur

Dans l’inconnu des flaques et des ombres.

Yves Bonnefoy

(Ce qui fut sans lumière - Mercure de France 1987)

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Instantanés du temps de l’enfance

Instantanés du temps de l’enfance

Je me souviens ... malgré ma mémoire infidèle :
L’herbe … après : l’univers ! …Quelqu’un, là-bas, j’appelle.
Il me plaisait ainsi, dans l’air, d’appeler loin …
Le thym embaume – et le soleil dort … dans le foin.
Et puis ? Quel rêve encore me vient du premier âge ?
Le jardin – familiers mfeuilles, visages …
Feuilles, visages, seuls. Rien que feuillage, gens !
Bout de sentier : je ris ! S’en retenir ? comment ?
Je cours, tête mêlée aux nuées, aux murmures.
Le souffle empli de ciel, l– de hautes ramures !
Puis le ruisseau, la digue où vont mes pas joyeux …
De si loin les entendre ! Un « si loin » merveilleux !
Retour à la maison par l’herbe où l’on gambade
Et l’escalier ravi d’un bruit de galopade !
La chambre débordant d’avrils, d’ardents juillets !
J’y traînais ce corps mien … Les lèvres j’appuyais
A la vitre … Partir … vers rien – la transparence
Et sans limite, à fond, sentir …cette existence.

Bolesław Leœmian

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Entendu sur Music 3  

 

Autoportrait André Lambotte, obstinément,

 

(commissaire de l’exposition Ostinato à Namur)

 

 

Faire image par la musique, voilà qui a mobilisé nombre de compositeurs : Debussy dans ses Images et Estampes, Messiaen à travers les équivalences entre timbres et couleurs, Janacek par la démarche coulée d’une renarde aux aguets. Le terrain est toujours aussi fertile et un mot tel que « spectre » s’applique aussi bien au sonore qu’au visuel. Mais dans l’autre sens, les artistes requis par le « voir », font-ils acte musical dans leurs œuvres ? C’est la profonde conviction d’André Lambotte (Namur, 1943) qui, dans la foulée de ses propres œuvres qui portent la marque de la basse continue, a imaginé une exposition visant à établir cette interaction entre dessins et musiques sous l’intitulé « Ostinato ».

 

Conviction qu’il existe un lien fondamental qui dépasse le cloisonnement où l’on maintient, d’un côté, la musique comme art du temps et, de l’autre, les arts visuels liés au sens de l’espace. Cette séparation est moins étanche qu’il n’y paraît, en particulier pour des artistes qui recourent souvent à la répétition - ligne, trait, point, couleur - parfois proche de l’écriture, comme les mélogrammes de Jacques Calonne, imaginés dans la lignée des logogrammes de Christian Dotremont. Par la voie du rythme, la connexion est étroite entre les personnalités de Steve Reich, John Cage et György Ligeti et les dix-sept artistes des cinquante dernières années rassemblés à la Maison de la Culture de Namur par André Lambotte, lui-même proche du compositeur Jean-Yves Bosseur. Cet autoportrait sera souligné par les musiques dont André Lambotte est un inconditionnel à la fois éclectique et raffiné : que ce soit du côté du jazz pour les musiques improvisées, par le biais de la sanza africaine et du doudouk arménien pour les musiques traditionnelles, quelques contemporains de premier ordre comme Giacinto Scelsi, et Jean-Sébastien Bach, qui savent ce dont il retourne – ritourne devrait-on dire, dans l’ostinato.

 

signé Philippe Dewolf

 

Ostinato : dessin, musique, interactions,

Maison de la Culture de Namur, jusqu’au 28 avril 2013.

André Lambotte est membre de l’Académie Royale des Sciences, des Lettres, et des Beaux-Arts de Belgique

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Poètes du rien, si essentiels

Variations et Sortilèges

est un ouvrage au tirage limité, aux belles illustrations.

Claude Miseur et le dessinateur P. De Meulenaere y déclinent l’été, avec les mots du désir pour investir la page.

Il y a ici, une étreinte du vent, des lèvres chaudes. Un merle pressé de confier à la nuit

C’est plein de sève, de sucs, d’ors, et le poète dans le sursis de l’ombre se préserve un abri pour son cœur.

Une élégante écriture, traditionnelle sans doute, mais au timbre qui sonne vrai, qui résonne de cœur.

 

‘Poètes du rien, si essentiels’

in Poésie – panorama – Le Journal des Poètes – n°1 - 2013

Philippe Leuckx

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Rencontre du Cercle de la Rotonde, le vendredi 26 avril 2013 à la Bibliothèque de Tournai (Salle de Lecture)

Lecture-spectacle « Le diagonaute amouraché » (18h)

Entretien avec Patrice Breno, Timotéi Sergoï, Christine Van Acker (18h45)

Présentation de la collection nomdidomme et Cocktail dînatoire (20h)

Veillée des Auteurs (20h45)

Animation : Marie-Clotilde Roose

En savoir plus:

http://www.lecercledelarotonde.be/rencontre-du-cercle-de-la-rotonde-le-vendredi-26-avril-2013-a-la-bibliotheque-de-tournai/

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La Poésie, ne serait-ce pas … ?

La Poésie, ne serait-ce pas …?

  

Privilégier le vécu à toute abstraction lyrique, métaphysique, linguistique ou sémiologique.

Concevoir une expérimentation poétique qui ne se réduit pas à une expérimentation sur le langage.

Dynamiter les oppositions de principe entre le réel, la langue et le sujet. Faire du poème le point équidistant de ces trois composantes.

Songer que la révolution de la langue ne suppose pas un abandon du sens, et que le souci de la forme ne se résume pas à un jeu de miroir dans lequel le texte renvoie à son processus de production.

Se rappeler, à l'inverse, que la poésie n'est pas la seule expression d'une émotion, mais également un art du langage.

Ajouter une pointe d'humour, d'ironie et de fantaisie. Refuser la gravité affectée, la religiosité, la pompe, l'emphase d'une part, et le fabriqué, le calculé, le programmé d'autre part.

Elaborer une écriture qui prend en compte les contradictions du monde et de l'écriture même. Tenter d'organiser dans le poème le chaos ambiant.

Exprimer sa sensibilité. Faire parler les voix qui s'expriment en nous, familières et/ ou littéraires, voix dont nous sommes les dépositaires.

Abolir les frontières: le réel est moins réel qu'il n'y paraît, l'imaginaire moins imaginaire qu'il ne pourrait le laisser croire.

Ecrire pour garder ou découvrir des sensations, images réelles ou rêvées. Ecrire pour vivre pleinement chaque instant de l'existence.

S'attacher à dire l'envers de la réalité, à retranscrire une réalité fantasmatique.

Arracher les masques des tenants de l'ordre poétique. Pourfendre l'esbroufe esthétique, le prêt-à-penser, la littérature industrielle.

Rejeter la pseudo-fatalité et la pseudo-liberté actuelles, qui

consistent avant tout à exploiter la faiblesse et la bêtise humaines.

Etre attentif à l'écriture des autres.

Garder son indépendance et défier les possibles en avançant par amalgame et par synthèse.

 

Romain Fustier

 

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Matthieu Baumier, « Le silence des pierres »,

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  • Matthieu Baumier, « Le silence des pierres », Le Nouvel Athanor, Paris, 1913, 92 pages, 15 Euros.

Au fil des ans par les différents genres qu’il aborde Matthieu Baumier crée le « poème de la pensée ». Philosophe mais surtout écrivain il descend au plus profond de l‘aventure poétique-existentielle. Elle peut se résumer dans quatre vers majeurs du « Silence des pierres » :

« Je retiens ceci :

Le Poème est rouge du sang de la neige.

Il est encore temps de proclamer

La solution finale du problème de la prose.

La « vidange » de la prose passe désormais par la force de l’appel, de l’adresse inclus dans ce texte. Baumier y évoque une pensée de l’essence, de l’essentialisme par delà même l’éthique et le sacré. Certes tout semble se pétrifier dans le silence. Mais l’irruption poétique peut embraser jusqu’aux pierres dans une conversation ininterrompue avec les terres obscurcies de l’être et du monde. Tout passe par le refus – et c’est l’essentiel – de la parole qui se rompt. Baumier croit en effet en la langue. Elle seule permet d’atteindre

« Les signes évidents et absurdes

De l’Ile silence

Où nous renaîtront à la racine des eau».

Le poème redevient une odyssée première vers l’île inconnue où « l’aucun J’étais »  cherche ses morceaux séparés ainsi que ceux du monde.

La gravité du chant est impressionnante. Elle surgit dans le geste « absurde » et parfois dénoncé comme tel mais geste concerté de la poésie. Elle devient l’exhortation, permet de sortir de l’enlisement. « Le silence des pierres » est le réveil lucide de la conscience loin de toute candeur. Il progresse dans des franges d’écumes noires contre la mort que l’on se donne et qui nous est donnée. Renonçant aux songes dévastés, aux étendues nocturnes Matthieu Baumier tourne le dos au somnambulisme qui transforme le poétique en un territoire où la détresse rougeoie au dessus des cendres. A l’inverse, et face à la nuit de l’être l’auteur n’oublie pas les dieux qui l’habitent. Il cherche la voix obscure qui parle dans le sujet afin de la porter à la résonnance. La poésie entre ainsi dans le corps de l’être et celui de la langue. Elle n’évite pas le trouble, le doute mais elle met le maximum d’être dans le langage. Elle est à sa manière dans l’écho qu’elle propose la plus parfaite contre-hystérie. Au lieu de fixer la perte, de caresser le « rien » dont se satisfont trop de poètes, sa folie est bonne dans sa « coulée saillante »En se moquant au besoin  des métrages l’émotion s’y déverse de manière tumultueuse. Mais la réflexion n’est pas absente. Le tempo des syllabes, leurs scansions suffisent parfois au logos qui trouve là un autre côté du langage et une pensée « sauvage ».

« Le silence des pierres » est à ce titre une célébration de la poésie. Elle devient aussi l’approfondissement de son oralité. Ce n’est peut être pas le but premier recherché par l’auteur. Mais il n’empêche : passer ce texte à l’épreuve de ce que Hugo nommait le « gueuloir » permet de comprendre la puissance d’une œuvre qui tord le cou aux adorateurs du blanc et aux farceurs qui klaxonnent leur « mourir d’amour ». Pour Baumier la poésie n’est pas une affaire de géométrie dans l’espace ou d’émotions à deux balles mais de problème poétique. La pensée bouge ici en osant lesaut dans le tumulte de l’être et de la langue, dans les mots noirs d’une chair ou d’une âme exilée. L’auteur ouvre à une sorte de syncrétisme afin de rassembler le moi perdu, le je éclaté. Ecrire reste l’exploration de la propre étrangeté de l’être. Baumier devient dans son texte la voix de son autre («Un de l’autre côté»  de Jabès) et l’autre côté du discours là où ça ne parle pas encore – ou trop confusément.

Ce qui jusque là avait attendu de sortir surgit soudain. Et la poésie semble sinon sauver du moins indiquer une voie. Cela est rare. Après Char, Juarroz et Jabès mais par d’autres voies et à côté d’un Zéno Bianu, Baumier est un des seuls poètes du temps à la porter si haut. Cherchant l’autre côté des apparences l’auteur est resté totalement dans la poésie. .Philosophie et spiritualité ne l’écrasent pas, elles sont soulevées par le langage en sa quête organique. A ce titre il rappelle ce queGamoneda définissait comme seule poésie :

« elle retentit dans mon ventre 

tant de jours en moi jusqu’à connaître la peur;

tant d’heures en toi

jusqu’à connaître ta peur».

Pour autant Baumier ne s’arrête pas dans un tel enfermement. Sa poésie se fait verticale. L’auteur se dégage de cette peur afin d’atteindre une forme d’aurore au sein d’un combat poétique et vital. Il fait parler le silence afin qu’une fois en mots l’être chargé de ses origines et de son universalité puisse s’exprimer le plus près possible de son intégralité

© Jean-Paul GAVARD-PERRET

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