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souffrance

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Ta souffrance est multiple quand elle est tienne !

Douleur corporelle, je la vis et je la maudis, morale, je la méprise !

Ma souffrance est complexe quand elle est mienne !

Douleur corporelle, je la vis et je la supporte, morale, je l’exècre !

Du corps, elle est imprévisible et elle se soigne, du cœurs, bien souvent, elle se provoque et le cœur a ses raisons que seul il comprend. La souffrance survient mais comment la soigner ?

Je suis parfois de ceux que le cœur rend malade, j’essaie de me soigner et tu es le remède !

Pourquoi ne le suis-je pas pour tes souffrances corporelles ?

 

 

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Tendresse et fantaisie

 

J'abrite en moi deux demoiselles,
Liées, comme des tourterelles.
L'une fut Suzon puis Suzie,
L'autre est Suzanne pour la vie.

Suzie bat des mains et s'excite.
Suzanne sourit, elle hésite.
Certaines fois elle dit non;
Il faut écouter la raison.

Suzanne et Suzie sont artistes,
Attentives à ce qui existe,
Aux beautés qu'à chaque saison,
La nature expose à foison.

Elles ont la constante envie
De capter grâce et poésie.
Suzanne écrit avec tendresse

Et Suzie peint dans l'allégresse.

Me prélassant en liberté,
J'accueille souvent la gaieté,
Des murmures venus du coeur
Ou de mystérieux ailleurs.

20 janvier 2007

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La mariée JGobert

L’allée se remplit d’invités et de véhicules enrubannés. Dans sa chambre, des fleurs et des cadeaux,  Lili  enfile sa robe blanche couverte de dentelles, le voile se pose avec délicatesse sur ses cheveux blonds. La voilà parée comme une princesse et tout son être est envahi d’un grand bonheur. . Elle est somptueuse et ce jour doit être le plus beau de sa vie et il le sera.

Dans l’entrée, la famille attend sa descente par l’escalier que maman a décoré de fleurs blanches et de rubans.  La maison est transformée et s’apparente à un énorme gâteau honoré de nœuds, de bouquets, de gerbes. De sa fenêtre, elle voit les parterres qui resplendissent. La main de maman a fait du beau travail.

Grand-père est arrivé de bonne heure, très nerveux, c’est sa première petite fille qui se marie. Il a revêtu son habit de cérémonie et en digne descend de l’armée, il a accroché ses médailles sur son cœur, ses reconnaissances honorifiques. Fier avec sa superbe moustache, il fait toujours sensation quand il arrive quelque part.  Lili en est très fière et toujours heureuse de se promener à son bras.

Un peu à l’écart, son père très digne dans son uniforme, figé dans sa réserve, regarde devant lui et tient sa paire de gants blancs dans une main. C’est avec lui qu’elle partira vers l’autel dans quelques instants.  Ses frères et sœurs sont également alignés derrière lui et attendent dans un grand silence la venue de Lili.

Dehors, le soleil brille et des tables décorées sont dressées avec des rafraichissements. Le personnel voyage entre les invités qui parlent et commentent cette belle journée.

Son futur mari vient d’arriver avec sa famille.  Son bouquet à la main, ému et un peu stressé, il cherche du regard sa Lili qui n’est pas encore descendue. Son uniforme d’élève-officier lui sied à ravir, il ressemble à un indomptable.

La porte de la chambre s’ouvre et Lili apparaît sur le palier. Les larmes de sa mère coulent doucement, le maquillage sera à refaire. Ce petit bout qu’elle a tant aimé est devenu une si jolie femme.  Lili descend dans sa robe blanche et son père s’approche dans un geste tout militaire, la salue et lui offre son bras. Grand-père est bouleversé de voir tant de beauté, d’éclat dans ces gestes simples et si important pour lui.  Cette hiérarchie militaire que son père lui-même avait commencée. Le couple sort sous les applaudissements des invités.  Le père de Lili, d’un pas décidé, l’emmène vers son nouveau destin. Sa mère suit réconfortée par ses fils.

Le cortège se met en marche et arrive à la petite église couverte de bleu. Un joli perron fleuri  attend la mariée où son promis est déjà arrivé. L’émoi se repend et les yeux mouillés, il s’avance pour la prendre par la main et l’emmener vers l’autel.

Les amis de son père font une haie d’honneur à ce jeune couple, tous en habit d’officier, c’est d’un bel effet.  Grand-père a pris la parole pour dire combien ce jour est important pour les deux familles et combien il sera enchanté de voir sa petite fille heureuse avec ce grand jeune homme dans l’avenir. La cérémonie est pleine de chaleur et d’affection.

De retour à la maison, le salon ouvre ses portes sur un superbe banquet.  Chacun a prit place et attend avec impatience l’ouverture du bal. Lili a revêtu une robe plus seyante pour danser. Blanche et décolletée, elle offre aux regards un spectacle tout aussi beau que sa robe de mariée, ses cheveux défaits descendent en cascade sur ses épaules.

La musique commence par une valse lente,  Grand-père est le premier à valser avec la mariée. Un deux trois, un deux trois… C’est le plus beau jour de sa vie.

Son père, en gant blanc, enlève Lili à Grand-père et s’élance dans une valse de Vienne qui fait tourner les têtes. Le couple tourbillonne et avec une douceur incroyable dépose Lili dans les bras de son mari pour achever cette valse et commencer ensemble une nouvelle existence.

JGobert

 

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La mort d'Adrienne

  

Quand commence-t-on à mourir? Cela dépend. Il y en a qui meurent plusieurs fois avant de mourir pour de vrai. Naturellement, ce n'est pas bien.  Il devrait y avoir un signe.

Adrienne haussa les épaules. De plus en plus souvent, elle se faisait des réflexions saugrenues.

Parfois cependant, il s'agissait de choses sérieuses. Qui nierait que de se préoccuper de sa notice nécrologique ne soit pas sérieux? Certes, si vous mourrez longtemps après ceux des membres de votre génération, il risque de ne plus rester grand monde à qui votre nom dira quelque chose. D'autant que, et c'est un fait qu'on pourrait  qualifier de "société", les jeunes ne s'intéressent que très peu à la page nécrologique des journaux. Ni aux vieillards. Les  jeunes prétendent que les vieux sentent ‘le vieux’.  

Ils se ruent directement sur la page sportive.

Quant aux journaux, ils ne s'intéressent à la nécrologie que par cupidité. Ils la relèguent à la fin du journal, avant l'article qui relate la victoire d'un club de football. A la page nécrologique, on pleure ou, en tout cas, on compatit. A la page suivante, on se réjouit. C'est indécent.

La notice nécrologique a autant d'intérêt que le défunt lui-même. C'est le seul texte, si on le rédige soi-même, où on peut dire de soi tout le bien qu'on en pense. Discrètement, bien sûr. Il y des règles à observer. Un vocabulaire spécifique qu'on intègre à force d'en lire. Ce qui est drôle, quand on doit la rédiger soi-même, - imaginons qu'on est le seul survivant de la famille et qu'on refuse qu'un étranger en soit le rédacteur,- c'est qu'il faut penser à la date du décès qui doit figurer après que la date de la naissance a été précisée.

Adrienne Lenormand a l'honneur de vous annoncer le décès d'Adrienne Lenormand, dite Didi, née le 13/01/… à Farnière, décédée le…? Le lieu du décès, soit, on peut l'indiquer par avance, Adrienne qui peine à se déplacer dans son appartement risque peu de mourir ailleurs.

Quant à la date du décès, elle sait que c'est un faux problème. Elle sait que la notice sera rédigée par la préposée aux Pompes Funèbres qui connaitra fort bien la date du décès de sa cliente.

Pour Adrienne, c'est ainsi qu'elle se prénommait, la notice n'avait de sens que parce qu'elle l'obligeait à se souvenir. Se souvenir, c'était vivre une seconde fois et parfois, c'était vivre mieux que la première fois. De penser qu'elle pourrait souligner Adrienne Lenormand, dite " Didi " lui était particulièrement agréable. Didi, exprimait la partie la plus intime, la plus excitante de sa vie.

C'était d'abord l'amour que lui portaient les siens,  c'était ses amours de femme, c'était penser à ses amants. A ceux qu'elle avait eus dans son lit ou dans le leur. A ceux qu'elle regrettait de n'avoir pu les y mettre.

Ces souvenirs-là étaient les plus douloureux à évoquer.  On connait le scénario, on imagine les gestes, les mots, les sentiments, mais il y manque le sceau de l'authenticité.

L'appartement d'Adrienne était situé avenue Lebeau, au troisième étage d'une ancienne maison de maître. Trente ans plutôt, c'était ce que les agences immobilières définissaient " maison de standing ". Une concierge nettoyait les communs.

Aujourd'hui la conciergerie servait de remise à vélo pour les locataires du second étage, et de réserve pour le propriétaire du quatrième gauche. Il y entreposait des meubles dont, depuis quatre ans, il avait l'intention de se défaire au plus vite.

L'appartement, pour une personne seule, était grand. Trop peut être. Il était rempli de meubles dont chacun rappelait un évènement particulier ou un cohabitant différent. Adrienne avait été la compagne de deux veufs successifs dont elle aurait pu être la veuve si elle les avait épousés. Pour le reste, de leur vivant, elle avait connu d'autres hommes mais il ne s'agissait que d'amants passagers.

La femme d'ouvrage venait trois après-midi par semaine. Deux auraient suffi, Adrienne ne salissait pas beaucoup. Mais la troisième lui fournissait l'interlocutrice dont elle avait parfois besoin. Un visage qui secouait la tête pour approuver ou une voix qu'on devinait pleine d'intérêt.

- Non, c'est vrai, madame !

Le jour de son anniversaire, Adrienne eut soudain envie de retrouver  les noms de ceux qui l'avaient connue.

Elle prit le répertoire téléphonique, petit cimetière de cuir, où elle avait au fil du temps consigné des noms et des adresses. Où au contraire  biffé le nom de ceux qui n'étaient plus. Parfois elle avait hésité. Était-il mort ou vivant ? Fallait-il raturer son nom ou pas encore ? Du coup, des gens décédés continuaient de vivre. Dans le répertoire d'Adrienne.

Adrienne avait été belle. Didi, de plus, avait eu du sex-appeal. Quand elle riait, même en toute innocence, les hommes auprès d'elles, l'auraient prise dans les bras. Mais cela ne se faisait plus depuis qu'ils étaient censés être des gens civilisés. Désormais, hormis dans les rêves érotiques, pour prendre une femme dans les bras, il y fallait une autorisation.

- Je regrette, il n'y a personne de ce nom ici. Quel numéro demandez-vous?

Deux fois, elle eut une réponse identique. Après s'être fait une tasse de café, elle décida de recommencer. Au téléphone, une voix avait une résonnance que n'avaient pas les voix intérieures. Il fallait s’obstiner.

Bingo. Quelqu’un l’avait reconnue dès les premiers mots.

- Je ne me trompe pas. Vous êtes Didi ? 

- Oui Jean. J'ai eu soudain envie d'avoir de vos nouvelles.

- Vous n'avez pas changé.

Il parlait sans doute de la voix d'Adrienne. Jean était veuf, il le dit dès le début de leur conversation. Il était heureux qu'elle l'ait appelé. Il n'avait plus beaucoup de rapport avec ses contemporains. Il leur aurait presque reproché d'être morts sans se soucier de lui.

Désormais quelqu’un se souciait d’Adrienne.

Chaque semaine, il posait la même question.

- Et vous Adrienne? Vous allez bien ?

Est-ce qu'il n'avait pas été son amant? Pourquoi disait-il : vous?  Elle eut un moment de réflexion. Bien sûr que Jean avait été son amant. Un amant passionné.

Durant les quinze jours de leur liaison, ils se parlèrent peu mais ils firent l'amour tous les jours. Parfois plusieurs fois par jour. Il n'était jamais repu. Ils le faisaient par téléphone lorsqu'il se trouvait à l'étranger.

Ils jouissaient en même temps. Le téléphone peut être un aphrodisiaque, Adrienne se souvenait de l'appel d'un amant, des mots de tendresse échangés, pendant qu'un autre se servait d'elle.

Jean était trop amoureux. C'est la raison pour laquelle elle avait rompu. Elle n'avait songé qu'à l'équilibre mental de Jean. Parfois, c'est lui porter beaucoup d'affection que de vouloir faire un ami de son amant. Hélas, peu d'hommes le comprennent.

- Tu vis seule?

- Oui.

- Tout à fait seule?

- Une femme de ménage vient trois fois par semaine. Elle fait mes courses.

La voix de Jean s'était faite plus ferme.

- Je viendrai te voir dès que je le pourrai. Pour le moment, j'ai quelques ennuis de santé. Je peux, dis?

- Oui.

- Je vais raccrocher. Ton numéro de téléphone n'a pas changé ?

Il toussait, et il avait raccroché.

Elle aurait raccroché elle-même. C'était trop d'émotions à la fois.

Le lendemain, il était quatre heures à peu près, elle était assise auprès du téléphone. Puisque c'est elle qui l'avait appelé la veille, elle pouvait très bien le faire aujourd'hui. Certaines timidités, certaines pudeurs, n'entrainent que des regrets. Elle résista à la tentation. Quand le téléphone sonna, ce fut une explosion de joie dans sa poitrine. Elle avait quinze ans, pas davantage, lorsqu'elle ressentit pour la première fois ce qu'elle ressentait avec tant de vigueur.

- C'est toi, Didi ?

Qui d'autre. Les hommes sont des enfants.

- Tu es sortie, aujourd'hui?

Ensuite il lui demanda si sa femme de ménage était venue. Ils parlèrent un peu de la pluie puis, avant de raccrocher,

- J'ai beaucoup pensé à toi, tu sais. Je t'appellerai demain. Ca ne te dérange pas, au moins.

Il y eut un silence. Aucun d'entre eux ne savait s'il devait attendre que l'autre raccrochât le premier. Ce fut Didi. Privilège de femme.

A quatre heures pile, le lendemain, le téléphone sonna. Durant trois semaines, à quatre heures, le téléphone sonnait. Une fois seulement, Adrienne qui venait de la salle de bains en trainant les pieds parut agacée. Mais quand elle saisit le cornet, l'agacement avait disparu.

- J'étais dans la cuisine.

-Tu te souviens de Bernard? J'ai retrouvé sa photo.

Un autre jour, il lui demanda ce qu'elle avait mangé. Elle le lui dit;  C'est elle qui raconta que deux ans auparavant, elle avait forcé Pierre à entreprendre une croisière sur le Nil.

- Ce devait être merveilleux. Vous avez vu les pyramides?

Pierre ne s'en était pas remis, un virus probablement. Il mourut deux mois plus tard.

Un autre jour encore, Jean évoqua le caractère amoureux de leur relation de jadis.

- Tu te souviens?

Elle se souvenait mais pas de lui seul. Ses amis, ses amants formaient une galerie d'hommes souriants à qui elle portait de la reconnaissance. Ils lui avaient fait la joie de l'aimer. Mais Jean avait le mérite de vivre, et de lui téléphoner tous les jours. Et d'occuper ses pensées durant le reste du jour.

- Tu es bête, se dit-elle. Tu ne vas pas me dire que tu deviens amoureuse de Jean dont tu ne sais même pas à quoi il ressemble.

Elle devenait amoureuse de Jean. Elle ne savait pas si elle souhaitait qu'il vienne la voir ou non. Voir la vieille femme au visage fripé qu'elle était devenue? Son corps déformé.

Si ce n'était pas de l'amour, qu'est-ce que c'était?  Son cerveau avait conservé toute sa vivacité. Et cette impatience qui la poussait à vouloir tout, tout de suite. Didi était là à nouveau.

Ce fut ainsi durant trois semaines. Ils parlaient de tout et de rien comme on dit. Plutôt de rien mais ce rien avait de l'importance même s'ils ne se souvenaient plus une heure plus tard de ce qu'ils s’étaient dits.

Lorsqu’ à quatre heures ce jour-là il n'y eut pas d'appel téléphonique, elle vérifia la tonalité de l'appareil. Le téléphone fonctionnait normalement. Jean était en retard.

Il n'y avait pas de raison de s'inquiéter et de l'appeler. Ni plus tard dans la soirée. S'il ne téléphonait pas, c'est qu'il y avait une raison qu'il lui expliquerait le lendemain.

Le lendemain il n'y eut pas d'appel non plus. Ni le surlendemain. Ce qu'on ignore n'est pas certain, pensa-t-elle. Adrienne avait grignoté, elle n'avait pas faim. Elle alla se coucher avant la fin de l'émission qu'elle suivait tous les soirs à la télévision. Cela avait été une triste journée. Il n'avait pas cessé de pleuvoir. On comprend qu'il y a des jours où on n'a pas envie de se lever. C'est ça: vieillir?

Il n'y eut personne à ses funérailles. A l'exception de sa femme de ménage. Il n'y eut pas d'annonce à la page nécrologique du journal. Elle avait omis de le demander lorsqu'elle avait choisi sa maison de pompes funèbres.

 

 

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NINA LA CHATTE

 

NINA,

Silhouette élancée, élastique,

deux éventails verts,

 sur une jolie frimousse,

s'ouvrent, se ferment, étincellent,

narguent, s'amusent avec les mouches ;

coups en douce,

chapardeuse de sardines,

d'haricots verts à ses heures ;

lascive dans une flaque de soleil,

étendue, jouisseuse,

en plein bonheur ;

robe tigrée et douce,

la truffe en l'air,

charmeuse, souveraine,

féminine jusqu'au bout de ses griffes.

elle me transperce de son regard,

me touche, m’hypnotise,

un ravissement,

un délice que cette chatte là,

vous dis-je !

 

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Héritage légué ou égaré

 

Les échecs déçoivent à différents degrés,
Selon qu’on les savait plus ou moins prévisibles.
On accepte parfois un défi de bon gré,
Pensant qu’en s’appliquant tout deviendra possible.

Pas toujours vrai, hélas! et l’on s’en aperçoit
Quand on essaie en vain de devenir habile.
Si on a de l’humour, on se moque de soi
Cela le plus souvenr n'est pas chose facile.

Des hommages sincères abusent un artiste
S’ils émanent de gens dont le goût est douteux.
Des critiques sévères certainement l’attristent;
Ils viennent quelquefois de frustrés besogneux.

Comment sera-t-il sûr qu’il a un vrai talent
Quand il met ses efforts à ce qu’il aime faire?
Il lui faudrait l'avis de juges compétents

Qui possèdent savoir et rigoureux critères.

Sera-t-il honoré un jour, de son vivant

Ou trop tard, ou jamais? La réelle importance,
Pour lui, fut de capter, souvent en s’exaltant,
La beauté révélée, en grâce ou à outrance.

23 avril 2008

 

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fragiles

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Nous ne sommes rien qu’un mythe !

Diablczka et Méphisto sommes avant tout homme et femme. Homme et femme avec leurs défauts, leurs qualités et leurs faiblesses !

Nous toussons, nous pleurons, nous rions, nous festoyons, nous dormons, nous…

Nous sommes quand même à part, nos folies nous voient ainsi mais pourtant nous ne sommes que des diablotins, jamais nous ferions de mal à autrui, jamais nous n’abuserions de leurs faiblesses, les nôtres suffisent.

Faible devant toi, j’avoue l’être, un regard me fait fondre, un mot me fait rire ou pleurer, un geste me fait tressaillir.

Je ne parle pas lorsque nos sens sont en éveil et que nos amours sont de chair, si ta santé chancelle, je suis perdu, je ne sais plus quoi faire. Moi, incrédule, je prie pour que ce soit moi qui ai tes souffrances. Tes ailes déployées si souvent, alors se replient, perdent leurs plumes, je te vois alors crucifiée sur l’autel des mortels. Moi, je suis alors une partie de cet autel, un éclat fait de pierre qui terminera en poussière !

C’est alors que le mythe s’effondre, je redeviens Angelo et toi, Anna !

Anna signifie Grâce mais ne ris pas, Angelo, signifie messager ou petit ange !

Tu es faite de grâce et j’aimerai être réellement messager pour ne t’annoncer que de bonnes nouvelles !

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À chacun ses coups de coeur

 

Chacun, le désirant, s'implique.

Professionnels et amateurs

Confient parfois leurs coups de coeur,

Toujours accueillis sans réplique.

Conviés à la même table,

Assis devant des mets offerts,

Chacun très librement se sert,

Commente de façon aimable.

Les gourmands montrent leur plaisir,

Mangent de tout rapidement.

Les gourmets semblent hésitants;

Ils mettent du temps à choisir

Varient les goûts et les couleurs.

Ne tient pas compte de critères,

En choisissant ce qu'il préfère,

Celui qui n'est qu'un amateur.

Le professionnel est prudent.

Quand il reçoit des commentaires

Les seuls pouvant le satisfaire

Émanent de gens compétents.

15 avril 2014

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La mort de Thérèse

   

Thérèse, ma femme, a perdu la raison avant de mourir. Cela s'est fait lentement. Au début, elle s'obstinait sur des détails sans intérêt, je le lui disais, et nous finissions par nous disputer. Un jour cependant, à un carrefour, alors que nous nous apprêtions à traverser parce que les feux étaient passés au vert, elle m'a retenu  par le bras.

- Il y a quelque chose?

- Non. Mais où va-t-on?

- Voyons, Thérèse, ne me dis pas que tu as oublié. Nous allons chez le chausseur. En face.

Elle s'est accrochée plus fort à mon bras.

- Je veux rentrer.

Elle a répété: je veux rentrer, et j'ai vu son regard vaciller.

Depuis une zone d'ombre s'était installée entre nous. C'est ainsi que je définissais nos silences et nos regards qui se fuyaient. Je me disais: il faut que nous nous parlions sinon notre couple va se défaire rongé par notre peur de parler, et d'autant plus vite que nous avons peur de nous blesser.

Le comportement de Thérèse se modifiait. Ce n'était pas de la distraction, c'était plus que cela. Par exemple, elle qui était d'une minutie quasi rituelle elle mettait les couverts dans un ordre parfait mais elle oubliait de cuire le repas. Elle devenait imprévisible dans les actes les plus simples.

Un jour je suis rentré du bureau au début de l'après-midi, Thérèse était en pyjama, et elle s'est serrée contre moi.

- Fais-moi l'amour.

Jamais elle ne s'était conduite de cette manière. Elle dont il m'arrivait de regretter qu'elle soit si pudique  avait eu des gestes qui m'avaient surpris et exaltés tout à la fois. C'est elle qui nous avait conduits jusqu'à la jouissance.

Désormais je rentrais du bureau de plus en plus tôt pour des retrouvailles dont il faut bien reconnaitre qu'elles étaient d'abord sexuelles.

C'était une période étrange. Un jour j'ai acheté en même temps que mon quotidien une revue pornographique. Nous l'avons feuilletée côte à côte. Jamais je n'ai ressenti avec autant de vigueur à quel point Thérèse était à la fois ma femme et ma propriété, et ma maîtresse. A la pensée qu'elle pourrait accueillir un autre homme dans son lit, la rage me soulevait la poitrine. J'avais envie de la tuer.

La plupart du temps c'est elle qui décidait du jour et de l'heure où nous faisions l'amour. On eut dit tant elle y mettait d'invention, qu'à chaque fois elle se livrait à une expérience. J'avais le sentiment de devenir un objet sexuel qu'elle découvrait avec surprise.

- Thérèse, tu ne penses pas.…

Je ne savais pas comment le dire et elle, elle me regardait comme si j'étais un étranger qui s'efforçait de lui faire des propositions inconvenantes.

Un jour alors qu'à moitié nue elle m'avait poussé sur le lit mais qu'elle s'était refusée à moi au moment où je m'étendais sur elle, je me suis écartée en l'insultant.

- Tu agis comme une pute. Ou comme une folle, et moi, j'en ai assez.

Elle s'est mise à pleurer.

Je l'ai violée ce jour-là. C'est elle qui ne voulait plus que je m'écarte.

Je me répétais: elle est malade, elle est malade, il faut l'obliger à consulter un médecin. En même temps, je me demandais si c’était vraiment nécessaire.

Je me disais qu'un peu d'organisation, un peu de vigilance de ma part, l'amour que je luis portais, aboutiraient à rendre notre vie aussi naturelle que possible. Je me disais que chez de nombreux couples, ce qui me paraissait hors de la normalité convenue était le lot quotidien depuis toujours et n'étonnait personne.  

Une nouvelle vie s'offrait à nous. Je ne pouvais plus me passer de Thérèse. Il n'y a pas si longtemps, je me demandais si la routine n'était pas en train de ronger

notre   union. Je comprends aujourd’hui le sens de ces mots qui me faisaient sourire: je l'ai dans la peau.

Thérèse est morte sans s'en rendre compte. Elle a eu un léger soubresaut, puis elle s'est raidie. Durant des jours entiers, je ne suis pas sorti de chez moi. J'étais prostré et je pleurais. J'espérais que si je m'efforçais de pleurer et de rester sans bouger, moi aussi je deviendrais fou.

 

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Mes larmes de désespoir

 

 

Je me suis assise au jardin

Et j’ai laissé couler mes larmes.

Un mal de dent qui me désarme

Agit sans répit ce matin.

Quand j’ai mal, je ne pleure pas;

J’en suis tout à fait incapable.

Or la souffrance qui m’accable

N’est pas de cette sorte là.

Mon doux ami m'a fait savoir

Qu’il vient quitter ceux qu’il aime.

Recevant son adieu suprême,

J’accueille aussi le désespoir.

14 avril 2011

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Hommage de Norge

 

 

Elskamp de bois

 

« J’ai triste d’une ville en bois,

J’ai mal à mes sabots de bois »

(Max Elskamp)

 

 

Le petit bonhomme de bois

Dans sa chair taille un poème

Et sa chair est aux abois,

Cet arbre doux, ce bon chêne,

Ce lisse pommier, donneur

De rondes pommes amènes

Est une pulpe souffrante.

Ah, le bois taillé de main

Ferme saigne quand il chante !

Une sève de carmin

Colore toute l’image

Où le monde est engravé.

Et le savent à douleur

Ceux de dur et franc lignage,

Sans Pater et sans Ave,

Que rouge est couleur du cœur.

Et lors, grands âges qui vibrent :

Un petit homme benoît

Pénètre d’amour pour toi,

Pour moi,

Tant la rime que la fibre.

O petit homme de bois

De foi,

O petit homme de croix

De bois.

 

Norge

 

 

 

Hommage de Marie Gevers :

 

Max Elskamp

Naissance : 5 mai 1862. Mort : 10 décembre 1931 .

Centenaire : 5 Mai 1962.

 

 

Le jour de la naissance.

 

Max Elskamp pensait-il au jour de son centenaire en publiant l’un de ses principaux recueils de poèmes : « Enluminures » ? Il n’avait alors que trente-six ans… Les premiers vers sont émouvants à citer aujourd’hui :

 

Ici, c’est un vieil homme de cent ans

Qui dit, selon la chair, Flandre et le sang :

Souvenez-vous en, souvenez-vous en,

En ouvrant son cœur de ses doigts tremblants.

 

Toujours, nous retrouverons son cœur dans ses poèmes à la fois tendres, discrets, intenses, réservés, douloureux et d’une valeur poétique et littéraire absolue.

S’il parle de ses cent ans dès 1898, i chantera sa naissance bien plus tard, en 1922, déjà touché alors par la maladie qui devait peu à peu l’étreindre, puis l’éteindre. Néanmoins, dans « La Chanson de la Rue Saint-Paul », il s’écrie qu’il est né à la marée haute, sur le ton joyeux dont on dirait : « Je suis né coiffé ! »

 

C’est ta rue Saint-Paul

Celle où tu es né

Un matin de mai

A la marée haute !

 

Pour pouvoir évoquer avec précision, aujourd’hui, en souvenir du poète, son jour de naissance, je me suis adressée au savant météorologue « Star », qui a bien voulu me donner les indications nécessaires :

La marée haute natale de Max Elskamp, le 5 mai 1862, eut lieu à 8.06h. Les gens qui n’ont jamais vécu au bord d’un fleuve soumis à la marée ignorent ce que signifient ces mots « Marée haute ! ». Certes, il y a de l’inquiétude, les jours de gros temps où la poussée de l’eau menace, mais que d’allégresse par les jours ensoleillés d’azur !. Le ciel se berce largement à fleur des rives, le clapotis anime les pierres des quais et une activité règne au port. A la marée haute, les sirènes mugissent ou sifflent, car les bateaux chargés se confient au courant qui les entraînera vers l’estuaire, tandis que les navires amenés par le flot attachent les amarres et jettent l’ancre.

Or, en 1862, le mois de mai fut l’un des plus beaux du siècle et, les 5 et 6 mai, les plus chauds du mois. Toute l’œuvre du poète sera sillonnée de navires, de matelots, de nostalgie maritime, et soulevée par le désir de la mer.

M. Louis, Jean, François Elskamp, propriétaire d’un brick nommé l’Ortélius et d’un trois-mâts carré baptisé « Le Louis », fut le père de Max et l’un des notables de la rue Saint-Paul. Nous aimons à croire que l’un de ses deux vaisseaux, quittant le quai, vogua vers sa destination maritime au moment om l’enfant commençait son voyage sur l’océan des jours.

Le voisinage apprit vite que la jeune dame Elskamp venait de mettre au monde un fils, mais nul ne se doutait que l’enfant serait poète. Cependant, Elskamp lui-même pensait que –peut-être- la poésie s’était emparée de lui dès avant sa naissance. Il nous suggère cette idée dans l’une de ses chansons :

 

Un pauvre homme est entré chez moi

Pour des chansons qu’il venait vendredi Comme Pâques chantait en Flandre

Et mille oiseaux doux à entendre,

Un pauvre homme a chanté chez moi.

 

Si humblement, que c’était moi

Pour les refrains et les paroles

A tous et toutes bénévoles,

Si humblement que c’était moi,

Selon mon cœur, comme ma foi.

 

Ainsi Elskamp s’identifiait-il à l’Homme aux Chansons, venu dès Pâques, célébré le 20 Avril de celle année-là. Son poème « A ma mère » confirme qu’il croit devoir sa plus intime sensibilité et ses dons poétiques à l’amour de sa mère :

 

O Claire, Suzanne, Adolphine,

Ma mère qui m’étiez divine

 

Comme les Maries et qu’enfant,

J’adorais dès le matin blanc…

 

 

C’est ta rue Saint-Paul

Blanche comme un pôle…

 

Le soleil reluisait à toutes les façades repeintes à neuf dès le début du printemps, comme il se devait dans une rue « Dévote, marchande –Trafiquante et gaie, Blanche de servantes- Dès le jour monté. » Cette rue, orientée du sud-est au nord-ouest, court droit sur le fleuve. Les matinées y sont donc triomphantes de lumière et nous devinons ce que fut le premier baiser de la jeune mère à son nouveau-né, en ce beau matin clair :

 

« O ma mère, avec vos yeux bleus,

Que je regardais comme cieux,

Penchés sur moi tout de tendresse… »

 

Le soleil monta, évoluant dans le plus merveilleux des azurs : celui du printemps, près d’une grande eau mouvante.

Ce jour-là, le vent venait du côté du fleuve. Il entrait librement et caressait d’une souple haleine les maisons de la rue Saint-Paul. Elskamp s’est toujours souvenu de l’air que l’on y respirait, aux temps de son enfance :

« Maritime en tout – L’air qu’on y boit – Sent avec la mer – Le poisson sauré… »

Ensuite, le soleil fléchit en direction des polders de la rive d’en face. Les transbordeurs allaient, venaient, sans cesse, battant des aubes pour faire passer le fleuve aux gens qui, journée finie, rentraient au logis. La nouvelle marée monta. Elle fut haute à 20.15 h. Ramenait-elle au port l’Ortélius ou Le Louis ? Qui le dira ? Mais nous savons que la première nuit du poète se glissa doucement dans « sa rue bien-aimée ». Il dormait, dans son berceau fanfreluché, près de sa mère. « O ma mère, dans mon enfance, - J’étais en vous et vous en moi ».

Dans son recueil : « Dominical » Max Elskamp se présente « avec les enfants du dimanche ». Sans doute eût-il préféré naître « un dimanche à midi », comme Mélisande ? Mais c’était un lundi –jour de la lune- et la lune est bonne aux poètes. Celle du 5 mai 1862 (premier quartier le 6) ne se couchera qu’après minuit. Elle entrera du côté du fleuve, comme le vent et le parfum de l’eau, elle aura eu tout le temps de baigner de rêve la maison de la rue Saint-Paul. C’est à elle sans doute que Max Elskamp doit d’avoir connu l’illusion, Maya :

 

Maya, l’illusion,

Vous ai-je assez aimée ?

 

 

La lettre à Van Bever

 

L’influence de la rue Saint-Paul occupe vraiment toute l’œuvre de Max Elskamp. Il le sait. Il l’écrit dans une lettre très importante pour lui, puisqu’elle est destinée à préciser son travail et son inspiration en vue de la fameuse Anthologie de Van Bever et Léautaud.

 

(Date de la poste : 20 juin 1907)

« Je crois que j’ai été très influencé par ces choses qui datent de ma petite enfance. Après la vie m’a pris, plus neutre, me semble-t-il, et à part la pratique des métiers, et ce qui touche à l’âme traditionnelle du peuple, peu de choses ont réagi sur moi. »

Sa mère tant aimée n’a pu lui donner l’âme traditionnelle du peuple de la rue Saint_paul, car elle venait d’ailleurs :

O Claire, Suzanne Adolphine – O ma mère des Ecaussines, mais il lui doit la sensibilité nécessaire à l’avoir ressentie, comprise, assimilée. Il a pu en nourrir sa poésie, au point d’être parvenu à lui donner une langue différente de celle que lui offrait la rue Saint-Paul. Je crois d’ailleurs qu’une telle métamorphose fut favorable à la magie si particulière à l’œuvre de Max Elskamp.

L’âme traditionnelle du peuple, le poète ne peut l’avoir reçue que des servantes. A cette époque, et dans toute la bourgeoisie, les enfants étaient, presque totalement, élevés par les servantes. Elskamp s’en souvient : « Bonne nuit, les hommes, les femmes  -bras en croix sur le cœur ou l’âme  - et rêve aux doigts en bleu et blanc – les servantes près des enfants ».

Retrouver comptines, proverbes, locutions originaires de la rue Saint-Paul, dans les poèmes d’Elskamp formerait l’élément d’une étude bien intéressante. De la nourrice de Juliette aux servantes, qui scandaient pour Max Elskamp l’histoire d’Anna-la-lune, en passant par celles dont Chateaubriand nous donne le souvenir dans les « M »moires d’Outre-tombe », que de vigueur, que de poésie leur ont dû nombre de grands écrivains !

Elskamp a reçu du petit peuple de son enfance le goût du folklore, et sa magnifique collection d’objets patiemment rassemblés forme le fonds du Musée d’Anvers. Sa naissance ensoleillée ? Nous aimons à supposer qu’elle soit au départ de sa passion pour les cadrans solaires… Et là, sa sensibilité l’y portant, il fit don, en souvenir de sa mère des Ecaussines, des merveilles qu’il avait rassemblées, au Musée de la Vie Wallonne, à Liège.

 

Le Calvaire

 

« Notre maison, écrit-il encore à Van Bever, se trouvait pour ainsi dire  enclavée dans l’église Saint-Paul, et mon enfance s’est passée sous les cloches, au milieu des corneilles et tout contre un horrifique calvaire en grès et cendrée. » On voudrait citer ici tout le poème consacré au Calvaire

 

Mon Dieu qui mourez à Saint-Paul,

Un peu autrement que les autres…

Mon Dieu qui savez les étoiles

Qui fixent à chacun son lot…

 

Elskamp m’a écrit un jour : « Je crois aux étoiles ». Il croyait aussi à la mer, et le bonheur avait pour lui, comme symbole, un matelot : « Et c’est Lui, comme un matelot – c’est lui qu’on n’attendait plus, - et c’est lui, comme un matelot – qui s’en revient les bras tendus… »

Un matelot ne reste jamais longtemps au logis, si chaud si doux qu’il y fasse. Pour Max Elskamp, il l’a quitté, peu après qu’il eût lui-même quitté la chère rue Saint-Paul. Une grande douleur, une grande déception d’amour l’a emporté :

 

Un jour où j’avais cru trouver

Celle qui eût orné ma vie,

A qui je m’étais tout donné,

Mais qui, las ! ne m’a pas suivi…

 

Le père du poète a tenté de le consoler en lui offrant les vastes espaces maritimes : Elskamp, alors, a navigué :

 

Va, mon fils, je suis avec toi

Tu ne seras seul sous les voiles,

Va, pars et surtout garde foi,

Dans la vie et dans ton étoile !

 

Elskamp s’est attaché à corps perdu à ses parents, à sa sœur Marie. La mort les lui a enlevées :

 

C’est vous, mon Père bien aimé,

Qui m’avez dit adieu tout bas,

Vos yeux dans les miens comme entrés

Qui êtes mort entre mes bras.

 

A sa mère, il a dit :

 

Et lorsque vous êtes partie,

J’ai su que j’avais tout perdu.

 

Alors, le poète est entré en maladie.

J’ai dit ailleurs les circonstances de la mort de Max Elskamp, comment je l’appris, et quelles étaient les personnes rassemblées à la table de François Franck ce 10 décembre 1931. On soupait là, après la représentation à Anvers de l’Œdipe d’André Gide : pour cette première, Gide était présent, les Pitoeff, et quelques écrivains d’Anvers. En remémorant, aujourd’hui encore, après tant d’années, l’instant où Willy Konincks, en retard, entra en disant : « Max Elskamp est mort », je puis mesurer la puissance d’émotion soulevée par ces mots. Cependant, le poète en lui se taisait depuis des années… et ses voisins l’entendaient souvent crier dans ses délires… L’émotion fut si profonde, ce soir là, chez Franck, que le regard de Gide fit lentement le tour de la table, en la cueillant à chaque visage comme s’il avait voulu rassembler un herbier du souvenir d’un poète qu’il savait grand.

Je veux citer ici quelques lignes d’un article nécrologique que je possède, auquel manque la signature, mais que je crois dû à André Salmon : « S’exténuant à combattre le désespoir, il passe des années avec Bouddha, mais cette culture de l’idée du néant ne pouvait combler un tel poète. Il traversa le monde d’un pas tremblant – il nous quittait- il s’avançait seul dans la nuit. »

Aux fleurs d’émotion cueillies lors de la mort du poète, par André Gide, et puisque Max Elskamp aimait le folklore, les saints et les fleurs, je veux, à l’occasion de ce centenaire, ajouter deux fleurs qui le concernent particulièrement, il les doit à deux folkloristes : le Baron de Rheinsberg, et Isidore Teirlinck.

La fleur-marraine, offerte par son saint-patron, Maxime, est la « primula véris » ou primevère du printemps, et les servantes de son enfance lui auront dit qu’elle est une clef du Paradis, et vient droit de Saint-Pierre, grâce à qui elle germa dans l’humus des polders… Le 10 décembre, par quelle étrange coïncidence est voué au cyprès. Il figure au jour où le poète sombra dans la mort.

 

Marie Gevers, Mai 1962, in « Le Thyrse » revue d’art et de littérature, numéro consacré au centenaire de Max Elskamp.

 

 

 

 

Hommage de Robert Guiette

 

La Ville en Ex-voto

 

Sa « petite ville », Max Elskamp la chante dès « Dominical, « la ville de mes mille âmes ». Cette ville en bois, douce ville à bâtir, la ville en rond comme une bague, les bonnes madones aux coins des ruelles. Ce port marchand, cette ville très port-de-mer, il y montre des barques et des grands vaisseaux, et les bâtiments à voiles, les chapelles et les tours et les cloches, c’est toute sa longue litanie qu’il faudrait redire. Poésie frêle, à la voix fêlée. « Mes dimanches morts en Flandre » et « dans la paix bonne d’un pays tendre », avec les petites gens des beaux métiers, la mer à l’horizon.

C’est plus qu’un décor, cette ville, c’est un personnage avec lequel on cause gentiment, à voix basse, retenue, comme pour soi.

Max Elskamp était demeuré très attaché à son vieux quartier de la rue Saint Paul bien qu’il n’y habitât plus. Ecolier, il y retournait passer ses jeudis après midi. Avec son ami, Henri van de Velde, il allait, près de la grande écluse du Kattendyk, à marée haute, voir entrer les bateaux. Les deux amis se mêlaient à une foule affairée d’employés de la douane, de commis, d’affréteurs, de curieux et de femmes aux toilettes extravagantes. C’était parfois « un voilier gigantesque, fatigué et souillé, dont l’équipage composé de nègres agités ou d’hindous lents, n’attendait que d’avoir accosté pour offrir en vente : perroquets, singes, plumes de couleurs éclatantes, peaux d’animaux inconnus, os d’albatros ; ou au départ de pitoyables émigrants polonais ou russes qu’on descendait à fond de cale sans ménagement, avec enfants et bagages ! Spectacles qui fouettaient nos imagination en entraînaient nos pensées si loin, si loin… »

Plus tard, les travaux de rectification des quais entamèrent le plus ancien quartier de la ville, cette « ville en rond » dont il ne reste qu’un morceau. L’ancien pittoresque ne demeurait plus que dans le cœur et la pensée du poète : l’ancien « werf », les quais plantés d’arbres, la population même de ces rues étroites, besogneuses et joyeuses.

Lorsque le lecteur d’aujourd’hui découvre cette image dans les petits poèmes de Max Elskamp, il la compare à ce qu’il voit : la rive droite, tracée au cordeau, les entrepôts et les construction aujourd’hui démodés qui attestaient, vers 1910, la grandeur récente des firmes allemandes fixées à Anvers. Le poète écrivait : « les Rietdijk, les Frascati, toutes les belles prostitution d’antan sont abolies… » ; et depuis, le joli village de Tête-de-Flandre rasé, surgirent les tours, les tunnels et les buildings. Le lecteur se demande alors si, dans les poèmes, ce n’est pas une petite ville ou un village de la Flandre zélandaise que le poète aurait chantée, et non Anvers, cette actuelle grande ville moderne où les anciens monuments et même la cathédrale se trouvent dépaysés. La beauté du spectacle –beauté très réelle encore- est différente de ce qu’a dit le poète. Le fleuve seul, malgré la métamorphose de ses rives, est resté sans doute semblable à lui-même.

Comment imaginer que le poète pourrait encore dans le bruit et le mouvement que nous connaissons, aller bavarder avec les bateliers et les artisans, vanniers et cordiers pour lesquels il avait tant de sympathie ? Les vieux quartiers le voyaient passer, chaque jour, par leurs rues souvent solitaires comme des rues de béguinages, des rues où ne se rencontraient de loin en loin que des vieilles femmes sous leur mante. Elskamp ne se lassait pas d’errer par les vieilles impasses, les cours intérieures, voyant aux murs les madones entourées de guirlandes… Son petit chapeau rond et son macfarlane ne détonnaient pas dans les ruelles grises et mornes. Le poète y poursuivait sa longue méditation.

Que de fois je l’ai vu, vieillard, aller vers les quartiers de son enfance, comme enveloppé de solitude ! Une femme discrète et qui avait dû être très belle, l’accompagnait. Ils ne se parlaient pas. Ils allaient côte à côte, d’un pas sans hâte. Etait-ce « sa » rue Saint-Paul qui l’attirait ? Pensait-il à son poème, à l’église et au calvaire, à ses morts et à son passé ? Voyait-il revivre ses chers fantômes ? Ou bien poursuivait-il sa longue recherche de la Voie ? Refaisait-il la longue route des saints naïfs et des processions, celles des philosophes qu’il avait étudiés, celle de la souffrance et de l’inconnaissable, de cette longue vie qui serait une vie manquée s’il n’y avait les poèmes. Par tout cela, il avançait dans la Voie de la perfection bouddhique, celle qu’il s’était choisie et qui lui était propre.

Le décor désormais n’importait peut-être plus. Le poète avait magnifié sa ville natale, et l’avait réduite en son cœur, en son œuvre, immuable. Comme les vieux marins, du temps des grands voiliers, construisaient des trois-mâts qu’ils enfermaient dans des bouteilles, tout gréés.. Le site, pour jamais à l’image de son cœur, demeurait comme une sorte d’ex-voto de reconnaissance à la vie, tandis que sa pensée plongeait dans d’autres contemplations, hors du temps.

 

Robert Guiette.

 

 

 

 

Hommage de Jean Cocteau

 

 

1er Avril 1962

 

Il est de toute évidence que Guillaume Apollinaire, s’il doit aux « Serres chaudes » doit surtout à Max Elskamp. Il n’y a là rien qui le diminue, au contraire. Et si un grand poète fraternise avec un autre grand poète pour connaître ses œuvres, je m’en émerveille encore davantage. Mais il me semble que notre Apollinaire aimait Elskamp et que, de ces amours, naissent les monstres délicieux de la Poésie.

Ma découverte du poète anversois me laisse le souvenir d’un coup au cœur. Entre chaque page de l’herbier les belles plantes se mettaient à revivre et à embaumer ma chambre.

Je vous exprime toute ma reconnaissance de vous être adressé à moi, le presque belge.

Votre poète Jean Cocteau.

 

 

 

 

Hommage de Paul Neuhuys

 

Je me souviens de Max Elskamp

 

Je me souviens de Max Elskamp comme d’un causeur charmant. Il me parlait de la Chine, de la poésie… Je l’ai connu pendant la guerre 1914-1918. J’allais le voir dans sa paisible maison du boulevard Léopold (aujourd’hui avenue de Belgique) dans la bonne maison qui, dit-il, l’attend sous les arbres « en la blanche façon d’un très gauche évêché ».

Max Elskamp était alors à l’apogée de son activité poétique. J’étais un écolier des lettres, et il y avait dans son accueil quelque chose d’ineffablement bon, mais aussi de cruellement désabusé.

Max Elskamp, né à Anvers en 1862, y est mort en 1931. Toute sa vie il est demeuré attaché à sa ville natale, la ville « très port de mer » où il reçut un jour, en 1893 exactement, Paul Verlaine.

« Il y a là une certitude pour moi, me disait-il, un point sur lequel j’attire votre attention, c’est que malgré toute liberté, le poème est « musique » par nature ». Et il me citait à ce propos le « Pantoum négligé » de « Jadis et naguère » :

 

Trois petits pâtés, ma chemise brûle.

Monsieur le curé n’aime pas les os.

Ma cousine est blonde, elle a nom Ursule,

Que n’émigrons-nous vers les Palaiseaux ?

 

-Le sens en est exquis à cause du son.

Elskamp parlait volontiers de la rime diminuée par l’assonance, de sa bémolisation (âne et âme) et de sa diézation (Anne et lame). Il m’ouvrait toute grandes les portes de sa bibliothèque, me montrait des éditions rares de Mallarmé, une lettre de Suarès écrite avec des encres variées, rouge, bleue, verte. Il aura toujours été apprécié en France, soit par Apollinaire, soit par Salmon, Cocteau, Eluard, et la poésie est bien chez lui cette flamme invisible dont parle Pétrarque, d’autant plus douce à découvrir par quelques élus du hasard.

 

Mysticisme

 

Qu’est-ce que le mysticisme ? Mystique vient d’un mot grec « mustos » qui veut dire muet. Fermer la bouche, être muet d’amour. « Wo man am meisten fuhlt, weist man nicht viel zu zagen », disent les Allemands. Ce qui signifie qu’en voulant exprimer un sentiment profond on risque d’en diminuer l’intensité. Aussi le mystique s’adresse-t-il à Dieu, comme à tout ce qui vaut d’être aimé, qu’il soit porté à la mysticité par la tendresse de l’âme ou par l’enthousiasme des sens.

C’est dans le mysticisme que le Flamand puise son optimisme fondamental : Verhaeren lorsqu’il voit dans l’homme un Prométhée qui un jour « saisira les astres fous entre ses poings » ; Maeterlinck lorsqu’il voit dans les écrits des mystiques « le plus pur diamant du prodigieux trésor humain » et Elskamp (exact contemporain de Maeterlinck), lorsqu’il concentre ses aspirations mystiques dans le refrain de la vielle chanson de Malbrough :

 

Je vous salue ma vie

d’un peu d’éternité

aujourd’hui en vigie

si haut qu’on peut monter.

 

Le Folklore

 

Elskamp me parlait de la Chine en levant un index philosophique et las : Ah ! qu’il eut fait bon vivre en Chine loin d’une pseudo-civilisation qui conduisait l’Europe à sa ruine !... Je voyais les paons faire la roue au sommet des pagodes, des jonques glisser au gré des moussons chaudes, Mr Yang et Mme Yng vendre du thé… Puis il se ravisait doucement : Je ne sais pas vraiment pourquoi je vous dis ça… Cette Chine de porcelaine était du folklore chinois.

Qu’est-ce que le folklore, sinon la mystique populaire ? Elskamp avait fondé le musée du Folklore dans la petite rue du Saint-Esprit, à Anvers, musée où il s’attache à connaître le peuple dans ses plus naïves traditions : comptines, images religieuses, drapelets de pèlerinage. C’est dans ces humbles reliques qu’il a rêvé l’âme de son peuple. Ami des jardiniers et des matelots, il dédiera son « Histoire du jeu de Loto en Flandre » au batelier Hannes qui « sur le fleuve me fut un ami ».

Elskamp, ami du peuple, écrivait en français, faisait scandale à Anvers. Il irritait ses concitoyens. Les uns ne lui pardonnaient pas de vouloir restituer l’innocence d’un peuple dont ils ne connaissait qu’imparfaitement la langue ? Les autres n’admettaient pas qu’un fils de banquier s’intéressât aux billevesées, comme de rassembler, quoi ? des têtes de pipe, des pots à persil, des hochets, des toupies, des moutardiers, des crassets, des étouffoirs, ni d’avoir écrit une histoire du jeu de Loto où il assimilait ce jeu à une ancienne institution bancaire…

 

Le moyen âge

 

Toute l’œuvre d’Elskamp est centrée sur le moyen âge.

Ses « Enluminures » en font un imagier. Ses « Chansons Reverdies » en font un ménestrel. Avec lui, nous remontons à l’enfance de la poésie. Enfance de la poésie et poésie de l’enfance : Un pauvre homme est entré chez moi pour des chansons qu’il venait vendre… comme Pâques chantait en Flandre… et mille oiseaux doux à entendre…

Dominical, En Symbole vers l’Apostolat, D’anciennement transposé, Salutations dont d’angéliques… C’est une poésie du temps que les cathédrales étaient blanches.

Le moyen âge symbolise pour Max Elskamp la paix du cœur et le contentement de l’esprit.

Il écrit dans un français « anordi », le français du nord et veut apporter dans ces chansons la ductilité rythmique des chansons populaires flamandes. Comme les matelots et les jardiniers il se défend de ne connaître que très peu de mots et met à profit cette infirmité verbale par des ritournelles délicieusement chantonnées :

 

Et Marie soyez bénévole

à ces syntaxes mal au clair

Et marie de mes beaux navires

Marie étoile de la mer

Marie qui savez que tacites

sont ceux des voiles et des ailes…

 

Poésie mystique ! Rien de mièvre dans Elskamp. sa mère était wallonne, son père était d’origine danoise. Elskamp veut dire en danois « Champ d’aulnes ».

 

Nus n’irons plus au ciel

 

La guerre était finie, Elskamp ne reconnut plus sa ville.

Elle était saoule.

C’était l’époque du jazz et des chansons militaires : « It’s a long way »…

Je l’ai encore revu deux ou trois fois. Il était devenu tout blanc. Il publia encore deux ou trois recueil luxueusement imprimés chez son imprimeur Buschmann à 75 exemplaires : « Musique verte », je crois, et « Joies Blondes »…

Après quoi, cet esprit qui s’était efforcé de monter « si haut qu’on peut monter », plafonna dans le ciel des abstractions et, comme jadis Icare, retomba lourdement sur le sol :

 

Nous n’irons plus au ciel

nos ailes sont coupées.

 

C’est la bonne parole

 

Ecolier des lettres et assez chercheur de nature, il m’est arrivé, comme d’autres forment une collection d’icônes, de collectionner les définitions de la poésie. En voici quelques unes parmi tant d’autres :

La poésie est une création d’un monde imaginaire, une élégance de l’esprit, la musique de l’âme, un défilé de féerie, une éthique non euclidienne, l’art d’exciter l’âme, de se délivrer par un cri, d’enclore son rêve dans un rythme, un breuvage agressif, la quintessence humaine, le souvenir d’une émotion dans le calme…

Mais une des plus belles définitions de la poésie demeure celle de Max Elskamp :

 

C’est la bonne parole où tous les mots qui s’aiment

semblent des enfants blancs en robe de baptême…

 

et à cet égard, les « Six chansons de Pauvre Homme pour célébrer la Semaine de Flandre » sont bien, je crois, ce que notre poésie aura produit de plus remarquablement pur.

 

 

Paul Neuheuys.

Max Elskamp dans Arts et Lettres

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L'histoire véritable de Jésus de Galilée

 

 

 

Il n’y avait plus beaucoup de convives à table.  Après que Jésus se soit levé, Judas s’était levé à son tour. Ils s’éloignaient en se parlant. Judas avait entouré les épaules de Jésus. Pierre avait toujours soupçonné qu’il lui portait une amitié trop marquée.

Il faisait torride. Dès le milieu de l’été, Bethléem est un véritable chaudron. Impossible de sortir, la tête découverte.

 Il se demandait de quoi ils pouvaient parler. Jésus faisait de grands gestes. Il marchait à grands pas. De temps en temps, il se retournait pour parler à Judas qui avait peine à suivre. Pierre  ne les aimait pas beaucoup ni l’un ni l’autre.

Au début, Jésus et les siens n’étaient rien. A peine un groupuscule qui n’inquiétait pas Jean-Baptiste, le plus entreprenant de tous les leaders qui s’opposaient aux autorités hébraïques.

- Rejoins-nous ; disait-il à Jésus.

Il l’avait demandé à plusieurs reprises mais à chaque fois, Jésus riait.

- Continue de te laver les pieds.

 Il fût un temps où Pierre, l’intendant de Jésus,  s’était demandé si Jean-Baptiste n’était pas plus habile que Jésus. S’il ne valait pas mieux le suivre. Puis, parce que même les romains ne s’en préoccupaient pas,  il avait conclu qu’il ne représenterait jamais rien auprès des hébreux non plus.

Jésus, il le voyait bien, avait une autre allure. Ce n’était pas seulement un tribun dont la voix portait loin mais son discours était original.

- Après la mort, vous serez devant mon père. Il vous jugera. Ceux qui sont les premiers aujourd’hui et ici seront les derniers alors que les plus pauvres, les plus nombreux d’entre nous, seront les premiers, et à la droite de mon père.

Jésus pensait que ce qu’il disait correspondait à la réalité. Il était le fils de Dieu et le roi des juifs.

- Tu ne crois pas sérieusement que ce que tu dis est vrai ?

Judas pensait que Jésus voulait juger de sa rhétorique. Parfois cependant, il avait le sentiment que Jésus était convaincu de ce qu’il disait. Il refusait de n’être que le fils d’un charpentier ?

Il y avait des classes sociales différentes en Palestine. Des marchands, des ouvriers et des paysans, des pauvres et des riches. Des autorités civiles et religieuses. Et des artistes qui, le soir venu, à la lueur d’un feu, amusait un auditoire mélangé qui leur jetait des pièces de monnaie.

Tout le monde se plaignait de la présence des romains qui occupaient le pays. Ils se mêlaient peu cependant de la vie des hébreux. Mais il s’agissait d’occupants dont les distractions étaient différentes de celles qu’appréciaient les hébreux hormis les courses qui réunissaient tous les amateurs dans de vastes stades. Les mêmes stades où se réunissaient les autorités militaires lorsque le représentant de Rome se livrait à des proclamations qui confirmaient son autorité.

Pierre était un fils de marchands. Ce sont souvent les fils de marchands qui sont heurtés par la facilité apparente avec laquelle leur père a gagné l’argent que les fils dépensent si aisément. Ils disent que c’est cet argent qui est la base de toutes les injustices sociales. Les moins nantis cependant, il en était convaincu, c’était leur désintérêt pour l’argent qui était la cause de leur misère. La preuve, c’est qu’ils ne cherchaient pas une meilleure condition.  

Jésus considérait Pierre comme un de ses fidèles parmi les plus dévoués. Judas, c’était autre chose.

Peut- être parce que Judas connaissait la liaison qu’il entretenait avec Myriam ? Et qu’il n’en avait jamais parlé avec quiconque. Même avec Jésus. On peut être le fils de dieu, on en est pas moins un homme. Myriam était belle.

Pierre, lui aussi, était amoureux de Myriam. Peut être voulait-il simplement jouir d’elle ou en faire sa compagne et la mère de ses enfants, qui le sait ? Ce qui est sûr, c’est que la présence d’un autre constitue bien plus qu’une injure qu’on essuie de la main. La jalousie amoureuse, le sentiment qu’un autre jouit de ce qu’on considère comme sa propriété, provoque une haine véritable qui obscurcit le cerveau. Seule la mort du rival permet de jouir aussi fort que ne le fait la possession de celle qu’on désire.

Depuis quelques temps Jésus hésitait entre une carrière politique qu’il devinait croissante et Myriam qui lui devenait indispensable.

Il la prenait par la main, et ils s’éloignaient tous les deux sans prévenir qui que ce soit. Ou bien, il marchait à la tête de ce peuple dont il était désormais le seul roi, un bâton à la main. Il hésitait et jouissait de chacune de ces situations, tour à tour, durant la nuit. La nuit, les rêves n’engagent à rien.

Pierre de son côté  était déterminé à parler avec Myriam.

- Oui ou non, Myriam. Veux-tu être ma compagne ?

- Pierre, tu sais bien que j’en aime un autre.

- Et lui, est-ce qu’il t’aime ?

Il lui prit les mains. Il avait ce regard qui l’avait toujours subjugué.

- Je te trouve belle. Je ferai de toi une femme qui compte. Mon père et moi, nous nous partagerons les affaires. Tu seras fortunée, toi aussi.

Il l’avait prise entre les bras. Elle n’osa pas se refuser. Le sort de Jésus désormais était scellé. Qui donc trahit le mieux sinon celle qu’on aime ?

Il faut le reconnaitre, la plupart du temps l’amour est une comédie. Ce sont les grandes déclarations qui en font une tragédie à même d’émouvoir le peuple.

Pierre était le fils d’un de ces marchands qui occupaient les marches du temple.  Le jour du Shabbat les fidèles s’y pressaient. Les fidèles fortunés occupaient le siège qui leur était réservé durant toute l’année. Ils constituaient une clientèle qui aimait à montrer sa piété et son aisance. En outre, certains membres du Sanhédrin y recevaient  des sommes d’argent destinés à des œuvres. L’entente était bonne entre les uns et les autres.

L’époque était mûre pour la prolifération de véritables sectes dont les chefs haranguaient les fidèles, et se faisaient concurrence. En réalité, ce n’étaient que de boutons d’acné sur le visage imposant de l’empire romain.

 Toutefois, le plus gênant, le seul en vérité, était celui qu’on surnommait le Galiléen, le fils d’un charpentier qui promettait à ceux qui le suivaient de survivre après leur mort dans un paradis géré par son père. Le paradis pour demain : la formule, un véritable slogan, était belle.

Judas lui disait :

- Fais attention, Jésus. Tu te fais des ennemis qui savent qu’ils ont pour eux, et leur conscience et les romains.

- Les romains ? Judas, jamais les nôtres ne leur vendront l’un de nous.

- Ils les vendraient tous s’il s’agissait de sauvegarder leur autorité.

- Le monde n’est pas ce que tu crois, Judas.

- Vivement dans ce monde que tu promets. Ou tout le monde sera beau et gentil. Et recevra en retour tout ce qu’il aura donné ici.

- Tu n’y crois pas ?

-Judas secoua la tête.

- Et toi ?

- A en mourir.

- A en mourir ?

Judas regardait son ami avec commisération. Combien d’êtres humains sont-ils prêts à mourir en contrepartie de la gloire. Ont-ils raison, ont-ils tort ?  Lui-même y rêvait sans doute, ce pessimiste qui ne croyait à rien de ce qu’on lui avait appris de ces ancêtres qui avaient reçu les tables de la loi de Salomon lui-même. Gravées dans le marbre afin qu’elles durent plus longtemps sans doute.

 L’un d’eux,  un nommé Moïse,  leur avait fait traverser la mer rouge  pour les sauver.

Judas était un sceptique, il y en avait déjà un certain nombre. Et s’il accompagnait Jésus, ce n’était parce qu’il était crédule et tenait pour justes les harangues de son ami, presque son frère, mais pour le protéger. Trop de gens se prétendaient ses amis et ses disciples depuis que le succès lui faisait une sorte d’auréole.

Une dizaine d’entre eux se faisaient appeler ses apôtres et jouissaient de sa notoriété. L’un d’entre eux pour montrer son courage et sa dévotion n’hésitait pas à repousser ceux qui l’approchaient de trop près, un fils de marchands au langage châtié, un certain Pierre dont Judas se méfiait. Ses paroles coulaient de source sans aucune difficulté. Judas se méfiait des beaux parleurs.

A dire vrai, Pierre n’était pas celui qu’on croyait. L’amour qu’il portait à Myriam et la jalousie qu’il éprouvait à l’égard de Jésus l’avaient transformé. Qu’il retourne dans son royaume des cieux, pensait-il. Il le dit un soir qu’il était chez son père ébahi de retrouver ce fils dont il avait craint qu’il ne faille de nombreuses années avant que ne vienne la maturité. Cette maturité qui ne reconnait qu’un seul dieu sur terre : l’argent ! C’était l’époque durant laquelle Ponce Pilate, l’envoyé de Rome, dirigeait le pays des juifs.

Ponce Pilate n’aimait pas la mission que Rome lui avait confiée. Rome ? En réalité des rivaux qui de la sorte l’avaient éloigné du Pourvoir. La plupart du temps, il voyageait ou restait confiné dans sa luxueuse demeure

Entouré de ses serviteurs les plus proches et de quelques juifs qui lui relataient la chronique avec une sorte d’humour assez particulier, et qui le faisait rire même après leur départ. Le père de Pierre était l’un d’eux. Un jour, il se plaignit.  

- Ce Galiléen, une sorte de terroriste habile qui prétend être contre les marchands alors que ce sont ceux-ci qui nourrissent les pauvres. En réalité il combat les romains.  Il ne vaut pas mieux que les deux voleurs qui seront crucifiés demain.

- Pas mieux ?

Ponce Pilate méprisait ces juifs qui lui dressaient un tableau assez complet du territoire qu’il administrait. Il n’était pas assez naïf  pour croire tout ce qu’ils lui disaient mais un échange de propos anodins lui permettait de savoir l’essentiel.

Ici, semblait-il, il s’agissait de l’élimination d’un citoyen juif un peu trop bruyant au goût des autorités. Ponce Pilate décida de fermer les yeux puisque des juifs eux-mêmes, des citoyens parfaitement honorables, fermaient les leurs.

Un certain Jésus, un galiléen dont il suffisait de faire courir le bruit qu’un des siens l’avait dénoncé. Pour de l’argent. Trente deniers, disait-on. Il sera crucifié parmi d’autres voleurs.

Ponce Pilate se leva pour se laver les mains, un tic qui le prenait à chaque fois qu’il tendait la main à baiser à certains d’entre eux.

 

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Aphorismes sous la lettre F ( Annexe)

 

Famine

Ce mot a pris une signification plus ou moins affective depuis que des images nous montrent ses méfaits.

Fantastique

Le fantastique le plus fabuleux ne nous fascine plus et commence à nous effrayer

Farce

La farce la plus cruelle est celle qui nous métamorphose irrémédiablement en nous collant un masque.

Farce

En retrouvant un vieil ami, longtemps éloigné, nous rencontrons en souriant un inconnu dont l’apparence souvent nous peine.

Fléau

A chaque siècle ses fléaux plus ou moins terrifiants. La science triomphe certes de certains, la nature en impose d’autres et les hommes en font tout autant.

Foi

Difficile de comprendre parfois la force de la foi quand la raison fait loi.

Foi

Avoir foi en soi est un atout qui incite à l’effort et encourage l’ambition.

Foi

La foi exagérément alimentée peut devenir hallucinatoire.

Foi

A chacun le droit de vivre sa foi si elle ne fait courir aucun danger aux autres.

Folie

La folie est généralement incurable quand elle résulte du fanatisme. Elle peut être terrifiante.

Folie

La folie lie ceux qui ont subi le même lavage de cerveau sans qu’on puisse leur porter secours.

Folie

On est atteint de folie plus ou moins ostensible, plus ou moins aliénante, quand la raison n'engendre plus le doute qui s'impose.

Folie

La liberté, qui permet l’extravagance heureuse, semble à certains être le résultat d’une douce folie.

Folie

Nombreuses tentations relèvent de la folie mais la plupart du temps restent des intentions.

Folie

Si l’on avait l’audace d’agir spontanément, sans crainte de passer pour fous, on étonnerait parfois ceux qui nous connaissent le mieux.

 

 

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Un Soleil de Printemps

Douce mélodie du rouge gorge
Mêlée au chant flûtant du merle noire
M’appelle le printemps à le suivre
Mille et une fleurs, mes yeux émerveillés
flânant entre primevères et anémones
Je souris au monde
Cueillant les couleurs des Pensées et violettes
Je respire toutes les effluves bleues du ciel
Tandis qu’une brise légère me caresse le visage
Je bois une gorgée de soleil

13/04/2014

Nada

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Du fond d'un étrange silence

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Profonde est l'essence d'une présence
dans l'espace et le temps où l'absence
de parole met en évidence l'indicible.
Choisir de se complaire dans le transcendement,
où dans un élan incoercible, des voix incandescentes
s'unissent pour se fondre au miroir céruléen de l'invisible.
Ô nuit tutélaire, du fond de ton étrange silence qui s'étire,
la valse lente d'une antienne se diffuse en une coulée
lumineuse où se détachent des ondes aériennes inamissibles.
Étendue au pied de ton arbre aux branches translucides,
mon âme qui expire mesure la profondeur du sacré
d'une communion immarcescible.

Nom d'auteur Sonia Gallet
Ce texte figure dans le recueil © 2014.

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obsessions

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La liberté n’est qu’illusion,

Personnelle, d’une nation,

Bravons ces interdits

Jusque dans notre lit !

Il te sera impossible d’oublier,

Maintenant et peut être jamais,

Nos jeux nullement enfantins

Qui durent jusqu’au matin.

Tu tombes sans doute séduite

Par ma pernicieuse conduite,

Bien souvent comme la tienne.

Tous ces gestes surviennent

Dans nos esprits diaboliques

Avec mille et une répliques.

Tu es alors la gagnante,

Tu es même conquérante,

Je suis moi aussi conquis,

J’explose, j’exulte, je revis !

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Les gens arrivés

Mais les gens arrivés sont-ils partis un jour ?

Ne vit-on satisfait  qu’à la fin du voyage ?

J’interroge leurs yeux. Leurs costumes, bien sages,

Disent beaucoup d’ennuis au sommet du parcours.

 

Mais les gens arrivés placent dans leurs discours

Des mots de liberté sous les barreaux des cages,

Du risque de la perte et des faux monnayages.

Leur morale fluctue comme bourse et ses cours.

 

Mais les gens arrivés ont-ils croisé l’amour ?

On dirait les soucis qui gravent leurs visages.

Les stries de leurs dollars rident même les pages,

De leurs livres de messe où ils vont comme sourds.

 

Moi, les gens arrivés m’intrigueront toujours.

J’imagine la vie tel un pèlerinage

Dont on saisit le sens en peignant chaque image.

Où sont-ils arrivés ? Tout leur pèse si lourd !

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Histoire de femmes JGobert

Désenchantée, je reste là à la regarder vivre. Si je devais raconter sa vie, je dirai : elle a eu de la chance, elle a vécu dans un certain confort, ses parents étaient présents, elle avait une famille. Ses études se sont bien passées, elle a pu s’épanouir, s’investir, se complaire dans ce qui paraissait important. Son travail a été une réussite, gage qu’il lui était bien adapté et qu’elle l’appréciait. Son mariage continue toujours depuis ce temps lointain où elle était encore une très jeune femme. Elle a une belle maison, et part en vacances chaque année. Ses enfants sont grands, ils ont de bons diplômes, de bons boulots et vivent en couple avec des enfants.

Après ce résumé rapide, je dis encore comme pour l’excuser d’avoir eu tant de chance. Tout n’a pas été facile pour elle. Elle a dû se battre à chaque étape de sa vie. Quand elle plonge dans ses souvenirs, c’est souvent le cœur serré qu’elle se rappelle sa jeunesse.

Cette chance d’avoir une famille unie, d’être entourée, protégée, elle l’a vécu étouffée, angoissée par les règles de vie outrepassées. Une autorité incontournable, des idées familiales castratrices et un couple de parents constamment au bord de la rupture. La maladie de sa mère et le déclin de celle-ci vers un perpétuel abîme. Son angoisse de la voir partir vers cet inconnu sans pouvoir l’aider, lui parler. Vivre dans le silence, les non-dits.

Au moment de ses études, elle avait l’âme artiste, peinture, littérature, tout ce que la jeunesse invente pour se faire aimer. Les arts l’attiraient et la rendaient heureuses. Le choix fut tout autre, des études sectaires, tristes, monotones et un boulot qui la clouait sur un bureau des heures entières.

Le pensionnat lui prit ses meilleures années mais lui apprit néanmoins à acquérir une certaine indépendance, si pas de corps mais d’esprit. C’est là qu’elle rencontre le rêve, les étoiles, la poésie, les poètes. Ses lectures sont nombreuses, le temps à sa disposition.

Vite elle se marie pour commencer à vivre. Partir et s’installer dans cette belle maison, avoir des enfants. La déception, la monotonie s’installe rapidement. Et ses rêves d’amour aussi. Elle vit avec un manque qu’elle ne sait expliquer, un besoin non nommé qui au fil du temps se transforme en langueur et antidépresseur.

Ses enfants sont partis dans des crises d’adolescence, l’existence pour eux était difficile, l’accusant même d’être une mauvaise mère et la laissant blessée, encore plus seule. Ses enfants font leur vie, ils ont déjà quitté le père et la mère de leurs enfants. Ils vivent en famille recomposée et c’est à peine si elle voit ses petits bouts.

Sa mère mourut un dimanche d’été. Elle était arrivée au bout de sa vie. Une canicule épouvantable installée depuis des semaines ne lui permettait plus de respirer correctement. Ce manque d’air l’oppressa longtemps. Après de nombreuses larmes, elle regretta sans fin ce manque de dialogue entre sa mère et elle. Elle aurait aimé lui écrire une lettre avec des mots compliqués, précieux à lire et à relire. Une page de nostalgie importante à ses yeux pour se rappeler leur vie ensemble, les moments heureux qu’elles avaient vécus.

L’existence n’a pas été facile pour ces femmes mais elle l’aurait été pour elle avec sa mère. Ce doux soleil qui les accompagnait à vélo, sur les routes de campagne et qui la faisait se sentir grande avec sa mère. Les jolies robes que sa mère achetait et qui devaient lui aller si bien quand elle serait grande mais … Hélas, le temps du bonheur n’a pas duré longtemps. Et les autres souvenirs sont sombres, cruels, démesurés pour elle.

Tout ce que sa mère subissait la torturait et se gravait dans son cœur sans que l’oubli jamais ne s’installe. Que dire des larmes qu’elle versait en silence contre la maladie, l’incompréhension, la révolte d’une vie cassée qui se perdait chaque jour comme l’eau qui coule encore entre ses doigts et qu’elle ne peut retenir.

Toujours silencieuse, sans plainte excessive, réservée et acceptant tant de misère sans la montrer, la souffrance aurait été plus légère si sa mère l’avait partagée avec elle. Chacun faisait comme si tout allait bien et cela a fait d’elle un être tourmenté, torturé de douleur et sans aucun repos jusqu’au jour du départ où sa mère a repris le visage humain de sa beauté.

J’ai pu alors pleurer de te savoir paisible et en paix mais sans moi.

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Une belle journée de septembre.

 

 

La ville était pratiquement vide. Seuls quelques passants, des étrangers à la ville vraisemblablement, déambulaient sur la grand place, le mouchoir à la main, et se frottaient le visage et le cou tant le soleil de midi les faisaient transpirer.

Le podium sur lequel allaient se produire les candidats avait été installé le matin même. Le tissu rouge qui l’entourait dissimulait les tréteaux qui soutenaient le plancher.  A l’arrière un escabeau de plusieurs marches permettait d’y accéder. Les ouvriers qui l’avaient installé, avant de partir, avaient sauté dessus de nombreuses fois afin de s’assurer que le plancher ne risquait pas de s’effondrer.  

- S’agit pas que quelqu’un passe à travers.

Erigé sur le côté de la place, les sièges encore empilés les uns sur les autres, le tout avait un air incongru que les lumières des projecteurs allaient sans doute transformer le soir même.

Une annonce avait paru dans le quotidien local selon laquelle un crochet destiné à des amateurs de chansons aurait lieu dès le coucher du soleil, vers vingt-deux heures, après qu’un animateur ait chauffé l’auditoire. C’était Festi-Chansons qui  avait  organisé la première attraction populaire et culturelle parrainée par le grand magasin du haut de la ville. Si elle s’avérait positive, elle se reproduirait l’an prochain avec un cérémonial plus spectaculaire. Dix rangées de sièges avaient été prévues.

- Et s’ils sont plus nombreux ?

L’organisateur avait rassuré le responsable communal.

- Dieu vous entende. Ils se serreront contre la barrière.

Ils furent plus nombreux. Ils s’étaient serrés contre la barrière et, quand le feu s’était déclaré, deux spectateurs avaient été écrasés par des fuyards affolés. Ils étaient venus séparément, seuls le hasard et la mort les avaient réunis.

Le journal du lendemain les réunit à nouveau dans une seule et même manchette : « Deux de nos concitoyens sont décédés, écrasés par la foule, lors d’un incendie fortuit mais spectaculaire. Le substitut du procureur, Ernest Duliere, a ouvert une enquête ».

Avant de préciser la cause du sinistre, le plus simple avait été l’identification des victimes. Ils étaient munis l’un et l’autre de leurs pièces d’identité.

- C’est le destin.

Ni l’un ni l’autre n’avait de famille en ville, il ne serait pas nécessaire d’afficher un air de circonstance ni d’enfiler un veston pour annoncer la chose à des proches éplorés. La tâche incomberait aux agents d’un autre arrondissement.

Tout était simple.

Le substitut Duliere ferait dresser les procès-verbaux pour établir les responsabilités de l’organisateur ou de la municipalité si elle avait mal envisagé les risques courus ou d’un tiers encore inconnu, s’il y avait lieu. Dommage, avait-il ajouté.

- Pour une fois qu’il se passe un évènement culturel.

Il avait fait appeler l’inspecteur Fernand Delrue, un officier de la police judiciaire.

- Tu t’occuperas des victimes, Fernand. Qui sont-ils ? Etc. Le rapport habituel.

Moi, je connaissais tous les personnages de cette histoire. Il n’est pas exact de dire qu’elle avait mal tourné. Elle s’était déroulée autrement que certains ne l’imaginaient alors même qu’ils ne savaient rien de précis.

Jean Duthoit, la victime masculine, avait dormi tard ce jour-là. La veille, il avait traîné dans les cafés de la ville où il avait ses habitudes. Dans l’un, il avait joué aux cartes. Dans un autre, il avait bavardé avec le patron du bistrot. Dans un autre encore, c’est Valérie qu’il avait vue, assise loin de lui, le long du mur. Il n’avait pas osé l’aborder. Il avait l’esprit brumeux, ce n’était pas désagréable.

Valérie Dumonceau, l’autre victime, une jeune femme âgée d’une trentaine d’années, une jolie fille, s’était levée tôt. Elle le faisait tous les jours. Son cerveau, si c’est là que se situait le mécanisme du réveil, était incapable de distinguer le dimanche des autres jours de la semaine.

Il n’est pas rare qu’il fasse beau en septembre. Une sorte de gentillesse météorologique. Pas tout le mois généralement, mais quelques jours cependant.

C’est le dimanche que les souvenirs lui revenaient. En marchant dans le parc souvent vide ou assise sur un des bancs, le bras pendant derrière le dossier. Elle ne cherchait pas à se souvenir mais finalement, elle s’était soumise à ce flot d’images à peine anciennes. Elle y trouvait du plaisir alors que durant longtemps, il lui avait mouillé les yeux. Elle n’avait pas toujours été la jeune femme seule et réservée que ses voisins connaissaient à peine.

Elle avait été amoureuse, elle avait eu un amant qui était censé l’épouser mais qui ne voulait pas quitter son épouse,  il voulait jouir d’une maitresse à l’heure du déjeuner. Elle avait rompu parce qu’elle avait sa dignité de femme.

Elle avait emménagé dans cette ville de province parce qu’elle y avait trouvé du travail. Valérie était une femme de caractère.

Jean Duthoit, l’autre victime, n’était pas encore levé. La tête lourde, il était éveillé. Tous les dimanches, c’était le même combat qui se livrait entre son corps engourdi et son cerveau. C’était toujours son cerveau qui triomphait. Et Jean finissait par se lever. Souvent, il lui arrivait de le regretter.  

Un jour qu’il arpentait le parc municipal, un dimanche matin précisément, il aperçut un cycliste à qui il ne manquait que le casque pour ressembler à un coureur professionnel, s’asseoir lourdement sur un des bancs après avoir laissé tomber son vélo sur le sol, et discuter en riant avec une jeune femme d’aspect assez quelconque. Sinon que parce qu’un autre homme semblait se plaire auprès d’elle, Jean lui trouvât soudain du charme. Deux fois, il avait assisté au manège en se promenant autour du kiosque à musique. La seconde fois, il le reconnaissait, son cerveau avait triomphé de son corps, tôt le matin, sans gros effort.

Mais ce n’était pas ce dimanche de septembre qui allait les unir dans la mort. Ce dimanche ci, le dernier, il avait dormi longtemps pour ne pas interrompre un rêve dans lequel il tenait Valérie dans les bras. Mais peut être que ce n’était pas Valérie.

Il connaissait son nom et son adresse. Il l’avait croisée un jour de semaine, il l’avait suivie jusqu’au siège d’une société de comptabilité, il s’était renseignée à son sujet. Discrètement, avait-il pensé.

-J’ai l’impression, Valérie, que tu as fait impression sur un jeune homme sympathique. Il passe devant les bureaux tous les jours.

- A vélo ?

Une des secrétaires, celle dont le bureau donnait sur la rue, s’était étonnée.

- Tu connais quelqu’un qui fait du vélo ?

Elle répondit non mais elle pensa à Jean Mullier, son ami du dimanche matin.

Cela lui était agréable de penser à un homme qui ne lui déplaisait pas tandis qu’un autre, semblait-il, c’est à elle qu’il pensait.

Au cas où, pensa-t-elle sans le formuler clairement, il y avait là un substitut possible. Elle se mit à rire devant la stupéfaction de sa collègue. A quoi tient l’amour. Qui avait parlé d’amour ?

Vivement dimanche. 

- Viens vite, Valérie.

Trop tard. ! Le temps d’arriver, de se pencher à la fenêtre, on n’apercevait plus qu’une silhouette déhanchée. Qui, de Pierre Mullier, l’amoureux du dimanche ou de l’inconnu dont elle ne connaissait pas le visage, Valérie souhaitait-elle que soit le cycliste qui passait devant le bureau ?

L’amour a ses exigences, pensait Pierre Mullier. Il était mûr pour le mariage.

La veille, il avait reçu des organisateurs de Festi-Chansons une requête précise quant au matériel nécessaire. De quoi construire un podium, et de disposer de dix rangées de chaises. Le Conseil avait marqué son accord, il avait donc chargé le chef des travaux de la réalisation. Les ouvriers désignés pour ce travail dominical jouiraient de deux jours de congé compensatoires. Le représentant syndical, lui aussi, avait marqué son accord. De sorte que le beau temps aidant, cette fête culturelle, patronnée par le Grand Magasin de la ville, s’annonçait comme un futur succès.

Ce dimanche était un jour tout désigné pour nouer avec Valérie des liens qui dureraient jusqu’à la fin de leurs jours. Après la fête, il emmènerait Valérie chez lui.

Je ne sais pas si lecteur devine la fin de l’histoire. Je l’ai déjà dit, elle ne s’est pas déroulée comme la plupart des protagonistes l’ont déduit. La preuve est faite, une fois de plus : avant d’affirmer, un peu d’humilité s’impose.

Lorsque, la veille du fameux dimanche, pour se changer les idées, Valérie avait pénétré dans la brasserie, il avait levé les yeux vers elle. Pourquoi avait-elle eu la certitude qu’il s’agissait de l’inconnu qui passait et repassait devant les bureaux. D’autres plus compétents, le diraient. Je suppose qu’il s’agit d’un pan de la destinée que je ne maîtrise pas.

Elle aimait l’atmosphère de cette brasserie. On eut dit la brasserie d’une gare. Il y avait du monde. Personne ne semblait se connaitre. Tout à l’heure, lorsque le train sera prêt à partir, chacun rejoindrait son destin.

Si ce n’avait été dans la vie réelle, elle se serait dirigée vers lui. Elle aurait dit :

- Je peux m’asseoir ?

Ils auraient fini la nuit ensemble.

Le lendemain matin, le dernier jour de sa vie, elle s’était rendue au parc municipal.

Pierre Mullier vint la rejoindre. Il était vêtu d’un ensemble de sport, jean et blouson de toile.

- Je n’ai pas beaucoup de temps, Valérie. Il y a fête, ce soir, à la Grand Place. J’ai des choses importantes à vous dire. Vous viendrez ?

Il remonta sur son vélo en lui faisant des signes de la main. Elle pensa qu’il aurait pu en dire davantage. 

Quelques jours après le fameux dimanche, l’inspecteur Delrue apprit par la collègue de Valérie qu’un cycliste à la silhouette imprécise était passé à quelques reprises devant les bureaux, le vendredi dernier encore, mais ça avait été la dernière fois. De toute manière, l’information n’avait aucun intérêt.

Pierre Mullier quant à lui, n’avait rien raconté de ce dimanche ni des autres à Fernand Delrue. A quoi cela aurait-il servi ? Ce n’était pas avec son ancien condisciple qu’il avait eu l’intention de partager son lit. Valérie n’aurait pas ressuscité. En outre, l’inspecteur Delrue ne lui avait rien demandé.

Fernand Delrue ne s’intéressait que très peu à ce qui se passait dans le parc, le dimanche. La veuve de l’ancien ingénieur de la ville avait sa maison à proximité. Le substitut du procureur lui aussi y avait sa maison. A trop surveiller le parc, on risquait de le voir sortir de la maison de la veuve. De la part du substitut, cela ne prouvait rien. Fernand Delrue qui avait de l’esprit ajoutait en son for intérieur :

- Et si on le voyait sortir du lit de la veuve, est-ce ça prouverait quelque chose d’autre qu’un accès subit de fatigue ? A trop vouloir prouver… 

Les faits, rien que les faits, s’ils étaient consignés dans les formes, structuraient la raison d’un bon policier. Il faut laisser les supputations aux romanciers. Et les opacités de la vie aux aveuglements inévitables de la conscience.

Beaucoup de gens meurent tous les jours. La mort de Valérie et de Jean était due à la fatalité. Rien, d’ailleurs, ne me prouve qu’ils aient vécu. Et ce  spectacle, est-ce qu’il a eu lieu ? Peut être que je les ai inventés.  

Reste qu’il s’était agi d’une belle journée de septembre

 

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Triomphe sur l'inexistence

 

Soliloque

Enduits d'une encre indélébiles,

Mes poèmes dans le courant,

Sont déplacés au gré des vents.

Ils y séjournent peu fragiles.

Parmi leurs incertaines prises,

Des pêcheurs, en quête d'émois,

En attrapent plusieurs parfois,

Bien satisfaits de ces surprises.

Sincèrement, ils remercient;

Ils m'adressent des commentaires,

Une aimable façon de faire,

Dont j'avoue que je me soucie.

Nombreux me lisent assidûment,

Sans me révéler leur présence.

Anonymes dans le silence.

Ils suscitent mon étonnement.

N'ai pas vaine mon insistance

À partager ce que j'écris.

J'ai fait le point et je souris:

Triomphe sur l'inexistence!

12 avril 2014

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