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12273010475?profile=originalJ'aurais voulu connaître sa façon d'écrire.
Tête penchée sur son papier, son sourire. 

J'aurais voulu connaître sa démarche lorsqu'elle se déplace.
Comme l'autre fois durant ce défilé de mode, Grand-place.
 
J'aurais voulu la voir quand elle bouge, quand elle danse.
Karaoké d'un soir, sa voix, sa prestance quand elle chante.

J'aurais voulu voir sa frimousse le matin tôt, peut-être un ange.
Petit déjeuner, table dressée, chocolat chaud ce dimanche.  

J'aurais voulu deviner sa silhouette élancée sous ombres chinoises.
Apprécier son élégance pas à pas et toucher de ma main son miroir.  

J'aurais voulu connaître sa façon de conduire, son style.
Sûrement une vieille auto, originale, sans intérieur cuir.  

J'aurais voulu apercevoir ses mouvements lorsqu'elle s'habille.   
Collants noirs sous un short, un jeans ou tailleur bleu marine.  

J'aurais voulu la contempler lors d'une danse latino. 
Havana club, soirée d'enfer et rentrer le matin tôt.  

J'aurais aimé sa simplicité, sa façon d'être sans vouloir l'avoir. 
Sa générosité, sa compréhension, son caractère, savoir son âge.  

J'aurais voulu marcher coté mer du Nord, les pieds dans l'eau. 
Près de Bruges, Ostende sur le sable dur après la marée haute.   

J'aurais voulu qu'elle se mette sur la pointe des pieds.
Atteindre la hauteur de mon cou, ses mains entrelacées. 

J'aurais aimé sa compagnie, envie de débuter une belle histoire.
A Paris sous la pluie, toute une nuit et ne jamais lui dire au revoir. 

Ben.  

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ADMINISTRATEUR GENERAL

Exposition de décembre 2014 de Leonard Pervizi

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12273008855?profile=originalEt Sophie André

12273008674?profile=originalExposition de novembre 2014

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12273009678?profile=originalExposition d'octobre 2014

12273009301?profile=original12273010053?profile=original12273010078?profile=original12273010894?profile=originalExposition de septembre avec la Ligue

12273011253?profile=originalEn Août c'est un salon d'été

En juillet la galerie est fermée

Exposition de mai - juin 2014

12273011278?profile=original12273011665?profile=original12273011690?profile=originalExposition d'avril - mai 2014

12273011900?profile=original12273012280?profile=original12273013055?profile=originalExposition d'avril 2014

12273012688?profile=original12273013080?profile=originalExposition de mars - avril 2014

12273012889?profile=original12273013876?profile=originalExposition de février - mars 2014

12273013901?profile=original12273014480?profile=originalExposition de février  2014 d'Alfonso Di Mascio

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Jerry Delfosse

Galeriste

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C’est aujourd’hui le travail d’un artiste que j’aime beaucoup par l’énergie et les effets de lumière se dégageant de ses aquarelles, que je vous propose en analyse : il s’agit d’Alvaro Castagnet, dont vous pouvez consulter la galerie en ligne ici.
Suivons-le dans son savoir-faire à Anvers et à Berlin avec ces deux vidéos fort instructives : préparant son papier sur planchettes de contre-plaqué marine de moyen format en général (de façon assez sommaire mais efficace), il travaille debout sur le motif assez rapidement, se servant d’un tripode où il adapte sa planchette en guise de support, esquissant au préalable un dessin rapide mais bien construit dont il interprètera les personnages (généralement au moment de la pose des grandes masses sombres) de façon très libre et suffisamment fondue dans le reste du motif pour que leur évocation s’arrête à la suggestion.
L’ensemble de ses motifs est régi par la lumière, les contrastes de valeurs (il affectionne les contre-jours), les masses liées aux volumes, la charpente de l’ensemble étant dynamisée par le subtil graphisme de détails en fin d’exécution.
C’est un travail incisif et enlevé comme celui que je vous invite à réaliser sur le terrain en plus petit format, en logistique plus légère encore pour le carnet de voyage.

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Joseph Zbukvic, avec ses peintures d’atmosphère où la vie rurale et les scènes urbaines sont empreintes d’une forte intensité vibratoire, est l’un des aquarellistes contemporains australiens que j’aime le plus (allez voir ses aquarelles ici vous m‘en direz des nouvelles !), car sa façon de travailler a une certaine parenté avec celle que nous appliquons sur le terrain lors de nos carnets de voyage.
Au moment où nous sommes totalement immergés dans les splendeurs sud marocaines à l’occasion du stage "Sur les pistes du Grand Sud en 4 x 4" (j’ai programmé cet article pour vous avant de partir), j’ai pensé que vous auriez plaisir à découvrir la façon de travailler de cet artiste incomparable, dans le cadre de ses thèmes de prédilection.
Ici, il choisit une gamme de sujets du quotidien campagnard ou urbain pour réaliser ses aquarelles, prouvant qu’il n’existe pas de sujets inintéressants, et que c’est notre propre regard avant tout qu’il nous faut changer si on veut pouvoir s’émerveiller de tout.
En peignant dans et autour de Melbourne, il capture dans le bruit et la chaleur d'une journée de fin d’été une équipe de la voirie au travail dans la rue, des vendangeurs dans un vignoble, des ouvriers travaillant sur un yacht dans un chantier naval, et des cuisiniers de plein air comme nous en avons rencontré sur la Place Jemaa El Fna à Marrakech en début de stage…

Regardez comment il oppose dans toutes ses aquarelles l'ombre à la lumière en contrastes simultanés de valeurs pour bien mettre ses sujets en évidence, et comment il utilise les couleurs vives pour dynamiser son motif (c'est très différent de Lian Quan Zhen, mais vous voyez qu'on peut avoir en aquarelle des couleurs très sombres ou très vives en contrastes simultanés).
Observez bien sa façon de capter le mouvement de ses personnages, de leur donner vie, d’induire par quelques coups de pinceaux les gestes du quotidien qui suggèrent la vie.
Que pouvons-nous en déduire ?  
- Qu’il faut, si on veut progresser dans ce domaine si important de la présence de personnages pour faire vivre une aquarelle, réaliser énormément de croquis sur le vif, arpenter crayon et carnet de croquis en main les parcs et jardins publics, se mettre devant la télé (chaînes de voyages si cela vous inspire davantage, zapper jusqu’à ce que vous trouviez des personnages qui vous inspirent - mais pas de portraits ni de personnages trop rapprochés pour commencer -), et dessiner, dessiner, dessiner, en faisant des hachures, en abandonnant le sujet s’il s’en va, en ne gommant pas mais en recommençant à côté, et ne vous en faites pas si c’est raté, car il faut rater beaucoup pour commencer à réussir un jour !

 

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Une superbe et dynamique « démo » d’aquarelle !

Voici une belle démonstration de virtuosité partagée, qui « décoiffe » : la réalisation d’une super aquarelle « géante » par trois compères australiens de grand talent (je m’étais attaqué seul à ce genre d’exercice il y a plus de 15 ans maintenant, je vous en reparlerai un jour, mais je peux vous affirmer que la difficulté commence déjà au moment de tendre le papier).
C’est le genre de travail que j’apprécie beaucoup, dans une approche et un style qui me conviennent parfaitement, qui en apprennent beaucoup sur le savoir-faire, la légèreté, la liberté, la spontanéité que j’aime.
En plus ces trois lascars ont tout pour nous plaire, enjoués et complices, dans une bonne humeur qui fait plaisir à voir, soutenus par un quatrième larron motard et sympathique…
Écoutez bien leurs propos, leurs échanges, leur humour (ils se sont même représentés marchant dans leur superbe aquarelle !).
Regardez bien comment ils travaillent : mis à part la dimension de certains pinceaux et des palettes, notre approche technique est semblable à la leur (mais en bien plus petit, et totalement sur le terrain).
À noter dans mes remarques : ils se libèrent totalement au niveau de l’exécution du modèle photographique que l’un d’eux tient un moment dans ses mains. Observez-le bien, c’est-ce qu’il faut arriver à faire quel que soit son format de travail dès l’instant où on utilise des photos comme source d’inspiration.

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Le dit du comédien

 

 

Je m’appelle Damien.

Ne riez pas : tout le monde ne peut pas s’appeler  Corneille Cocu. C’était le nom du chef de gare de Tournai, il y a quelques années. L’administration des chemins de fer l’a obligé de prendre sa préretraite.

Non, je ne suis pas fonctionnaire, ni aux chemins de fer ni ailleurs. Je suis comédien.

J’aurais pu être Papou. J’espère que cela ne vexe pas les Papous, s’il y en a dans la salle.

Vous ne me connaissez pas. Et alors ? Moi, est-ce que je vous connais ? Il y a des millions de personnes qui ne se connaissent pas. Sur toutes les parties de la planète.

Pourquoi m’adresser à vous en direct ? Je fais l’économie d’une troupe, d’un directeur de salle, et de la course aux subsides. D’ailleurs, je ne risque pas d’en recevoir, je ne fais pas de politique. Ni les écoles, ni les syndicats, ne m’ont procuré mon public.

Si vous êtes-là, c’est simple. C’est que le bouche à oreille a fonctionné. Je dois être bon.

Pour la première, c’est vrai, vous n’étiez que dix qui s’étaient trompé de théâtre.

Mais, il arrive qu’on se trompe d’épouse, ou que des révélations inattendues transforment votre vie. En bien, ce doit être la même chose pour ce qui est du théâtre.

 On me l’a conseillé :

- Fais au plus con quand tu es sur scène, tu es sûr de faire rire plus de la moitié de la salle. Si tu veux passer pour un intello, tu ne feras sourire que les spectateurs du dernier rang.

Par exemple je pourrais vous parler de la planète, tout le monde parle de la planète. La planète, vous voulez savoir ? Je m’en fous.

La démographie ? Non, ça n’a rien d’érotique. Quoique…

La croissance citoyenne ? Je ne sais pas ce que c’est.

La décroissance ? Là, j’ai des idées, c’est un auteur allemand qui me les a inspirées. Qu’est-ce qu’on peut répondre à cela ? Ecoutez :

Quand on n’a rien, la décroissance, comment on fait ?

Une existence durable ? Vous en connaissez des existences qui durent davantage que le temps que le bon dieu ou le grand architecte leur a octroyé. On peut toujours rêver.

Vous voyez, moi aussi je peux vous parler de la planète.

Le plus important pour un comédien, c’est sa voix.

La voix d’un comédien est d’une tessiture particulière. Ce n’est pas le texte qui émeut. Certains d’entre eux sont usés d’avoir servi durant des siècles. Pensez aux tragédies grecques. Ou aux odes latines. C’est la voix du comédien qui fait frissonner le spectateur. D’ailleurs, pour moi, le grec c’est du latin. Je vous demande pardon, ça m’a repris.

Vous avez apporté l’annuaire téléphonique ? Gardez le vôtre, moi aussi j’ai apporté le mien. Ce n’est pas la dernière édition, soit, mais les changements ne doivent pas être nombreux. On meurt tous les jours mais pas en même temps. Et puis, je ne m’en sers pas pour téléphoner.

Je commence.

Bienvenue dans les pages blanches de Truvo.

Abay. Abatan. Abati ?;soit A-ba-to. Vous qui riez, vous voulez essayer ?

Moi, j’ai été au ciel. Oui, ce ciel-là. Avec un vieillard aux cheveux blancs derrière son bureau et deux assistants qui lui disent des choses à l’oreille. Lorsque je me suis réveillé, ils avaient disparu. Tous les trois.

Qui donc, hormis le comédien, pourrait exprimer vos sentiments ? Vos sentiments inavoués.

Par exemple :

Comment, parmi tant d’hommes, es-tu le seul dont j’ai envie des caresses. Même quand tu me bats. Même quand tu ne devines pas mes envies secrètes.

Qui donc pourrait le dire mieux qu’un comédien ?

 

Je trouve que cette réplique tombe comme un cheveu dans la soupe, non ? Mais parfois, à lire ce qui se dit sur le samizdat occidental facebook, je me dis que nombreuses sont celles de vos existences ou des nôtres qui tombent dans la soupe. La question est : quelle est la nature de cette soupe. Assis derrière son ordinateur, un auteur  aime se poser des questions auxquelles il ne peut pas répondre. Auxquelles, il n’y a pas lieu de répondre. Cela lui donne l’image d’un philosophe préoccupé par des questions essentielles, ou existentielles, comment dit-on ? Alors, qu’à chaque fois qu’il discute avec sa compagne, il ne parle que de droits d’auteur.

Parfois, je me dis que s’il s’écarte pour péter, ce n’est pas par pudeur mais parce qu’il craint qu’on ne vole son image. Parce qu’il y a aussi le droit à l’image.

Trop souvent, le comédien joue deux rôles à la fois. Celui que lui dicte le texte écrit par un autre et le sien qui le pousse, il croit que c’est nécessaire, à grimacer tant par les gestes que par la voix. Quand il s’agit d’une tragédie, on croit à chaque fois qu’il est prêt à se suicider comme Socrate l’a fait en ingurgitant de la cigüe alors qu’il ne s’agit que de boire un verre de limonade inoffensive. Lorsqu’il s’agit d’une comédie, il s’efforce de faire rire les spectateurs avec le même ton qu’il utilise pour tenir des propos graveleux.

Décidément, je le reconnais, je n’aime pas les comédiens. 

 

Est-il vraiment nécessaire de tendre le bras, et de hausser la voix pour dire : prends un siège, Cinna.

De nombreuses fois, il arrive qu’on me dise : assied-toi, Damien, sans amphigouri. Tenez : Rodrigue, as-tu du cœur. C’est tragique ? Et dans Marius, le Marius de Pagnol, quand il interroge Escartefigue : as-tu du cœur ? C’est tragique peut-être ?  Maudit soit celui qui a inventé « l’Art Dramatique ». Il n’y a que le théâtre. Et le théâtre, c’est la comédie. Drame ou rire, ce n’est que de la comédie. Mais de la comédie vraie. Pas celle que vous jouez tous les jours.

Tenez, si je demande à l’un de vous de prendre ma place sur cette estrade destinée aux comédiens, vous serez trop nombreux. Elle a été conçue pour des comédiens véritables. Regardez bien, je suis transparent. Ce personnage que vous voyez, il vous semble le reconnaitre. C’est vrai, c’est vous.

D’accord, fini la philosophie de bazar.

C’est vrai, un auteur aime citer de grands noms de théâtre. Il ajoute : etc parce que qu’il considère que son propre nom y figure tout naturellement.

Nietzsche, Brecht, Becket, Shakespeare, etc. Bien sûr sans qu’il lui vienne à l’esprit les noms de ceux qui, par leur seul organe vocal, ont porté leurs œuvres jusqu’à aujourd’hui. A chaque fois, c’est comme un coup de poignard qu’il plonge dans le cœur du comédien.

 

Le jugement ( dernier ?)

 

Dans une cuisine ordinaire, pas de salle à manger ou de bureau pour ceux qui attendent plus de respect pour leur personne. Un fonctionnaire les interroge.

Sont-ils conformes à leurs horoscopes ?

Puis.. Théâtre

Le purgatoire est destiné à attendre que l’une ou l’autre place se libère. C’est une erreur de croire qu’il se situe au ciel. Il se situe dans les sous-sols de la terre. Il est plus aisé d’y rencontrer les défunts au fur et à mesure qu’ils doivent être interrogés. Certains le seront à plusieurs reprises. Il est enfantin de penser qu’ils franchiront à chaque fois un bond de milliers, sinon de millions, de kilomètres. Soyons sérieux, il ne s’agit pas d’un conte pour enfants.

La mort d’un comédien

Il achève une tirade shakespearienne. Il ne l’achève pas. Il est seul. Ou quelqu’un est dans un coin de la scène. Il mime ou non 

- Pourquoi, m’engueules-tu ? C’est toi qui dis mal. Tu cries. Tu cries.

- depuis combien de temps es-tu avec moi ?

- Je ne comprends pas ta question ?

- tu es con ou quoi. Il s’agit de temps. Un an, cinq ans, dix ? Plus, moins.

- Je ne sais pas ? Parfois je pense : depuis hier. Je n’y pense jamais. Peut-être depuis toujours.

- Ca veut dire quoi : toujours ?

- Tais-toi, tu m’embrouilles.

- Je me tais.

- Tu sais combien de femmes j’ai connues ?

- C’est des femmes que tu as eues dont tu te souviens ?

Il compte sur les doigts à chaque fois qu’il prononce un prénom. Parfois, il hésite.

-Et le théâtre ? Les textes qui n’ont existé que parce que tu les disais

- Chaque comédien prétend la même chose. Ce n’est pas des textes dont il s’agit, ce n’est pas des comédiens, non plus. C’est de moi.

 

Le dit du comédien.

 

 

Je m’appelle Damien.

Ne riez pas : tout le monde ne peut pas s’appeler  Corneille Cocu. C’était le nom du chef de gare de Tournai, il y a quelques années. L’administration des chemins de fer l’a obligé de prendre sa préretraite.

Non, je ne suis pas fonctionnaire, ni aux chemins de fer ni ailleurs. Je suis comédien.

J’aurais pu être Papou. J’espère que cela ne vexe pas les Papous, s’il y en a dans la salle.

Vous ne me connaissez pas. Et alors ? Moi, est-ce que je vous connais ? Il y a des millions de personnes qui ne se connaissent pas. Sur toutes les parties de la planète.

Pourquoi m’adresser à vous en direct ? Je fais l’économie d’une troupe, d’un directeur de salle, et de la course aux subsides. D’ailleurs, je ne risque pas d’en recevoir, je ne fais pas de politique. Ni les écoles, ni les syndicats, ne m’ont procuré mon public.

Si vous êtes-là, c’est simple. C’est que le bouche à oreille a fonctionné. Je dois être bon.

Pour la première, c’est vrai, vous n’étiez que dix qui s’étaient trompé de théâtre.

Mais, il arrive qu’on se trompe d’épouse, ou que des révélations inattendues transforment votre vie. En bien, ce doit être la même chose pour ce qui est du théâtre.

 On me l’a conseillé :

- Fais au plus con quand tu es sur scène, tu es sûr de faire rire plus de la moitié de la salle. Si tu veux passer pour un intello, tu ne feras sourire que les spectateurs du dernier rang.

Par exemple je pourrais vous parler de la planète, tout le monde parle de la planète. La planète, vous voulez savoir ? Je m’en fous.

La démographie ? Non, ça n’a rien d’érotique. Quoique…

La croissance citoyenne ? Je ne sais pas ce que c’est.

La décroissance ? Là, j’ai des idées, c’est un auteur allemand qui me les a inspirées. Qu’est-ce qu’on peut répondre à cela ? Ecoutez :

Quand on n’a rien, la décroissance, comment on fait ?

Une existence durable ? Vous en connaissez des existences qui durent davantage que le temps que le bon dieu ou le grand architecte leur a octroyé. On peut toujours rêver.

Vous voyez, moi aussi je peux vous parler de la planète.

Le plus important pour un comédien, c’est sa voix.

La voix d’un comédien est d’une tessiture particulière. Ce n’est pas le texte qui émeut. Certains d’entre eux sont usés d’avoir servi durant des siècles. Pensez aux tragédies grecques. Ou aux odes latines. C’est la voix du comédien qui fait frissonner le spectateur. D’ailleurs, pour moi, le grec c’est du latin. Je vous demande pardon, ça m’a repris.

Vous avez apporté l’annuaire téléphonique ? Gardez le vôtre, moi aussi j’ai apporté le mien. Ce n’est pas la dernière édition, soit, mais les changements ne doivent pas être nombreux. On meurt tous les jours mais pas en même temps. Et puis, je ne m’en sers pas pour téléphoner.

Je commence.

Bienvenue dans les pages blanches de Truvo.

Abay. Abatan. Abati ?;soit A-ba-to. Vous qui riez, vous voulez essayer ?

Moi, j’ai été au ciel. Oui, ce ciel-là. Avec un vieillard aux cheveux blancs derrière son bureau et deux assistants qui lui disent des choses à l’oreille. Lorsque je me suis réveillé, ils avaient disparu. Tous les trois.

Qui donc, hormis le comédien, pourrait exprimer vos sentiments ? Vos sentiments inavoués.

Par exemple :

Comment, parmi tant d’hommes, es-tu le seul dont j’ai envie des caresses. Même quand tu me bats. Même quand tu ne devines pas mes envies secrètes.

Qui donc pourrait le dire mieux qu’un comédien ?

 

Je trouve que cette réplique tombe comme un cheveu dans la soupe, non ? Mais parfois, à lire ce qui se dit sur le samizdat occidental facebook, je me dis que nombreuses sont celles de vos existences ou des nôtres qui tombent dans la soupe. La question est : quelle est la nature de cette soupe. Assis derrière son ordinateur, un auteur  aime se poser des questions auxquelles il ne peut pas répondre. Auxquelles, il n’y a pas lieu de répondre. Cela lui donne l’image d’un philosophe préoccupé par des questions essentielles, ou existentielles, comment dit-on ? Alors, qu’à chaque fois qu’il discute avec sa compagne, il ne parle que de droits d’auteur.

Parfois, je me dis que s’il s’écarte pour péter, ce n’est pas par pudeur mais parce qu’il craint qu’on ne vole son image. Parce qu’il y a aussi le droit à l’image.

Trop souvent, le comédien joue deux rôles à la fois. Celui que lui dicte le texte écrit par un autre et le sien qui le pousse, il croit que c’est nécessaire, à grimacer tant par les gestes que par la voix. Quand il s’agit d’une tragédie, on croit à chaque fois qu’il est prêt à se suicider comme Socrate l’a fait en ingurgitant de la cigüe alors qu’il ne s’agit que de boire un verre de limonade inoffensive. Lorsqu’il s’agit d’une comédie, il s’efforce de faire rire les spectateurs avec le même ton qu’il utilise pour tenir des propos graveleux.

Décidément, je le reconnais, je n’aime pas les comédiens. 

 

Est-il vraiment nécessaire de tendre le bras, et de hausser la voix pour dire : prends un siège, Cinna.

De nombreuses fois, il arrive qu’on me dise : assied-toi, Damien, sans amphigouri. Tenez : Rodrigue, as-tu du cœur. C’est tragique ? Et dans Marius, le Marius de Pagnol, quand il interroge Escartefigue : as-tu du cœur ? C’est tragique peut-être ?  Maudit soit celui qui a inventé « l’Art Dramatique ». Il n’y a que le théâtre. Et le théâtre, c’est la comédie. Drame ou rire, ce n’est que de la comédie. Mais de la comédie vraie. Pas celle que vous jouez tous les jours.

Tenez, si je demande à l’un de vous de prendre ma place sur cette estrade destinée aux comédiens, vous serez trop nombreux. Elle a été conçue pour des comédiens véritables. Regardez bien, je suis transparent. Ce personnage que vous voyez, il vous semble le reconnaitre. C’est vrai, c’est vous.

D’accord, fini la philosophie de bazar.

C’est vrai, un auteur aime citer de grands noms de théâtre. Il ajoute : etc parce que qu’il considère que son propre nom y figure tout naturellement.

Nietzsche, Brecht, Becket, Shakespeare, etc. Bien sûr sans qu’il lui vienne à l’esprit les noms de ceux qui, par leur seul organe vocal, ont porté leurs œuvres jusqu’à aujourd’hui. A chaque fois, c’est comme un coup de poignard qu’il plonge dans le cœur du comédien.

 

Le jugement ( dernier ?)

 

Dans une cuisine ordinaire, pas de salle à manger ou de bureau pour ceux qui attendent plus de respect pour leur personne. Un fonctionnaire les interroge.

Sont-ils conformes à leurs horoscopes ?

Puis.. Théâtre

Le purgatoire est destiné à attendre que l’une ou l’autre place se libère. C’est une erreur de croire qu’il se situe au ciel. Il se situe dans les sous-sols de la terre. Il est plus aisé d’y rencontrer les défunts au fur et à mesure qu’ils doivent être interrogés. Certains le seront à plusieurs reprises. Il est enfantin de penser qu’ils franchiront à chaque fois un bond de milliers, sinon de millions, de kilomètres. Soyons sérieux, il ne s’agit pas d’un conte pour enfants.

La mort d’un comédien

Il achève une tirade shakespearienne. Il ne l’achève pas. Il est seul. Ou quelqu’un est dans un coin de la scène. Il mime ou non 

- Pourquoi, m’engueules-tu ? C’est toi qui dis mal. Tu cries. Tu cries.

- depuis combien de temps es-tu avec moi ?

- Je ne comprends pas ta question ?

- tu es con ou quoi. Il s’agit de temps. Un an, cinq ans, dix ? Plus, moins.

- Je ne sais pas ? Parfois je pense : depuis hier. Je n’y pense jamais. Peut-être depuis toujours.

- Ca veut dire quoi : toujours ?

- Tais-toi, tu m’embrouilles.

- Je me tais.

- Tu sais combien de femmes j’ai connues ?

- C’est des femmes que tu as eues dont tu te souviens ?

Il compte sur les doigts à chaque fois qu’il prononce un prénom. Parfois, il hésite.

-Et le théâtre ? Les textes qui n’ont existé que parce que tu les disais

- Chaque comédien prétend la même chose. Ce n’est pas des textes dont il s’agit, ce n’est pas des comédiens, non plus. C’est de moi.

 

Le dit du comédien.

 

 

Je m’appelle Damien.

Ne riez pas : tout le monde ne peut pas s’appeler  Corneille Cocu. C’était le nom du chef de gare de Tournai, il y a quelques années. L’administration des chemins de fer l’a obligé de prendre sa préretraite.

Non, je ne suis pas fonctionnaire, ni aux chemins de fer ni ailleurs. Je suis comédien.

J’aurais pu être Papou. J’espère que cela ne vexe pas les Papous, s’il y en a dans la salle.

Vous ne me connaissez pas. Et alors ? Moi, est-ce que je vous connais ? Il y a des millions de personnes qui ne se connaissent pas. Sur toutes les parties de la planète.

Pourquoi m’adresser à vous en direct ? Je fais l’économie d’une troupe, d’un directeur de salle, et de la course aux subsides. D’ailleurs, je ne risque pas d’en recevoir, je ne fais pas de politique. Ni les écoles, ni les syndicats, ne m’ont procuré mon public.

Si vous êtes-là, c’est simple. C’est que le bouche à oreille a fonctionné. Je dois être bon.

Pour la première, c’est vrai, vous n’étiez que dix qui s’étaient trompé de théâtre.

Mais, il arrive qu’on se trompe d’épouse, ou que des révélations inattendues transforment votre vie. En bien, ce doit être la même chose pour ce qui est du théâtre.

 On me l’a conseillé :

- Fais au plus con quand tu es sur scène, tu es sûr de faire rire plus de la moitié de la salle. Si tu veux passer pour un intello, tu ne feras sourire que les spectateurs du dernier rang.

Par exemple je pourrais vous parler de la planète, tout le monde parle de la planète. La planète, vous voulez savoir ? Je m’en fous.

La démographie ? Non, ça n’a rien d’érotique. Quoique…

La croissance citoyenne ? Je ne sais pas ce que c’est.

La décroissance ? Là, j’ai des idées, c’est un auteur allemand qui me les a inspirées. Qu’est-ce qu’on peut répondre à cela ? Ecoutez :

Quand on n’a rien, la décroissance, comment on fait ?

Une existence durable ? Vous en connaissez des existences qui durent davantage que le temps que le bon dieu ou le grand architecte leur a octroyé. On peut toujours rêver.

Vous voyez, moi aussi je peux vous parler de la planète.

Le plus important pour un comédien, c’est sa voix.

La voix d’un comédien est d’une tessiture particulière. Ce n’est pas le texte qui émeut. Certains d’entre eux sont usés d’avoir servi durant des siècles. Pensez aux tragédies grecques. Ou aux odes latines. C’est la voix du comédien qui fait frissonner le spectateur. D’ailleurs, pour moi, le grec c’est du latin. Je vous demande pardon, ça m’a repris.

Vous avez apporté l’annuaire téléphonique ? Gardez le vôtre, moi aussi j’ai apporté le mien. Ce n’est pas la dernière édition, soit, mais les changements ne doivent pas être nombreux. On meurt tous les jours mais pas en même temps. Et puis, je ne m’en sers pas pour téléphoner.

Je commence.

Bienvenue dans les pages blanches de Truvo.

Abay. Abatan. Abati ?;soit A-ba-to. Vous qui riez, vous voulez essayer ?

Moi, j’ai été au ciel. Oui, ce ciel-là. Avec un vieillard aux cheveux blancs derrière son bureau et deux assistants qui lui disent des choses à l’oreille. Lorsque je me suis réveillé, ils avaient disparu. Tous les trois.

Qui donc, hormis le comédien, pourrait exprimer vos sentiments ? Vos sentiments inavoués.

Par exemple :

Comment, parmi tant d’hommes, es-tu le seul dont j’ai envie des caresses. Même quand tu me bats. Même quand tu ne devines pas mes envies secrètes.

Qui donc pourrait le dire mieux qu’un comédien ?

 

Je trouve que cette réplique tombe comme un cheveu dans la soupe, non ? Mais parfois, à lire ce qui se dit sur le samizdat occidental facebook, je me dis que nombreuses sont celles de vos existences ou des nôtres qui tombent dans la soupe. La question est : quelle est la nature de cette soupe. Assis derrière son ordinateur, un auteur  aime se poser des questions auxquelles il ne peut pas répondre. Auxquelles, il n’y a pas lieu de répondre. Cela lui donne l’image d’un philosophe préoccupé par des questions essentielles, ou existentielles, comment dit-on ? Alors, qu’à chaque fois qu’il discute avec sa compagne, il ne parle que de droits d’auteur.

Parfois, je me dis que s’il s’écarte pour péter, ce n’est pas par pudeur mais parce qu’il craint qu’on ne vole son image. Parce qu’il y a aussi le droit à l’image.

Trop souvent, le comédien joue deux rôles à la fois. Celui que lui dicte le texte écrit par un autre et le sien qui le pousse, il croit que c’est nécessaire, à grimacer tant par les gestes que par la voix. Quand il s’agit d’une tragédie, on croit à chaque fois qu’il est prêt à se suicider comme Socrate l’a fait en ingurgitant de la cigüe alors qu’il ne s’agit que de boire un verre de limonade inoffensive. Lorsqu’il s’agit d’une comédie, il s’efforce de faire rire les spectateurs avec le même ton qu’il utilise pour tenir des propos graveleux.

Décidément, je le reconnais, je n’aime pas les comédiens. 

 

Est-il vraiment nécessaire de tendre le bras, et de hausser la voix pour dire : prends un siège, Cinna.

De nombreuses fois, il arrive qu’on me dise : assied-toi, Damien, sans amphigouri. Tenez : Rodrigue, as-tu du cœur. C’est tragique ? Et dans Marius, le Marius de Pagnol, quand il interroge Escartefigue : as-tu du cœur ? C’est tragique peut-être ?  Maudit soit celui qui a inventé « l’Art Dramatique ». Il n’y a que le théâtre. Et le théâtre, c’est la comédie. Drame ou rire, ce n’est que de la comédie. Mais de la comédie vraie. Pas celle que vous jouez tous les jours.

Tenez, si je demande à l’un de vous de prendre ma place sur cette estrade destinée aux comédiens, vous serez trop nombreux. Elle a été conçue pour des comédiens véritables. Regardez bien, je suis transparent. Ce personnage que vous voyez, il vous semble le reconnaitre. C’est vrai, c’est vous.

D’accord, fini la philosophie de bazar.

C’est vrai, un auteur aime citer de grands noms de théâtre. Il ajoute : etc parce que qu’il considère que son propre nom y figure tout naturellement.

Nietzsche, Brecht, Becket, Shakespeare, etc. Bien sûr sans qu’il lui vienne à l’esprit les noms de ceux qui, par leur seul organe vocal, ont porté leurs œuvres jusqu’à aujourd’hui. A chaque fois, c’est comme un coup de poignard qu’il plonge dans le cœur du comédien.

 

Le jugement ( dernier ?)

 

Dans une cuisine ordinaire, pas de salle à manger ou de bureau pour ceux qui attendent plus de respect pour leur personne. Un fonctionnaire les interroge.

Sont-ils conformes à leurs horoscopes ?

Puis.. Théâtre

Le purgatoire est destiné à attendre que l’une ou l’autre place se libère. C’est une erreur de croire qu’il se situe au ciel. Il se situe dans les sous-sols de la terre. Il est plus aisé d’y rencontrer les défunts au fur et à mesure qu’ils doivent être interrogés. Certains le seront à plusieurs reprises. Il est enfantin de penser qu’ils franchiront à chaque fois un bond de milliers, sinon de millions, de kilomètres. Soyons sérieux, il ne s’agit pas d’un conte pour enfants.

La mort d’un comédien

Il achève une tirade shakespearienne. Il ne l’achève pas. Il est seul. Ou quelqu’un est dans un coin de la scène. Il mime ou non 

- Pourquoi, m’engueules-tu ? C’est toi qui dis mal. Tu cries. Tu cries.

- depuis combien de temps es-tu avec moi ?

- Je ne comprends pas ta question ?

- tu es con ou quoi. Il s’agit de temps. Un an, cinq ans, dix ? Plus, moins.

- Je ne sais pas ? Parfois je pense : depuis hier. Je n’y pense jamais. Peut-être depuis toujours.

- Ca veut dire quoi : toujours ?

- Tais-toi, tu m’embrouilles.

- Je me tais.

- Tu sais combien de femmes j’ai connues ?

- C’est des femmes que tu as eues dont tu te souviens ?

Il compte sur les doigts à chaque fois qu’il prononce un prénom. Parfois, il hésite.

-Et le théâtre ? Les textes qui n’ont existé que parce que tu les disais

- Chaque comédien prétend la même chose. Ce n’est pas des textes dont il s’agit, ce n’est pas des comédiens, non plus. C’est de moi.

 

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Les trois amies

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Alger "La Blanche"

Pour Marie

Mars 1962


J’ai 8 ans.
Je suis sortie du lycée Delacroix avec Isabelle et Mounia.
Petites disputes, petite larme ;
mais non, tu es ma meilleure amie!
Petit cœur dessiné sur le dos de ma main;
cœur bleu à l’encre du même bleu que nos jupes.
Cartable sur le dos, il fait chaud.
Il fait toujours chaud à Alger à 11 heures 30 et les escaliers de la rue Jean Macé sont bien raides.
Au coin de la rue Serpaggi je me sépare de mes amies.
La boutique de papa et le petit thé à la menthe qu'il me prépare, accompagné d'une "corne de gazelle", n'est pas loin.

Isabelle et Mounia s’éloignent de moi en souriant vers le café des Aurès.
Quelques joueurs de carte au panama vissé sur la tête, des anisettes, l’Echo d’Alger déplié ;
Ahmed essuie une table;
Youssef vends ses beignets.
Les quelques marchands de fruits couvrent leur étal.
Un dernier verre et tout le monde va rentrer chez soi pour la sieste.

Le chant flûté du "Ganga" dans les platanes. Frôlement des babouches sur les pavés.

Et l’éclair.

La rue Serpaggi s’allume, fulgurante, tonnante, toute de fracas. Un tonnerre que je n’entends qu’un instant, je tombe en arrière, une musique atroce et cotonneuse dans les oreilles.
Le nuage de feu rouge, orange, noir grandi devant moi et les chaises, tables, bras, têtes, pastèques, panamas, mes amies, Youssef, tout vole devant mes yeux, noirci, brisé, désarticulé et retombe en masse informe, lambeaux de chair. Qu'est-ce qui se passe?
Du sang, partout, sur moi, le mien ?, mes jambes pèsent des tonnes, des cris, des hurlements.

J’ai mal.
La nuit, le jour.
Où est le soleil et l'azur?

1 mois d’hôpital,
le sourire de papa et maman.
Encore 1 mois dans ma chambre réchauffée par la douce chaleur que laissent entrer les persiennes entre-ouvertes.

Mai 1962, je retourne au lycée Delacroix.


Isabelle et Mounia ne sont plus là.

1992


Je travaille aux « Assedic » à Ivry. Ils m’ont engagé avec un statut d’invalide. Mal voyante, mais j'y arrive!
Depuis trente ans je ne mange plus de viande...
Je ne mange plus de viande…plus de viande!
Plus de viande !

© Philippe Vandenberghe, le 11 mars 2011

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Et si l'on peignait la routine!

 

Propos

Ne nous paraîtraient pas semblables

Les jours classés insignifiants

Si, en éveil et confiants,

Nous les avions rendus aimables.

Ceux qui sont portés à rêver

Ont appris comment se distraire.

Sans avoir des efforts à faire

Ils se trouvent ailleurs arrivés.

Mais il suffirait bien souvent

De contempler la joliesse

Pour ressentir de la liesse

Ô des nuages se mouvant!

La joie donne de l'énergie

Qui tire de la nonchalance.

L'esprit s'active et peut, par chance,

S'être imprégné de poésie.

Et si l'on peignait la routine!

Nous suffiraient quelques couleurs

S'harmonisant avec bonheur.

Faire danser des capucines!

29 avril 2014

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Qu'aimeriez-vous que l'on vous offre?

 

 Propos

 

Le sort est muet, sans promesses,

N'annonce peine ni liesse.

Or nul n'entendra une voix

Lui proposant de faire un choix.

La nature abonde en mystères.

On aurait tort de faire taire

L'espérance qui crée des voeux

Et fait croire que tout se peut.

Merlin, l'illustre magicien,

Distribuait, dit-on, des biens

À ceux qui rêvaient de richesses

Et non pas de simple tendresse.

Qu'aimeriez-vous que l'on vous offre?

Près de moi, il y a un coffre

Qui contient des instants de vie

Emplis de douce poésie.

Vous avez le droit d'y puiser;

Cela vous paraîtra aisé.

La poésie, même naïve,

Est source d'énergie active.

29 avril 2014

 

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Un souvenir ordinaire

 

 

 

 

La première fois que j'ai planté un caillou tout blanc, lisse et luisant, dans un pot plein de terre, j'avais cinq ans. Peut être moins, peut être plus. Peut être que ce n’est pas vrai, et que j’ai tout rêvé.

J'étais persuadé qu'à force de patience et de soins réguliers, il deviendrait un caillou gigantesque. Toute la rue en aurait été surprise. J'aurais haussé les épaules et j'aurais dit:

- ce n'est rien, ce n'est rien.

J'avoue qu'il ne s'est rien produit. J'ai conservé le pot sous mon lit pendant trois mois. Je l'arrosais régulièrement. Puis, j'ai vérifié si le caillou s'y trouvait toujours, et j'ai jeté le pot, et le caillou, dans la poubelle.

C'était l'année 1936.

C’est étrange. Aujourd’hui, je me souviens des premières années de ma vie davantage que de celles qui viennent de s’écouler. Est-ce que cela signifie que les premières comptent bien plus que les dernières ? Si je me laissais aller à rire, je dirais qu’une vie d’homme pourrait être bien plus courte qu’elle ne l’est. Que l’important c’est le début. Que le début, c’est une autre histoire, la meilleure peut être. L’avenir, c’est du remplissage avant la mort.

Mes parents et moi, nous habitions 11 rue Van Helmont. Un peu plus bas, rue des Bogards, à dix mètres à peine, se trouvait un magasin où on pouvait acheter des bonbons ou des caramels à la pièce. Les rouleaux de réglisse, les diables, noirs et brillants, y étaient particulièrement demandés sauf par ceux qui disaient que ce n'était pas beau de tirer dessus, les dents serrées, déjà noires, les lèvres ouvertes par l'effort. Mais ce sont les mêmes qui, sur leur tablier, nouaient leur écharpes par devant pour paraître plus âgés, alors que la plupart d'entre nous la nouaient sur le dos.

Notre immeuble, une grande et large bâtisse avait une entrée, au milieu de la façade, dont le couloir donnait sur une cour flanquée de trois autres immeubles. Au milieu de la cour se trouvait une auge de pierre, une pompe, et une tôle ondulée pour frotter le linge.

Je n'ai jamais pénétré dans aucun de ces trois immeubles. Notre logement se trouvait dans l'immeuble de façade.

Chacun de ces immeubles constituait pour chacun de ses occupants un quartier distinct, au caractère singulier, peut-être même une autre ville. Les gens ne s’y connaissaient pas tous, ils étaient trop nombreux. Ils n'avaient pas les mêmes horaires de travail. Ils venaient de régions différentes, et leurs accents, parfois, étaient difficiles à comprendre pour des enfants.

Nicolas Pelz, qui était mon ami, un bon élève, et un bon fils, lui, me répétait souvent ma mère, m'avait dit, un jour que je m'étonnais de l'animation qui régnait dès qu'on s'éloignait de la rue Van Helmont:

- Plus tard, tu comprendras.

Un jour, il me dit que c'était le bon jour pour voir.

- Tu comprends, c'est dimanche. Nous allons au théâtre. Ca te va?  

Le théâtre où Nicolas nous avait amenés n'était pas un véritable théâtre. C'était un cabaret nommé l’Ancienne Belgique où les gens venaient pour boire un verre ou plusieurs, attablés autour de tables rondes, tout en regardant sur une scène qui se trouvait au fond de la salle d'autres gens, les artistes, qui chantaient ou racontaient des histoires gaies. Nicolas qui était un habitué me dit qu'il ne savait pas pourquoi les applaudissements, c'était la coutume d'applaudir après chaque prestation, étaient plus nourris lorsque les histoires ou les chansons étaient tristes. Il avait même vu, je te le jure, croix de bois, croix de fer, une femme pleurer si bruyamment que le monsieur qui l'accompagnait n'arrêtait pas de lui taper sur l'épaule, en lui disant:

- Voyons, voyons, c'est pour rire.

Ce fut un après-midi éblouissant.

J'avais huit ans, lorsque dans la cour de l'école, un condisciple avec lequel je jouais m'a crié:

- Sale juif !

Je ne savais pas ce que c'était qu'un juif, et pourquoi mon condisciple avait ri en le disant. Et pourquoi, il avait tendu le poing. J'ignorais même ce que le mot signifiait. En quoi il définissait quelque chose. Grand, soit, Jérémie l'était. Beau, oui. Toutes les femmes affirmaient que le bébé de madame Kowack était beau. Malin, je n'avais qu'à évoquer Nicolas Pelz.

Soudain, j'apprenais que j'étais juif. C'était bien ou non?  Tous mes camarades de la rue Van Helmont devaient l'être également, bien que nous n'en ayons jamais parlé. Nous n'étions pas tellement différents les uns des autres. Seul, Gustave était bossu.

Un jour, mon père a dit à ma mère :

- C'est comme si nous étions toujours en Pologne. C'est en Belgique qu’il fera ses études, et il sera un belge semblable aux autres belges. Mais à Bruxelles, nous ne connaissons que des juifs. Même l'épicerie est juive. Nous construisons nous-mêmes ce mur que nous reprochions aux autres de construire entre eux et nous.

Je ne suis pas sûr évidemment que c'est en ces termes que mon père s'est exprimé devant ma mère, mais l'esprit devait être celui-là.

Quelques semaines plus tard, c’était un dimanche, nous avons pris le train jusqu'à Tournai. En sortant de la gare, j'étais entre mon père et ma mère, chacun serrait ma main.

- C'est ici que nous vivrons désormais et, comme la plupart des gens, peut être jusqu'au dernier de nos jours.

J'ai toujours suspecté mon père d'avoir l'amour du théâtre.

- Ainsi soit-il.

C'était un jour de la mi-juillet. Un jour de soleil, un jour où l'air était doux. Les arbres de la place, les façades, les rails des trams, l'éclat qui les recouvrait étaient plus brillant qu'à Bruxelles.

Mes parents, je l'ai vu sur une ancienne photographie, avaient l'air d'un couple de provinciaux béats devant un panorama de guide touristique. Il me semble que c'est sur cette photographie que je les ai vraiment regardés.

Ma mère avait trente trois ans. Elle portait un chapeau cloche muni d'une voilette, les cheveux noirs bouclés à la permanente soulignaient les bords du chapeau. Le rouge à lèvre était rutilant comme c'était la mode: le rouge baiser qui ne laisse pas de trace. Ce n'était pas une très grande femme. A en juger par la photo, sa taille devait être de un mètre soixante deux, soixante trois. Il me semble que c'était une jolie femme, et séduisante. Mais un fils est-il à même de juger de la beauté de sa mère?

Mon père portait, bien droit sur la tête un chapeau de feutre gris, un Borsalino, et un costume étroit de couleur marine. Son visage avait les pommettes saillantes, ses yeux étaient sombres, et ses chaussures brillaient comme si elles étaient neuves. Elles l'étaient probablement. Ils m'avaient enfoncé mon béret jusqu'au milieu du front.

- Nous allons aller à pieds, ce n'est pas très loin. Tu veux bien marcher? Tu es un grand garçon à présent.

La rue Royale va de la gare jusqu'à l'Escaut. Un pont que levait un technicien à chaque fois que se présentait un chaland permettait de rejoindre la rue Notre-Dame.

C'est un peu plus loin que mon père avait loué un local, surmonté d'un étage et d'un grenier, qui bientôt serait un magasin de chaussures à l'enseigne de " chez Sammy ".

Quant à moi, ils m’avaient inscrit dans une école qui portait le nom étrange d’école de la justice.

En quittant la rue Van Helmont mon père devenait à la fois un provincial, et quittait, peut être pour toujours, la condition ouvrière. C'est la lutte finale, n'évoquerait plus que des souvenirs de jeunesse.

Mais j'ai un reproche à lui faire. Pourquoi, lorsqu'on est amené à prendre des décisions aussi difficiles, elles modifient la vie de tous les membres d'une famille, pourquoi n'interroge-t-on pas les enfants? Eux aussi, on leur arrache une partie de leur passé, aussi concret pour eux qu'un territoire. A peine, ont-ils pu embrasser une petite fille blonde à qui ils tiraient les nattes, et qu'ils ne reverront probablement jamais.

Les dimensions de Bruxelles m'étaient inconnues. Bruxelles était-elle une grande ville, une très grande ville, je n'en savais rien. Par contre, Tournai était une grande ville. Un soir, adolescent, il m'avait fallu cinq heures pour en faire le tour par les grands boulevards qui séparaient la ville proprement dite de ses différents faubourgs.

C'était une ville en étoile. Vous vous éloigniez du centre, en haut, en bas, par la droite ou par la gauche, et vous aboutissiez à des routes qui portaient le nom de leur endroit de destination. Chaussée de Bruxelles, chaussée de Douai, chaussée de Valenciennes, chaussée de Lille, etc. Toutes les villes ont-elles des routes qui mènent à d'autres villes? Mais peut être toutes les villes sont elles de grandes villes pour un enfant de dix ans.

Même si en un seul jour, il quittait le domaine de l'enfance pour celui des incertitudes de l'adolescence.

 

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L'anniversaire

 

André voulait fêter son cinquantième anniversaire, sa nouvelle demeure dans un faubourg élégant de la capitale, et la vente du dixième immeuble qu’il avait construit avec son seul argent sans l’aide aucune de la banque. Il était fier de ce qu’il appelait sa réussite et n’avait, disait-il, aucune raison de le cacher.

Il plaisait aux femmes. Peut-être un peu moins à la sienne. Il était généreux avec elle, il lui offrait le bijou de valeur qu’elle souhaitait pour l’exposer, c’est le mot, lors d’un dîner. Elle avait sa voiture, un cabriolet de marque courante, mais dont les sièges étaient en cuir et elle portait des vêtements discrets dont les connaisseurs reconnaissaient l’origine.

Le cuir parce qu’il se froissait entre les mains comme un chiffon quand il était de la qualité voulue, était la matière qu’elle appréciait le plus. Souple il moulait ses hanches et provoquait instantanément chez les hommes des associations d’idées dont elle jouissait.

Peu d’hommes ont conscience de frustrer leur femme des plaisirs que procurent ne seraient ce que les attouchements qui sont les mots des amants.

Deux jours après la fête d’anniversaire, Irène avait  pris un amant italien. Luigi représentait une firme italienne. Célibataire, il occupait dans le haut de la ville un petit appartement coquet qui lui servait aussi de bureau. Il n’avait pas de secrétaire. Un ordinateur et le téléphone suffisaient à faire des affaires qui paraissaient excellentes.

C’était un beau garçon qui accentuait son accent italien lorsqu’il était en compagnie de femmes. C’était une coquetterie dont elles avaient conscience mais qui les faisait sourire et qui lui conférait un charme de plus. Parfois elles le reprenaient.

- Voyons Luigi, soyez sérieux !

Soit, disait-il avec un regard contrit, mais elles étaient à moitié conquises. 

Il avait dit à Irène qu’il connaissait l’agent d’une des premières firmes italiennes de vêtements de cuir et puisque Irène adorait ces vêtements qui lui étaient comme une seconde peau :

- Si vous voulez, je vous conduis à ses bureaux, il vient de rentrer une toute nouvelle collection et il vous fera les prix qu’il fait à ses clients détaillants.

Elle voulait bien. Elle ne le dit pas mais elle pensa que Luigi était un ange. 

Les détails de sa liaison avec Luigi, André ne les connut que quelques mois plus tard. Il y a toujours des amis ou des amies qui ont le sentiment de  rendre service en révélant à un mari que sa femme le trompe, ou à une épouse heureuse que son mari a une double vie. Curieux service que celui qui torture mentalement ses amis !

Luigi avait dit à Irène que la jupe en cuir rouge écarlate qui moulait ses fesses lui allait à ravir. Qu’elle était si luisante qu’on pouvait imaginer que c’était l’eau de sa douche qui ruisselait sur ses hanches. De voir Irène en petite culotte, elle avait refusé qu’il se retire, elle avait dit en riant qu’il avait vraisemblablement, elle avait répété vraisemblablement, déjà vu des femmes en petite culotte, lui avait donné des idées comme on dit. Une coucherie comme un merci et tout serait resté comme avant.

Il faut croire qu’Irène avait non seulement apprécié les attentions de Luigi  mais qu’elle avait été émue par le caractère que cette aventure donnait à sa vie. Comme un relief de feu, c’est l’adjectif qu’elle se murmura,  qui soulignait l’histoire généralement si plate de la plupart des épouses.

Quand André fit appel aux services d’un détective spécialisé qui avait mis leur téléphone sur enregistreur, il apprit que leurs relations, téléphoniques en tout cas, étaient torrides. Les cassettes qu’André conserva quelques années après leur divorce auraient pu sortir de maisons spécialisées. Cela donne à penser quant aux jardins secrets des êtres humains.

André travailla beaucoup plus tard et Josette sa secrétaire resta au bureau jusqu’à ce qu’il lui intime l’ordre de rentrer.

- Personne ne m’attend. Vous savez bien que je vis seule.

Elle travaillait avec André depuis dix ans. Elle l’avait toujours accompagnée et il se souvenait de la jeune femme timide qu’elle était lorsqu’elle s’était présentée. Irène avait dit : elle est parfaite, cette jeune femme. Elle a l’air un peu gourde mais ce n’est que mieux. Elle n’est pas obligée de comprendre le dessous des choses.

- Je vais vous reconduire, j’y tiens.

Elle habitait un petit immeuble à proximité des quais. Un quartier populaire d’immeubles anciens et d’entrepôts.

- Où mangez-vous, d’habitude? Je suis certain que vous ne mangez rien quand vous rentrez tard ? Quelqu’un vous attend ? Non, bien, je vous emmène au restaurant.

Il avait repris ce ton qui n’était pas autoritaire mais déterminé comme il le définissait lui-même. Ce ton qui est la marque des chefs, de ceux auquel, tout naturellement, on obéit. Il le pensait d’ailleurs: « il y a ceux qui disent ce qu’il faut faire, et il y a ceux qui disent : oui, monsieur ».

Elle connaissait un petit restaurant thaïlandais, pas un restaurant de luxe mais « elle s’y rendait de temps à autre en rentrant du cinéma ou du théâtre, on y mangeait bien et pas cher. ».

- Et l’opéra, vous aimez ?

Après le restaurant, il avait ramenée Josette chez elle, il voulait voir comment elle vivait, ils avaient bu un verre d’alcool, ils avaient parlé de théâtre, des derniers films qui étaient sortis, ils s’étaient rendus compte qu’ils avaient beaucoup de goûts en commun, sinon que Josette, au contraire d’Irène, était une jeune femme timide, un peu effacée, et qui se contentait de peu. Il l’avait embrassée, elle n’avait pas trop résisté, et il l’avait prise sur le tapis du salon. Il n’avait plus aimé une fille sur le tapis d’un salon depuis son adolescence.

Irène prétendit devant leurs amis au moment de leur divorce qu’André avait connu Josette à la manière biblique, Dieu sait depuis quand il la baisait au bureau, pendant qu’elle s’efforçait de séduire les banquiers, Elle avait trouvé dans la poche du veston d’André une petite culotte froissée qui était celle de Josette.

- Salope, avait-elle crié au bureau devant les deux employées.

Une culotte ? Qu’est-ce que ça prouve ?  Est-ce qu’elle se préoccupait, elle, des sous-vêtements de Luigi ou d’Irène lorsqu’ils se rencontraient ? Entre cinq et sept à ce qu’on disait.

Les larmes coulaient encore sur son visage si candide lorsqu’Irène était sortie sans se donner la peine de fermer la porte du bureau.

La situation devenait singulière. Irène et André partageaient toujours le même toit mais le lendemain de l’altercation au bureau, Irène s’était absentée, elle avait des courses à faire; avait-elle dit.

Le facteur avait remit une lettre à André. Un avocat lui faisait savoir que sa femme se préparait à demander le divorce pour adultère.

- Tu veux divorcer ?

- Comment continuer à vivre avec un homme qui me trompe avec sa secrétaire ?

- Moi je te trompe? Et Luigi? Tu me prends pour un con.

Ils cessèrent de se parler et ils montèrent se coucher comme ils le faisaient depuis vingt ans mais dos à dos.

Le lendemain André se leva le premier, bu une tasse de café, il en laissa pour Irène et quitta la maison le premier.

Au bureau il travailla comme si rien ne s’était passé, déjeuna ave Josette d’un sandwich qu’il fit livrer et rentra chez lui. Il avait besoin de réfléchir.

 Sur la table de la cuisine il y avait la tasse qu’il avait utilisée le matin et le café qu’il avait laissé à l’intention d’Irène. Elle avait dû s’absenter toute la journée. Il pensa à nouveau qu’il avait besoin de réfléchir, c’était déjà une forme d’action, mais il ne savait pas comment s’y prendre.

Lorsqu’ Irène rentra, ni elle ni lui ne firent allusion à leur future séparation. Ils montèrent se coucher et, aussi étrange que cela paraisse, une pulsion soudaine et de la rage aussi, le poussa à se porter vers sa femme, elle fît à peine semblant de résister, et ils firent l’amour avant de se retourner.

C’est ce matin-là qu’André emplit une valise de vêtements, il pensa qu’il valait mieux quitter la maison.

- Ce n’est pas la peine de nous disputer. Je te ferai écrire au bureau ?

- Au bureau, oui.

Elle était encore en chemise de nuit. C’est vrai qu’elle était appétissante. Il lui vint à l’esprit qu’il n’avait jamais fait l’amour avec sa femme le matin. Finalement, quinze ans de mariage n’épuisent pas le sujet en matière érotique.

Le plus ardu fut de chercher un endroit pour y passer les nuits. Chez Josette ? L’appartement était charmant mais modeste. Hélas, il n’avait plus l’indifférence de la jeunesse quant au confort depuis qu’il possédait une jolie maison près du bois.

Ce soir-là, lorsque les deux employés furent partis, seul avec Josette, il lui dit qu’il avait quitté la maison.

- J’ai pris une chambre à l’hôtel, ce n’était plus possible.

- Tu aurais pu loger chez moi.

Il était émerveillé. Tant de gentillesse et de spontanéité dans la gentillesse. Elle n’avait pas hésité un instant.

- Et je dérangerais ta vie ? Même si tu n’as pas d’ami sérieux, tu as des parents, des amis, des habitudes que je risquerais de déranger.

- Dis-moi la vérité : ce qui s’est passé entre nous, ce n’était que l’aventure d’une nuit. Je ne t’en voudrai pas tu sais. Mais, j’ai cru un moment…

Les larmes mouillaient ses yeux. Le lendemain, en revoyant la scène, et ce qui s’en était suivi, les baisers, le retour chez elle, le repas chez le vietnamien où ils avaient mangé ensemble la première fois, à peine le prix de quelques sandwiches, et ses caresses sitôt revenu chez elle, il se disait en riant que ce qu’on appelle ironiquement des romans de gare ne traduisaient que la réalité. Il fallait être fou ou cynique et blasé pour ne pas voir que c’est là que se trouve le reflet de l’amour véritable.

Pourquoi ne pas le dire, il était flatté aussi de la manière dont, alors qu’il repoussait la porte, elle s’était serré contre lui, avait saisi sa main, et l’avait posée sur sa poitrine en gémissant. Jamais il ne s’était senti si nécessaire à l’épanouissement physique d’une femme, et capable de la combler.

Désormais, disposant de moyens honorables, il pouvait jouir d’un célibat retrouvé ou songer avec l’expérience qu’il  possédait à reconstruire sa vie sur des bases bien réfléchies. C’est vrai, on y perd un peu du hasard des rencontres adolescentes mais par contre les choix, parce qu’il y a des choix, sont soigneusement pesés.

Etre marié et ne pas l’être en même temps, c’était une situation ambiguë devant laquelle il manquait de repères. Désormais s’il lui venait à l’idée de coucher avec Irène et d’en jouir comme cela avait été le cas hier encore, il devrait la séduire et attendre son bon vouloir. Le corps d’Irène lui parût soudain plein de secrets et le plaisir qu’il en avait tiré beaucoup trop mince.

Il se dit qu’il était temps de penser à Josette parce que c’est elle qu’il trompait en pensée.

- Tu vas déménager, dit-il. Nous allons chercher un appartement confortable.

- Mais moi, je n’ai pas besoin de plus que ce que j’ai. Comment le payer ? Et le jour où tu ne voudras plus de moi ? Tu mérites beaucoup mieux, j’en suis consciente.

- Un ange ! Ca existe donc encore ? Il la prit dans ses bras. Un ange !

Il fallu peu de temps pour que le couple qu’il formait avec Josette s’impose à tous ses amis Et c’est d’elle désormais qu’il attendait qu’elle soit l’expression féminine de sa réussite. D’ailleurs, Josette avait des gouts identiques à ceux d’Irène tant en matière de bijoux, de voiture ou de vêtements. Mais, et c’était une grande différence, André devait insister pour qu’elle accepte ce qu’il lui offrait.

Avez-vous remarqué ? Lorsqu’un homme trompe sa femme, c’est souvent avec une femme qui ressemble à la sienne. Au fond, c’est faire preuve de fidélité à son égard.

Leur union commença à se déliter lorsqu’elle raconta lors du premier anniversaire de leur mariage qu’elle avait fait la connaissance d’un jeune peintre d’origine italienne qui les avait invités tous les deux, son mari et elle, au vernissage de son exposition. Ses tableaux, dit-elle, étaient très beaux. Elle ajouta qu’il avait promis de leur faire des prix.

Non il ne se nommait pas Luigi mais Alberto.

Nous étions quelques uns à fêter le premier anniversaire de leur union. C’est moi qui en mon for intérieur fit cette boutade. Il y eut cependant un silence soudain autour de la table.

C’est André qui le rompit en portant un toast. Heureux anniversaire, dit-il.

 

L'anniversaire

 

André voulait fêter son cinquantième anniversaire, sa nouvelle demeure dans un faubourg élégant de la capitale, et la vente du dixième immeuble qu’il avait construit avec son seul argent sans l’aide aucune de la banque. Il était fier de ce qu’il appelait sa réussite et n’avait, disait-il, aucune raison de le cacher.

Il plaisait aux femmes. Peut-être un peu moins à la sienne. Il était généreux avec elle, il lui offrait le bijou de valeur qu’elle souhaitait pour l’exposer, c’est le mot, lors d’un dîner. Elle avait sa voiture, un cabriolet de marque courante, mais dont les sièges étaient en cuir et elle portait des vêtements discrets dont les connaisseurs reconnaissaient l’origine.

Le cuir parce qu’il se froissait entre les mains comme un chiffon quand il était de la qualité voulue, était la matière qu’elle appréciait le plus. Souple il moulait ses hanches et provoquait instantanément chez les hommes des associations d’idées dont elle jouissait.

Peu d’hommes ont conscience de frustrer leur femme des plaisirs que procurent ne seraient ce que les attouchements qui sont les mots des amants.

Deux jours après la fête d’anniversaire, Irène avait  pris un amant italien. Luigi représentait une firme italienne. Célibataire, il occupait dans le haut de la ville un petit appartement coquet qui lui servait aussi de bureau. Il n’avait pas de secrétaire. Un ordinateur et le téléphone suffisaient à faire des affaires qui paraissaient excellentes.

C’était un beau garçon qui accentuait son accent italien lorsqu’il était en compagnie de femmes. C’était une coquetterie dont elles avaient conscience mais qui les faisait sourire et qui lui conférait un charme de plus. Parfois elles le reprenaient.

- Voyons Luigi, soyez sérieux !

Soit, disait-il avec un regard contrit, mais elles étaient à moitié conquises. 

Il avait dit à Irène qu’il connaissait l’agent d’une des premières firmes italiennes de vêtements de cuir et puisque Irène adorait ces vêtements qui lui étaient comme une seconde peau :

- Si vous voulez, je vous conduis à ses bureaux, il vient de rentrer une toute nouvelle collection et il vous fera les prix qu’il fait à ses clients détaillants.

Elle voulait bien. Elle ne le dit pas mais elle pensa que Luigi était un ange. 

Les détails de sa liaison avec Luigi, André ne les connut que quelques mois plus tard. Il y a toujours des amis ou des amies qui ont le sentiment de  rendre service en révélant à un mari que sa femme le trompe, ou à une épouse heureuse que son mari a une double vie. Curieux service que celui qui torture mentalement ses amis !

Luigi avait dit à Irène que la jupe en cuir rouge écarlate qui moulait ses fesses lui allait à ravir. Qu’elle était si luisante qu’on pouvait imaginer que c’était l’eau de sa douche qui ruisselait sur ses hanches. De voir Irène en petite culotte, elle avait refusé qu’il se retire, elle avait dit en riant qu’il avait vraisemblablement, elle avait répété vraisemblablement, déjà vu des femmes en petite culotte, lui avait donné des idées comme on dit. Une coucherie comme un merci et tout serait resté comme avant.

Il faut croire qu’Irène avait non seulement apprécié les attentions de Luigi  mais qu’elle avait été émue par le caractère que cette aventure donnait à sa vie. Comme un relief de feu, c’est l’adjectif qu’elle se murmura,  qui soulignait l’histoire généralement si plate de la plupart des épouses.

Quand André fit appel aux services d’un détective spécialisé qui avait mis leur téléphone sur enregistreur, il apprit que leurs relations, téléphoniques en tout cas, étaient torrides. Les cassettes qu’André conserva quelques années après leur divorce auraient pu sortir de maisons spécialisées. Cela donne à penser quant aux jardins secrets des êtres humains.

André travailla beaucoup plus tard et Josette sa secrétaire resta au bureau jusqu’à ce qu’il lui intime l’ordre de rentrer.

- Personne ne m’attend. Vous savez bien que je vis seule.

Elle travaillait avec André depuis dix ans. Elle l’avait toujours accompagnée et il se souvenait de la jeune femme timide qu’elle était lorsqu’elle s’était présentée. Irène avait dit : elle est parfaite, cette jeune femme. Elle a l’air un peu gourde mais ce n’est que mieux. Elle n’est pas obligée de comprendre le dessous des choses.

- Je vais vous reconduire, j’y tiens.

Elle habitait un petit immeuble à proximité des quais. Un quartier populaire d’immeubles anciens et d’entrepôts.

- Où mangez-vous, d’habitude? Je suis certain que vous ne mangez rien quand vous rentrez tard ? Quelqu’un vous attend ? Non, bien, je vous emmène au restaurant.

Il avait repris ce ton qui n’était pas autoritaire mais déterminé comme il le définissait lui-même. Ce ton qui est la marque des chefs, de ceux auquel, tout naturellement, on obéit. Il le pensait d’ailleurs: « il y a ceux qui disent ce qu’il faut faire, et il y a ceux qui disent : oui, monsieur ».

Elle connaissait un petit restaurant thaïlandais, pas un restaurant de luxe mais « elle s’y rendait de temps à autre en rentrant du cinéma ou du théâtre, on y mangeait bien et pas cher. ».

- Et l’opéra, vous aimez ?

Après le restaurant, il avait ramenée Josette chez elle, il voulait voir comment elle vivait, ils avaient bu un verre d’alcool, ils avaient parlé de théâtre, des derniers films qui étaient sortis, ils s’étaient rendus compte qu’ils avaient beaucoup de goûts en commun, sinon que Josette, au contraire d’Irène, était une jeune femme timide, un peu effacée, et qui se contentait de peu. Il l’avait embrassée, elle n’avait pas trop résisté, et il l’avait prise sur le tapis du salon. Il n’avait plus aimé une fille sur le tapis d’un salon depuis son adolescence.

Irène prétendit devant leurs amis au moment de leur divorce qu’André avait connu Josette à la manière biblique, Dieu sait depuis quand il la baisait au bureau, pendant qu’elle s’efforçait de séduire les banquiers, Elle avait trouvé dans la poche du veston d’André une petite culotte froissée qui était celle de Josette.

- Salope, avait-elle crié au bureau devant les deux employées.

Une culotte ? Qu’est-ce que ça prouve ?  Est-ce qu’elle se préoccupait, elle, des sous-vêtements de Luigi ou d’Irène lorsqu’ils se rencontraient ? Entre cinq et sept à ce qu’on disait.

Les larmes coulaient encore sur son visage si candide lorsqu’Irène était sortie sans se donner la peine de fermer la porte du bureau.

La situation devenait singulière. Irène et André partageaient toujours le même toit mais le lendemain de l’altercation au bureau, Irène s’était absentée, elle avait des courses à faire; avait-elle dit.

Le facteur avait remit une lettre à André. Un avocat lui faisait savoir que sa femme se préparait à demander le divorce pour adultère.

- Tu veux divorcer ?

- Comment continuer à vivre avec un homme qui me trompe avec sa secrétaire ?

- Moi je te trompe? Et Luigi? Tu me prends pour un con.

Ils cessèrent de se parler et ils montèrent se coucher comme ils le faisaient depuis vingt ans mais dos à dos.

Le lendemain André se leva le premier, bu une tasse de café, il en laissa pour Irène et quitta la maison le premier.

Au bureau il travailla comme si rien ne s’était passé, déjeuna ave Josette d’un sandwich qu’il fit livrer et rentra chez lui. Il avait besoin de réfléchir.

 Sur la table de la cuisine il y avait la tasse qu’il avait utilisée le matin et le café qu’il avait laissé à l’intention d’Irène. Elle avait dû s’absenter toute la journée. Il pensa à nouveau qu’il avait besoin de réfléchir, c’était déjà une forme d’action, mais il ne savait pas comment s’y prendre.

Lorsqu’ Irène rentra, ni elle ni lui ne firent allusion à leur future séparation. Ils montèrent se coucher et, aussi étrange que cela paraisse, une pulsion soudaine et de la rage aussi, le poussa à se porter vers sa femme, elle fît à peine semblant de résister, et ils firent l’amour avant de se retourner.

C’est ce matin-là qu’André emplit une valise de vêtements, il pensa qu’il valait mieux quitter la maison.

- Ce n’est pas la peine de nous disputer. Je te ferai écrire au bureau ?

- Au bureau, oui.

Elle était encore en chemise de nuit. C’est vrai qu’elle était appétissante. Il lui vint à l’esprit qu’il n’avait jamais fait l’amour avec sa femme le matin. Finalement, quinze ans de mariage n’épuisent pas le sujet en matière érotique.

Le plus ardu fut de chercher un endroit pour y passer les nuits. Chez Josette ? L’appartement était charmant mais modeste. Hélas, il n’avait plus l’indifférence de la jeunesse quant au confort depuis qu’il possédait une jolie maison près du bois.

Ce soir-là, lorsque les deux employés furent partis, seul avec Josette, il lui dit qu’il avait quitté la maison.

- J’ai pris une chambre à l’hôtel, ce n’était plus possible.

- Tu aurais pu loger chez moi.

Il était émerveillé. Tant de gentillesse et de spontanéité dans la gentillesse. Elle n’avait pas hésité un instant.

- Et je dérangerais ta vie ? Même si tu n’as pas d’ami sérieux, tu as des parents, des amis, des habitudes que je risquerais de déranger.

- Dis-moi la vérité : ce qui s’est passé entre nous, ce n’était que l’aventure d’une nuit. Je ne t’en voudrai pas tu sais. Mais, j’ai cru un moment…

Les larmes mouillaient ses yeux. Le lendemain, en revoyant la scène, et ce qui s’en était suivi, les baisers, le retour chez elle, le repas chez le vietnamien où ils avaient mangé ensemble la première fois, à peine le prix de quelques sandwiches, et ses caresses sitôt revenu chez elle, il se disait en riant que ce qu’on appelle ironiquement des romans de gare ne traduisaient que la réalité. Il fallait être fou ou cynique et blasé pour ne pas voir que c’est là que se trouve le reflet de l’amour véritable.

Pourquoi ne pas le dire, il était flatté aussi de la manière dont, alors qu’il repoussait la porte, elle s’était serré contre lui, avait saisi sa main, et l’avait posée sur sa poitrine en gémissant. Jamais il ne s’était senti si nécessaire à l’épanouissement physique d’une femme, et capable de la combler.

Désormais, disposant de moyens honorables, il pouvait jouir d’un célibat retrouvé ou songer avec l’expérience qu’il  possédait à reconstruire sa vie sur des bases bien réfléchies. C’est vrai, on y perd un peu du hasard des rencontres adolescentes mais par contre les choix, parce qu’il y a des choix, sont soigneusement pesés.

Etre marié et ne pas l’être en même temps, c’était une situation ambiguë devant laquelle il manquait de repères. Désormais s’il lui venait à l’idée de coucher avec Irène et d’en jouir comme cela avait été le cas hier encore, il devrait la séduire et attendre son bon vouloir. Le corps d’Irène lui parût soudain plein de secrets et le plaisir qu’il en avait tiré beaucoup trop mince.

Il se dit qu’il était temps de penser à Josette parce que c’est elle qu’il trompait en pensée.

- Tu vas déménager, dit-il. Nous allons chercher un appartement confortable.

- Mais moi, je n’ai pas besoin de plus que ce que j’ai. Comment le payer ? Et le jour où tu ne voudras plus de moi ? Tu mérites beaucoup mieux, j’en suis consciente.

- Un ange ! Ca existe donc encore ? Il la prit dans ses bras. Un ange !

Il fallu peu de temps pour que le couple qu’il formait avec Josette s’impose à tous ses amis Et c’est d’elle désormais qu’il attendait qu’elle soit l’expression féminine de sa réussite. D’ailleurs, Josette avait des gouts identiques à ceux d’Irène tant en matière de bijoux, de voiture ou de vêtements. Mais, et c’était une grande différence, André devait insister pour qu’elle accepte ce qu’il lui offrait.

Avez-vous remarqué ? Lorsqu’un homme trompe sa femme, c’est souvent avec une femme qui ressemble à la sienne. Au fond, c’est faire preuve de fidélité à son égard.

Leur union commença à se déliter lorsqu’elle raconta lors du premier anniversaire de leur mariage qu’elle avait fait la connaissance d’un jeune peintre d’origine italienne qui les avait invités tous les deux, son mari et elle, au vernissage de son exposition. Ses tableaux, dit-elle, étaient très beaux. Elle ajouta qu’il avait promis de leur faire des prix.

Non il ne se nommait pas Luigi mais Alberto.

Nous étions quelques uns à fêter le premier anniversaire de leur union. C’est moi qui en mon for intérieur fit cette boutade. Il y eut cependant un silence soudain autour de la table.

C’est André qui le rompit en portant un toast. Heureux anniversaire, dit-il.

 

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La petite auberge


Je me trouvais à la petite auberge. Je m’y rendais à chaque fois que j’avais le sentiment que mon imagination littéraire se tarissait.

J’avais écrit une nouvelle d’une dizaine de pages que j’avais vendue à un magazine féminin. Un an plus tard, à la veille des vacances d’été, la responsable de la rubrique culturelle me demanda de lui en écrire une autre.
- Dans le style de la précédente que beaucoup de lectrices ont aimée.
- Une histoire de cul ?
Au travers de l’appareil téléphonique, c’était comme si je la voyais pincer les lèvres.
-Pierre ! Dois-je te rappeler que le titre du magazine est : Femme de cœur.
- Soit, pas une histoire de cul mais une histoire de fesses. Pardon, je voulais dire une histoire de cœur.
J’ai écrit la nouvelle en un seul jour, et la lui ai envoyée dès le lendemain. Une heure plus tard, c’est elle qui m’appelait.
-Pierre, je n’apprécie pas ce genre de plaisanterie. Tu me l’as vendue l’année dernière. Je suppose qu’aujourd’hui, tu vas m’expédier celle d’aujourd’hui. Imagine qu’elle soit arrivée directement au secrétariat de rédaction.
J’avais réécrit sans m’en être rendu compte la nouvelle que je lui avais vendue un an plutôt. J’étais atterré.
-Tu es fatigué, Pierre. Tu travailles trop ces temps-ci. Tu devrais prendre quelques jours de repos. Pars pour la Petite Auberge. L’air de la campagne te fera du bien; avait dit Isabelle.
Je connaissais la Petite Auberge, située au fond des Ardennes, depuis que René et moi y avions passé deux jours après la réussite de sa dernière année à l’école hôtelière. Nous en avions été les seuls occupants. La tenancière, madame Lavergne, était sa tante.
Depuis c’est là que je venais me reposer durant un jour ou deux lorsque j’avais le sentiment que je devais me ressourcer.

Je me promenais dans la campagne et dans la forêt jusqu’à ce qu’une sorte de fièvre me saisisse. Je savais qu’il fallait que je rentre, que je retrouve mon écran, que j’écrive les premières lignes que j’avais à l’esprit avant qu’elles ne disparaissent. Un jour je les avais répétées à haute voix jusqu’à ce que je sois rentré chez moi.
Assis devant mon ordinateur, j’avais rédigé une nouvelle d’une dizaine de pages dont je savais qu’elle plairait.
J’ai rempli mon sac d’une chemise, d’un pantalon de toile et d’un peu de linge. Nous nous sommes embrassés Isabelle et moi comme si c’était peut-être notre dernier baiser.
Je téléphonais à madame Lavergne avant de partir, il y avait toujours une chambre de disponible. Ancien relais de chasse plus personne ne s’y rendait. La plupart du temps, j’étais le seul client.
J’étais assis dans la salle à manger en attendant que la pluie cesse, une averse comme il en tombait rarement durant cette saison. La météo n’annonçait aucune amélioration. Madame Lavergne m’avait préparé un thermos plein de café bouillant.
-Vous sortirez cet après-midi, monsieur Pierre.
- Oui, madame Lavergne.
Soudain, j’ai entendu claquer une porte, une voiture avait dû s’arrêter à quelques mètres. Une femme, un journal sur la tête, s’est précipitée dans la salle. Sa robe lui collait au corps. Quelques mètres, même parcourus en courant, avaient suffi pour la tremper.
-Ma pauvre dame, vous êtes trempée. Vous êtes seule ?
Madame Lavergne hésitait.
-Vous avez un bagage, je vais aller le prendre.
- Moi, je vais y aller.
- Je n’en ai pas. Vous êtes gentils tous les deux. Vous avez une chambre ? Je voudrais m’essuyer.
Elle était désemparée. Madame Lavergne s’est précipitée.
-Je suis sotte. Ma pauvre dame, venez vite.
C’était une très belle femme. De celles dont on dit qu’elles sont désirables. Sexuellement désirables. Je ne détachais pas les yeux de son corps. Sa robe qui lui collait à la peau n’en aurait pas montré davantage si elle avait été transparente.
-Vous ne voulez pas prendre une tasse de café chaud avant de vous changer ?
Madame Lavergne lui avait entouré le cou d’un essuie-éponge qu’elle avait été cherché dans la cuisine.
La femme m’a regardé un instant, peut-être qu’elle a souri. Je me sentais ridicule.
Lorsqu’elle est descendue, elle avait enfilé une robe de chambre en lainage que madame Lavergne n’avait pas dû porter souvent. Elle portait encore la trace des pliures qu’elle avait subies avant d’avoir été soigneusement rangée. Aux pieds, elle portait des charentaises. Je n’ai pas pu m’empêcher de rire et elle a ri à son tour.
Madame Lavergne a posé un bol vide en face du mien, une bouteille de lait et une coupelle de morceaux de sucre.
-Tenez-le bien entre les mains, ça va vous réchauffer.
Nous avions l’air, elle et moi, d’un couple qui s’apprêtait à prendre son petit déjeuner.
-Vous venez de loin ?
- Je devais me rendre un peu plus loin mais je ne voyais plus rien. Vous aussi, vous avez été surpris par la pluie ?
- Non. Je connais l’auberge depuis fort longtemps. J’y viens lorsque j’ai besoin d’être seul. Peut-être pour me retrouver comme on dit. Je suis écrivain.
J’éprouvais le besoin de lui parler de moi. Je lui ai raconté comment j’y avais abouti et pourquoi j’y venais lorsque que mon imagination était sèche. Elle m’écoutait en souriant. De temps à autre, elle éclatait de rire en m’écoutant, et l’éclat de son rire m’émouvait à ce point que j’avais envie de serrer entre mes bras ce corps que je devinais tendre et tiède.
Elle devinait sans doute l’état dans lequel je me trouvais. Elle refermait le col de sa robe de chambre si maladroitement qu’elle découvrait à chaque fois une partie de sa poitrine. Elle disait :
-Pardon !
Je ne la regardais que plus fixement.
Madame Lavergne nous avait préparé une tranche de jambon fumé qu’elle avait accompagné d’une salade avec des croutons rôtis.
-Ce soir, je vous ferai une omelette aux champignons.
Elle regarda Françoise. Je dis Françoise parce que c’est le nom qu’elle m’avait donné mais aujourd’hui je ne suis plus sûr du tout que ce fût son véritable prénom.
-Pour moi, c’est oui. Rien que d’y penser je voudrais déjà que nous soyons ce soir. Mais je ne vous l’ai pas demandé : la chambre est disponible ?
-Vous êtes mes seuls clients.
Je n’ai jamais été aussi loquace. Je ne me souviens plus aujourd’hui de ce dont nous avons parlé mais il me semble qu’elle n’arrêtait pas de rire. Elle se laissait aller. Elle avait les coudes sur la table et ne se préoccupait plus de sa robe de chambre. Une seule fois, elle avait remarqué.
-Elle est chaude. Ce doit être bon en hiver.
-Vous voulez l’ôter ?
Elle parut surprise de ma réflexion.
-Je voulais dire : remettre votre robe.
-Cela n’en vaut plus la peine. Elle n’est peut-être pas encore complètement sèche. J’imagine qu’elle est froissée.
Moi, je n’ai cessé de bavarder. J’égrenais des anecdotes qui avaient jalonné ma carrière entre le moment où j’envoyais mes textes à des magazines jusqu’à ce jour où pour la première fois on m’a passé une commande.
A l’heure du dîner, nous étions devenus des amis de toujours. Françoise enjouée allait à la cuisine, se faisait expliquer des recettes de la région et revenait me les confier à voix basse comme le ferait à son référent une espionne intrépide. Elle se penchait vers mon visage et me les chuchotais à l’oreille. Je respirais avidement l’odeur de son parfum mêlée à celui de sa peau.
-Vous sentez bon.
-Vous aimez ? Je vous en frotterai derrière l’oreille.
C’est ainsi que nous sommes arrivés à l’heure du dîner. J’avais commandé une bouteille de vin rouge. Puis, après le repas, Françoise avait étendu les bras.
-Je vais aller me coucher.
J’ai bu encore un verre de vin puis je suis monté à mon tour. La porte de sa chambre qui était voisine de la mienne était entr’ouverte. L’esprit vide, comme un automate, je l’ai poussée. Françoise était étendue sur le côté, nue. Les draps étaient rejetés. Elle s’est mise sur le dos, les jambes écartées. Elle m’a regardé ôter ma chemise et mon pantalon. J’ai ôté mes chaussures et je me suis avancé vers elle en enlevant mon slip. Elle avait les paupières cernées.
Nous nous sommes aimés à plusieurs reprises affamés que nous étions de nous-mêmes. Assez tard dans la nuit, alors qu’elle dormait, la main sur mon corps, j’ai ramassé mes vêtements et je suis rentré dans ma chambre encore tout exalté.
J’ai dormi assez tard. Le soleil illuminait la chambre lorsque je me suis réveillé. Je ne savais que penser. Je suis descendu en refusant de raisonner.
L’auberge était vide. Madame Lavergne essuyait des verres derrière son comptoir.
-Vous êtes seule ?
- La dame est partie il y a plus d’une heure.
- Elle est partie ? Je n’ai pas entendu sa voiture. Vous connaissez son nom ?
-Vous le savez, monsieur Pierre. Je ne fais jamais remplir de fiche, ce n’est pas un hôtel ici.
Je suis rentré après avoir donné un coup de fil à Isabelle.

 

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L'occasion d'écrire

 

Soliloque

Je ne cesse de méditer

Pour créer l'occasion d'écrire.

Il me faut certes profiter

D'avoir pu éviter le pire.

Dialoguer me fut agréable,

J'avais de vives réparties.

Sans réfléchir au préalable,

De mes acquis tirais partie.

J'écrivais de fameux mémoires,

En plaidant m'exaltais souvent.

Je n'ose même plus y croire.

Me restent mes vers émouvants.

Alors que la vieillesse agit,

Ôtant son charme à mon visage,

Elle respecte mon esprit,

Lors, j'aime en faire un bon usage.

Ne peux me passer du langage.

Ce n'est pas celui des croyants;

Il me vient d'un autre héritage.

Je me recueille en l'employant.

28 avril 2014

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Devenir sans utilité

 

Soliloque

Sans récriminations ni plaintes,

Chacun doit, par nécessité,

Respecter des priorités,

Subir différentes contraintes.

Est sans détours la route à suivre,

Qu'il n'avait pas eu à choisir.

Il s'arrête aux joies et plaisirs,

Prévus aux pages de son livre.

Au cours du trajet, il apprend.

Mais sans pouvoir se bien connaître.

Il organise son mieux-être,

Lors le surprennent des tourments.

Dans une liberté sereine,

Devenir sans utilité.

Un état, un jour, mérité,

Est une grâce peu certaine.

28 avril 2014

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En Chine vivait un jeune Prince JGobert

En Chine vivait un jeune Prince très beau et très riche. Le trône de son père lui revenait de droit et afin d’y accéder, il devait se marier.

Dans le Pays du Soleil levant, le mariage d’un Prince occupe tous les esprits. Les familles riches se prévalent d’avoir une fille parfaite pour tenir le rôle d’épouse. Les princesses rêvent au jeune Prince et les parents aux retombées d’une telle union.

Le Prince, pressé par son père, ne trouve pas d’épouse. Il organise des rencontres qui restent sans résultat. Fort déçu de cette attente,  son père l’Empereur commence à s’impatienter.

Dans ce palais où vivent des hommes, des femmes, des enfants, la vie ressemble à une ruche où chacun a une place bien définie. Un soir que le Prince se promène très soucieux, la troisième épouse de son père l’accoste avec déférence et pour le distraire, lui raconte une histoire qu’elle a entendue dans sa famille.

Cette histoire parle d’âme sœur, d’une communion parfaite en amour entre deux personnes féminines. Chaque partenaire aspirant à retrouver l’autre, dont il a la marque dans sa chair comme dans son âme.

La famille de la troisième épouse de l’Empereur connait deux jeunes filles qui, mises en présence dés leur plus jeune âge, sont devenues « laotong » qui veut dire âmes sœurs. Elles vivent dans leur village, l’une plus aisée et l’autre moins. Au fil du temps, les fillettes ont tissés des liens étroits et solides. Elles ont enduré le même supplice des pieds bandés et demeurent chacune dans la chambre réservée aux femmes. Pour communiquer, elles écrivent, apprennent à dessiner les lettres du savoir.

Cette amitié peu commune est considérée comme un don du ciel et personne n’entrave la vie de ces deux fillettes bientôt femmes. Elles peuvent se marier et ainsi avoir une maison sans que leur amour en souffre. Les époux laissent ces âmes sœurs se voir quand elles veulent.

Le Prince se met dans une colère noire de savoir qu’il existe dans son royaume des jeunes filles plus heureuses que lui. La colère se propage au palais entier. Il fait venir la troisième épouse et lui ordonne de trouver ces jeunes filles. La troisième épouse ,confuse, s’exécute.

L’une est maintenant mariée à un homme bon qui a une mère cruelle et acariâtre. Cette jeune femme est devenue par son mariage la servante de sa nouvelle famille. Elle vit patiente et endure la mauvaise humeur de la belle mère. La seconde attend qu’on la marie. D’une meilleure famille mais ruinée par la vie dissolue de son père, personne ne veut d’elle comme épouse.

Quand la nouvelle arrive au village que les gardes du palais cherchent les deux laotangs, tous les villageois restent étonnés de cette démarche peu commune.

La légende, la tradition dit que le couple de laotong est relié dés sa naissance par un fil rouge tiré par un Dieu et que ces vies ainsi prédestinées ne peuvent plus être séparées. Personne a le pouvoir ni le droit de défaire ce qu’un Dieu a fait.

Le Prince décide de les recevoir et d’en choisir une pour se marier. Décision qui met de nouveau la cour de l’Empereur très en colère. Les princesses se sentent blessées, insultées. Les familles de celles-ci partent et l’Empereur est furieux.

Les deux jeunes femmes retrouvées, les gardes les amènent au palais. Les femmes de l’Empereur voient que l’une est magnifique, un teint de porcelaine aux yeux noirs, une bouche dessinée d’un rouge sang. Nos deux laotangs ne sont pas heureuses de savoir que leurs vies échappent au destin qui leur était réservé. Elles s’en inquiètent.

Arrive le jour du choix du Prince qui n’a droit qu’à une épouse. Il choisit celle au teint de porcelaine et tristement l’élue quitte son âme sœur pour rejoindre son nouvel époux. Le Prince décide de garder la seconde jeune femme et lui enjoint de rester dans un appartement privé au palais.

Les mois passent dans la morosité, la monotonie. Rien ni personne n’arrive à égayer cette belle princesse dans son beau palais. Le Prince s’assombrit de voir sa première épouse si triste.

L’Empereur lui-même est mécontent, insatisfait de ce couple qui n’engendre pas de fils. Rien ne s’arrange pour le jeune couple. Le Prince, tombé amoureux de sa femme, ne veut pas la renvoyer et s’en séparer.

Un soir, l’épouse du Prince part rendre visite à son amie et la trouve mourante. Elle se laisse mourir pour libérer sa compagne du sort qui les lie. Celle-ci appelle le Prince et lui confie le fil rouge de son amour reçu par ce Dieu tout puissant. Ce fil rouge unit désormais le Prince à sa belle princesse libérant du même coup tout l’amour de celle-ci pour lui.

Qq mois plus tard, un joli poupon voit le jour et c’est une merveilleuse petite fille au teint de porcelaine qui prit le joli nom de fleur d’amour. Dieu a accepté ce changement pour assembler les époux dans l’amour.

Le souvenir du sacrifice de la seconde laotang est célébré en Chine chaque année au printemps à la fête des fleurs et de l’amour.







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Lucia Sturdza Bulandra dans La Folle de Chaillot par George Ştefănescu (1967)

Il s'agit d'une pièce en deux actes de Jean Giraudoux (1882-1944), représentée le 19 décembre 1945, publiée en 1946, Giraudoux délaisse ici les héros mythologiques. Bien que "La folle de Chaillot" ne soit pas une pièce sociale, elle ne s'en prend pas moins à notre société. Giraudoux l'attaque en poète: une comtesse qui est folle, misérable et bariolée sur toutes les coutures, aux yeux cernés de suie épaisse, possède pour toute demeure, une cave aux flancs de la colline de Chaillot. C'est là même qu'au mépris des hideux représentants du monde des affaires s'est réfugiée la poésie, autrement dit, la liberté de vivre. Il va sans dire qu'un tel sujet eût pu aisément tomber dans la farce la plus grossière; grâce à Giraudoux, il en va tout autrement. Place de l'Alma, à la terrasse du café "Francis", le groupe des hommes d'affaires est réuni devant des portos: une président de conseils d'administration imaginaires, un baron homme de paille et aigrefin, un prospecteur fantaisiste, etc. L'assemblée cherche une raison sociale pour appâter les "gogos"; le prospecteur la trouve. La prospection est à la mode? On prospectera donc le sous-sol de la colline de Chaillot. Pendant que se trament les projets de l'"Union bancaire du sous-sol parisien", mendiants, bouquetières, chiffonniers, sourds-muets, chassés impitoyablement par les affairistes en question forment, derrière le groupe, la toile de fond symbolique de la misère. Alors que le prospecteur expose son plan, la Folle de Chaillot, Aurélie, la comtesse, paraît, habillée en grande dame 1890 dans une robe à traîne relevée avec une pince à linge de métal, et autres affûtiaux du même goût. Il est midi: le groupe des affairistes est au comble de l'impatience. Ils ont en effet envoyé pour cette heure un jeune homme, -qu'ils font "chanter" pour une histoire de chèque sans provision, -faire sauter la maison d'un ingénieur clairvoyant que les projets de l'"Union bancaire..." ont inquiété. Mais, au dernier moment, le gamin a préféré se jeter dans la Seine: le sauveteur du Pont de l'Alma, tout fier (il vient d'être nommé et c'est son premier noyé!), ramène le garçon à la terrasse de chez "Francis". La Folle de Chaillot entreprend de réconcilier le faux-noyé avec la vie: pourquoi lit-il donc les journaux du jour "qui répandent le mensonge et le vulgaire"? La comtesse, elle, ne lit qu'un journal, et toujours le même numéro: le "Gaulois" du 7 octobre 1896! La vie? elle la trouve fort agréable. D'ailleurs, elle n'a pas le temps de s'ennuyer: tous les matins, reprise des jupons avec du fil rouge, repassage des plumes d'autruche, la correspondance (toujours la même lettre, toujours en retard, à écrire à sa grand'mère); puis la toilette, qui dure une heure: pensez donc, sans femme de chambre! Puis les bagues: "Ma topaze, si je vais à confesse. J'ai tort d'ailleurs. On ne peut imaginer les éclairs de la topaze dans le confessionnal!" Oui, la comtesse est heureuse. Cependant, de sa cave, mal informée par "Le Gaulois" de 1896, elle ignore la vraie situation: la foule va le lui apprendre. C'est l'invasion: "Le monde est plein de mecs, dit le chiffonnier. Ils mènent tout. Ils gâtent tout. Voyez les commerçants. Ils ne vous sourient plus. Ils n'ont d'attention que pour eux. Le boucher dépend du mec du veau, le garagiste du mec de l'essence, le fruitier du mec des légumes. On ne peut imaginer jusqu'où va le vice. Le légume et le poisson sont en cartes." La Folle de Chaillot n'aurait jamais cru cela! Mais alors, il faut agir, et d'abord contre ces membres de l'"Union bancaire" qui veulent prospecter la colline de Chaillot. Sur-le-champ Aurélie dicte au sourd-muet des lettres aux présidents de l'"Union" pour qu'ils viennent le soir même, chez elle, se rendre compte de l'existence du pétrole à Chaillot. Elle convoque immédiatement son état-major: la Folle de Passy, la Folle de Saint-Sulpice, la Folle de la Concorde.

Le deuxième acte s'ouvre (dans les sous-sol d'Aurélie; la pièce a été vidée par les huissiers qui n'ont laissé que le lit majestueux, royal, à baldaquin et à tentures) sur l'assemblée des Folles: Constance, la Folle de Passy, en robe blanche à volants, avec chapeau Marie-Antoinette, et qui parle sans arrêt avec un chien imaginaire, Dicky; Gabrielle, La Folle de Saint-Sulpice, faussement simple avec sa toque et son manchon 1880, Aurélie met ses amies au courant de la situation. L'assemblée n'hésite pas longtemps à prendre de graves décisions: elle s'érige en tribunal qui jugera les enrichis. Les accusés, bien entendu, sont absents. On les condamnera donc par contumace: le chiffonnier, d'ailleurs s'offre à plaider pour eux. Malgré la violence et l'entrain de sa défense, les Folles s'en vont, laissant à Aurélie toute liberté pour le châtiment des "gros". Ils veulent le sous-sol de Chaillot? Ils l'auront, pour toujours. La cave d'Aurélie ouvre en effet sur un précipice, où seront précipités profiteurs et technocrates. Ou, bien plutôt, leur avidité elle-même les précipitera. Les voilà tous qui arrivent, et envahissent la cave de la Folle, impatients de sentir le naphte: tous, "présidents de conseils d'administration", "prospecteurs des syndicats d' exploitation", "représentants du peuple affectés aux intérêts pétrolifères de la nation", "syndics de la presse publicitaire", femmes et maîtresses des uns et des autres, tous ils se disputent et se battent pour être des premiers à descendre dans le gouffre où la Folle va les enfermer. Tous se précipitent dans le trou comme les damnés dans l'Enfer. Ils ne reviendront plus. Le monde est délivré, sauvé par la Folie. Où sont les méchants? "Evaporés, Irma! Ils étaient méchants. Les méchants s'évaporent... Ils se croient éternels... Mais pas du tout! L' orgueil, la cupidité, l' égoïsme les chauffent à un tel degré de rouge que, s'ils passent sur un point où la terre recèle la bonté ou la pitié, ils s'évaporent".

L'accueil que fit la critique à "La folle de Chaillot" fut en général assez réservé. Ce n'était pas du meilleur Giraudoux. Un divertissement sans doute, mais qui n'a pas la légèreté d' "Intermezzo". Parfois, malgré l'extrême vivacité du dialogue, on éprouve l'impression d'entendre un prêche. Il reste cependant que le personnage d'Aurélie, la Folle de Chaillot, est une trouvaille théâtrale de premier ordre. C'est sans doute la pièce la plus pessimiste de Giraudoux: l'auteur paraît fort dégoûté de ses contemporains. Cependant, sa philosophie optimiste reprend le dessus au dénouement. L'accord avec la vie demeure toujours possible: la vie véritable, la liberté, la poésie, prospecteurs et technocrates, "mecs" de tout acabit ne les pourront étouffer, pas plus qu'ils n'ont pu transformer le visage de la colline de Chaillot.

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Non-Non de Jean Tousseul

La vérité est faite de plaies saignantes, de membres désarticulés, d’or carbonisés, et elle jaillit à travers les barreaux des cellules. 

Jean Tousseul : extrait  des Martrys.

Non non !

Sébastien, tu es vilain

-Tiens, tu viens de me rappeler qq chose. Quand j’étais petit, il m’arrivait souvent de répondre « non non ». Et ma grand-mère immanquablement ajoutait : Non-Non, elle a été brûlée.

 Je n’ai jamais réussi à en savoir plus, aussi ouvrons le grand livre de l’Imaginaire et cherchons-y la véritable histoire de Non-Non, la sorcière.

Nous sommes à Mons, fin du 17me siècle .....

Bonjour,

 je cherche le conte Non-Non  de Jean Tousseul et où je pourrais me le procurer.

Merci et bien amicalement

Josette

 

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La femme du boxeur

 

J’ai appris très tôt à ne pas draguer la femme d’un boxeur. J’avais quinze ans et Anne de Valois en avait près de trente. Ce n’est que plus tard que j’ai su qu’elle n’appartenait pas à la noblesse mais que Valois était son nom de guerre. Bien qu’elle n’ait jamais fait de résistance, comme d’autres de ses consœurs elle s’était choisi un nom qui séduisait ses pratiques tout autant que ses charmes qui étaient bien à elle, ceux-là. 

J’avais fait sa connaissance alors que nous étions couchés, côte à côte, sur un talus, à proximité des usines Michelin que des avions bombardaient. C’était durant la guerre. Mes parents et moi étions des refugiés installés depuis peu à Montferrand. Sous de faux noms parce-que nous étions juifs.

Comme la plupart des gens du voisinage, ils avaient abandonné  leur logement  pour se réfugier sur un terrain vague et couchés sur le sol, les mains sur les oreilles, ils s’efforçaient de ne pas entendre le sifflement des bombes et le fracas des explosions. J’imagine que ceux qui priaient étaient nombreux.  

- Blottis-toi contre moi, Anne.

Elle se rapprocha tout en gardant la tête plongée dans l’herbe. C’était bon.

- Serre-moi fort.

Je lui avais entouré le cou et je sentais son sein gauche contre ma poitrine, de la main droite je tentais de toucher le second.

Les bombardements ne cessaient pas. Ils n’étaient pas dangereux. Tant qu’on les entendait m’avait-on dit, les bombes ne vous étaient pas destinées. De toute manière je m’en moquais, j’étais atteint d’une érection exceptionnelle et je me serrais contre Anne en geignant comme si la peur me poussait à me fondre en elle. Anne geignait elle aussi, elle devait avoir peur.

Les bombardements cessèrent et il y eut ce silence d’après les bombardements. L’usine Michelin n’avait pas été touchée et il y avait du feu plus loin dans la ville. Les gens s’étaient levés mais ils restaient encore muets. Anne me regardait comme si c’était la première fois qu’elle me voyait. Elle me dit : ça va ?, et elle toucha ma joue. Tu sais, ajouta-t-elle, mon ami c’est un boxeur.

Anne de Valois n’était pas une amie de mes parents. En fait, mes parents lui cédaient leur chambre contre un avantage financier, réfugiés nous n’étions pas riches, lorsqu’Anne devait rencontrer une fois par semaine un haut fonctionnaire de la Banque de France qui craignait l’indiscrétion des gérants d’hôtels.  

 Après le départ de Monsieur Pierre, vers trois heures de l’après-midi, Anne tenait compagnie à ma mère pour bavarder entre femmes. Mon père était au travail, et parce que depuis peu c’était mon après-midi de congé, ma mère me demandait de ne pas rentrer avant trois heures et demi, quatre heures. Je prenais le café, ou ce qui en tenait lieu, avec elles.

Avant de partir, Anne nous embrassait ma mère et moi. Moi, je rêvais que je bougeais la tête pour que ses lèvres touchent les miennes plutôt que ma joue, et je rêvais qu’elle s’en rendait parfaitement compte et qu’elles les appuyaient plus longuement que si ça avait été sur ma joue. Je rêvais.

C’était mon après-midi de congé parce que j’avais demandé à mon employeur que ce soit cet après-midi là. Naturellement, je ne l’avais pas dit à ma mère, elle aurait fait le rapprochement avec la présence hebdomadaire d’Anne de Valois.

Anne de Valois était apparue dans ma vie à un moment que je qualifierais d’historique si en même temps, hélas, des évènements plus importants n’étaient en train de bouleverser la vie et l’histoire de peuples entiers. Notre histoire d’amour se déroulait dans un cadre de tragédie.

Anne de Valois, je ne connais pas son véritable nom et je ne suis même pas sûr de son prénom, était une jolie femme, et ce que j’imaginais de ce qui se passait entre elle et Monsieur Pierre, la rendait encore plus séduisante aux yeux du jeune homme que j’étais.

Un jour, c’était après la nuit du bombardement, je lui ai demandé si je pouvais l’accompagner jusqu’à son domicile

- Cela me fera une promenade, tu veux bien ?

Elle voulait bien.

- Mais ne te fais pas d’illusions. Ami, ami, tu promets ? J’aurais promis n’importe quoi pour la ramener chez elle. Chez elle, après une bataille de pure forme, elle m’avait laissé me serrer contre elle en répétant:

- Tu avais promis, tu avais promis.

J’étais à ce point excité que je ne l’écoutais même pas. Soudain, cela arrive aux jeunes gens de quinze ans, j’avais perdu tous mes moyens. J’étais honteux et je n’avais plus qu’à me suicider.

- Cela arrive, m’a dit Anne, en souriant, elle avait mon visage contre sa poitrine.

- Ne t’en fais pas, est-ce que c’est la première fois que tu aurais fait l’amour ? Tu sais, cela vaut mieux. S’il l’avait appris, mon ami ne nous l’aurait pas pardonné. C’est un boxeur, je te l’ai dit. Il est jaloux, et il tape dur. Soyons amis, tu veux bien.

J’ai fait connaissance de son ami le mercredi suivant.

Ah, c’est donc toi, dit-il ? Il avait embrassé Anne  en lui entourant la croupe. J’ai une faim de loup. Il m’a regardé : Cela t’intéresse la boxe ? J’ai une faim de loup, répétât-il, et pas seulement de manger. Si tu veux, je t’emmènerai  avec moi. D’accord ? Et il me tendit la main. J’étais à peine à la porte qu’il avait glissé sa main entre les seins de son amie visiblement consentante. 

Il se nommait Henri Petitjean mais dans le milieu, on le connaissait sous le nom de Petit Riri. Il était poids léger et, entre les matches pour le titre, il gagnait sa vie en se produisant dans des salles spécialisées, souvent des arrière-salles de café, devant des amateurs et leurs amies qui appréciaient son jeu de jambes et son sens de l’esquive. Un véritable danseur, disait-on. La preuve, son visage indemne de marques de coups.  Il haussait les épaules avec modestie et il me montrait, les deux poings l’un derrière l’autre devant son visage de biais, comment il fallait se tenir.

J’aimais beaucoup petit Riri. Moi aussi désormais, je l’appelais par son nom de guerre. A croire que personne n’était heureux de celui dont la nature l’avait doté. J’avais le sentiment inavoué que de la sorte je devenais plus âgé et que je partageais avec lui une partie des relations qu’il entretenait avec Anne. En moins réel peut-être mais pour un garçon de quinze ans, c’était très confortable et sans danger.

En revanche, à mesure que l’amitié que me portait Petit Riri se développait, avec des tapes dans le dos, des clins d’œil complices de je ne savais quelles aventures clandestines, j’avais le sentiment que le regard d’Anne se modifiait à mon égard. Quand elle me regardait désormais, ce n’était plus avec une curiosité amusée mais, le dirais-je, elle me regardait avec ce que je devinais être de l’intérêt.  Dieu, que j’en étais fier.

Peu à peu, ils s’habituèrent à moi et je devins un intime. Je leur racontais  des anecdotes de travail et Petit Riri me parlait de ses matches et de l’admiration qu’il suscitait. Et il arrivait qu’à force de parler et, surtout d’écouter, l’heure du couvre-feu nous surprenait.

Petit Riri me retenait et faisait de la baignoire un lit improvisé. Je ne m’endormais pas facilement, la salle de bains était près de leur chambre à coucher et Petit Riri était comme un gosse qui détaille à haute voix tout ce qu’il contemple à la vitrine d’un magasin de jouets.

Un jour, tous les trois, Anne, Petit Riri et moi, nous avons assisté à un match de boxe où se confrontaient ceux qu’on appelait des espoirs. Cela tapait ferme et la salle, elle n’était pas très grande, s’excitait comme devant un match de championnat.

Lorsqu’un des garçons, il devait être âgé de dix-sept ans environ, se fît ouvrir l’arcade sourcilière  par son adversaire soudain plus hargneux, ce fût du délire. Les femmes s’accrochaient au bras de leurs compagnons vraisemblablement pour les protéger tandis que leurs compagnons s’arrachaient de leurs bras pour se pencher vers le ring et crier plus fort.

- Ce n’est rien, tu dois les voir quand c’est un vrai match. Elles font dans leur culotte.

Puis en se levant, il ajouta :

- Tu vas ramener Anne, moi, je dois parler aux organisateurs.

Il se tourna vers Anne pour lui dire :

- Je ne rentrerai pas très tôt, tu les connais, et avec le couvre-feu …. Mais je te laisse en de bonnes mains.

Il avait raison. Je lui promettais intérieurement  que je veillerais sur Anne  comme sur ma sœur.

Je ne sais comment l’expliquer: j’avais envie de rentrer avec Anne au plus tôt et, en même temps, de ne pas le faire immédiatement. Rentrer, soit ! Pour faire quoi ? Ou plutôt pour ne pas faire quoi.

C’est terrible d’avoir quinze ans et de se trouver face à une telle alternative. Je me souviens que bien plus tard dans le cours de ma vie professionnelle, j’ai pris plus rapidement des décisions qui me paraissaient plus importantes.

Nous sommes rentrés. Je lui tenais le bras, sa cuisse parfois frôlait la mienne, j’avais le sentiment qu’elle s’abandonnait. Chez elle, elle a fermé la porte, elle s’est retournée, elle m’a souri, elle a dit :

- Tu n’as pas envie de m’embrasser ?

Je me suis approché. Quand elle a touché mon sexe, elle s’est mise à rire.

- Ce n’est pas vrai, tu es toujours come ça ?

C’est au moment où elle a ouvert la braguette de mon pantalon que petit-Riri a frappé à la porte. C’est moi a-t-il crié. Et Anne lui a ouvert la porte.

Il a dit : j’ai pu me dégager et en me regardant, il a ajouté : Tu vas dormir ici, c’est plus prudent à cause du couvre-feu.

Anne a placé un oreiller dans la baignoire, elle a ajouté une couverture, elle m’a dit : tu n’auras pas trop froid ?, et elle est allée rejoindre petit-Riri qui ôtait son pull.

C’est ainsi que je n’ai pas été déniaisé par une femme de boxeur et que j’ai cessé de m’intéresser à un sport dont finalement, je ne sais pas ce que les femmes lui trouvent.

 

 

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Là où tout frémit et revit

 

 

Mon corps me paraît alangui.

Je vais savourer le silence,

Me sortant de ma nonchalance,

Dans mon jardinet qui verdit.

Je vais savourer le silence

Là où tout frémit et revit,

Dans mon jardinet qui verdit,

La pluie lui prêtant assistance.

Là où tout frémit et revit,

Captant du soleil la brillance,

La pluie lui prêtant assistance,

Chaque printemps, il embellit.

Captant du soleil la brillance

Et l'énergie qui le nourrit,

Chaque printemps il embellit,

Mystérieuse transcendance.

27 avril 2014

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