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Un lama ne fait pas le printemps (partie 1).

Les patients du docteur s'énervaient, gesticulaient, vociféraient à qui mieux mieux, formant une chorale dont le chant harmonieux résonnait, se répandait, joyeux petit nuage rose échappé de leurs bouches, qui montait le long de l'escalier en colimaçon. Fatima, la femme de ménage, l'attendait de pied ferme, armée de pied ferme, armée de pied en cape, l'aspirateur en bandoulière, prête à croiser le fer. Le nuage poltron essayait bien de passer en douce, mais rien à faire, d'un geste assuré du pouce droit elle enclenchait son engin redoutable, qui ronronnait tout content, affamé dans son coin de placard, ouvrant en grand sa bouche vorace, vers laquelle convergeaient les lambeaux filamenteux, barbe à papa géante gobée par une petite enfant souriante, maculée de sucre. Dans sa salle d'attente, Raziye avait fort à faire elle aussi, pressée de toutes parts pour recevoir un café, un autre sucre ou un hamac douillet, avec vue sur le parc d'attractions. Ses mains fouettaient l'air, plus rapides que des fusées, semblant se dédoubler, semblable aux statues de Civa. Quand elle n'en pouvait plus, elle faisait signe à sa collègue Déborah de venir la rejoindre, et elles fusionnaient en un être mythique, l'Accueillante Ultime, une femme à deux têtes et des centaines de bras, une forme de mille-pattes humain dressé sur ses pattes arrière. Dans chaque main, qui une tasse qui un agitateur pour son café ou un bic pour noter un rendez-vous. Une homme d'une trentaine d'années révassait devant la fenêtre, où un poisson-lune passait nonchalamment de tout son flegme pacifique, étalant impudiquement ses nageoires membraneuses, telles les voiles coquins d'une superbe odalisque, ondulant du ventre pour rejoindre les coraux venimeux du large. Les patients s'entassaient, se déformaient, s'emboîtant comme les pièces d'un gigantesque puzzle de chair. L'un d'eux, trop nerveux que pour rester assis, arpentait les murs, marchant la tête en bas dans un déni absolu de la gravité, suivi de près par une petite tornade blanche qui n'était autre qu'un hérisson survolté, ayant perdu le contrôle de ses patins à roulettes. Dans la cour, où le poisson-lune vagabond continuait de glander, porté par sa vessie natatoire, Philippe le secrétaire, sautait en scaphandre au milieu des anémones tentaculaires rouges et jaunes. Il prononçait des paroles incompréhensibles, noyées dans un torrent de bulles pour éloigner les requins-marteaux, qui le prenant pour un clou, tentaient de lui donner des coups de tête.
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