Tes yeux petite maman...
Tes yeux si beaux si bleus
Tes yeux qui m'ont admiré,
qui m'ont épié,
observé, protégé.
Tes yeux si bleus, intensément
sévères, ou souriants,
interrogatifs, ou menaçants.
Toujours des yeux de maman.
Des yeux azurés, merveilleux
Des yeux qui m'ont cherché,
Des jours et nuits durant.
Des yeux qui m'ont pleuré.
Des yeux aussi, désespérés.
Qui m'ont vu mourir doucement!
Des yeux alors mouillants
Tournés vers l'Infiniment Grand
Tu as prier, supplier
De ne pas prendre encore,
Encore un de tes enfants.
Les autres on t'en a prit tant.
Tes yeux tu les as troqué
Contre la vie de ton petit.
Un garnement de pas huit ans.
Tes yeux ont pleuré des mots
À remuer même, les plus sots.
Le contrat a été passé
contre tes yeux, ton bébé.
Avec tes pleurs, tu as signé,
gouttes après gouttes, sur le papier.
Le document de ce marché.
Ruinée, tu as dit : "Merci".
Repris dans tes bras ton tout petit.
Tes yeux alors m'ont aimé plus fort
Ils m’ont adoré, cajolé, mémorisé.
Dieu t'a concédé trente ans
d'une déclinantes visions en bleu.
Du bleu clair au bleu nuit, puis,
puis le noir profond, infini.
Depuis longtemps tu ne voyais plus
Sinon avec les mains,
Grâce à tes doigts menus.
Je me souviens de ce jour là
Sur ton lit de peine
Où je m’assis à tes cotés.
De ta main vaillante, de tes doigts agiles
De tes yeux tactiles, tu as lu mon visage
En les promenant sur mes joues,
En cernant les contours de mes yeux
Où tu mis naguère un soupçon de bleu.
Ta main aussi sur mes cheveux
Toute étonnée, avec un grand sourire,
Tu disais ta vision de ma pilosité !
- Tu es redevenu bouclé, tout crollé* ?
- Tout bouclé, mais aussi tout gris, maman
- C'est vrai? Tout gris tout gris ?
- Tout gris, et blanc, maman
- Ca te va bien mon fils, c'est beau.
Comme je suis heureuse mon petit.
Je suis si heureuse de te "voir"!
Ca me fait tellement de bien
Je suis si contente quand tu viens.
Une nuit pourtant petite maman,
"J'étais alors à cent lieux"
Comme toujours à ta façon
Tu as remplis un dernier baluchon.
Entre deux clignements d'yeux.
Tu as écouté ton coeur ralentir.
Sans peur et sans frémir.
En t'endormant tu as gardé ouverts
Tes magnifiques yeux bleus.
Pour mieux voir, ceux du Bon Dieu ?
Après nous avoir tant aimé
Une chose difficile tu m'as laissé.
Hier, j'ai du fermer tes yeux
restés si bleus, et merveilleux.
Mes yeux à leur tour mouillants,
Ont pus effacer, goutte à goutte
Ce document d'un marché ancien
Qui liait ton coeur au mien.
Je sais qu'ainsi ta vue t'a été rendue.
Tu recommences déjà à m'épier
me surveiller, et aussi me consoler,
- Robert mon tout petit regarde
- Regardes donc où tu mets les pieds.
Pour Maman. Née: Irène Muszynska .
Son tout petit. Robert Pirschel
*Crollé = frisé, expression liégeoise.
Commentaires
Bonjour Robert, Toujours très touchant à lire ce beau poème en l'honneur de ta maman !
Amitiés
Adyne