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Terre Abandonnée

Je suis une victime volontaire de la fièvre interprétative lorsque mon regard admiratif couvre les choses qui ont fait notre histoire et dans lesquelles courent les ornières creusées par les âmes qui les ont faites. Chambre de créativité à ciel ouvert.Je ne m’inspire pas que des couleurs qui les font, de leurs formes ou de leurs parfums. Non, Elles dégagent beaucoup plus que cela. Venez les voir, peut-être comprendrez-vous ce que je tente de vous expliquer mais que je ne puis exprimer avec les mots.Il fut d’ailleurs une période pendant laquelle l’inspiration de ces lieux m’amena à situer les constructions humaines dans des déserts de sable. Faut-il y voir un symbole lié à l’abandon de nos lieux par l’humain, après avoir pressé le citron ?Début août deux mille un. Il pleuvait depuis plus d’une semaine.En été, lorsque le temps le permettait, je pratiquais des activités physiques telles que la course à pied ou la randonnée. Cela me donnait l’occasion de jouir pleinement de mon environnement. Il était très rare que l’envie de peindre me prît à ce moment.Ce jour-là, comme justement le temps était un obstacle à ma sortie jouissive habituelle, je décidai de terminer le tableau commencé à la fin de l’hiver.Quand vous viendrez à la maison, vous pourrez le voir pendu sur le mur du salon, juste devant le fauteuil que je me réserve pour pouvoir souffler un peu lorsque je rentre du travail. ( http://www.macollection.be/site/News/article.php?newsid=168) Ça me permet de le regarder sans devoir faire l’effort de déplacer mon regard dont je suis, cela dit en passant, très économe. Je ne balaye de mes yeux que ce qui m’apporte du plaisir. Comme je n’en éprouve pas beaucoup en regardant un mur, je place soigneusement ce que je dois voir dans les endroits qui me permettent de les observer sans effort de recherche.Le tableau dont il est question ici est un paysage dont les prés et les champs ont été envahis complètement par la désertification qui n’a laissé que les clôtures en mauvais état. A l’horizon se dressent les dunes qui ont porté jadis, lorsqu’elles étaient des monts couverts de verdure, un verger dont témoignent certains arbres cadavériques.Le ciel est éclairé par la lune voilée.En bas, à droite, subsiste un étang aux eaux dormantes qui reflète le ciel et son voile lunaire qui lui donne sa noblesse. Il est ceinturé par une clôture dont les irrégularités lui donnent le charme des prairies d’antan. Elle le sépare de la rue qui le longe et qui s’éloigne à perte de vue à travers le verger séché par le soleil du désert après avoir coupé un carrefour.Les quelques arbres du verger supposé semblent brûlés par un soleil d’une sévérité implacable. L’un d’eux, celui qui fut planté le long du chemin, plus près de l’étang, supporte, sur sa grosse branche, un oiseau de mauvais augure. Il a l’apparence d’un corbeau, il pose son regard sur les ruines de ce qui fut une maison qui aurait pu être l’habitation d’une ferme, du temps où le paysage qui l’entoure était encore vert.Il ne reste de la maison qu’un pan de mur dans lequel une fenêtre est mystérieusement éclairée au travers du rideau fermé.L’inspiration de ce tableau m’était venue dans un songe dans lequel mission m’avait été donnée de le peindre. A l’époque, d’ailleurs, la plupart de mes tableaux étaient réalisés sur commande.Ils m’apparaissaient en rêve. Il m’était clairement demandé de les réaliser. N’ayant pas de formation dite « artistique », je les reproduisais du mieux que je pouvais, sans respect des règles académiques.Ce jour-là, je terminais donc ce tableau. J’étais occupé à interpréter l’étang, le chemin qui l’entoure, ainsi que la clôture qui le ceint.La séance de travail en question était une reprise, fait qui empêchait une motivation positive. Comme cela m’était arrivé maintes fois au préalable, je m’attendais à un changement en cours de route.Mais, à mon grand désarroi, un sentiment mystérieux m’empêchait de me remettre au travail. De toutes mes forces, je me mis à la combattre, bravant cette perturbation que je prévoyais passagère.A cet obstacle s’ajoutait la sensation aussi étrange qu’une force incontrôlable entraînait mon bras vers le tableau. Je ne pouvais m’en dégager qu’au prix d’un effort très intense, aussi physique que psychologique. Ce phénomène était surprenant, mais surtout très perturbant.Je n’éprouvai dès lors plus le plaisir de peindre. La mission qui m’avait été donnée en songe se concrétisait à la manière d’une photo qui sort de l’appareil photographique. Mon inspiration se concrétisait à la sortie de mon esprit via les poils de mon pinceau sans que ma volonté ne soit sollicitée. C’était du moins la sensation que j’éprouvais.Je ne maîtrisais pas mon interprétation. Je la subissais !N’étais-je pas soumis à l’émanation de mon propre esprit, à moi-même ?Une réflexion sur la situation me décida toutefois à poursuivre la séance pour terminer l’œuvre qui devait être, je l’avais décidé, la première d’une série de paysages désertiques que j’allais associer à des œufs dans des situations particulières, tableaux que j’avais peints pendant la saison précédente. Cette sous-série accordait à l’œuf une place proéminente. Je les transposais dans des paysages surprenants, leur donnant une place qu’ils n’auraient jamais pu occuper sans l’intervention d’un interprète : dans la mer, dans un verger, derrière un portail de l’entrée qui aurait pu être celle d’un domaine viticole ou émergeant d’un océan sous l’apparence de poissons et d’un phare qui veillerait à la justesse de leur destination.La série de tableaux interprétant la mort de notre monde en le transformant en désert devait rejoindre la renaissance représentée sous forme d’œufs.J’avais en effet mis la charrue avant les bœufs en créant la renaissance avant la mort qui devait nécessairement la précéder ! La mort et le renouveau, rythme de la vie qui mène la danse de l’éternel recommencement ! Envol et réincarnation via l’œuf !Je terminais l’étang qui avait résisté à la sécheresse quasi générale de ce monde. L’eau, symbole de la vie. Elle précédait l’œuf, dans mon esprit. A quoi servirait donc la naissance d’une vie physique en l’absence d’eau ?J’avais clôturé symboliquement encore cet endroit sacré, le séparant du néant apparent de la mort.Quelques heures auparavant, j’avais nettoyé la palette sur laquelle avaient séché les mélanges de couleur abandonnés lâchement. J’avais gratté sa surface à l’aide de la petite truelle et terminai mon nettoyage avec un coton imbibé de térébenthine.Après un séchage rapide, j’avais pressé les tubes de peinture nécessaire pour réaliser l’interprétation. J’y ai mis une once de bleu outremer, une petite pointe de noir ivoire, un peu de terre de Sienne et énormément de blanc de zinc.Avant de m’installer devant le chevalet, je pris la décision qui m’était habituelle de placer un disque dans l’appareil de lecture. J’avais choisi d’écouter « Excalibur » de Vangelis. Je puisais une partie de mon inspiration dans la musique. Je choisissais un morceau qui correspondait à la nécessité de l’instant sans qu’un effort de réflexion ne me fût indispensable. Le choix d’écouter une interprétation musicale se faisait automatiquement. Le morceau correspondait à la nécessité du moment sans que je dusse faire une corrélation. Mon effort ne consistait qu’à laisser tomber ma main sur le disque qui serait l’élu pour assurer la bonne marche de l’évènement qui allait prendre cours.J’avais pris l’habitude d’écouter des musiciens tels Mike Oldfield, Pink Floyd et Vangelis pour stimuler mes séances de peinture.Il m’est difficile, voire impossible, de peindre ou d’écrire dans une atmosphère de calme domestique. Cela n’est pas valable en ce qui concerne le calme extérieur de la nature qui est un calme serein, élément indispensable pour l’épanouissement. Le silence, les bruits du silence d’une maison, sont déprimants par leur monotonie et leur effort inutile d’illustration de notre existence qui, sans les piaillements de la nature, est morne et obstacle à toute forme d’expression créative.La musique que j’écoute lors de mes réalisations expressives me caresse l’oreille et masse mon cœur en faussant l’atmosphère pour favoriser l’interprétation picturale de ce que m’apportent mes yeux et mon âme.D’emblée, les percussions déchirèrent cruellement l’ambiance détestable qu’avait créée l’atmosphère domestique.de la pièce que j’occupais, entraînant derrière elles les charmes puissants des chants d’Excalibur.La séance était ouverte. L’expression avait le champ libre.
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