Obsédés textuels, garez-vous! Quand les metteurs en scène se mettent en scène... tout peut arriver! Voici un jeu de massacre organisé: dès le départ, c’est foireux ! C’est dans le texte. Tâchons donc de mettre de l’ordre dans les personnages. Yvette ARTHUR, qui joue Miss Clacket, c’est la débordante femme de charge interprétée avec cœur par Perrine Delers, amatrice invétérée de sardines absurdes qu’elle sème partout.
Suzy RIMBAUD qui joue Vicky c’est un brin de fille en ébullition, reine des coulisses et de La Revue qui fait perdre la tête à toute la compagnie : Maria Del Rio en alternance avec Mélissa Rousseaux. Elle est flanquée de Gérard YOUNG qui joue Roger Tramplemain : le comédien qui rappelle tant Bourvil et se nomme Bruno Georis, quel bellâtre!
Denyse DUCREUX qui joue Flavia Brent, c’est Cécile Florin, la seule qui a un peu les pieds sur terre, capable de relativiser tout événement paranormal, co-propriétaire de cette maison dite française, hantée par les bizarreries les plus folles. Ferdinand FOUQUET joue Philippe Brent, son mari, « un obsédé sexuel » selon les dires de certains, sans projection aucune : un torride Benjamin Torrini ! Pour la France , ils n'existent plus, mais ils vivent dans la hantise du Fisc, car ils se sont expatriés en Espagne et sont là juste par hasard!
On espère que vous ne perdez pas patience et que vous suivez toujours! Ce n’est pas fini. Il y a POITOU le poivrot qui joue le Cambrioleur : c’est Pascal Racan qui, à l’époque (Novembre 2012, avec le même décor), mis en scène par Daniel Hanssens, jouait le metteur en scène Louis Le CORREGE, joué actuellement par Marc Weiss. Un détestable omniscient qui se prend pour Dieu lui-même on and off stage, ordonne le monde, les entrées les sorties et accessoirement les états de corps et d’âme de ses comédiens aux docilités très variables. Malgré sa feinte sollicitude et son monstrueux égocentrisme, il arrive à faire échouer la répétition de sa pièce qui, de répétition technique, en générale, en première et dernière s’avère totalement avortée! Et vous voudriez que tous se rangent sous la bannière « And the show must go on ! »? Ah! il y a aussi, Mimie de la PATELIERE, assistante à la régie : c'est Joséphine de Renesse chargée de calmer le public et de souffler le texte quand tout foire! Avec Jean-Paul LEBRUN, régisseur général et accessoirement garçon de courses et cambrioleur: Emmanuel Guillaume.
Quel générique pour une pièce en trois coups ! Au 1er ACTE, le public découvre la répétition générale de cette troupe d’acteurs hétéroclites, dans son décor, face à un texte insipide et une histoire fort improbable. Le 2e ACTE permet d’assister à la représentation de cette pièce, vue des coulisses, à l’arrière du décor. Difficile de suivre à la fois la soit-disant première d'un côté et les ahurissantes scènes de cinéma muet de plus en plus sanglant qui se déroulent à l’insu des spectateurs imaginaires mais devant nos yeux! Et voilà la raison du titre de l’opus : "Silence en coulisses!" car cela déménage!
Le 3e ACTE se joue côté scène de théâtre, avec la dernière énergie. Dans un paroxysme d’aigreurs et d’amertume, d’actes manqués, de bévues, de texte lacunaire ou en lambeaux, il décrit en live, sous forme de pièce dans la pièce, la catastrophe annoncée par les deux premiers actes. Avec un nouveau tire: "Sans dessous dessus", soustitré "la nouvelle comédie de Robin Housemonster. Le désarroi est total, c’est l’effondrement final d’un monde insensé, surexcité par les jalousies, les rancœurs ravalées et la folie des égoïsmes furieux. Il (lisez: le texte ou le monde) n’a plus rien à voir avec la création originelle. Dont acte! Qui n’en sortirait pas consterné? Est-ce ainsi que l’on s’accroche à l’illusion de la vie? Glaçant, malgré les très beaux dessous de Lady Suzy et l'acidité de l'autodérision...
SILENCE EN COULISSES
DE MICHAEL FRAYN, ADAPTATION DE JOHN THOMAS, jusqu'au 14 mai 2017
THÉÂTRE ROYAL DES GALERIES
Location : | Galerie du Roi 32 - 1000 Bruxelles. 02 / 512 04 07, de 11h à 18h, du mardi au samedi. |
http://www.trg.be/saison-2016-2017/silence-en-coulisses/en-quelques-lignes__7070
Commentaires
ERIC DE STAERCKE en parle:
- Quels sont les éléments qui ont éveillé ton intérêt à la lecture de ce texte ?
E.D.S : J’ai tout de suite été séduit et captivé par l’absurdité de la situation. J’y retrouve un esprit typiquement anglais. Nous sommes bien sur les terres des Monty Python et de Rowan Atkinson, un humour absurde, teinté de non-sens qui fait la part belle au burlesque.
- On dit de cette pièce qu’elle est la plus drôle du monde… Pourquoi ?
E.D.S : Cette pièce est très vraisemblablement la plus drôle du monde, bien qu’il n’y ait pas de concours pour mesurer cela et c’est heureux, parce qu’elle réussit à rassembler tous les éléments de la comédie. Elle est à la fois construite de manière très classique avec une unité de lieu, de temps et d’action, elle réunit les ingrédients de la commedia dell’arte, elle se joue sur un rythme de vaudeville et en même temps, tout ce qui a été minutieusement agencé est immédiatement démonté de façon totalement absurde. Le spectateur est invité à découvrir le cahot qui s’installe et s’accentue au fil des représentations, et ce jusque dans la partie interdite au public : les coulisses.
- Cependant, le génie de la pièce et de Michaël Frayn, tient principalement à l’humanité des personnages. Ils sont perdus, ils s’accrochent à la vie, ils nous ressemblent.
- E.D.S Michaël Frayn a démarré sa carrière de dramaturge en traduisant Tolstoï et Tchekhov. Je retrouve dans les personnages de « Silence en coulisses » le même absurde, la même médiocrité sublime, le même désespoir hilarant que celui des personnages des comédies de Tchekhov comme « La demande en mariage » ou « L’ours ». Le combat des ces êtres est si vain et si touchant qu’il mène au délire. La pièce dépasse la simple comédie, elle dépeint la comédie humaine.
« Nous sommes comiques. C’est sur cet aspect là que nous devrions nous voir. Rien que l’humour, rose ou noir ou cruel, mais seul l’humour peut rendre la sérénité. »
(Eugène Ionesco).
- Que peux-tu dire sur les personnages ?
E.D.S : Ils sont beaux et attachants car terriblement humains. Il n’y a pas de manichéisme, il n’y a pas de bons ou de méchants. Nous sommes en empathie avec chacun d’eux, ils nous ressemblent profondément, par moment et pas entièrement heureusement. Ils sont notre miroir, un miroir à peine déformant et fort heureusement, comme toujours au théâtre, les avares et les malades imaginaires ne se reconnaissent pas quand ils sont représentés sur scène.
- Cette pièce est la plus drôle du monde?
E.D.S. : Oui, c'est exact ! Cette pièce de l'Anglais Michael Frayn nous emmène au théâtre et nous fait suivre une troupe des répétitions aux aventures de la tournée. Outre les petits couacs, les ego, les ragots, les différences de caractère vont petit à petit plomber l’ambiance et pousser les uns et les autres vers des comportements parfois hystériques et inévitablement cocasses...