Cocktail d’amour et d’humour : La nuit des Rois
Côté tragique: Il n’y a pas d’amour heureux… Côté comédie: All Ends Well! Puisque les différents amoureux se retrouveront et atteindront le bonheur conjugal. Mais entretemps, quelle tapisserie gigantesque et compliquée de méprises, de désirs personnels, de cruelles frustrations, de motifs secrets et de questions existentielles! Jouée pour la première fois en 1602, cette pièce bouleverse allègrement toutes les conventions de la romance et des rôles de genre.
Le rideau s’ouvre sur la mise en scène (Daphné D’heur) d’une somptueuse tempête qui sépare deux jumeaux dans un naufrage. Le frère et la sœur se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Chacun pense que l’autre a disparu dans les flots près des rivages de l’Illyrie. Viola est sauvée. Courageuse, la sœur, prend l’apparence du frère et, déguisée en homme sous le nom de Césario (Margaux Frichet), entre au service d’Orsino, un duc amoureux éconduit par la belle et riche comtesse Olivia (Anouchka Vingtier). Cette dernière, en deuil de son père et de son frère, se fait aussi glaciale que superbe et repousse ses moindres avances.
Aussi, le duc Orsino (Nicolas Ossowski) envoie son émissaire Césario comme go-between pour courtiser la comtesse Olivia. C’est bien contre la volonté du « jeune homme », elle qui est immédiatement tombée amoureuse du comte! A son tour, et en dépit de son chapelet de réticences, la comtesse Olivia s’enflamme et tombe irrémédiablement amoureuse du messager. Joli triangle qui entraîne multiples complications. Enfin, tout s’éclaire avec l’arrivée providentielle du frère jumeau de Viola, Sébastian (Maxime Laal Riahi), que l’on croyait noyé. Une bonne façon d’arranger les choses sur le plan matrimonial. Olivia croit en effet que Viola (déguisée en Cesario) EST le Sébastian qu’elle vient d’épouser deux heures auparavant. Bref, Sebastian a donc épousé Olivia, Orsino épouse Viola, et Sir Toby (Sofian El Boubsi) épousera Maria (Cindy Besson), la suivante d’Olivia, tous deux ravis d’avoir joué un si bon tour au très grotesque Malvolio, l’intendant de la comtesse, un savoureux bouffon bouffi de lui-même. On reconnaît la griffe moqueuse du maître de Stratford-upon-Avon, qui ira même jusqu’à l’enfermer derrière des barreaux, où, complètement déconcerté, il sera traité de fou par tout le monde. Une magnifique interprétation de Didier Colfs.
Car les suppositions, les apparences et la réalité produisent un passionnant jeu de Colin Maillard, entre sérieux et rires. C’est à qui voudra faire croire qu’il (ou elle) n’est jamais celui qu’il est vraiment! L’histoire, qui se déroule la douzième nuit après Noë,l permet toutes les extravagances et fait miroiter le texte sur des variations vertigineuses des verbes être, paraître et disparaître. Le texte bien sûr regorge de double sens et d’humour. Le décor, très dépouillé, étincelant de blancheur futuriste est d’une extraordinaire mobilité. Les deux constructions qui ne cessent de voyager silencieusement sur le plateau, comme deux tours qui s’affrontent et se dérobent, accompagnent silencieusement le chahut et le suspense des émotions. Un jeu passionnant qui jette par-dessus bord toute forme de certitude et pose inlassablement la question cruciale de l’identité.
C’est dans un élan irrésistible du cœur que Daphné D’heur et Thierry Debroux se sont attelés à la traduction de l’œuvre. Ensemble, ils ont gommé toutes les références qui auraient risqué d' ennuyer un public moderne, pour donner une vie extraordinaire à cette belle production made in 21st century. Tandis que les costumes chatoyants d’époque sont un véritable carnaval de Venise qui ancre le spectacle dans la fête et l’intemporalité. Par sa langue habile et son jeu intense, le casting est resplendissant … digne de grandes scènes d’opéra. Puisque… place est faite aussi, à la musique!
Côté magique: tous ces oiseaux du paradis qui poussent sur des rochers noirs battus par les vents et ...cette soudaine et mystérieuse fleur étincelante en poudre d’étoiles… qui arrive comme un baiser d'amour.
Dominique-Hélène Lemaire, Deashelle pour Arts et Lettres
Avec: Cindy Besson, Didier Colfs, Enea Davia, Soufian El Boubsi, Margaux Frichet, Maxime Laal Riahi, Nicolas Ossowski, Benjamin Van Belleghem,
Valentin Vanstechelman, Anouchka Vingtier
Mise en scène: Daphné D’Heur
Scénographie: Vincent Bresmal et Matthieu Delcourt
Costumes: Anne Guilleray
Lumières: Philippe Catalano
Maquillages et coiffures: Florence Jasselette
Chorégraphie des combats: Jacques Cappelle
À PARTIR DE 12 ANS DURÉE
2H35 ENTRACTE COMPRIS RÉPRÉSENTATION
DU MARDI AU SAMEDI :20:15
LES DIMANCHES :15:00
LE SAMEDI 18 FÉVRIER 2023 :15:00
RELÂCHE – LES LUNDIS
- THEATRE DU PARC
- WILLIAM SHAKESPEARE
- photo@Allan Beurms
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Du 19 janvier au 18 février 2023 au Théâtre Royal du Parc.