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Claude LUEZIOR - Une dernière brassée de lettres - éditions Tituli

 

            Il s’agit là d’une œuvre très originale. Quelle idée d’écrire des lettres aujourd’hui dans un monde qui ne fonctionne plus qu’à coups de S.M.S. ? Mais des lettres à qui ? A Maison de retraite, à Ordinateur, à Deuil, à Absence, à l’Homme... en tout une bonne trentaine. Ce sont des lettres ouvertes, des sortes d’interpellations, pour dénoncer ceci ou cela : Ainsi dans Lettre à Maison de retraite : « Jeanne, tu te l’es appropriée, elle qui tombait cent fois à domicile... Tu l’as mise en chaise alors qu’elle pouvait encore marcher. D’allure secourable, le verdict fut prison à perpétuité. Il fallait surtout relever le score de dépendance, question subsides et comptes de fin d’année.» Dans Lettre à Politicien, il analyse comme au scalpel, ce qui attend au tournant l’homme politique ; après la gloire viennent les déboires : « Ceux qui t’acclamaient se sont mués en hyènes et la presse des rues en bourreau... Sur les temples de ta puissance, on a martelé tes cartouches, écorché ton nom et ceux-là même qui se sont nourris de ton népotisme ne sont plus que masses assoiffées de ta sève.»

            Mais le poète sait aussi glorifier, exalter la grandeur de ce que l’homme a fait de bien au cours de son histoire. Il le fait avec Lettre à Architecte. Comment se fait-il que l’homme bâtisseur ne le soit pas seulement par besoin d’utilité ? « Par quel sortilège t’es-tu affranchi, dès les premières peintures rupestres d’une simple utilité existentielle ? » On ne peut pas détacher les constructions de la prière : « ... le nombre d’or, les flèches et les arcs-boutants ont peuplé ta tête jusqu’à l’envoûtement. Tu t’es pris au jeu de cette musique minérale, tu es devenu le pasteur des pilastres en leur moutonnement d’ogives. » Dans Lettre à Patience, c’est de tous arts qu’il s’agit ; le génie n’est rien sans le travail : « D’ici, j’entends Flaubert chercher le mot juste dans son gueuloir, Hugo tailler ses vers, Brahms rabâcher ses sonates, Beethoven user son piano : tant d’artistes dans une perfection qui leur échappe.»

            On pourrait analyser chacune de ces Lettres. Chaque brin de la brassée nous apporte un moment de plaisir à le lire.  Mais il me faut pour terminer, vous faire part de l’intense émotion contenue dans Lettre à ma Cousine. Ils ont huit ans de différence. Ils s’évadent dans le grenier, une vraie caverne d’Ali Baba. C’est elle qui a initié le poète à la beauté, à la culture, cette chose essentielle, à laquelle concourt une bonne possession de la langue. La culture tous azimuts. Elle lui a fait découvrir Barbara, Ferré, Moustaki, Ferrat mais aussi Aragon, Sartre, Camus, Alain Resnais... La vie les a coupés de leurs rêves. « Les arcatures de l’existence nous ont séparés. Nous étions insoumis. Toi et moi sommes restés rebelles. Tu n’es pas devenue danseuse. J’ai dansé avec les mots...» Et plus loin, cette injustice qu’est parfois la vie : «  La maladie a broyé ton corps. Et ton âme si aérienne a été cariée par les traitements, qui pourtant, te furent indispensables... »

            Ce livre, dans son entier, est un vrai moment de bonheur.

                                                                                                 Louis Delorme

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