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Quand on ramène un oublié des amoureux d'Arts et de Lettres, s'appuyer sur un grand nom de la littérature belge me semble une manière plus que logique.
Je vous livre donc la préface du recueil ' L'heure équilibre' de Gaston Godfrin par Michel Joiret en 1982. Tous les recueils de ce poète sont en possession de ma famille. Ce que je trouve le plus regrettable c'est que le sang de son sang ne prête pas plus d'attention à celui qui les aima tant. Je prends le relais, ne lui arrivant pourtant pas à la cheville. Aujourd'hui, mieux que jamais, je comprends d'où provient cette hypersensibilité qui m'habite.

Voici donc cette préface, qui vous fera sans doute comprendre et connaître qui était ce poète belge:

"Peut-être oserais-je mourir
Un rêve fou entre les dents...."

Gaston Godfrin parle si doucement de la mort que d'obscures connivences se tissent entre le poète et sa lyre noire. On ne peut en effet être dupe : chez un être dont l'intelligence des choses est toujours en éveil, une connaissance profonde de l'espace et de ses limites prend des formes concrètes et nuancées. N'est-ce pas Camus qui disait que la lucidité est une forme supérieure du désespoir ? Godfrin ne définit pas la poésie mais il parle d'un état de grâce et de disponibilité second à aucun autre........

"Longues rames d'ennui
Dans les gares sans tête
Un train trébuche et tette
Le sein plat du ciel gris."

On observera l'aisance de la transcription métaphorique, la disposition classique d'un hexamètre très souple, la musicalité des syllabes élues semble-t-il pour leurs vertus acoustiques, l'intériorité d'un ensemble que le confort du genre dispute à la fantaisie, voire à l'audace du trait. Poète rassurant par le ton et l'obédience à la tradition, Gaston Godfrin cède à l'inquiétude quand elle s''écrit en filigrane de la tendresse d'être, cette même tendresse qui est le patronyme de la poésie de Godfrin, présente à tous les échelons d'une existence aux sens tendus comme les conques, toujours à l'écoute des êtres et des choses. L'heure équilibre est le recueil d'un autre temps, sorti vivant des " yeux du Grand Meaulnes".

" Seul l'homme est briseur d'équilibre
Ses mains ouvertes sont plateaux
D'une balance que ne vaut
Pas le poids clair d'un oiseau libre "

Dieu, la femme, l'enfant, la mort sont les protagonistes d'un drame dont le poète distribue les rôles selon l'humeur des choses et du temps. "'Refermons ce silence" dit le poète sensible à la vie intérieure, à l'absence même de la vie là où Dieu s'arrange avec l'image qu'il laisse de lui aux hommes de passage.

" Crane à l'envers
Où roucoule la pluie"

Il est clair que Gaston Godfrin a toujours recherché la vérité par de fréquentes plongées dans l'inconscient, il est évident qu'il vivait en poésie comme on vit en religion, toujours prêt à assumer l'indifférence des tribuns et des marchands.
Qu'on se garde de "tuer quelqu'un
à coup de mémoire"
le poète, lui, résistera à la vanité des thuriféraires comme au geste débonnaire des indifférents. " J'ai le bonheur profond au sein de ma maison", disait-il en substance à ceux qui voulaient bien l'écouter. Mais écoute-t-on les poètes dont l'engagement est bien plus un acte de foi qu'une incitation à la parole ?

Il se devait que Marin mourût au cœur de la bataille de la lys et que Périer s'éteignît tout près du Bois de la Cambre. Il est juste, sans doute, que Gaston Godfrin trouve au terme de ses jours, des accents nouveaux, qu'il avait appelés de toutes ses forces mais qui l'attendaient au terme de son existence, comme s'il fallait les mériter, les voir venir, comme si la douleur et l'ombre négociaient pour s'approprier avec l'âme, la charpente verbale du poète. Ainsi, Godfrin restera le poète d'ombre et de lumière comme chez Périer, comme chez Marin. A nous de faire le jour au-delà de l'éloignement.

" Laissons mourir le rêve
D'avoir été nous-mêmes"

Tout ceci est simple, presque évident. Carême se rapproche. On se souvient de Bernier, de Périer, de Marin. On dresse le couvert pour l'éternité et les mots circulent. Gaston Godfrin nous parle avec lenteur, ce ralenti d'un vécu intense, d'une circulation vive de l'essentiel.

Décidément, il y a des mots qui nous font douter de la mort elle-même....


Michel Joiret
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Commentaires

  • Chère Arwen, ne vous désolez pas ainsi....j'ai moi aussi deux de ses recueils entre mes mains. Il était poète jusqu'à bout de souffle. Porte donc ce flambeau haut et fort et permets que je le porte avec toi. Qu'importe que nos noms s'incrustent dans les mémoires...On a retrouvé tant de merveilles après des millénaires. Ce n'est pas la notoriété qui importe mais les semailles à produire que nous avons dans nos greniers.

     

    Tout tendrement, Alejandro..qui te rencontrera bientôt

  • Si j'ai des blessures, elle n'ont pas encore porté atteinte à ma démarche. Pourtant je me vois bien en canard boiteux. Merci Carl: à notre santé !
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