PETROUCHKA & L’OISEAU DE FEU au théâtre Royal du Parc jusqu’au 15 décembre 2018
Avec : Joris BALTZ, Léonard BERTHET-RIVIÈRE, Mylena LECLERCQ, Vojtěch RAK, Lisard TRANIS, et, en alternance, Nolan DECRETON, Maxence LORENTZ ou Tom VAN DE WEGHE.
Du jeudi 15 novembre 2018 au samedi 15 décembre 2018
« Finalement je n’aime pas la sagesse. Elle imite trop la mort. Je préfère la folie – pas celle que l’on subit, mais celle avec laquelle on danse. » ~ Christian Bobin
Surprise, Thierry Debroux accueille cette fois, la création d’un chorégraphe, José Besprovany et sa Compagnie de danseurs acrobates au théâtre Royal du Parc. Une aventure inédite mêlant le nouveau cirque, la danse et la musique de Stravinsky, des propositions aussi poétiques que surréalistes. Une folie créatrice. Surprise, une dame bon chic bon genre a choisi justement ce spectacle entre tous, pour y fêter avec ses nombreux amis, ses 80 printemps et offrir un vin d’honneur à l’issue d’un spectacle qui rappelle en tous points le cinéma muet! Surprise encore, vous pensez vous faire conter l’histoire de Petrouchka, suivie de celle de l’Oiseau de feu ? Balivernes, il s’agit d’une re-création libre et audacieuse par le maître d’œuvres, qui s’est débarrassé de l’héritage slave où l’on vénère ces deux contes comme des icônes. Un spectacle fascinant ***** Une réflexion sublime sur la question: What is the truth? (Ponce Pilate l’avait déjà posée… ) Et le corps, au service de la réponse.
Le chorégraphe mexicain, installé depuis de nombreuses années en Belgique explique : °°° Ici, une technique de câblage scénique sophistiquée est utilisée afin que le danseur acrobate devienne une marionnette humaine. Ses mouvements évoquent ceux d’une marionnette à fil, telle une poupée pouvant être soulevée, déplacée par une force extérieure à elle. °°° Tels les fils des inflexibles Parques ? Ces êtres mythologiques, plus puissantes encore que le Destin , symbole antique de l’évolution de l’univers, des changements qui commandent aux rythmes de la vie et qui imposent, tour à tour, l’existence et la fatalité de la mort ?
Tout d’abord, dans Petroutshka, on retrouve un serviteur, l’homme-oiseau, incarné par Joris Baltz qui découvre le livre qui raconte son histoire dans une palette de costumes tous déclinés en triangles gris, rouges et noir. Le maître rebondi et le serviteur agile vivent prisonniers l’un de l’autre, sans se préoccuper du monde. …A nous de nous demander, en les regardant évoluer ensemble, qui manipule qui.
Le maître (Léonard BERTHET-RIVIÈRE) fatigué et imperturbable a bien décidé de ne plus jamais se lever de sa couche, même si dans une autre vie il fut un danseur étoile du kazatchok. Le fidèle serviteur, lui, veille jalousement sur le livre. Jusqu’au jour où deux nouveaux personnages, de savoureuses caricatures d’espions, ressuscitant nos souvenirs de guerre froide apparaissent de chaque côté de la scène.
Guerre d’idéologies ayant le même but ultime? L’un vient de l’Est, (Vojtěch RAK) et l’autre de l’Ouest, (Mylena LECLERCQ). Tous deux déploient une art consommé du mime et de la théâtralité à travers leur langage corporel. Tous deux doivent dérober le mystérieux livre, avec mission de le détruire. On entre de plein fouet dans un jeu de machinations, autour du sieur reposant sur son divan. Des facéties, toutes aussi burlesques, qu’absurdes et infructueuses. Qui dupera l’autre? « Il sait que je sais qui il est! » s’inquiète l’ardente envoyée des services secrets britanniques déployant force de charmes pour brouiller les pistes.
Mais, les voilà finalement contraints de collaborer ensemble, per amore o per forza… . Or, à force d’unir leurs diapasons, ne vont-ils eux-mêmes tomber dans les filets d’une machination suprême, celle de l’amour ? Quant à l’homme-oiseau, va-t-il réussir à protéger le livre essentiel sans perdre le fil de la vie? La surprise théâtrale viendra du maître qui, se levant enfin de son séant, accomplit un suprême geste de compassion vis-à-vis du serviteur. Illusion ou vérité? Les deux espions finalement convaincus de l’absurdité de leur tâche, vont-ils filer à l’anglaise vers des horizons joyeux ? Ce premier volet semble déjà emporter l’adhésion d’un public mi-perplexe, mi-mystifié, mais bien prévenu dès le départ par la présentatrice qu’on ne lui offrirait qu’une illusion de Petruchka! En revanche, la musique de Stravinsky jouée pour piano seul, est, elle, infaillible.
Le deuxième volet de la proposition, l’Oiseau de feu, dans une version orchestrale, finira par consumer nos moindres réticences. C’est d’abord du bleu intense et un labyrinthe de néons flottants très près du sol : autant de barrières que la bête fauve (Lizard Tranis) qui y séjourne, puissante, charnelle, séduisante, ignore superbement. Un nouveau Minotaure ? Ses multiples évolutions gracieuses et fascinantes sont félines. Le tigre de William Blake? L’espèce d’employé de banque lambda siégeant en mezzanine s’est métamorphosé en dompteur grâce à un chapeau magique. Ses dossiers sont devenus des plumes de rêve. Lâchant la première plume, l’animal s’en saisit. La plus belle, une plume de feu prométhéen ? Le dompteur apprivoise peu à peu l’animal, dans un ballet de plumes multicolores. Plus besoin de texte de cinéma muet, on absorbe l’histoire comme beauté absolue de chorégraphie et de postures. On fait partie du jeu. Le maître va jusqu’à apprendre à l’animal quadrupède à se redresser, ensuite à voler… Ce que lui-même ne sait pas faire! Chacun est guidé par le dépassement de soi, l’amour de la perfection. La beauté des figures du ballet aérien happe l’imaginaire, emporte dans un univers inconnu où l’on rejoint les artistes. Pendant un moment de grâce, instructeur et apprenant sont au diapason parfait. Las, nous ne sommes pas des dieux, voilà la chute!
Une relation amour-haine s’installe subrepticement, mouvement après mouvement, laissant le public dans cette expectative anxieuse où l’on retient son souffle. L’homme s’enivre de son pouvoir, passe au registre de la cruauté. La scène de rêve fait place à une scène de domestication presque insoutenable. Peuples à genoux… Mais l’homme s’endort. C’est alors que le danseur prométhéen, le feu, la plume entre les dents, danse audacieusement pour son pur bonheur sur des échelles mobiles. Il voltige dans les airs, il joue haut et sans filets, se balance en solo, offrant au public cloué par la surprise, une ode à la beauté de l’homme pendant que le maître est endormi. La suite vous conduira encore, de surprises en surprises, avec, pourquoi pas, une allusion au mythe du phénix et un enfant radieux sur fond de soleil rouge. Voulez-vous un ballon?
Au sortir de la deuxième proposition artistique, malgré ou à cause de sa secrète et parfois douloureuse gravité, par l’offrande de sa beauté extraordinaire, on se retrouve tout d’un coup au diapason avec le créateur du spectacle. Un spectacle de force, courage et persévérance qui expose la beauté de l’homme lorsqu’il joue les Icare face au soleil. On se sent tout d’un coup meilleur, tant la plénitude que dégage la deuxième partie réussit à vous procurer des ailes. Pour planer soi-même,retrouver l’innocence (encore William Blake, décidément… ) et se réconcilier avec le monde.
« Pour moi, un cirque est un spectacle magique qui apparaît et disparaît comme un monde. Un cirque est dérangeant. C’est profond Ces clowns, ces cavaliers et ces acrobates se sont mis à l’aise dans mes visions. Pourquoi? Pourquoi suis-je si touché par leur maquillage et leurs grimaces? Avec eux, je peux avancer vers de nouveaux horizons. Attiré par leurs couleurs et leur maquillage, je peux rêver de peindre de nouvelles déformations psychiques. C’est un mot magique, cirque, un jeu de danse intemporel où larmes et sourires, le jeu des bras et des jambes prend la forme d’un grand art. » Marc Chagall
Réservations sur place au Théâtre du Parc, via le site ou par téléphone au 02 505 30 30 – du mardi au vendredi – ouvert de 12h à 19h.
Photos de Lander LOECKX
Commentaires
José Besprosvany revisite les deux classiques de Stravinsky pour en faire des pièces totalement nouvelles et des lectures personnelles. Entre danse, cinéma muet et performances aériennes.
Une revisite et une inspiration totale du créateur. » Dès la présentation dynamique qui introduit la soirée au Théâtre Royal du Parc, le public est prévenu : ce soir, il n’assistera en aucun cas à une version classique de Petrouchka ou de L’Oiseau de feu, deux œuvres qu’Igor Stravinsky a composées pour être présentées sur scène avec de la danse. En fait, José Besprosvany, chorégraphe mexicain basé à Bruxelles depuis les années 1980 et formé à Mudra avec Maurice Béjart, choisit de s’émanciper totalement des célèbres versions créées à Paris par Michel Fokine au début du siècle dernier.
Ainsi, point de fête populaire et de ballerine dans Petrouchka ou de princesses et de château dans L’Oiseau de feu. Besprosvany reprend l’essence de ces œuvres pour s’intéresser aux grandes thématiques qui les traversent. « Petrouchka traite plutôt de manipulation, physique et mentale (…). L’Oiseau de feu explore les mondes de l’inconscient et du désir, parfois réprimé, du dépassement de soi, et aussi de renaissance », explique ainsi le chorégraphe, qui n’hésite pas à transformer totalement le récit.
Pas de ballerines mais… des espions
La soirée commence par un Petrouchka mis en scène à la manière d’un film muet avec de grands écrans projetant les dialogues que les comédiens/danseurs incarnent. Sur le plateau, seulement quatre protagonistes : Petrouchka (Joris Baltz, impressionnant en marionnette désarticulée), son maître… ainsi qu’une espionne du MI6 et un espion du KGB, qui cherchent tous deux à mettre la main sur un livre soigneusement caché par Petrouchka.
Une approche étonnante où la musique est utilisée de manière créative, même si l’ensemble est très peu dansé et que certains gags sont parfois répétitifs. La recherche de ce livre mystérieux est en effet peut-être un peu simpliste pour aborder une complexe réflexion sur la liberté, sur le fait d’être nos propres maîtres. Les images sont assez caricaturales et le récit manque de profondeur.
Un ballet aérien impressionnant
La transformation est encore plus radicale en deuxième partie de soirée. La trame de L’Oiseau de feu se résume en effet à la relation qui oppose un dompteur (le même Joris Baltz) et un animal (Lisard Tranis). Telle une bête mi-sauvage, mi-éduquée, Tranis se déploie sur scène de manière primitive, puis virevolte dans les airs, enchaînant les figures aussi belles qu’impressionnantes. Un travail créatif assez admirable où il est rejoint par une très douée version miniature de lui pour un duo haletant en fin de spectacle. L’ensemble est allégorique mais beau et assez captivant.
Si cette soirée contrastée utilise parfois certaines images un peu trop attendues, ou trop métaphoriques, la proposition a le mérite d’accrocher le spectateur… tant qu’il est venu sans a priori ou sans aucune attente par rapport à l’œuvre originale.
Petrouchka et L’Oiseau de feu, jusqu’au 15 décembre au Théâtre royal du Parc. Infos :www.theatreduparc.be
https://plus.lesoir.be/191542/article/2018-11-22/petrouchka-et-lois...
"Mais maman, c'est pas du tout l'histoire de L'Oiseau de feu, je comprends rien." Le désemparement, ici exprimé par une spectatrice de 8 ans, aura sans doute saisi un temps ceux qui, en venant au Théâtre royal du Parc, pensaient retrouver la forme, ou du moins l'esprit, des deux ballets chorégraphiés par Michel Fokine, Petrouchka (avec Vaslav Nijinski dans le rôle-titre) et L'Oiseau de feu, créés à Paris respectivement en 1911 et 1910 par les mythiques Ballets russes dirigés par Serge de Diaghilev. Car ici à la barre, José Besprosvany, chorégraphe mexicain formé chez Béjart à Mudra et basé à Bruxelles depuis le début des années 80, a choisi de prendre de grandes libertés avec les oeuvres originales, pour n'en garder que quelques traits et, surtout, la musique de Stravinsky.
Ainsi, l'histoire de la marionnette Petrouchka est réduite à son essence -le rapport maître/esclave- et nourrie d'espion du KGB (le fantôme du Maure) et d'espionne du MI6 (écho de la Ballerine) cherchant à mettre la main sur le même livre, de portraits de Max, Lénine, Staline et Laika et de démonstration de kazaktchok, le tout dans une esthétique tricolore (noir, blanc, rouge) de film muet à tendance expressionniste, cartons au lettrage blanc sur noir compris. L'ensemble est finalement très peu dansé, mais pour les amateurs de prouesses physiques, la scène de l'interrogatoire vaut à elle seule le détour, grâce à l'incroyable plasticité de Joris Baltz, formé à l'École Supérieure des Arts du Cirque de Bruxelles, semblant peser moins que l'air et capable de toutes les contorsions.
Le même Joris Blatz revient dans L'Oiseau de feu, en découvreur puis dresseur d'un animal fantastique se rapprochant, sous la carrure de Lisard Tranis, davantage du Faune de Ninjinki que d'un oiseau, même si une bonne partie de son époustouflante prestation s'effectue dans les airs -avec la complicité de deux techniciens dirigeant cintre et cordages- et qu'il est question de plumes. Exit les treize princesses, les pommes d'or et les sortilèges pétrificateurs: l'histoire se réduit à la relation d'apprivoisement/asservissement entre un homme civilisé (en haut) et une bête s'ébattant au milieu de tubes néon (en bas), et où revient donc la question de la liberté et de la manipulation (au propre comme au figuré).
Une soirée en deux temps que l'on savourera d'autant mieux en y arrivant sans préjugés et sans attentes trop ancrées.
Petrouchka et L'Oiseau de feu (à partir de 6 ans): jusqu'au 15 décembre au Théâtre royal du Parc à Bruxelles, www.theatreduparc.be; du 7 au 13 février à l'Aula Magna à Louvain-la-Neuve, www.atjv.be
L'article du Vif-L'Express
« Avec Laurent Brandenbourger, nous avons inventé deux histoires intrinsèquement en accord avec la musique, nous contraignant à ne jamais employer du texte récité sur la scène. Ces récits seront interprétés par des danseurs et des circassiens, employant parfois des techniques surprenantes, représentant tantôt une marionnette humaine, tantôt un homme-oiseau qui vole, et conférant au spectacle un aspect féerique et magique saisissant. » - José Besprosvany
Pour sa 3e production au Théâtre royal du Parc, le chorégraphe belge José Besprosvany immerge le public dans l’univers de l’enfance, renouant avec les souvenirs de ses grands-parents russes. Artiste multidisciplinaire (danse classique et contemporaine, cirque, théâtre, mime,…), il dépoussière deux ballets classiques – Petrouchka et L’Oiseau de feu – dont l’histoire s’inspire de contes russes pour mieux les réinventer.
Toute la prouesse du spectacle repose sur un subtil équilibre : insuffler un regard neuf sur deux chefs-d’œuvre sans trahir la musique originale d’Igor Stravinsky. Et, avec José Besprosvany (et le scénariste Laurent Brandenbourger), la magie opère : Petrouchka et L’Oiseau de feu racontent deux nouvelles histoires, poétiques et lumineuses. Où le geste se suffit à lui-même, oblitéré de toute parole.
Petrouchka, incarnée par le danseur-acrobate Joris Baltz, vit avec son maître (le comédien Léonard Berthet-Rivière). Cette poupée en tissu a découvert le Livre, celui où tout est écrit, convoité par deux espions : un espion du KGB (Vojtech Rak) et une espionne du MI6 (Mylena Leclercq). Les traits exacerbés, grimés de blanc, ces quatre personnages évoluent dans un univers clownesque aux ressorts du cinéma muet. Dans un élégant décor circonscrit par des lignes de lumières, les protagonistes, dont on soulignera l’originalité des costumes signés Catherine Versé et Bert Menzel (pour l’ensemble du spectacle), se jouent d’eux et des autres. Mais qui manipule qui ?
Autre histoire, autre décor. L’Oiseau de feu, c’est un animal (le danseur Lisard Tranis), pris dans un labyrinthe de lumières, et un dompteur (Joris Baltz) qui lui apprend à voler. La mise en scène, sur un double niveau de décor, est très belle et poétique. Entre méfiance et complicité, ciel et terre, l’animal et le dompteur s’apprivoisent, dans un jeu aérien où les corps se mêlent, se repoussent, se hissent et se balancent, toujours plus haut, quitte à risquer la chute.
Bruxelles, Théâtre du Parc, jusqu’au 15/12. Infos et rés. : 02.505.30.30. – www.theatreduparc.be. Puis, du 7 au 13/2 à l’Aula Magna (LLN). Réservations: 0800/25 325 – www.atjv.be (Atelier théâtre Jean Vilar).