J’aime la Mer du Nord, les marées basses et les marées hautes, les immenses plages de sable fin, les coquillages et le vent qui fouette les visages. J’aime courir le long de l’eau et voir les pêcheurs de crevettes tirer, avec leurs chevaux, les grands filets.
J’accompagne mon ami, un jeune garçon qui passe quelques jours de vacances en compagnie d’adultes de sa famille. Ils se sont installés dans un petit appartement avec vue sur la mer. Ce n’est pas le luxe mais c‘est correct. J’ai droit à une confortable carpette près de l’entrée et un grand bol d’eau et de croquettes.
Les jeux et les sorties à la plage font parties des joies des vacances et pourtant, à l’insu de tous, le drame se noue. Mon ami a disparu un moment . Quand il revient, il s’accroche à moi et blême, les larmes jaillissent et les questions pleuvent. Je frémis. Je n’ai pas de réponses pour le moment. Moi-même, je suis hébété de la situation et je le suis dans ce long dédale d’incompréhension, d’interrogation, de laideur.
Mon ami n’a pas compris que tous les adultes ne sont pas gentils. Que certains sont investis de sentiments que la morale réprouve. Des gestes pressants et dissimulés qui deviennent vite insupportables. Je suis abattu de voir ces adultes sévir de la sorte.
Sans le concevoir, j’ai déjà vécu ce silence et je n’ai pas réagi à ses plaintes. Depuis, mes nuits sont devenues un enfer. Je l’entends parfois pleurer inconsolable.
Ce silence qui garde l’horrible secret, qui rend coupable, complice de cette infamie, que les autres adultes n’entendent pas ou ne veulent pas entendre et qui reste à jamais graver sur un enfant sali, profané.
Je ne suis que son petit compagnon et dans mes rêves les plus fous, j’aimerai me changer en bête féroce et avoir la force de les écarter de lui, d’arrêter ce mal qui se transforme en souffrance. Voir sa désespérance chaque jour et n’avoir pas le moyen de lui redonner son sourire d’innocence, d’enfance perdue. Le prendre, l’emmener loin de ces gens et me battre avec lui pour survivre, pour oublier.
Mon petit bonhomme vague l’âme triste, les mains dans les poches et je ne peux par moment lire ses pensées. Il me regarde résigné comme on peut l’être à son âge. Il ne peut se résoudre à raconter qu’il s’est fait prendre à un jeu d’adulte alors qu’il doit hurler, crier, dénoncer, accuser enfin.
Je ne suis pas le meilleur compagnon du monde. Je suis le reflet du silence et j’ai beau aboyer, hurler à la mort, personne ne m’écoute. Devant ce malheur, nous sommes tous les deux impuissants à nous faire entendre.
Consterné, je reste blotti à ses pieds et partage avec lui cette infamie le cœur blessé.
Commentaires
Une forme peu enviable de l'humanité..et pourtant. Si les enfants parlaient, on serait étonné de la quantité de ces faits...
Bon journée
Josette
Ce qui me répugne le plus c'est la pédophilie, c'est abject !
Un beau texte.
Amitiés
merci Jacqueline pour ce beau commentaire.
Excellente journée
Amitiés
Josette
Comment décrire l'innommable? Tu le fais si bien... et aussi décrire l'impuissance de l'amour à aider qui est aussi une souffrance...
Le monde est stone...
Merci Adyne et bonne journée
Amitiés
Josette
Triste histoire........
Merci pour ce partage, Josette et bonne fin de semaine.
Amitiés.
Adyne
Merci Marie-Jo pour ton commentaire. Sujet difficile qui laisse beaucoup de gens indifférents...
Excellente journée
Amitiés Josette
bravo pour cette courageuse initiative Josette !
Bonjour Rolande.
Un grand sujet difficile à aborder mais qui doit l'être de temps en temps. Mon petit ami compatissant ne peut être qu'un chien à qui on prête tant de choses. Il prend la place de tant de personnes et il ne me contrarie jamais.
Amitiés
Josette
Ce pesant silence des enfants atteints dans leur intimité la plus profonde.
Comme il peut être lourd et, à jamais, incrusté dans l'âme, leur vie ne sera plus qu'un long parcours de souffrance. Car qui les croira ?
Chère Josette, une fois de plus tu as saisi toute la portée malsaine de ces gestes odieux de la part d'adultes dévoyés. Comment fais-tu pour prendre ainsi la place de ces êtres "choulés" comme disait ma grand-mère.
L'ami compatissant, le petit compagnon? Un chien ???
Très belle fin de journée et la suite .... car le soleil sera notre ami. Vive La Lumière pour éteindre les Ténèbres.
Amitiés. Rolande.