"La nouvelle production d'Idée Fixe : "Les Contes d'Hoffmann". L'opéra fantastique d'Offenbach, narrant les aventures sentimentales de ce jeune poète ivre d'amour (et d'alcool) regorge d'airs connus, dont la célèbre Barcarolle, et est annoncé comme "un spectacle total, rempli de belles choses", par Cédric Monnoye chez Idée Fixe."L’occasion de revisiter les fulgurances de l’opéra du siècle passé. En opéra sonorisé devant les portes d’un château, dans la féerie des étoiles d’une soirée estivale. Un public nombreux a poussé les portes d’une autre musique que celle de l’air du temps. Pari gagné, le spectacle a plu. Et Jacques Offenbach n’est pas mort. L’équipe artistique dirigée par Julie Dupardieu et Stephan Druet est percutante.
On est dans la taverne de maître Luther, cabaretier quelque part en Allemagne …luthérienne sans doute, à l’époque de l’histoire. On y rencontre le poète, éponyme de celui des contes ( Ernst Theodor Amadeus Hoffmann), source d’inspiration des librettistes d'Offenbach. Hoffmann, flanqué de son fidèle Nicklausse - qui n'est autre que la Muse de la Poésie travestie en étudiant - raconte ses trois vies. Ses trois rencontres illusoires de femmes aux noms italiens qui font rêver. Olympia, poupée mécanique, Antonia, jeune fille maladive et Giulietta, la courtisane. Ses trois désenchantements: leurs fantastiques trahisons, volontaires ou non, deviennent de plus en plus infernales. Le mal est partout: le Diable en personne et sa voix extraordinaire de baryton sous les traits du conseiller Lindorf, de Coppélius,du docteur Miracle, et du capitaine Dapertutto qui prétendent que la femme est bien pire que le diable.
Victime du mythe des amours contrariées puis de la Machine Infernale, voilà le poète échoué à la case départ. Une autre femme l’attend. Stella, prima donna. Réalité et Idéal. La femme au miroir qui lui rendra son âme ? Hoffmann, homme de désespoir la rejette avec colère. Puis plutôt que de retrouver l’appel vibrant de sa muse, le ténor envoûté et envoûtant la renie aussi et sombre corps âme et plume dans le désespoir, le délire de cette taverne Tango-Vino qui l’emprisonne à jamais. Hotel California des temps anciens. On ne peut s’empêcher d’y penser.
Par sa mise en scène, Julie Depardieu dépoussière cet opéra qui a fait la gloire du Paris fin de siècle. La taverne s’accroche au parvis d’un château lissé par la verdure, flanqué de quatre tours majestueuses, glorieusement belge puisqu’il appartenait avant à la famille Solvay. Une foule de danseurs va et vient et s’évapore. Sweet Summer Sweat. Une chorégraphie que l’on sent millimétrée malgré son apparente liberté de mouvements. Un tapis roulant pour les amours qui se croisent mais ne se rencontrent pas et pour les gondoliers de Venise où l’antique Charron mène sa barque invisible. Des airs connus chantés par les gorges de nos grands-mères d’après-guerre nous frissonnent les oreilles et sont portés par le vent aux confins du domaine et du cœur pour faire le nid de notre plaisir musical. Les costumes des solistes sont dignes du festival de Venise. Ceux des danseurs figurants flirtent avec un 21e siècle gothisant. Les voix aux accents mélangés étonnent enchantent et divertissent. La belle Antonia est d'un romantisme déchirant. Le spectacle ne manque pas d’inventivité ni de souffle. Veut-il étourdir ? Mais la satire est présente car pour Nicklausse, c’est une Fin de partie. Veritas in Vino-Tango…pauvre nouveau siècle déjà désabusé.
Difficile de résister au plaisir de resaluer toute l’équipe de la première nocturne du Château de la Hulpe et de lui souhaiter un bel avenir:
EQUIPE ARTISTIQUE
Mise en scène
Julie Depardieu et Stéphan Druet
Direction musicale
Yannis Pouspourikas
Orchestre
Nuove Musiche
Chef des chœurs
Matteo Pirolà
Costumes et décors
Franck Sorbier et Guy-Claude François
Conception lumières
Philippe Lacombe
Chorégraphie et assistance à la mise en scène
Sophie Tellier
DISTRIBUTION
Hoffmann
Mickael Spadaccini
Les Diables
Nabil Suliman
La Muse, Nicklausse et la voix d’outre-tombe
Camille Merckx
Olympia
Anna Pardo Canedo
Antonia
Sabine Conzen
Giulietta
Lies Vandewege
Spalanzani
Axel Everaert
Luther, Crespel & Schlemil
Thierry Vallier
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