Voici un poème de saison avec quelque chose de plus
Novembre
Je hais l’automne.
Les parcs sont tristes comme des veufs au premier jour de deuil ;
Des bancs délaissés suinte une mélancolie humide
Et les arbres, bras dressés au ciel,
Ressemblent à des mauvais acteurs de tragédie.
Je hais l’automne.
Dans le vent souffle un trompettiste pris de démence ;
Il crache sa fureur sur la face des miséreux
Transis dans les encoignures en compagnie des feuilles maculées
Qui craquent comme des os de moineau dans la gueule d’un chat.
Je hais l’automne.
La pluie fait sur les vitres un bruit infernal de marteau
Cognant l’enclume, elle suspend des rideaux liquides
Que les voitures traversent avec des yeux jaunes de créatures
Extra-terrestres, résolues aux provocations irrémédiables.
Je hais l’automne.
C’est alors que mon chagrin me serre dans sa poigne,
Qu’il fait saigner toutes les plaies que le temps a léchées.
Je sais vieux frère,
Que nous sommes l’un à l’autre sans qu’un contrat nous lie.
Je suis la racine, tu es la fleur,
Je suis le violon, tu en es l’archet
Et de ma chair la fibre la plus coriace.
La source miraculeuse où j’allais ranimer ma joie
Quand les coups l’avaient pâlie,
Ma source miraculeuse a disparu dans la débâcle de mon Eden.
Je sais, vieux frère
Qu’il nous reste encore beaucoup de jours à soutenir,
Des jours de voilier sur la haute mer
Et de trappe sous un tapis de pâquerettes,
Des jours de perles jetées aux cochons
Et d’ascension boiteuse sur un air de lampion,
Des jours de Hop là ! Nous vivons !
Et de sauve-qui-peut dans l’incendie du cœur.
Jusqu’au jour où…
Craquera le fil qui nous suspendait
Au-dessus du volcan.
Barbara Y. Flamand
Commentaires
C'est là un automne au goût d'hiver.
Presque un prélude funèbre...bien sûr, l'automne est une saison complexe, parce qu'elle chante une mort annoncée, parfois sous les traits du soleil !
Un texte magnifique !
François.
Novembre est aussi parfois un mois où la nature prend des couleurs féériques. C'est aussi un de ces mois où l'on vit le mieux la lutte contre les éléments, qui donne une autre contact avec la nature.