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Monsieur le Préfet

Après la lecture d'un roman, ma foi fort bien écrit et digne d'intérêt pour le lecteur à la mémoire sélective que je me complais d'être, je relevais au gré des pages le court chapitre que je vous recopie ci-dessous. Il m'entraîna vers une obligatoire comparaison de deux époques : celle de ce roman que je viens de lire, et qui se déroule au tout début du XXe siècle, et la nôtre que nous subissons un siècle plus tard, en cet an de mauvaise grâce 2017 ; an 2017, sous le règne de l'Europe des techno/burocrates, mais aussi de la planète terre dans sa globalité, au devenir non pas d'incertitude nous n'en sommes plus là, mais d'auto-destruction.

D'aucuns diront qu'il faut rester dans une attitude positive et faire confiance à l'humain. Mais à titre strictement personnel, je ne vois et n'entends dans les journaux, ou dans la boite à images et à mensonges appelée T.V, que des guerres, des violences, des arnaqueurs, des voyous et des tricheurs. Des punissables impunis, des condamnés en liberté et des victimes insatisfaites. Je me dis que pour remettre un peu d'ordre dans ce marigot glauque que devient la planète bleue, il nous faudrait la venue d'un nouveau prophète qui stériliserait l'humanité pour le siècle à venir.

Voici donc une partie du roman qui se déroule en l'an 1910 :

.../...

Monsieur le Préfet se leva et tendit la main à l'aubergiste. « Chère madame, je n'oublierai jamais ce déjeuner et je comprends à présent que l'on ait désigné la vigne comme l’arbre de vie par excellence. »

  • Oui monsieur le Préfet, dans nos petites communes nous avons une tradition de viticulteurs certes, mais aussi de bouilleurs de cru, et nous avons toujours eu à cœur de ne pas laisser perdre les énormes quantités de fruits récoltés en automne comme les pommes ou les poires, mais aussi les cerises et les prunes au printemps.

Le préfet reboutonna sa veste, et ajusta sa cravate en se dirigeant vers la porte. Déjà le chauffeur qui avait mangé seul à une table au fond de la petite salle se précipitait pour ouvrir la portière.

En ce début d'après-midi, le village bruissait de tous les métiers qui le faisaient vivre depuis des temps immémoriaux. Le tonnelier tapait sur ses douves, on entendait le bruit sec du hachoir du boucher dans son arrière-boutique, des éclats de voix provenaient du fournil de la boulangerie dont la porte était restée ouverte et, plus loin, le forgeron, habillé de son tablier de cuir, confectionnait une volute de fer chauffée au rouge, qui serait assemblée sur une rampe d'escalier destinée à la maison du meunier. Dans la cour de l'école, à quelques centaines de mètres de la mairie, des enfants jouaient à la marelle, en riant et en dansant joyeusement. Et au-dessus de cette vie dense et joyeuse, quelques oiseaux, blottis dans un des très vieux tilleul de la place datant de quelques dizaines d'années après la Révolution, pépiaient comme pris de timidité.

Puis un siècle passa, et l'arrière petit fils de l'écrivain revint dans le même village et décrivit la même scène.

.../...

AN 2017.

Monsieur le Préfet se leva et regarda discrètement le patron du food-truck installé sur la place vide. N'ayant pas eu le temps ni le courage de chercher un restaurant dans cette campagne paumée, une pizza très certainement congelée avait fait l'affaire.

- Merci cher monsieur, ce fut frugal, mais correct. Par contre vous devriez proposer quelques bouteilles de vins, j'avoue qu'un verre de rosé bien frais m'aurait fait plaisir !

Le garde du corps se dirigea vers la voiture, jetant des regards suspicieux sur cette foutue place vidée de sa substance, mais soucieux et aux aguets, intrigué par tous ces volets fermés pouvant cacher l'intrus, l'indésirable. Le patron du food-truck interpella l'homme public et lui dit :

- Vos lois m'interdisent de vendre du vin, que voulez-vous, je ne fais qu'obéir à la législation. Et oui, Monsieur le Préfet, dans nos petites communes, nous avions une tradition de viticulteurs certes, mais aussi de bouilleurs de cru et nous avions toujours eu à cœur de ne pas laisser perdre les énormes quantités de fruits récoltés en automne comme les pommes ou les poires, mais aussi les cerises et les prunes au printemps. De nos jours, tout le monde s'en fout ; les campagnes sont désertées de toutes vies et tous les fruits restent pourrir par terre à cause des hommes politiques et autres biens-pensants comme vous. Vous êtes assis derrière vos bureaux, vous créez des lois et instaurez des interdits sans connaître la vie du peuple qui fait vivre et respirer notre nation jadis belle et prospère. Nos traditions se meurent, nos savoirs-faire disparaissent car non transmis, et notre civilisation s'effondrera d'elle-même comme fond le beurre au soleil !

Le garde du corps claqua la portière et contourna le véhicule en jetant un regard noir sur le patron du food-truck, ravi de sa sortie.

En ce début d'après-midi le village était d'un silence inquiétant, plus de tonneliers, puisque plus de bouilleurs de cru, plus de boucher puisque la mode était aux Végans et aux cinq fruits et légumes par jour ! Des fruits bien calibrés, bien traités aux insecticides et peints à la cire pour bien briller. Les deux petites rivières traversant la commune, autrefois riches en truites, en vairons et autres goujons, ne charriaient plus rien sauf quelques écrevisses américaines qui avaient fini de détruire ce que le glyphosate des laboratoires chimiques n'avait pas empoisonné. Le fournil du boulanger était éteint depuis de longues années déjà, et la camionnette de la boulange du village d'à côté ne passait plus qu'une fois par semaine. Encore fallait-il se déplacer pour aller chercher son pain pour la semaine, car elle stationnait pendant 15 minutes sous le plus vieux tilleul et reprenait son chemin. Le forgeron ! n'en parlons même pas...... Tous les balcons se vendaient désormais dans la grande surface en zone sud de la grande ville située à 35 bornes. Et ce n'était plus le forgeron qui adaptait les mesures à la construction, car tout était normalisé, tout était identique et adaptable partout.

Reste l'école : depuis belle lurette elle avait été transformée en gîtes et s'ouvrait deux ou trois mois par an, pour quelques touristes de passage désireux de respirer l'odeur de la campagne, enfin ce qu'il en restait puisque la moitié des terrains étaient en jachère et broutés par quelques brebis égarées. Les autres étant réservés à la culture du maïs pour le fermier de la Rue Haute qui nourrissait quelques dizaines de vaches sans corne avec l’ensilage de ses cultures chimiquement traitées. Un drone passa à quelques centaines de mètres ; sans doute pour relever les points GPS nécessaires au repérage des voies, à moins que ce ne soit un appareil des services fiscaux repérant les agrandissements non déclarés comme par exemple une terrasse couverte, ou un abri de jardin de plus de 9 m2

Une feuille tomba en spirales du tilleul derrière la chariotte en tôle du sous-préfet qui s'éloignait doucement. Une feuille morte qui remplace un corbillard, pensa le patron du camion-bouffe. Une voiture arriva de la route des Combrailles ; certainement des usagers de l'autoroute qui avaient pris ce chemin pour pisser tranquillement sur les rares fleurs sauvages existant encore. Le véhicule se rapprocha doucement du food-truck et pour narguer le type qui vendait sa mal-bouffe, un passager jeta par la fenêtre un sac en papier contenant quelques frites, des gobelets et des boites en polystyrène achetés au drive de la station de l'autoroute.

  • Pauvres cons ! cria le « chef ».

Il avait raison ! Les « marchent debout » méritant de porter ce qualificatif sont légions. Les occupants de la voiture certes, mais aussi lui même ce brave chauffeur de saucisses et de steack congelé..... Mais ne nous oublions pas dans cette catégorie : nous, qui avons laissé faire, qui avons laissé perdre, laissé détruire nos richesses, nos savoirs-faire, notre patrimoine dilapidé aux plus offrants ; qu'ils soient : Russe, Asiatiques ou des pays ensablés et riches de leur or noir. Nous, qui avons fait confiance aux hommes politiques de tous bords à de rares exceptions près, aux industriels et aux soi-disant progrès qui en définitive nous ont conduit tout droit vers notre propre perte.

Mais chut.... Il ne faut rien dire..... Taisons nos états d'âmes.... Le CAC 40 serait en danger potentiel, ce genre de propos est inaceptable dans une société vouée à la stérilisation des idées et à l'obsolescence programmée des objets et des humains qui la composent.

Pour des fêtes de fin d'année, on peut faire plus gai ! Mais ce serait se mettre la tête dans le sable, emberlificotés dans des images subbliminales très généreusement distribuées par les médias et les dirigeants planétaires.

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Commentaires

  • Merci Robert Paul et bonnes fêtes de fin d'année à toutes et à tous. Que l'Amour soit Roi pour les siècles à venir, et que les fâcheux se taisent. G.B.

  • Notons quand même que dans ce grandiose foutoir les écrits, les réflexions,les oeuvres', réflexions et faits et gestes des membres d'un certain réseau dénommé arts et lettres, nous dispensent une très précieuse consolation

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