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Miya

Café noir en main, assise dans son canapé, Miya se réapproprie cet endroit qui lui était si familier. Depuis son retour, tout a pris une autre dimension et son esprit n’arrête pas de refaire le script de cette aventure ratée et de la journée de départ.

Sa rencontre avec cet étudiant a changé sa vie. Elle est tombée amoureuse de lui éperdument et a voulu le suivre dans son pays. Aujourd’hui, elle se retrouve démunie d’une part de son existence qu’elle a laissée là-bas,  incompréhension, tristes souvenirs, pleurs et larmes.

Tout a été tellement vite. Partie, après les études, avec ce garçon qu’elle avait rencontré et épousé, la vie devait être merveilleuse.  Les préparatifs du mariage et du départ ont pris tout son temps et rempli son cœur d’images merveilleuses, idylliques. Ses parents hébétés ne comprenaient pas. La jeunesse rend les choses faciles et belles. Elle dissimule les ombres celées. Miya sait qu’elle part loin de sa famille et dans un pays qui n’a  pas la même culture mais l’amour rend téméraire, aveugle parfois. Et puis, elle ne part pas seule mais avec ce gentil garçon un peu plus âgé et qui peut la défendre contre le monde. Il l’aime.

Sa famille l’a mise en garde, lui a présenté ses craintes, les déboires qu’elle rencontrera sans que Miya ne les écoute.  Son désir est de partir avec ce beau jeune homme aux cheveux noirs et  de réussir sa vie avec lui dans ce pays lointain.

Après avoir descendu en voiture toutes les régions qui les séparent de ce continent, l’arrivée est fêtée comme il se doit. La famille de son mari les accueille avec beaucoup de gentillesse, d’étonnement et de réticence. Les parents attendaient le retour d’un fils diplômé, pas celui d’un jeune marié sans leur consentement.

L’installation du couple se fait dans la belle famille et l’intimité n’est pas de mise dans les quelques pièces qui servent de demeure. Miya est forcée d’accepter beaucoup de contrariétés, de déconvenues. En quelques jours, le beau rêve s’étiole déjà  de contraintes insensées et reste la vie difficile d’une personne qui n’a pas été préparée à cette aventure loin des siens.  Les rares moments qu’elle passe avec son mari sont consacrés à revendiquer ça et encore cela.  Au bout de quelques semaines, elle le trouve lointain comme s’il ne comprenait plus ce qu’elle dit. Ses beaux yeux noirs sont maintenant éteints à ses suppliques et la regardent incrédules.

Un matin, sans prévenir,  il part faire son devoir à l’armée.

 Seule, elle s’accroche désespérément à cette vie qu’elle veut avec lui et comprend très vite que sa place n’est pas ici. Elle décide de partir en ville, trouve une chambre et s’y installe comme une paria. Le propriétaire ne voyant pas d’un bon œil l’installation d’une femme seule dans cette pièce. Une fois établie, les larmes envahissent son visage et elle reste des heures à pleurer sans consolation. Son cœur, malmené, espère encore.

Cette fois, d’autres problèmes font face et Miya doit trouver un travail rapidement pour subvenir à ses besoins. Son époux, fâché, ne veut pas l’aider. Sa place est dans la famille pas en ville. Miya trouve un petit travail qui lui permet de survivre. 

Afin d’apaiser les foudres de son époux, elle reprend plusieurs fois le chemin de la maison familiale. L’accueil, froid, glacial, n’arrange rien. Sa vie d’européenne est rejetée et sa place d’épouse se cantonne à la cuisine.

Après un jour ou deux, Miya retourne  en ville avec la ferme intention de ne plus jamais mettre les pieds dans cette maison.  Quelques mois plus tard, son époux consent enfin que Miya habite dans cette chambre faite de tristesse, de misère et à sa première permission, il vient la rejoindre.

Pour Miya, l’espoir reprend une place de choix dans sa vie future, ce sont les plus beaux jours de sa vie. Au petit jour, ils partent se promener, enlacés, au bord de l’eau et font de grandes promenades les yeux dans les yeux. Le décor est séduisant. Les projets reviennent et se projettent devant eux avec simplicité. Oui, tout est possible. Ils vont enfin vivre leur vie ensemble.

Dés le service militaire terminé, il travaillera et prendra un appartement plus spacieux. Elle cherchera un autre boulot et la vie commencera, rêvée. Ces quelques jours sont exceptionnels et un matin il part rejoindre son bataillon.

Les mois passent et arrive le jour où son époux est démobilisé et rentre chez lui. Pas chez elle, il se réinstalle dans la maison familiale et lui enjoint de venir le rejoindre. Miya ne comprend pas son attitude. Elle est stupéfaite d’apprendre que son mari exige son retour dans cette demeure.

Elle refuse et reste esseulée dans sa pièce en ville. Elle décide de rentrer chez elle en Europe.

 Son mari, plus convaincant qu’à l’habitude lui promet que dés qu’il a du travail, il prend un appartement avec elle. Mais que pour l’instant, il ne peut la laisser seule en ville. Miya abdique et suit son mari.  Elle se réinstalle chez ses beaux-parents et se sent prisonnière pour la première fois. Sans sa chambre en ville, son petit travail, elle  perd son peu d’indépendance et sa fierté.

Son mari trouve vite du travail dans une autre région. Son diplôme très apprécié lui procure un bon job et il s’installe seul…laissant Miya chez ses parents. Elle l’appelle, exige des explications, demande à ce qu’il rentre pour lui parler. Il lui répond qu’il n’a plus confiance en elle et qu’elle doit rester chez ses parents pour ne pas faire de bêtises.

Miya est sidérée de cette réponse et reste clouée sur place. Ce mari qui, depuis son mariage la fait patienter, attendre des jours meilleurs n’a pour toute répartie à ses demandes que cette réponse inconcevable.  Cette fois, c’en est trop, elle partira. Elle y mettra le temps mais elle partira.

Miya trouve dans le village une dame qui veut bien l’aider. Celle-ci a un neveu en ville qu’elle voit régulièrement et qui accepte de recevoir le courrier de Miya.  Miya écrit à ses parents sa déconvenue, raconte ses désillusions. De lettre en lettre, elle réussit à réunir la somme nécessaire pour prendre un billet d’avion. Les parents de Miya lui envoient un nouveau passeport pour remplacer celui que son mari lui a pris.

Le jour dit, le neveu de sa voisine vient la chercher discrètement. Elle embarque à l’aéroport et rentre chez elle. Son retour est néanmoins la preuve d’un grand échec. Assisse sur son canapé, une tasse de café en main, les souvenirs de ce bel amour sont toujours présents.  Elle voulait qu’il comprenne et accepte de changer, d’exister comme ils vivaient ensembles en Europe. Les cicatrices seront longues à disparaître. L’amour ne résout pas tout.

Il est venu la chercher plusieurs fois sans succès. Miya n’est jamais repartie avec lui.

 

 

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Commentaires

  • Bonjour Gilbert,

    La différence entre les cultures est aussi grande que la distance de la terre à la lune. L’amour casse beaucoup de barrières mais laisse les bases encrées dans les esprits et dans les cœurs. Notre tolérance est parfois mal interprétée. Notre culture s’adapte aux mœurs et heurte les autres. Notre évolution s’accélère en bien ou en mal ?  

    Amitiés

    Josette

  • Bonjour Rolande.

    La jeunesse a tous les droits, aimer, se tromper, s’illusionner, recommencer. S’aventurer dans le monde au risque de comprendre qu’il n’est pas toujours aussi facile qu’il paraît.

    Merci de ton commentaire Rolande

    bonne journée Josette

  • Bonsoir Gilbert,

    J'allais fermer l'engin .... et me retrouve ici !

    Il est vrai que nous ne sommes pas des robots .... heureusement.

    D'accord pour le discernement. Les jeunes ne doivent-ils pas passer par moultes expériences avant d'atteindre cet état de grâce? Nous aussi avons fait de douces folies et certaines se sont soldée par des échecs. Même si le maximum de garanties semblait acquis.

    Car la vie, elle aussi, se charge parfois de nous envoyer de sombres gifles et ce n'est pas toujours faciles à accepter. Colères et révoltes font partie du parcours.

    Nous ne sommes pas non plus des saints. Des situations imprévisibles peuvent déstabiliser nos certitudes.

    Hier justement, un film pas mal à ce propos : "La femme interdite". Belle coïncidence !! Un voyage initiatique dans les émirats. ....et  inondations d'Ittre !! déstabilisantes pour beaucoup. Fort heureusement,  la solidarité entre les habitants semble assez exemplaire.

    Bonne soirée et amitié. Rolande. Ah Josette ! tes écrits sont des incitants à la réflexion. .... Bravo

  • Bonjour Josette,
    Les avertissements sont inutiles quand il s'agit d'amour. Mais vous avez raison d'évoquer le sujet, cela peut sauver quelques vagabondages conduisant aux malheurs des princes et princesses et de leurs fruits innocents. Vous dites bien " sa vie d 'européenne est rejetée ". Voilà un thème à méditer. Affaire de culture avant tout. C'est valable pour les gens du village, de la même entreprise, de la même école qui s'épousent entre-eux croyant faire une bonne affaire pour l'avenir. Rolande sera d'accord il faut agir avec discernement même si parfois ce discernement est quelque peu écorné par le sentiment. Nous ne sommes pas des robots
    Bel été,
    gilbert

  • Bonjour Yvette,
    Merci pour ton commentaire. Rien n'est jamais simple en amour et quand on y greffe un tas d'autres contraintes, c'est parfois mortel.
    Amitiés
    Josette
  • Une fois les paillettes de l'amour envolées, la triste réalité d'une rencontre de deux cultures... 

    Ce n'est pas simple... Ecrit avec beaucoup de simplicité et de sincérité. J'aime beaucoup.

    Mes amitiés Josette

  • Bonsoir Rolande. ne retenons que les réussites...les beaux couples mixtes qui durent et qui ont de magnifiques enfants. Je pense qu'il n'y a pas de recette pour réussir ce genre d'union mais beaucoup de chance tout au long du parcours. On pourrait croire qu'à notre époque, les esprits sont plus libres mais ce n'est pas le cas. Beaucoup cherchent les misères à ces couples.

    Bonne soirée

    Josette

  • En effet Marie-Jo. merci pour ton commentaire

    Amitiés

    Josette

  • Brr. En voilà une histoire qui donne froid dans le dos. .... J'ose espérer quand même qu'elles ne finissent pas toutes de la même façon !

    J'en ai connu également de ces mariages dits mixtes. Avec des conséquences mixtes elles aussi.

    Il est préférable que, comme dans ton histoire, Chère Josette, tout tourne court assez vite. Le plus terrible c'est lorsque, au départ, tout se passe au mieux , eh oui, cela arrive, que les années passent plus ou moins paisibles, que les enfants naissent. Et puis, patatras, une femme plus jeune est installée au foyer et la "vieille" est chassée sans rien d'autre que ses yeux pour pleurer. Il ne lui reste plus qu'à revenir au pays avec les enfants qui veulent bien la suivre.

    Accepter un travail sous payé pour survivre vaille que vaille avec des regrets pleins la tête.

    Fort heureusement, il y a aussi des réussites et Olivier nous en donne une preuve vécue. Car, c'est vrai, le mélange des cultures est une réelle richesse et les enfants sont souvent magnifiques. Je suis bien placée pour en parler tout en conservant là, tout au fond du cœur une crainte, une fêlure, un questionnement et je prie pour que l'expérience se termine en apothéose. Sans doute, ne serai-je plus là pour en voir les fruits mais j'ose espérer envers et contre tout.

    Ici aussi de tels drames peuvent se produire et entre gens dits "de bonne compagnie" car, sous toutes les latitudes, le rôle des belles familles vire parfois au pugilat. A croire que le bonheur et l'épanouissement engendrent trop souvent, hélas, jalousie et envie avec le seul désir de détruire. Une seule issue ..... la fuite, le plus loin possible. Quand c'est possible évidemment.

    Bonne réussite à tous les jeunes couples qui osent se lancer dans cette belle aventure.

    Merci à Josette pour ce texte propice à la réflexion ..... comme souvent.

  • tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse ...

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