Il s'agit d'un roman d'Honoré de Balzac (1799-1850), publié à Paris chez Boulé en 1837, avant d'entrer dans la Comédie humaine (tome X, 2e vol. des «Scènes de la vie parisienne», chez Furne, Dubochet et Hetzel, en 1844).
Parodiant le titre de Montesquieu (Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence), Balzac transfigure un parfumeur assez bête et médiocre, frère de François, cette autre victime (voir le Curé de Tours), en un personnage épique. Héros en tout point digne des Études philosophiques, César meurt, tué par la volonté et l'énergie d'une idée fixe, la probité. Telle est la vraie dimension d'un roman par ailleurs consacré à la peinture du milieu des boutiquiers parisiens, déjà évoqué dans la Maison du Chat-qui-pelote.
En 1818, le parfumeur César Birotteau, alors à son apogée, décide de donner un bal pour fêter sa Légion d'honneur et la libération du pays. Légitimiste, adjoint au maire du 2e arrondissement de Paris, il est parvenu à cette position par le travail et l'honnêteté. Entré comme commis chez Ragon, il a pu, grâce au soutien de celui-ci, prendre à son compte son affaire, épouser Constance-Barbe Pillerault, qui lui sera fidèle et dévouée, et prospérer. Saisi par la folie des grandeurs, il veut, contre l'avis de Constance, se lancer dans le grand commerce et embellir son magasin. Le notaire Roguin lui propose une spéculation immobilière dont l'instigateur est Du Tillet, un ancien commis des Birotteau, qui leur avait jadis volé de l'argent. Dernier feu de la prospérité, le bal est un succès.
Endetté pour l'achat des terrains, harcelé par les créanciers, César est anéanti par la fuite de Roguin. Après avoir fait appel en vain aux banquiers Keller, prévenus par Du Tillet plus que jamais acharné à le ruiner, il doit se déclarer en faillite en 1819. Il prend alors un emploi dans un bureau, Constance se place comme caissière et Césarine, leur fille, comme vendeuse. Le jour même de la faillite, Anselme Popinot, un autre ancien commis, qui a pu monter sa propre affaire grâce à Birotteau, demande la main de Césarine, et accepte de ne l'épouser qu'après le règlement de toutes les dettes. En trois ans de labeur acharné, Birotteau est réhabilité: il peut mourir après ce dernier «triomphe de César».
«C'est la probité venue sur terre, cet homme-là»: ainsi Constance la bien nommée définit-elle son mari. Si Balzac a lui-même connu les affres de la dette, si de nombreux modèles réels se trouvent à l'origine du roman, Birotteau est avant tout un type dont l'écrivain fixe les traits. Encore faut-il relativiser cette honnêteté proverbiale: il fait fortune avec des produits à l'efficacité douteuse et dupe sa clientèle; de plus, il se lance dans la spéculation, au grand dam de sa femme («Votre affaire me fait l'effet d'un vol»). Épris de considération, César échoue cependant par naïveté et surtout par bonté, ce qui le condamne face à des Du Tillet ou des Roguin, figures traditionnelles de l'arrivisme sans scrupule. Profondément religieux, il doit sa réhabilitation à la Providence et à la protection royale. Plus qu'une leçon édifiante, le roman propose en fait un amer constat: l'argent est désormais roi. Césarine le comprend bien, qui épouse le laid mais habile Popinot. Son mariage est avant tout un marché.
Le roman vaut aussi pour son intérêt documentaire. Commerce, débuts de la publicité par prospectus, modalités d'une spéculation sur les terrains de la Madeleine, arcanes de la loi: circuits de l'argent et cheminements du droit dans ces années de la Restauration se trouvent détaillés, minutieusement et techniquement analysés, décrivant ainsi les voies de la fortune ou de l'infortune. Le rôle de la banque, ici dénoncée pour son inadaptation à la modernité économique, complète celui qu'elle joue dans la Maison Nucingen, présentée par Balzac comme une «histoire jumelle» (Préface).