Christian
Rolet
Jusqu'au 25 mars (de 13 à 18h; fermé lundi à mercredi)
à la Galerie 2016
Rue des Pierres, 16
1000 Bruxelles - Belgique
Téléphone :
02-502.81.16
Peinture récentes de l' artiste,
30 nouvelles œuvres petits et grands formats
Plasticien, professeur de recherches picturales et tridimensionnelles à l'Académie des Beaux-Arts de Tournai, Hainaut, Belgique.
Christian Rolet affectionne les matières. Il ne se contente pas d'apposer de l'huile ou de l'acrylique sur une toile. Il lui faut diluer le produit, le combiner avec de la cire ou du sable, mettre en continuité le lisse et le râpeux, le translucide et l'opaque. Conséquence, sa peinture est à la fois d'évidence et de mystère, limpide et complexe. L'aléatoire se conjugue avec le voulu.
La forme identifiable avec l'évanescence abstraite.
De là sans doute la fascination irradiée par la majorité de cette production.
La thématique se rapproche de la pratique picturale. Elle met en présences féminin et masculin, femme et homme.
Tous deux sont, à l'instar de la réalité, opposés et complémentaires, hostiles et aimantés.
Le travail de l'artiste consiste par conséquent à traduire les antagonismes et les fusions, respectant les individualités tout en expriment le couple. Ses compositions se nimbent de lumière intérieure, se parent d'épaisseurs affirmées ou rongées. L'uni se voit investi de failles, d'anfractuosités.
L'œil s'accroche d'abord à ce qu'il croit reconnaître: un muscle cardiaque, une cellule, un utérus, un pénis, des lèvres, un long gant noir, une cuiller. L'esprit se réfère aux mots de certains titres:
La plaie absente, Le désir et la forme, Le mariage forcé, L'attirance, Le souffle. Voire La fente indéchiffrable.
Ceci n'est qu'un appât avant que le visiteur puisse se livrer au plaisir de l'alchimie picturale qui s'offre à lui.
Il ne lui reste seulement à s'abandonner à ses perceptions. Le rouge, bien sûr, décliné dans ses gammes de bruns et d'orangés; mais aussi des verts, des ocres, des bleus, des gris palpitants de nuances.
Ensuite, il convient d'arpenter la surface des tableaux. Ils sont cadastrés, mettant en rapport des territoires délimités, inscrivant des séparations, assurant des réunions. Ils recèlent des pans opaques derrière lesquels se déroulent des actes cachés ou manqués; ils s'ouvrent sur des baies baignées de clarté éblouissante. Ils accumulent les signes.
Ils laissent deviner des passages, traces ténues comme celles des étoiles filantes.
Pour les papiers le support n' est pas n'importe lequel. C'est un papier dont la texture a du corps et dont le format est constant. Ce qui permet de jouer sur la capacité d'absorption du medium. Cela contraint à des agencements précis selon que le peintre désire un travail de modeste grandeur ou une oeuvre imposante: chaque feuille est alors accolée à une ou plusieurs autres, de deux jusqu'à la cinquantaine.
Ces juxtapositions de pages engendrent une impression particulière. Comme si le passé se reliait au présent. En effet, rien de plus ancien que le papier et, par ailleurs, quoi de plus récent en art que les montages vidéo: or, les agglomérats de folios, de par leur identique surface rectangulaire, rappellent la forme des écrans de télé superposés utilisés dans certaines installations.
Et le spectateur est convié à y regarder des images. Elles sont quelquefois décodables immédiatement dès qu'elles affichent une ressemblance avec des éléments connus, par exemple, la célèbre bougie d'Amnesty International. Elles sont, le plus souvent, mystérieuses, cabalistiques, apparentées au domaine de l'occulte ou à celui d' une ethnographie inconnue.
Par moments s'identifient donc des éléments familiers. A d'autres se profilent des signes graphiques réduits à leur signifiant visuel. Quels qu'ils soient, il apparaît en tout cas qu'il est question d'un univers organique. Face à la plupart des figures proposées, comment ne pas songer à des cellules, à des organes, à des virus, à du cartilage.
Végétal, minéral et animal se conjuguent en une fluide concordance.
La perception est à relier avec les techniques utilisées. Huiles, encres, cire se mêlent à des pigments acryliques dont quelques-uns ont l'aspect de l'or ou d'autres métaux, à de la colle et à des vernis, à du sable de verre. Les couches successives de matières absorbent ou reflètent la lumière, la phagocytent ou l' irradient.
Cette alchimie savante, où l'aléatoire se joint à la volonté affirmée d' obtenir des effets diversifiés, mène à un raffinement tourmenté au sein duquel cohabitent des pulsions vitales, des fantasmes récurrents auxquels les titres des travaux donnent une dimension supplémentaire: La musique du désert, La ronde des insensés, Médium guérisseur ou Comme si la vie venait..
Chaque détail se comporte à la manière d' une trace, souvent enfouie, prête à sombrer dans l'oubli ou à émerger au contraire pour imposer sa présence. De même les petits objets s'avèrent insolites, fragments d'une civilisation onirique.
Une certaine quantité d'entre eux s'apparente également à l'organique.
Bien entendu, la matière palpable dans sa réalisation tridimensionnelle accentue nettement le choc émotionnel ressenti par ceux qui regardent. Certes, nous sommes loin des éléments anatomiques exposés dans le musée forain Spitzner, cher à Delvaux, mais il y a sans conteste une accointance avec la férocité affichée par le monde actuel. Des lambeaux de chair, des fragments d'organes impressionnent mais davantage par le côté allusif que par la référence scientifique à l'anatomie.
Michel Voiturier